Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je veux répondre à Mme Bricq, qui, de toute évidence, connaît mieux le code du travail que moi. Je voudrais lui rappeler que le système des APDE est plus large et beaucoup plus souple que celui des AME, ce qui explique pourquoi il n’y a eu qu’une douzaine d’accords dans ce cadre depuis 2013.

Les accords passés par Peugeot et Renault se sont faits en dehors du droit commun.

M. Alain Milon, rapporteur. C’est peut-être dans ce sens qu’il faut aller, plutôt que dans le sens des AME.

Mme Nicole Bricq. Nous sommes d’accord !

M. Alain Milon, rapporteur. Il est néanmoins évident que la position du Sénat, constante depuis plusieurs années, ne favorise pas le travail d’harmonisation du Gouvernement, mais je suis sûr que ce dernier trouvera un moyen d’y arriver !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 242.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 24 rectifié et 189.

M. Jean-Louis Tourenne. Lorsqu’un salarié refuse l’accord collectif, il peut être licencié ; telle est la réalité. Il existe néanmoins cinq ou six façons de traiter l’affaire : les indemnités prévues par la loi Warsmann, les indemnités pour licenciement économique, les indemnités sui generis, par exemple. En l’absence de critères de sélection, il est difficile de savoir laquelle choisir.

L’intention de la commission quand elle a rédigé cet alinéa 5 était donc bonne : elle voulait aligner les régimes et ne créer qu’une catégorie de licenciement, qui offre un même traitement à ceux qui en sont victimes. Hélas, la meilleure formule n’a pas été retenue, puisque c’est le licenciement sui generis qui a été préféré, lequel prévoit des indemnités inférieures à celles versées dans le cas d’un licenciement économique.

L’indemnisation ne couvre pas tous les besoins, mais elle aide à supporter la situation extrêmement douloureuse qu’est le chômage. Il faudra y être très attentif lors de la rédaction des ordonnances, madame la ministre.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 rectifié et 189.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Madame Lienemann, l’amendement n° 4 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis est retiré.

Monsieur Tourenne, l’amendement n° 25 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Louis Tourenne. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann, M. Labazée, Mme Jourda, M. Duran, Mme Yonnet, MM. Mazuir et Montaugé et Mme Monier, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Avec les alinéas 6 à 10, le droit du travail change complètement de logique. Il s’agit ici de contourner le juge, de n’autoriser l’accès à la justice qu’en dernier recours.

C’est très grave : cela revient à inverser la charge de la preuve, qui pèserait sur le salarié, quand l’accord serait présumé licite. Or un accord d’entreprise peut concerner des sujets très sensibles, comme le travail de nuit ou l’annualisation des horaires de travail ; il ne doit pas jouir d’une telle présomption.

Je donnerai quelques exemples à l’appui de mon propos. De nombreux accords signés par le patronat et les syndicats, et portant sur les forfaits jour ont été annulés par le juge, car ils ne respectaient ni la durée journalière maximale ni les temps de repos obligatoires. Or on sait à quel point ces éléments sont importants pour la sécurité des salariés, au-delà même de leurs conditions de vie.

Avec ces alinéas, ces accords seraient présumés licites : il faudrait qu’un syndicat ou un salarié aille devant le tribunal pour les contester. Vous voyez à quel point cela peut être délicat dans certaines entreprises : il faudra notamment pour ce salarié être bien soutenu, ce qui ne sera pas possible partout, notamment dans les PME.

Avec ces alinéas, je le répète, nous changeons de système. Je les mets d’ailleurs en relation avec de nombreuses orientations du présent texte, qui prévoient le contournement systématique de la justice, la dispense de l’arbitrage du juge. Dans le pays des droits de l’homme, la justice doit être le premier recours, et non le dernier ; elle doit être l’apanage de tous, et non des plus puissants seulement.

C’est pourquoi cet amendement tend à supprimer les alinéas 6 à 10.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 71 rectifié est présenté par M. Antiste et Mmes Jourda et Monier.

L’amendement n° 93 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 6 à 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 71 rectifié.

M. Maurice Antiste. Les alinéas 6 à 8 de l’article 1er tendent à rendre plus difficile la contestation des accords collectifs en agissant à la fois sur la charge de la preuve, les délais de contestation et les conséquences de l’annulation d’un accord. Le respect des droits fondamentaux des travailleurs se trouvera donc moins bien garanti qu’aujourd’hui.

Comme le projet de loi entend renvoyer à la négociation d’entreprise une large partie des normes sociales, ces dispositions vont déséquilibrer les relations entre employeurs et salariés, en entravant la mise en cause d’accords qui seraient contraires à la loi.

Nous proposons donc de supprimer les alinéas 6 à 8.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 93.

Mme Annie David. Plus de soixante-dix conseils de prud’hommes ont déjà été supprimés avec la réforme de la carte judiciaire. De fait, nos concitoyens voient la décision de justice de plus en plus s’éloigner d’eux.

Or les alinéas 6 à 8 visent à limiter le contrôle du juge sur les accords collectifs en inversant la charge de la preuve, en réduisant les délais de contestation d’un accord. Preuve en est, s’il en était besoin, que vous ne faites pas confiance au juge prud’homal, madame la ministre.

Alors que ce projet de loi entend renvoyer à la négociation d’entreprise l’édiction de règles essentielles des normes sociales, ces dispositions visent uniquement à rassurer les employeurs, en rendant de plus en plus difficile la contestation d’accords qui seraient contraires à la loi. Sous prétexte de sécuriser l’application des accords collectifs, il faudrait réduire le délai pour dénoncer une disposition conventionnelle défavorable ou encore permettre au juge de moduler dans le temps les effets de ces décisions.

Ces raisons s’ajoutent à celles qui ont déjà été mobilisées par les précédents orateurs pour appeler à la suppression des alinéas 6 à 8.

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mmes Lienemann et Jourda, MM. Labazée et Duran, Mme Yonnet et MM. Mazuir, Montaugé et Courteau, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’objet de cet amendement est en réalité de mettre l’accent sur la gravité de la disposition qui prévoit de réduire ou d’aménager le délai de contestation d’un accord collectif.

Cela n’a aucun sens : la logique de la prescription en matière d’accord collectif ne peut s’appliquer de la même manière qu’en d’autres domaines du droit ! L’accord collectif est un acte à exécution successive, qui s’applique jour après jour. La prescription n’a donc pas à courir au jour de la conclusion de l’accord. On ne peut pas priver quelqu’un qui s’estimerait lésé d’un délai de contestation.

Tous les juristes tendent d’ailleurs à penser que la réduction ou l’aménagement des délais de contestation d’un accord collectif représenterait une fragilisation considérable du droit. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer l’alinéa 7 de l’article 1er.

Mme la présidente. L’amendement n° 187 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Gabouty, Nougein et Vaspart, Mmes Morhet-Richaud et Primas, M. Reichardt, Mme Billon, MM. Cadic et Kennel, Mme Deromedi, MM. P. Dominati et Canevet et Mme Loisier, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

en vertu du principe de sécurité juridique, en tenant compte des conséquences économiques ou financières sur les entreprises

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Reprenant la formule adoptée par le Sénat lors de l’examen de la loi Travail, le dispositif du présent amendement tend à préciser l’objectif de la modulation : la sécurité juridique pour les entreprises et donc pour les salariés. Les revirements de jurisprudence et la rétroactivité des décisions du juge ont eu des conséquences lourdes pour les entreprises, comme lors de l’annulation de l’accord Syntec en 2013, qui permettait à 544 000 cadres de réclamer une revalorisation de leurs salaires.

Jusqu’à maintenant, les droits des salariés ont toujours été pris en compte par le juge, contrairement à l’impact économique pour les entreprises. Or les décisions du juge peuvent placer ces dernières dans des situations financièrement dramatiques, qui dégradent leur trésorerie, dissuadent toute embauche et, finalement, se retournent contre l’ensemble des salariés.

Il est donc essentiel de rappeler l’objectif de sécurité juridique visé par cette possibilité, pour le juge, de moduler dans le temps les effets de ses décisions.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 94 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 184 rectifié bis est présenté par MM. Assouline, Cabanel et Durain, Mmes Guillemot et Jourda, M. Labazée, Mme Lepage, M. Roger, Mme Monier, MM. Courteau et M. Bourquin et Mme Blondin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 94.

Mme Laurence Cohen. Nous persévérons dans notre analyse plus détaillée de ce projet de loi – il est vrai que le principe d’un texte d’habilitation à légiférer par ordonnances est par nature d’être vague et flou – en vous proposant de supprimer l’alinéa 9 de l’article 1er.

En effet, le Gouvernement entend permettre à chaque entreprise, et donc à chaque employeur, de décider, ni plus ni moins, de la périodicité des négociations obligatoires.

Jusqu’ici la loi prévoyait deux négociations annuelles obligatoires, ou NAO : la NAO sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée ; la NAO sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. Elle prévoyait également une négociation triennale portant sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Madame la ministre, vous entendez aller encore plus loin que la loi El Khomri, qui constituait déjà un recul important dans ce domaine, en mettant fin à l’obligation de négociation annuelle ou triennale. Désormais, chacun fera comme il voudra ! Il y a fort à parier que certains employeurs ne s’embarrasseront pas avec ce qu’ils considéraient comme des contraintes inutiles et évidemment intolérables…

Il est vrai que les négociations sur les salaires et l’égalité professionnelle ne semblent pas si importantes pour le MEDEF. À la lecture du présent projet de loi, je ne suis pas certaine que l’égalité salariale ne soit pas, pour vous aussi, madame la ministre, un coût supplémentaire, qui empêche la bonne santé des entreprises et entrave votre volonté toujours plus poussée de « libérer la dynamique de création d’emplois », pour reprendre des termes entendus lors de votre audition en commission.

Alors que les femmes gagnent encore en moyenne 27 % de moins que les hommes, alors que de petites avancées avaient été permises dans les lois Roudy et Génisson, par exemple, grâce notamment à la mobilisation des féministes, vous mettez fin aux dispositions permettant d’espérer atteindre un jour l’égalité professionnelle.

On le sait bien, sans obligation, sans contrainte, sans objectif à respecter, l’égalité n’avance pas. Il ne faut donc pas adopter les dispositions contenues dans cet alinéa. Ou alors, si c’est votre choix, il faut l’assumer publiquement, car je ne crois pas vous avoir entendue sur ce sujet.

Je ne fais évidemment pas de procès d’intention aux employeurs, aux chefs d’entreprise, majoritairement des hommes, d’ailleurs ; j’ai seulement une conscience lucide de la réalité en la matière. En 2017, malgré toutes les mesures adoptées, l’égalité salariale n’existe toujours pas.

Cet alinéa 9 est un nouvel exemple de recul social ; c’est pourquoi nous demandons sa suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 184 rectifié bis.

M. David Assouline. Cet amendement me donne l’occasion de féliciter les députés socialistes, qui ont contribué à faire préciser le projet de loi – c’est l’une des rares fois où nous avons obtenu satisfaction – concernant les pénalités financières prévues en cas d’absence d’accord ou à défaut de plan d’action.

C’est la preuve que la discussion des textes au Parlement n’est pas inutile ; elle est même nécessaire. Si nous en avions le temps, bien d’autres points évolueraient, car nous n’avons jamais perdu l’espoir de convaincre nos collègues, ainsi que le Gouvernement.

L’examen de ces dispositions, il y a deux ans à peine, avait permis de trouver un équilibre entre la nécessaire dynamisation du dialogue social et la préservation des prérogatives des instances de dialogue, lesquelles assurent une expression collective des salariés.

À titre d’exemple, la périodicité des négociations annuelles obligatoires sur les salaires ou l’égalité professionnelle peut être adaptée par accord, la seule restriction étant que ces négociations doivent avoir lieu au moins tous les trois ans.

Rouvrir ce chantier, alors que la réforme vient à peine d’entrer en vigueur, ne nous paraît pas opportun. Ce serait même une source d’instabilité juridique pour les entreprises. Or cette instabilité, que le Gouvernement déclare pourtant vouloir combattre, empêche les entrepreneurs de prendre des risques et parfois d’embaucher.

Cet alinéa, dont la formulation est vague, pourrait permettre à chaque entreprise d’adapter par accord la périodicité et le contenu des négociations annuelles obligatoires et des consultations, au-delà des limites actuelles.

Il paraît nécessaire que, pendant ce débat, des garanties soient apportées sur la périodicité et le contenu des négociations obligatoires.

Mme la présidente. L’amendement n° 188 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Gabouty et Vaspart, Mmes Morhet-Richaud et Primas, M. Reichardt, Mme Billon, MM. Cadic et Kennel, Mme Deromedi, MM. P. Dominati et Canevet et Mme Loisier, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Après le mot :

déterminer

insérer les mots :

et de rationaliser

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. S’inscrivant dans la logique de simplification de la loi du 17 août 2015, l’alinéa 9 pourra permettre à l’accord collectif de déterminer la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires, qui peuvent aujourd’hui peser sur les entreprises du fait qu’elles sont insuffisamment coordonnées ou adaptées à la réalité de la progression du dialogue social.

Il est utile que l’objectif de rationalisation soit clairement affiché pour garantir l’efficacité d’une telle mesure.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Pour ce qui concerne l’amendement n° 5 rectifié bis, il est nécessaire de renforcer la sécurité juridique des accords collectifs, surtout en cas d’annulation par le juge, compte tenu des effets rétroactifs de cette décision sur les salariés et les employeurs.

On ne peut pas encourager le développement des accords d’entreprise sans se soucier de leur sécurité juridique. Il est en effet essentiel de permettre au juge judiciaire, sur le modèle du juge administratif, de moduler les effets de ses décisions dans le temps, afin de permettre aux partenaires sociaux de conclure un nouvel accord ou un avenant qui purge les irrégularités décelées par le juge.

L’avis de la commission est donc défavorable.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 71 rectifié et 93, la commission n’est pas opposée à un aménagement de la charge de la preuve en matière de contestation des accords collectifs.

Le Conseil d’État a, dans son avis, validé le principe de cette réforme, qui consiste à revenir au droit commun : c’est celui qui conteste un acte juridique qui doit apporter la preuve qu’il n’est pas conforme au cadre légal. Il s’agit ainsi de tirer les conséquences d’une nouvelle jurisprudence de la Cour de la cassation, qui donne plus de poids aux accords collectifs.

Afin d’éviter les conséquences rétroactives de l’annulation d’un accord, il est nécessaire de donner une base légale aux juges pour moduler les effets de leurs décisions dans le temps. L’avis de la commission est donc défavorable.

L’amendement n° 6 rectifié bis tend à supprimer l’alinéa 7 de l’article. Même si l’étude d’impact ne prévoit pas à ce stade de pistes de réflexion aboutie, il est nécessaire de lutter contre l’insécurité juridique liée à l’annulation d’un accord collectif.

Un délai de cinq ans pour attaquer directement un accord collectif en action en nullité paraît en effet excessif, surtout quand l’on sait qu’une annulation a des effets rétroactifs ! L’avis de la commission est donc défavorable.

L’amendement n° 187 rectifié vise à compléter l’habilitation sur la modulation des décisions du juge, en reprenant la rédaction d’un amendement que le Sénat avait adopté l’an dernier lors de l’examen de la loi Travail ; je rappelle à cet égard que c’est sans doute l’adoption de cet amendement qui a permis d’inscrire à l’ordre du jour du Gouvernement la question de la modulation des décisions du juge.

La commission est donc favorable à cet amendement, par cohérence avec les travaux du Sénat.

Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 94 et 184 rectifié bis, je partage avec leurs auteurs le souhait de ne pas contribuer à l’inflation législative. Nombre d’employeurs et de salariés peinent d’ailleurs à suivre le rythme des réformes.

Le sujet des négociations collectives a été revu en profondeur par la loi Rebsamen de 2015, tandis que la base de données unique existe effectivement depuis la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

Je n’ai pas souhaité supprimer cette habilitation en commission, en espérant que les modifications proposées par ordonnance seront partagées par les partenaires sociaux et ne remettront pas en cause l’équilibre des dispositions actuelles. L’avis de la commission est donc défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 188 rectifié. S’agissant des négociations obligatoires dans les entreprises, la loi Rebsamen du 17 août 2015 a opéré une rationalisation autour de trois blocs.

De fait, en application de l’article L. 2242-1 du code du travail, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur doit engager chaque année deux négociations : l’une sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise ; l’autre sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail.

Par ailleurs, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, l’employeur doit engager tous les trois ans une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.

La loi a en outre offert aux partenaires sociaux la possibilité d’adapter, par accord majoritaire, la périodicité des négociations obligatoires, dans la limite de trois ans pour les deux négociations annuelles et de cinq ans pour la négociation triennale.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Sur l’amendement n° 5 rectifié bis, l’avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons qu’a développées M. le rapporteur.

Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 71 rectifié et 93, compte tenu de l’avis défavorable de la commission, de l’avis du Conseil d’État et de la jurisprudence de la Cour de cassation, j’émets également un avis défavorable.

Sur l’amendement n° 6 rectifié bis, l’avis du Gouvernement est aussi défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 187 rectifié. Le juge peut actuellement décider de moduler les effets de sa décision dans le temps. Cette possibilité est pourtant rarement appliquée. La codification de ce principe serait donc utile, dans un souci de bonne intelligibilité de la norme, et pour laisser des marges d’appréciation au juge.

Pour autant, je ne suis pas certaine qu’il faille encadrer davantage cette faculté laissée au juge, lequel ne pourrait prendre en compte que les seules conséquences économiques et financières pour les entreprises. Or le juge doit pouvoir, bien évidemment, également tenir compte de la situation des salariés. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

S'agissant des amendements identiques nos 94 et 184 rectifié bis, l’avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons exposées par M. le rapporteur. Je tiens simplement à préciser un point : le « supplétif » – c’est-à-dire la négociation annuelle obligatoire, la NAO, les négociations relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC, à la qualité de vie au travail, à l’égalité entre les femmes et les hommes, entre autres – ne change pas.

Le souhait a été exprimé, en revanche, que certains accords d’entreprise aient un cadre pluriannuel, dans un souci de plus grande efficacité. On a ainsi constaté que toutes les entreprises qui sont parvenues à conclure des accords en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes ont prévu une durée de deux ou trois ans pour ces contrats, car le rattrapage est pratiquement impossible à faire en une seule année.

Ouvrir cette possibilité en garantissant le supplétif annuel permettra de donner du grain à moudre « positif » aux partenaires sociaux. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Enfin, je demande le retrait de l’amendement n° 188 rectifié ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 71 rectifié et 93.

M. Jean-Louis Tourenne. Je voterai ces amendements, car ils touchent au cœur même de la vie de l’entreprise.

Je considère que le fait d’attacher une présomption de légalité à l’accord d’entreprise en tant que tel est excessif. Cela revient à faire de la confiance un outil juridique. S’en rapporter à la seule volonté de passer des accords collectifs à l’exclusion de toute présence syndicale ou mandatement syndical peut en effet conduire à des pratiques excessives.

Par ailleurs, le fait que le juge ne soit pas obligé de se pencher sur le caractère légal ou non de l’accord collectif constitue une restriction insupportable.

De la même façon, l’ « aménagement » – qu’en termes galants ces choses-là sont dites ! – des délais de contestation d’un accord collectif n’est pas un réel aménagement : il s’agit en réalité de réduire ce délai.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 71 rectifié et 93.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 187 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme Nicole Bricq. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 94 et 184 rectifié bis.

Mme Catherine Génisson. Je tiens à remercier Laurence Cohen d’avoir cité la loi qui porte mon nom, non pas en tant que telle, mais pour ce que ce texte prévoit, et qui est très simple : d’une part, l’introduction dans toutes les négociations annuelles du sujet de l’égalité professionnelle ; d’autre part, l’instauration tous les trois ans d’une négociation spécifique sur l’égalité professionnelle, avec la possibilité de s’appuyer sur des critères pertinents.

Je rappelle que la loi Rebsamen avait suscité l’émoi des délégations parlementaires aux droits des femmes, des associations concernées et de nombreuses salariées, auxquelles il avait semblé que ces critères pertinents passaient à la moulinette, si j’ose dire, et que, dès lors, le sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes était quelque peu malmené.

Vous avez dit, madame la ministre, que le supplétif ne changeait pas et que, s’agissant d’un accord portant sur l’égalité salariale, deux ou trois ans étaient nécessaires pour faire le rattrapage. Je ne le conteste absolument pas, mais la loi du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes le prévoyait déjà.

Sincèrement, l’alinéa 9 de l’article 1er me pose problème.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 94 et 184 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Madame Lamure, l’amendement n° 188 rectifié est-il maintenu ?

Mme Élisabeth Lamure. Nous avons souvent constaté lors de nos travaux que la rationalisation et la simplification n’allaient pas forcément de soi. Il faut régulièrement le rappeler, et c’est ce que j’ai voulu faire en déposant cet amendement.

Quoi qu'il en soit, je vais suivre l’avis de M. le rapporteur et retirer l’amendement.

Mme Nicole Bricq. Très bien.

Mme la présidente. L’amendement n° 188 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente.)