M. Jean-Baptiste Lemoyne. L’hélicoptère ?

M. Alain Bertrand. C’en est un en cas d’urgence. Mais la première des solutions, c’est de lever le numerus clausus applicable aux médecins.

La deuxième, c’est la volonté de l’État – ma collègue Mme Génisson l’a décrite – et la volonté des collectivités territoriales, et ce qui a été réalisé depuis 2012 a été évoqué. Il faut aussi se méfier quand on parle de « maison de santé ». Une maison de santé, si ce sont des moellons, des murs, du béton, mais qu’il ne s’y trouve aucun médecin à l’intérieur, ne sert pas à grand-chose !

Aujourd'hui, il faut examiner une autre possibilité – c’est ce que nous propose le groupe de l’UDI-UC au travers de ce débat. Une autre solution est effectivement d’organiser un glissement sécurisé de tâches et de fonctions des médecins vers des personnels paramédicaux – infirmiers diplômés d’État, aides-soignantes, orthoptistes, aides médico-psychologiques, diététiciens, ergothérapeutes, kinésithérapeutes –, afin de dégager du temps médical. Certains ont également évoqué les pharmaciens, mais je ne pense pas que ces derniers soient des auxiliaires de santé, ils sont des docteurs. Pourquoi dégager du temps médical ? Parce que l’on dispose de peu de médecins. Et si l’on agit ainsi, dans nos hôpitaux et dans leur exercice libéral, nos médecins auront davantage de temps.

En ce sens, l’article 51 de la loi Hôpital de 2009 permet la mise en place, sur l’initiative des professionnels, à titre dérogatoire et expérimental, de transferts d’actes ou d’activités de soins. Les personnels paramédicaux engagés dans l’expérimentation sont formés par les médecins et rédigent un protocole qui doit être validé par l’ARS, puis par la Haute Autorité de santé.

En 2014, treize protocoles différents ont été mis en œuvre, dont cinq visant plusieurs régions, sur trois thématiques : la prise en charge de pathologies chroniques, l’échographie et les situations d’urgence.

Ces protocoles, dont l’élaboration est prévue par l’article 51 précité sont donc innovants, mais ils impliquent une procédure extrêmement lourde, ce qui explique les difficultés à généraliser l’expérimentation sur l’ensemble du territoire.

M. Alain Bertrand. Autre problème : si, dans la hiérarchie des normes, la loi est supérieure au règlement, nombre de décrets, comme celui de 2004 relatif aux infirmiers diplômés d’État, n’ont pas été « toilettés » pour intégrer la possibilité expérimentale et dérogatoire prévue dans la loi Hôpital.

En conséquence, les blocages persistent. Par exemple, les piqûres par injection sont réservées aux infirmiers diplômés d’État et interdites aux aides-soignantes, alors que celles-ci pourraient réaliser sans danger des injections sous-cutanées et intramusculaires.

Parallèlement, il existe des avancées dans les délégations de compétences.

Ainsi, dans certaines cliniques ou certains centres hospitaliers, des actes très techniques, comme les biopsies en cancérologie, sont réalisés par des infirmiers diplômés d’État. En imagerie, des actes d’échographie peuvent être accomplis par des manipulateurs radio dans un cadre très précis. Sur le terrain, les orthoptistes effectuent de nombreuses tâches réservées autrefois aux seuls ophtalmologistes.

Les possibilités de délégations aux personnels paramédicaux sont donc multiples. Malheureusement, les choses évoluent lentement. Il faut en moyenne quatre ans pour obtenir une expérimentation, ce qui décourage les professionnels.

Quels sont les outils de déblocage qui nous permettraient d’élargir cette expérimentation et ces pratiques pour donner plus de temps médical aux médecins, qu’ils soient libéraux ou hospitaliers ?

Il faut avant tout dépasser les visions « défensistes » et corporatistes de chacun des métiers.

On peut évoquer notamment deux pistes.

Une première piste consisterait à améliorer les procédures existantes prévues à l’article 51 de la loi Hôpital : accélération du délai d’approbation des protocoles, généralisation à l’ensemble du territoire de tout protocole validé par la Haute Autorité de santé, ou encore toilettage des décrets relatifs à chaque profession paramédicale.

Une seconde piste est la création de nouveaux métiers de la santé qui pourraient prendre en charge de façon pérenne des tâches dévolues autrefois aux médecins et encadrées strictement. Je pense notamment au droit de prescription pour le renouvellement ordinaire de certains traitements qui, là encore, permettrait d’alléger la tâche des médecins et de leur redonner du temps.

Quoi qu’il en soit, le domaine de la délégation ne peut être pensé que globalement, c’est-à-dire en organisant intelligemment une cascade de délégations. Ainsi, chaque fois qu’un médecin délègue par exemple à un infirmier diplômé d’État – il peut aussi donner délégation à un autre personnel paramédical –, il faut se poser la question de ce que l’infirmier diplômé d’État peut à son tour déléguer à l’aide-soignante et ainsi de suite.

En conclusion, il faut, d’abord, supprimer le numerus clausus,

M. Alain Bertrand. … maintenir l’intervention de l’État, des collectivités. Mais le développement des personnels paramédicaux et de leurs compétences est un outil actuellement sous-utilisé qui, mieux exploité, permettrait, sous réserve de ce que Mme la secrétaire d'État va nous indiquer, d’apporter partiellement des solutions à la désertification médicale.

Olivier Cigolotti, qui est un excellent défenseur de la ruralité, a parlé d’un « partage » des tâches. Les blocages sont essentiellement liés à des peurs inhérentes aux compétences, à des réflexes corporatistes et quelquefois à du mépris. Ce sont des professions particulières !

À la cascade de méfiance et de mépris, il faut substituer une cascade vertueuse de délégations confiantes et constructives. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et de l’UDI-UC. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour le groupe de l’UDI-UC.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux bien sûr féliciter Olivier Cigolotti, qui a proposé au groupe de l’UDI-UC, auquel j’ai l’honneur d’appartenir, l’organisation de ce débat, qui est particulièrement pertinent quand on sait combien est essentielle la question de la désertification médicale. Je regrette à cet égard que celle-ci soit si peu présente dans les débats qui se déroulent actuellement dans le cadre de la campagne présidentielle.

Ce débat a également le mérite de mettre en lumière les professions paramédicales, qui sont des acteurs essentiels de notre système de santé, notamment par rapport à cette problématique, mais pas seulement.

Je veux rappeler, dans le temps très bref qui m’est imparti, la situation tout à fait alarmante de la démographie médicale actuelle.

Bien que le nombre de médecins n’ait jamais été aussi élevé dans notre pays, la désertification médicale ne cesse de progresser, avec des disparités territoriales extrêmement importantes : alors que Paris compte huit médecins pour 1 000 habitants, le département de l’Eure, dont j’ai l’honneur d’être un élu, en compte deux pour 1 000 habitants.

Toutes spécialités confondues, quatre-vingt-six départements enregistrent une baisse de la densité médicale sur la période 2007-2016.

Le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un médecin n’a cessé d’augmenter depuis cinq ans ; aujourd’hui, deux Français sur trois renoncent à des soins à cause des délais d’attente, contre 59 % en 2012.

L’accès aux soins est à l’heure actuelle une préoccupation majeure de nos concitoyens, notamment dans les territoires ruraux. Toutes les analyses, toutes les études montrent que, avec le numérique, c’est la priorité principale de ces territoires.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est penchée sur cette question à la fin de l’année 2012, et elle a remis, au début de l’année 2013, un rapport, que j’ai cosigné avec notre ancien collègue Jean-Luc Fichet, intitulé Déserts médicaux : agir vraiment.

Dans ce document, nous avions souligné, parmi nos seize propositions, la nécessité de favoriser la coopération et la délégation entre les différentes professions de santé, de manière à alléger la tâche des médecins. Ce transfert de tâches permettrait de dégager du temps médical, afin que les médecins puissent se recentrer sur ce qui constitue le cœur de leur métier, le cœur de leur compétence.

Ainsi, les infirmiers pourraient se voir confier l’accomplissement de certains actes, tels que les vaccinations. Les pharmaciens pourraient, de leur côté, contribuer au suivi des patients atteints de maladies chroniques. Les orthoptistes et les opticiens pourraient accomplir certains des actes que les ophtalmologistes, qui ne sont plus en nombre suffisant, ne peuvent plus assurer en totalité. Je vous indique, pour ceux d’entre vous qui l’ignoreraient, mes chers collègues, que, aujourd'hui, le délai d’attente pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste varie de 60 à 111 jours en moyenne.

Pour mettre en œuvre ces transferts, il faut sortir d’une définition des professions de santé qui est établie sur des décrets de compétences rigides, en refondant les textes sur la base de la notion de missions, comme c’est déjà le cas dans un certain nombre de pays.

Les progrès technologiques en matière de santé devraient également faciliter l’émergence de nouveaux partages de compétences entre les professionnels de santé.

Le rôle des professions paramédicales est aussi essentiel dans le développement des maisons de santé qui se multiplient sur le territoire – même si elles ne disposent pas toujours de médecin –, les jeunes médecins manifestant en effet une préférence pour l’exercice regroupé dans le cadre des maisons et pôles de santé pluriprofessionnels.

Je veux également attirer votre attention sur le fait que la plupart des professions de santé sont aujourd'hui l’objet d’une régulation en matière d’installation. C’est vrai depuis longtemps des pharmaciens, des kinésithérapeutes, des sages-femmes, des orthophonistes. Je rappelle que ce dispositif a permis d’augmenter de 30 % le nombre de kinésithérapeutes dans les zones sous-dotées entre 2012 et 2013. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, un certain nombre de mes collègues et moi-même proposons d’étendre le conventionnement sélectif aux médecins, en fonction de la nature des zones d’installation. Selon ce mécanisme, un médecin, pour s’installer dans une zone surdotée, devrait soit remplacer un confrère déménageant sur un autre territoire ou partant à la retraite, soit renoncer au conventionnement. Il s’agit non pas de coercition, mais de régulation d’une liberté, une liberté qui doit être soumise à un principe encore plus important : l’intérêt général.

Les professions paramédicales ont montré la voie en matière de régulation d’installation. J’espère que nous saurons nous en inspirer pour faire face à la pénurie de médecins qui pose aujourd’hui de réels problèmes en termes d’accès aux soins et, au-delà, en termes d’égalité des territoires et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, ce débat soulève, une fois encore, la question essentielle des déserts médicaux qui concerne nombre de nos concitoyens des territoires ruraux pour qui l’accès aux soins de proximité reste difficile. Il nous invite également à réfléchir sur certaines solutions permettant de remédier à cette situation, tel le recours aux professions paramédicales.

Les déserts médicaux sont des zones géographiques sous-dotées en professionnels ou établissements de santé ; cette pénurie touche de plus en plus de territoires et s’étend à toutes les spécialités médicales.

Les zones rurales et hyper-rurales sont essentiellement concernées, mais les zones périurbaines, les petits bourgs éloignés des grands centres et certaines banlieues de grandes villes le sont aussi.

Ce phénomène doit plutôt s’évaluer à l’échelle d’un bassin de vie. Il touche en particulier les territoires où vivent les populations les plus fragiles, qui souffrent d’une désertification économique et du désengagement des services publics.

On peut ainsi trouver des déserts médicaux dans des départements – tel le Nord – qui s’inscrivent pourtant dans la moyenne nationale en matière d’accès à la santé. Dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, ou plus exactement Hauts-de-France, dont la densité médicale reste faible, ce sont, là encore, les territoires ruraux qui rencontrent de graves difficultés d’accès aux soins. Cette question est pourtant cruciale pour l’une des régions les plus peuplées de France et dont les indicateurs de santé, les plus bas à l’échelon national, demeurent inquiétants.

Cela dit, dans la lutte contre la désertification médicale, madame la secrétaire d’État, il convient de saluer l’engagement du Gouvernement qui s’est traduit, dès 2012, par la mise en œuvre du pacte territoire-santé, et qui a, par la suite, conforté et amplifié les résultats obtenus par un deuxième pacte en 2015.

La loi de modernisation de notre système de santé a donné par ailleurs une assise législative à ces contrats territoriaux.

La principale mesure – cela a été rappelé de nombreuses fois – concerne le développement des maisons et centres de santé pluriprofessionnels, dont le nombre a ainsi été multiplié par cinq depuis 2012, ce qui contribue à une réponse cohérente pour les professionnels de santé, bien sûr, mais aussi pour les usagers et pour les territoires fragiles.

Les études les plus récentes montrent que les trois quarts des maisons de santé permettent de rééquilibrer l’offre de soins dans ces territoires. Cependant, ces équipements restent encore bien trop coûteux pour la plupart des collectivités locales.

Les autres mesures principalement incitatives permettent d’encourager les médecins à s’installer dans les territoires sous-dotés, notamment le développement de formations plus adaptées et le soutien financier à l’installation dans les zones désertées.

Si ces mesures se développent, elles sont coûteuses et nécessiteront beaucoup de temps pour résorber l’énorme déficit existant.

De plus, de nombreux élus locaux sont aujourd’hui très inquiets, car leurs territoires, confrontés au vieillissement de la population, perdent de nombreux médecins, tendance à la baisse qui risque de s’accentuer dans les prochaines années. En effet, plus d’un médecin sur quatre a plus de 60 ans. Ce creux démographique est lié, bien entendu, au départ à la retraite de la génération du baby-boom. Les élus doivent souvent faire face aux difficultés du remplacement de ces médecins, qui, très fréquemment, font le choix de continuer à exercer faute de successeur.

Certes, la modulation du numerus clausus par région – ce point a été évoqué – permettra des améliorations, mais il n’est toutefois pas évident que ces nouveaux futurs médecins se dirigent naturellement vers les territoires qui en ont le plus besoin. Ils privilégient avant tout leur vie familiale et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, refusant d’accomplir d’aussi longues journées que leurs aînés. Et les femmes, qui représentent dorénavant plus de 60 % des jeunes diplômés, préfèrent des horaires fixes et l’accès à un certain nombre de services de proximité. Sur ce point, il est évident que les territoires ruraux souffrent d’un manque d’attractivité par rapport aux villes.

C’est pourquoi d’autres solutions sont souvent proposées, telles que le développement de la télémédecine qui ouvre la voie aux consultations, à la prise en charge et au prédiagnostic à distance.

La mise en place de cette pratique n’est pas encore très développée, malgré le lancement d’un programme d’expérimentations prévu pour quatre ans sur neuf territoires pilotes.

L’accès à la télémédecine pour les patients chroniques et pour les soins urgents est aussi un engagement du second pacte territoire-santé.

De plus, la loi a conforté ce soutien à la télémédecine en prévoyant des dispositions destinées à clarifier son exercice, comme le partage d’informations entre professionnels.

En clair, la télémédecine ouvre des perspectives intéressantes pour l’avenir, mais, là encore, cela prendra beaucoup de temps.

Par ailleurs, le transfert de certaines activités médicales vers les professionnels paramédicaux constitue l’une des solutions majeures, tout le monde l’a bien dit. Cette idée n’est pas nouvelle ; elle est déjà mise en pratique dans d’autres pays. Les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, par exemple, ont pu organiser le transfert de certaines missions médicales à des infirmières praticiennes.

En revanche, ce transfert est sûrement moins facile à mettre en œuvre en France, car les médecins peuvent considérer que la qualité des soins risque de baisser, ou encore parce que les patients manifestent un manque de confiance à cet égard.

Malgré les difficultés, le Gouvernement s’est engagé dans cette voie, permettant l’augmentation des missions pratiquées par les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les podologues, les opticiens, les sages-femmes, ainsi que la création d’un exercice en pratique avancée des auxiliaires médicaux.

Tous ces postes sont exigeants et les candidats à ces formations sont recrutés sur des critères toujours très sélectifs.

Pour aller plus loin, il faudrait peut-être non pas revoir globalement l’organisation de notre système, mais repenser certaines formations dans le secteur paramédical.

En conclusion, votre détermination, madame la secrétaire d’État, à endiguer le phénomène des déserts médicaux ne fait aucun doute, mais la plupart des mesures ne pourront résoudre à elles seules, en l’état actuel, le problème qui est bien plus étendu. Il convient notamment de privilégier, au-delà de la coopération interprofessionnelle que d’aucuns ont soulignée, une réflexion interprofessionnelle avec le ministère sur la démographie des acteurs de la santé.

L’accès aux soins de la population ne peut se réduire ni à la densité de l’offre médicale ni au rôle des professions médicales et paramédicales ; les facteurs économiques, sociaux et culturels y jouent une large part.

Les pouvoirs publics, bien entendu, doivent accorder une attention bienveillante au rééquilibrage de l’offre médicale, mais on ne remédiera pas complètement au problème des déserts médicaux sans résoudre, d’abord, celui des déserts économiques et sociaux qui en sont la principale cause. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE et de l'UDI-UC. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, chacun sait que le phénomène des déserts médicaux s’intensifie dans bon nombre de territoires ruraux et de montagne en France et s’étend également au sein des agglomérations.

De plus, dans son étude récente, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques souligne que, parmi les 62 000 médecins généralistes qui exercent en libéral, 15 000 environ ont plus de 60 ans et partiront à la retraite d’ici à cinq ou dix ans. Dans le même temps, environ 10 000 médecins généralistes libéraux devraient s’installer.

Plusieurs mesures incitatives tendant à favoriser l’installation des jeunes médecins dans les zones sous-dotées ont été prises, mais elles n’ont manifestement pas assez porté leurs fruits !

Considérant que la raréfaction des médecins est devenue inéluctable, il nous faut améliorer ou imaginer des alternatives.

Aussi, face à cette problématique, nous pouvons nous féliciter de la tenue de ce débat, sur l’initiative de nos collègues de l’UDI-UC sur le thème : « Quel rôle les professions paramédicales peuvent-elles jouer dans la lutte contre les déserts médicaux ? »

En France, la profession paramédicale concerne une vingtaine de métiers, dont les infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes, opticiens, orthophonistes, ambulanciers… Il s’agit pour l’essentiel de professions de santé qui ne sont pas exercées par un médecin, une sage-femme, un dentiste ou un pharmacien.

Une première piste consisterait à confier certaines tâches exercées par le médecin, voire certains actes, à d’autres professionnels de santé, telle la vaccination.

On constate souvent que les zones peu dotées en médecins généralistes sont également peu pourvues en spécialistes. De la même manière, on pourrait alors confier, par exemple, les renouvellements d’ordonnances des ophtalmologues aux opticiens. Vous le savez, dans certains territoires, il faut parfois attendre jusqu’à un an avant d’obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmologue !

M. Alain Bertrand. C’est vrai !

Mme Patricia Morhet-Richaud. C’était bien le sens du rapport d’information d’Hervé Maurey en 2013.

Décloisonner les professions, sortir de la logique des décrets d’actes, optimiser les compétences des professions de santé et adapter les nomenclatures tarifaires, voilà autant de réformes de bon sens à mettre en œuvre. Cela revaloriserait aussi le rôle des généralistes, qui pourraient alors se recentrer sur leur cœur de métier.

Une deuxième piste est bien sûr de favoriser et faciliter l’exercice professionnel groupé dans des maisons de santé pluridisciplinaires ou pluriprofessionnelles.

Ces maisons, regroupant plusieurs professionnels de santé sur un même lieu, vont dans le sens d’une coopération entre les professions médicales et paramédicales. Elles permettent une mutualisation des moyens, dont le local, le personnel administratif, mais aussi des compétences. Pour toutes ces raisons, les maisons de santé pluriprofessionnelles ont l’avantage de rassurer les jeunes médecins lors de leur installation.

De plus, on peut constater que les territoires sous-dotés et équipés d’une telle structure connaissent une évolution plus favorable.

L’implantation et la spécificité de ces maisons de santé, au nombre insuffisant d’environ 800 en 2016, permettent d’aller dans le sens d’un maintien de l’offre de soins dans les territoires sous-dotés en médecins.

Aussi, on peut espérer que les ARS soient particulièrement attentives aux territoires dans la définition ou la mise à jour de leur schéma régional d’offre de soins puisque celui-ci établit les zones considérées comme fragiles en matière de démographie médicale et ouvre un droit aux projets de maisons de santé pluriprofessionnelles.

Enfin, comment ne pas évoquer la télémédecine dans les domaines que sont la consultation, l’expertise, la surveillance et l’assistance, en y associant les professions médicales et paramédicales ? La télémédecine suppose néanmoins un effort de l’État et des opérateurs pour une couverture optimale du haut débit et de la téléphonie dans tous les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe de l’UDI-UC.

M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous avez tous fait aujourd’hui le constat de la désertification médicale. Il s’avère plus que jamais indispensable d’exploiter tous les potentiels présents sur nos territoires et de reconnaître leurs intérêts.

Afin de pouvoir assurer une offre de soins de qualité et de proximité, il nous faut absolument rattraper le retard existant en matière de maintien à domicile et de soins ambulatoires et reconnaître les professionnels du secteur paramédical comme maillon indispensable dans la prise en charge pluridisciplinaire des patients. Dans certains cas, une adaptation de leur formation sera nécessaire pour que leur intervention présente un intérêt dans l’offre de soins.

Nous avons ainsi, mon collègue Olivier Cigolotti et moi-même, déposé une proposition de loi favorisant l’accès à la santé visuelle qui prévoit une optimisation de la formation des orthoptistes et opticiens, de façon à créer un climat de confiance avec les ophtalmologistes, lesquels pourraient déléguer certaines tâches à ces professionnels paramédicaux et concentrer leurs efforts sur la chirurgie et le traitement des pathologies. Le délai d’attente des patients s’en trouverait donc réduit.

Les prises en charge à domicile, grâce à la coordination et à la transversalité entre établissements de soins et équipes de professionnels libéraux sur le terrain, sont maintenant mieux assurées. On voit enfin se développer une politique de maintien à domicile qui doit être une source d’économies sensible pour les prochaines années.

Les réunions pluridisciplinaires au chevet des patients ont permis d’améliorer incontestablement la qualité de la prise en charge. Il faut continuer dans cette voie.

Aujourd’hui, de nouveaux réseaux se mettent en place : hospitalisation à domicile, services de soins infirmiers à domicile, réseaux de soins palliatifs… Ils apportent une réponse concrète aux attentes des patients et permettent une réorganisation des services de soins. Le développement de toutes les formes de coopération entre les professions médicales et paramédicales est indispensable si l’on souhaite élargir cette offre. Il faut persévérer et nous pouvons encore aller plus loin, notamment en matière d’oncologie médicale. Dans les pays scandinaves, 80 % des chimiothérapies sont administrées à domicile et 20 % en milieu hospitalier alors que, en France, c’est l’inverse. Nous pourrions pourtant faire de substantielles économies et fournir davantage de confort aux patients, le transport étant moindre, mais il faudrait pour cela développer sur notre territoire un réseau d’infirmières spécialisées, de salles et de préparateurs diplômés en reconstitution de produits cytotoxiques. Pourquoi un tel système qui fonctionne ailleurs en Europe ne fonctionnerait-il pas dans notre pays ?

Sur notre territoire, les exploitants des officines pharmaceutiques sont les membres de la seule profession médicale à conserver un maillage total. Ce réseau pourrait rendre de précieux services, notamment en menant des actions de dépistage ou de prévention, mais il est sous-utilisé, et les professionnels sont noyés sous la paperasse.

Rappelons-nous le triste épisode de la grippe H1N1 : les autorités sanitaires ont mis neuf mois à essayer de trouver des gymnases, à réquisitionner des internes et des salles, pour se rendre compte finalement que le réseau des pharmacies permettait d’acheminer le vaccin en moins de vingt-quatre heures sur tout le territoire. Il nous reste, en souvenir de cet épisode accablant, tous les masques et les lunettes !

Nous ne sommes plus, dans ce pays, égaux par rapport à une offre de soins de proximité et de qualité. Il n’y a plus de gardes médicales le week-end et les jours fériés, les délais de rendez-vous sont souvent ahurissants. Le SAMU, les pompiers et les pharmacies restent parfois la seule réponse médicale en milieu rural.

À côté des pistes purement quantitatives et médicales qui ont été évoquées, nous devons faire de nombreux progrès dans une meilleure utilisation des moyens et des compétences dont nous disposons sur le terrain.

Avec des formations mieux adaptées et parfois plus spécialisées, une meilleure coordination et davantage de synergie, nous pourrons très nettement améliorer notre système de soins sur le terrain.