M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. À relire certaines pages du programme de M. Macron, je pensais que le Président de la République voulait, d’un côté, libéraliser – je comprends bien la logique, je ne suis pas une militante antilibérale farouche – et, de l’autre, sécuriser. Cette combinaison, à condition qu’il y ait équilibre, pourrait être quelque chose d’intéressant.

Néanmoins, dans le présent texte, surtout après que la commission lui ait laissé sa marque, on libéralise à tout va sans rien sécuriser. On déverrouille même, à tous les étages, des obstacles imaginaires en pensant que cela enverra des messages subliminaux aux investisseurs internationaux.

Or, à mon sens, ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent. Je me permets d’ailleurs de demander de nouveau à M. le secrétaire d’État quelles études d’impact prouvent, à l’échelon international, que les changements que projette le Gouvernement quant au périmètre parleront aux investisseurs japonais ou allemands intéressés par la France. (Mme Laurence Cohen applaudit.)

Nous sommes en train de prendre des décisions lourdes de conséquences. C’est juste cinquante ans de droit social et de négociations qu’on fait passer à la trappe ! Pourquoi pas ? Je ne me livrerai pas à une opposition de principe. Pour ma part, je demande simplement des preuves, un certain nombre d’éléments tangibles qui nous montrent que ces déverrouillages seront porteurs d’emplois pérennes et non délocalisables.

Pardonnez-moi d’insister, mes chers collègues, mais si nous ratons ce coup-là, ce sera la double peine : non seulement nous aurons complètement dérégulé notre marché du travail, mais de plus, comme l’ont expliqué avec éloquence Mme Lienemann et d’autres collègues, nous aurons ouvert la porte aux pilleurs qui vont spolier nos entreprises, prendre nos brevets et nos savoir-faire et ne nous laisser que nos chômeurs, qui ne sont pas délocalisables. C’est un vrai problème !

Par ailleurs, si je me réjouis toujours de voir M. Lemoyne, je me serais fait une joie, si Mme la ministre avait été présente ce matin, de lui poser quelques questions en toute courtoisie sur les excellentes opérations qu’elle est visiblement en mesure de faire, connaissant fort bien le système capitalistique. Évidemment, certaines personnes sont très douées pour être capables de gagner en une journée ce que gagnent ensemble des milliers de smicards ! Je pense que nous ne vivons pas dans le même monde, et je me demande vraiment quel modèle de société nous voulons. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Le périmètre d’appréciation des difficultés économiques d’un groupe fait l’objet d’un débat récurrent. Le choix du périmètre mondial est sans doute intellectuellement plus satisfaisant et plus juste – je le reconnais volontiers –, mais il n’est pas très opérationnel.

Toutes les grandes entreprises qui opèrent à l’échelon mondial peuvent déplacer partiellement la création de valeur ajoutée, de manière plus ou moins justifiée, en fonction de la fiscalité locale. Il ne faut pas se voiler la face : c’est une réalité, c’est une possibilité. Certaines le font légalement et dans des proportions acceptables, d’autres le font de manière éhontée. Mais ce n’est qu’une dimension d’un phénomène qui est absolument incontrôlable.

Cette pratique est aussi celle d’entreprises françaises, y compris de certaines dans lesquelles l’État a des participations financières. Je ne citerai pas d’exemple, mais il est indéniable que certaines entreprises à capitaux d’État, d’anciennes entreprises nationales, pratiquent ainsi pour certaines de leurs activités, notamment en matière de gestion de flottes de véhicules ou d’avions ; ces flottes appartiennent en général à une filiale ayant son siège à l’étranger.

Pour ma part, je considère que ce n’est pas en rigidifiant nos protections que nous empêcherons le départ de certaines entreprises de notre territoire : celles qui voudront partir, de toute façon, fermeront. (M. Martial Bourquin applaudit.) Il y aura de longs contentieux et cela ne servira à rien d’établir une protection artificielle. Nous serons au contraire moins attractifs pour attirer les investissements étrangers en France, ce qui affectera à mon avis la création d’emplois. En effet, outre d’autres critères qui ont été cités par Mme Lienemann, le régime fiscal et la flexibilité demeurent malgré tout un élément de localisation des investissements étrangers dans notre pays. Bien sûr, nous souhaitons que le périmètre européen soit à l’avenir le périmètre pertinent, mais cela suppose au préalable un petit peu plus d’harmonisation sociale et fiscale.

Mes chers collègues, je veux prendre un exemple. Supposons que, demain, Uber perde le contentieux qui l’oppose à l’URSSAF et que ses chauffeurs soient requalifiés en salariés. Si le périmètre international était retenu dans la loi, on serait amené à constater, au cas où Uber voudrait procéder à des licenciements, que cette entreprise est en très grande difficulté. En effet, à l’échelle mondiale, c’est le groupe le plus endetté, et ses résultats d’exploitation sont absolument catastrophiques. Or son modèle est complètement différent ailleurs dans le monde. Pourtant, cette analyse lui permettrait de licencier. C’est pourquoi il faut se montrer très attentif dans notre économie, qui n’est pas quelque chose de figé.

En conclusion, nous suivrons l’avis de la commission tout en reconnaissant la bonne foi du Gouvernement dans la manière dont il présente les choses.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Je souhaite revenir sur les amendements de suppression des alinéas concernés. À écouter Mme Bouchoux, pendant trente ans, nous allons créer des travailleurs pauvres et précaires. Je ne sais en revanche si, en tant que professeur d’économie, elle juge que nous avons créé, au cours des trente dernières années, une génération de chômeurs riches. En 1998, Martine Aubry déclarait qu’il valait mieux être chômeur en France que travailleur au Royaume-Uni. C’était il y a vingt ans ! Le modèle du chômage de masse n’enthousiasme pas notre jeunesse, qui souhaite un autre avenir ! Les entreprises se jouent des frontières.

M. David Assouline et Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et le Brexit ?

M. Olivier Cadic. Pour éviter des pratiques abusives, il faut, d’un côté, développer une approche européenne et, de l’autre, que ces pratiques soient connues du grand public. Au Royaume-Uni, les pratiques fiscales de certaines entreprises américaines, comme Starbucks, qui visaient à éviter de payer des impôts dans le pays, leur ont valu de gros dommages en termes d’image. C’est le client qui a influencé leur politique et leurs décisions : le client a beaucoup plus de force que la loi pour lutter contre les pratiques potentiellement abusives que certains dénoncent, parfois avec justesse. Nous ne voterons donc pas ces amendements de suppression.

Concernant l’amendement du Gouvernement, l’expérience professionnelle de Mme la ministre du travail, ses propos, ainsi que votre compréhension du sujet, monsieur le secrétaire d’État, vos remarques pertinentes et le fait que, comme vous l’avez rappelé, vous avez siégé parmi nous, tout cela nous incite à faire confiance au Gouvernement quant à sa capacité à évaluer et à appréhender avec pragmatisme la pertinence du périmètre.

Néanmoins, nous partageons l’avis de la commission et nous estimons que le périmètre national doit être préservé. Nous sommes convaincus que vous êtes capable de faire preuve de pragmatisme. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, il nous faut, hélas, voter contre l’amendement du Gouvernement.

M. Yves Daudigny. C’est triste ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Concernant ces différents amendements, je peux comprendre les inquiétudes, dont bon nombre sont tout à fait légitimes, de mes collègues. Certains d’entre eux ont employé le terme « prédateur » ; je m’y associe volontiers. On s’aperçoit en effet que, s’il y a des chefs d’entreprise honnêtes, d’autres le sont beaucoup moins et ont moins de scrupules.

M. le secrétaire d’État connaît bien notre institution et nos départements. Néanmoins, dans nos départements respectifs, s’il est vrai que certaines entreprises ne fonctionnent pas mal, d’autres en revanche sont malheureusement en difficulté. Dans les Ardennes comme ailleurs, il y a des dossiers en attente : beaucoup de collègues peuvent en témoigner.

Le présent texte vise à simplifier, mais comment simplifier ? Quelle est la marge de manœuvre ? On s’aperçoit que bon nombre de chefs d’entreprise, en particulier de petites entreprises, galèrent entre procédures et difficultés.

Cela dit, je n’ai pas trouvé très lisible l’amendement du Gouvernement : « périmètre géographique », « secteur d’activité », ce n’est pas simple !

La transposition du droit européen impose aussi des contraintes : dans notre pays, on ne fait pas ce qu’on veut, on a beaucoup de comptes à rendre à l’Europe. Tout cela est source d’embûches.

Par ailleurs, les structures sont trop nombreuses et se renvoient souvent la balle, et bon nombre de chefs d’entreprise ne savent pas trop à qui s’adresser.

Alors, on sait bien que le présent texte permettra peut-être améliorer les choses, mais la tâche reste immense.

Cela dit, je continue de faire confiance à mes collègues de la commission des affaires sociales qui ont vraiment beaucoup travaillé sur ces différents amendements.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Je voterai contre les amendements de suppression des alinéas visés. Dans le même temps, je ne soutiens pas la position de la majorité de la commission des affaires sociales qui a décidé de retenir le périmètre national pour l’appréciation des difficultés économiques.

Le sujet est d’une grande sensibilité. Bien sûr, il existe des comportements voyous. Ainsi, dans le nord de la France, nous avons douloureusement vécu le traumatisme de la décision du numéro 2 de l’électroménager dans le monde de déplacer à Lodz, en Pologne, une usine qui fonctionnait parfaitement bien à Amiens. Heureusement, une solution de reprise a pu être trouvée. Néanmoins, de tels agissements ne valent pas, heureusement, jugement général sur les comportements de l’ensemble des chefs d’entreprise.

S’agissant de la modification du périmètre d’appréciation des difficultés économiques, j’entends bien, monsieur le secrétaire d’État, que nous faisons figure d’exception en Europe. J’entends également votre volonté affichée de lever le maximum de freins à l’implantation d’entreprises ou de groupes étrangers dans notre pays.

En revanche, la clarification que vous souhaitez des critères relatifs au licenciement économique ne doit pas revenir à créer un mode d’emploi qui pourrait être utilisé par les groupes pour contourner, par divers plans comptables, un certain nombre d’obligations.

Les modalités précises d’un contrôle de tels comportements doivent être établies.

À ce jour, il me paraît nécessaire de laisser au Gouvernement des marges de négociation avec les partenaires sociaux ; je soutiendrai donc l’amendement du Gouvernement et l’amendement identique qui a été présenté au nom de mon groupe par M. Tourenne. Nous jugerons du texte définitif de l’ordonnance lors de l’examen du projet de loi de ratification.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. De fait, notre discussion est menée à partir du présupposé suivant, que M. le secrétaire d’État a répété : il existerait, en France, des freins à l’investissement étranger qui occasionneraient des emplois perdus.

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

M. David Assouline. Les alinéas en cause viseraient à lever l’un de ces freins.

Pour ma part, je veux plutôt croire Mme la ministre du travail, qui sera au banc du Gouvernement cet après-midi. Au mois de mars dernier, Mme Pénicaud était mise en avant dans un article du Monde dont le titre était Les investissements étrangers en France au plus haut depuis dix ans. Selon cet article, l’Allemagne est devenue championne des implantations dans l’Hexagone, avec une progression de 35 % du nombre de projets. Selon Mme Pénicaud elle-même, l’année 2016 était la meilleure depuis dix ans. Je ne comprends donc pas sa position actuelle. Certes, il existe sans doute des freins à la création d’emplois dans notre pays, et des ajustements sont possibles. Pourtant, quand Mme Pénicaud, analysant la situation au regard de sa fonction d’alors, se réjouissait de la vigueur, inédite en dix ans, des investissements étrangers, elle ne mentionnait pas que la priorité pour créer de l’emploi en France était de mener une telle réforme.

Le danger est bien de perdre des emplois si on lève le verrou. En effet, certaines entreprises implantées en France pourraient profiter de l’aubaine pour mettre dans le rouge les comptes de leur succursale française et ainsi délocaliser.

C’est pourquoi j’estime, comme d’autres orateurs l’ont souligné, que vous vous appuyez, monsieur le secrétaire d’État, sur un présupposé. Vous reprenez les exigences formulées par certains patrons – pas tous, d’ailleurs – qui veulent aller toujours plus loin dans la dérégulation. Or ce présupposé est si idéologique que vous ne nous dites jamais sur quelles évaluations vous vous fondez, ce qui pourrait nous convaincre. Jamais vous ne nous montrez un rapport dans lequel des experts évalueraient combien d’emplois seraient perdus du fait de ce blocage et du refus d’investisseurs étrangers de venir en France.

Ce que tout le monde sait, c’est que de plus en plus d’investisseurs, depuis dix ans, viennent en France pour la qualité de la vie, des transports, des infrastructures, ou encore de la recherche. Or plutôt que de valoriser cela, vous vous livrez à un bashing qui ne peut que dégrader l’image de la France auprès des investisseurs !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié bis, 78 rectifié bis, 124 et 165.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 196 et 218 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 rectifié bis et 232 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 136 :

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l’adoption 131
Contre 188

Le Sénat n’a pas adopté.

Madame Morhet-Richaud, l’amendement n° 174 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 174 rectifié ter est retiré.

Monsieur Gabouty, l’amendement n° 63 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Gabouty. Non, je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 63 rectifié est retiré.

Monsieur Gabouty, confirmez-vous que vous rectifiez l’amendement n° 64 rectifié en ajoutant l’adverbe « notamment » avant les mots « en termes de présentation » ?

M. Jean-Marc Gabouty. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 64 rectifié bis, présenté par M. Gabouty, Mmes Billon, Férat et Joissains et MM. Capo-Canellas, D. Dubois, Kern et Longeot, et ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer la seconde occurrence du mot :

ou

par les mots :

notamment en termes de présentation

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l’amendement n° 123.

M. Dominique Watrin. Je souhaite revenir sur les arguments employés par M. le secrétaire d’État pour rejeter cet amendement.

Ces derniers jours, le Gouvernement a justifié les alignements par le bas auxquels il entend procéder dans les ordonnances par la trop grande complexité de la jurisprudence. Je pense en particulier à la qualification non économique du licenciement d’un salarié refusant un accord collectif : le Gouvernement entend sur ce point codifier par ordonnance la jurisprudence la moins favorable.

S’agissant du présent amendement, le Gouvernement s’appuie toujours sur la jurisprudence, mais pour refuser des clauses positives que le rapporteur a jugées tout à fait fondées et qui visent simplement à s’assurer que les propositions de reclassement sont loyales, sérieuses, individualisées et réalisées dans un délai précis. C’est quand même gros !

Chacun tirera de cet épisode les enseignements qu’il veut, mais, pour le groupe CRC, cela confirme l’analyse générale que nous faisons de ce projet de loi : il s’agit d’un ensemble de mesures déséquilibrées qui alignent vers le bas les protections des salariés, tant individuelles que collectives, au profit des grands groupes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 123.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Madame Morhet-Richaud, les amendements nos 175 rectifié ter et 176 rectifié ter sont-ils maintenus ?

Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 175 rectifié ter et 176 rectifié ter sont retirés.

L’amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme Génisson, MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer le mot :

conciliation

par le mot :

articulation

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Nous proposons de substituer, à l’alinéa 19 de l’article 3, au terme « conciliation » le mot « articulation », qui, en droit, permet de dénoncer de façon écrite et détaillée des faits dont on offre de rapporter la preuve en justice. Je fais référence à la loi fondatrice de l’égalité professionnelle, la loi du 13 juillet 1983, dite « loi Roudy ». L’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle était justement une priorité de ce texte ; Mme Roudy elle-même insistait énormément pour qu’on emploie ce terme, qui exprime une volonté beaucoup plus forte de réaliser cet enjeu. En citant Mme Roudy et la loi de 1983, je vous laisse le soin d’apprécier, mes chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, l’état de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; il y a encore beaucoup de travail à effectuer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Également favorable.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je me réjouis que cet amendement, brillamment présenté par Catherine Génisson, ait reçu deux avis favorables. Mon groupe, quant à lui, le soutient totalement. Ce n’est pas un amendement de détail. Il est d’autant plus important par les temps qui courent : on observe en effet trop souvent des glissements linguistiques, et des mots sont employés quand d’autres seraient plus exacts. On dit trop souvent « équité » au lieu d’« égalité », concept complètement différent.

Quant à l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale, elle est très importante dans le combat pour obtenir l’égalité entre les femmes et les hommes, d’autant que, en ce moment, dans notre société, on observe de vrais retours en arrière sur cette question. Nous connaissons toujours, dans les entreprises, des inégalités dans tous les domaines, que ce soit du point de vue des salaires ou de celui de l’avancement.

Je me réjouis donc de cet amendement sur ce sujet extrêmement important, et j’espère qu’il sera adopté à l’unanimité.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Génisson, Féret et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Compléter cet alinéa par les mots :

et améliorer l’accès, le maintien et le retour à l’emploi des personnes handicapées

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Le développement et l’accessibilité de nouvelles technologies affectent l’organisation de nos sociétés, les relations entre les individus, la façon dont nous appréhendons et comprenons notre environnement, ainsi que le rapport à la culture, à l’activité et au travail. Dans cette période charnière, nous devons faire en sorte que ces innovations bénéficient au plus grand nombre et participent du progrès partagé.

L’alinéa dont nous discutons actuellement prévoit que les règles de recours aux nouvelles formes de travail – le télétravail ou le travail à distance – puissent être utilisées afin de mieux concilier la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale. Lors de sa prise de parole, Mme la ministre du travail a cité en particulier l’amélioration des conditions d’accès à l’emploi des personnes isolées géographiquement ou en situation de handicap.

Mon amendement vise à ce que le recours à ces nouvelles organisations du travail puisse être mieux utilisé au bénéfice de l’accès, du maintien ou du retour dans l’emploi des personnes handicapées, qui, plus que d’autres, peuvent avoir chaque jour des difficultés à surmonter pour rejoindre leur lieu de travail. Quand elles ont un emploi, elles s’efforcent d’en honorer les obligations, au prix parfois d’une fatigabilité aggravée et « handicapante » à plus ou moins long terme qui nécessite des phases de repos, voire une organisation du temps de travail adaptée.

Les personnes en situation de handicap ont trois fois moins d’opportunités d’occuper un emploi et deux fois plus de risques de connaître le chômage. Selon l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, le taux des salariés licenciés à la suite d’un avis d’inaptitude peut atteindre 97,5 % dans certaines régions, ce qui représente un énorme gâchis tant pour l’entreprise, qui perd une compétence et une forte adhésion à l’emploi, que pour l’employé, qui perd son identité sociale liée à son identité professionnelle.

Le télétravail et le travail à distance peuvent constituer une réponse pour maintenir un salarié dans un emploi adapté à la suite d’un avis d’inaptitude ou offrir une organisation concertée du travail permettant le recrutement d’un travailleur handicapé au sein de l’entreprise.

Bien sûr, le télétravail et le travail à distance doivent être utilisés avec précaution, dans le cadre d’un protocole où l’avis et l’expérience des salariés seront précieux, sur le plan de l’intégration du travailleur au sein de la vie de l’entreprise ainsi que sur celui du respect de ses conditions de travail matérielles ou de ses horaires.

La situation catastrophique de l’emploi des personnes handicapées impose d’envisager toutes les options, d’étudier toutes les pistes leur permettant d’accéder à, de conserver ou de retrouver un emploi.

C’est pourquoi je tiens à ce que le télétravail et le travail à distance soient des outils de l’effort indispensable à accomplir en faveur de l’emploi des personnes avec handicap.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Parmi les sept thèmes identifiés par les partenaires sociaux dans la lettre d’intention commune qu’ils ont envoyée au mois de juin dernier à la ministre du travail, le recours au télétravail pour les personnes handicapées n’est pas mentionné comme un axe à part entière.

Il pourrait être utile de donner un signal en ce sens au Gouvernement et aux partenaires sociaux, au risque d’ouvrir la boîte de Pandore de l’énumération de tous les cas de recours au télétravail.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis de sagesse très positive sur cet amendement. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Face à une présentation aussi convaincante et après les encouragements de la commission, le Gouvernement ne peut que souscrire à cette proposition.

Il est vrai qu’un certain nombre d’entreprises, comme Nestlé France ou Mediapost, ont d’ores et déjà prévu des modalités particulièrement intéressantes pour favoriser le recours à cette modalité d’exercice du travail à destination des personnes handicapées. Essayons de généraliser cette pratique.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. Jean Desessard. Que le Gouvernement est positif !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. Mes chers collègues, notre assemblée fait avancer la cause des travailleurs handicapés. Je voudrais que ce faisant nous soyons attentifs à ne pas considérer uniquement les personnes avec un handicap moteur, à qui l’on pense souvent quand on parle d’adaptation du lieu de travail. Les personnes qui ont des troubles neurodéveloppementaux peuvent aussi avoir du mal à travailler en collectivité, parce qu’elles doivent surmonter des problèmes de surcharge affective. Le travail dans un environnement familial et bien adapté peut leur permettre de donner le meilleur d’elles-mêmes dans une mission professionnelle. C’est très important.

Si cet amendement est adopté, nous aurons accompli un grand pas dans la reconnaissance des aptitudes des travailleurs avec handicap.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je me réjouis de voter cet amendement, chère Dominique Gillot.

Il faut le plus possible élargir cette disposition. Ce serait notamment une très bonne idée de l’étendre à la fonction publique assez rapidement et d’aller au-delà des expérimentations, aujourd’hui très timides, mises en place dans les différentes collectivités.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Nous voterons cet amendement.

Comme quoi, monsieur le président de la commission des affaires sociales, et je m’adresse aussi aux membres de la majorité de la commission, un rapport peut être utile ! (Sourires.)

Cette habilitation s’inscrit en effet dans le droit fil des dispositions que nous avons votées à l’article 57 de la loi El Khomri. C’est en effet à la suite du rapport que prévoit cet article qu’une concertation, que vous avez citée du reste, a eu lieu avec les organisations représentatives. Elles ont donné sept pistes de travail et ont dit qu’elles voulaient négocier sur tous les points ; celui-ci va être intégré à l’habilitation.

J’ai un peu de suite dans les idées (Nouveaux sourires.) et je répète donc qu’il est parfois utile de demander au Gouvernement un rapport. Cela a produit ses effets : l’ouverture de l’habilitation à tout ce qui concerne le télétravail !