M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement prévoit explicitement la remise d’un rapport, et c’est sur cette rédaction que la commission doit s’exprimer, même si je suis d’accord avec les remarques qui ont été formulées, en particulier sur les difficultés de santé que peut entraîner le chômage.

Sur la forme, je l’ai dit, je ne suis pas favorable aux demandes de rapport.

Sur le fond, nous avons déjà eu ce débat il y a un an lors de l’examen de la loi « travail ». Je rappelle que, dans les entreprises employant plus de 1 000 salariés, les salariés licenciés pour motif économique bénéficient d’un congé de reclassement qui leur permet justement de rester liés contractuellement à leur entreprise d’origine pendant leur formation. Toutefois, une telle obligation ne pourrait pas être généralisée à toutes les entreprises en deçà de ce seuil.

Je crois savoir que le Gouvernement et les partenaires sociaux souhaitent améliorer le contrat de sécurisation professionnelle auquel ont droit tous les salariés licenciés pour motif économique dans les entreprises de moins de 1 000 salariés. Peut-être souhaiteront-ils explorer la piste ouverte par M. Tourenne, pour créer un préavis plus long. Laissons la réflexion se poursuivre sur ce point et revoyons ce sujet dans quelques mois, lors de l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances. Peut-être pourrons-nous alors demander ensemble un rapport…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis défavorable sur cette demande de rapport, mais une telle réflexion doit être menée.

M. le président. Monsieur Tourenne, l'amendement n° 47 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Louis Tourenne. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 149 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre de la loi n° 2016-10-88 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. N’en déplaise à notre excellent rapporteur, étant donné la faiblesse des études d’impact qui accompagnent les projets de loi et dans la mesure où nous sommes souvent bridés par l’article 40 de la Constitution pour formuler des propositions concrètes, notre seul recours est de demander un rapport…

En l’occurrence, nous souhaitons la remise d’un rapport tirant le bilan de la mise en place de la loi El Khomri, afin de voir si, à l’horizon de six mois, le bouleversement, pour ne pas dire la destruction, du code du travail en cours aura eu des effets significatifs sur la baisse du chômage. Nous sommes très curieux de le savoir !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 166 rectifié, présenté par MM. Yung et Leconte et Mmes Lepage et Conway-Mouret, est ainsi libellé :

Après l'article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la situation, au regard de l'assurance chômage, des agents contractuels recrutés sur place dans les services de l'État à l'étranger.

Ce rapport explore les pistes susceptibles de permettre aux agents non titulaires de droit local de bénéficier d'une indemnisation au titre de l'assurance chômage lors de leur retour sur le territoire français. Il aborde notamment la possibilité de mettre en place un dispositif d'indemnisation dans le cadre de l'auto-assurance ou d'une convention de gestion ou, à défaut, d'autoriser les agents de droit local à adhérer à titre individuel au régime français d'assurance chômage. Il évalue également l'impact financier des différentes options envisageables.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, je n’ai pas d’autre solution que de vous demander un rapport sur la situation, au regard de l’assurance chômage, des agents non titulaires français recrutés localement par les administrations françaises à l’étranger.

Ces personnels représentent, par exemple, environ un tiers des 4 500 recrutés locaux du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Leur nombre va croissant à mesure que les postes d’expatrié sont supprimés.

À leur retour en France, les recrutés locaux –contrairement aux agents détachés à l’étranger ou expatriés – se voient refuser le bénéfice d’une allocation d’assurance chômage, qu’il s’agisse de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, ou de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, l’ARE. Or, en vertu de l’article L. 5424-1 du code du travail, l’État et ses établissements publics administratifs ont l’obligation d’assurer leurs agents non fonctionnaires contre le risque de privation d’emploi.

Dans une décision du 27 février 2013, le Défenseur des droits considère que les recrutés locaux « subissent une différence de traitement qui n’apparaît pas justifiée tant au regard de la situation des agents non titulaires de l’État, que de celle des salariés du secteur privé placés dans une situation comparable ». Il recommande donc au Gouvernement de « prendre les mesures nécessaires en vue de permettre à ces agents […] de bénéficier des droits à indemnisation chômage à leur retour sur le territoire français ».

Force est malheureusement de constater qu’aucune suite positive n’a encore été donnée à cette recommandation, qui va dans le même sens qu’un télégramme diplomatique en date du 9 septembre 2009, selon lequel l’ouverture des droits à l’assurance chômage « s’applique […] aux ADL – agents de droit local – qui décideraient de venir résider en France dans les douze mois qui suivent la fin de leur contrat ».

En déposant cet amendement, nous souhaitons que le Gouvernement indique au Parlement comment il entend améliorer le régime de protection sociale des personnels de droit local, qui jouent un rôle central dans le fonctionnement des postes diplomatiques et consulaires, des instituts culturels et des établissements scolaires français. Toutes les pistes doivent être explorées, y compris l’auto-assurance, la conclusion d’une convention de gestion avec Pôle emploi et l’adhésion individuelle au régime français d’assurance chômage.

Madame la ministre, je doute de l’adoption de cet amendement, mais, compte tenu de vos fonctions précédentes, peut-être serez-vous en mesure de nous indiquer comment vous pensez pouvoir nous aider à avancer sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit d’une question technique relative à la politique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères envers les agents qu’il recrute à l’étranger sous l’empire du droit local. J’espère que la ministre pourra y apporter une réponse. Je lui en souffle une : je pense que si nous adoptions cet amendement, aucun rapport ne verrait jamais le jour !

Je vous propose, monsieur Leconte, de poser plutôt une question orale sur ce sujet au ministre concerné. Vous recevrez alors sans doute une réponse beaucoup plus précise que celle que vous pourrez obtenir ce soir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cette demande de rapport. Je pense que le mieux serait effectivement de saisir le ministre concerné.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Cher collègue, il fallait non pas demander un rapport, mais rédiger ainsi votre amendement : « Dans les conditions prévues à l’article, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toutes mesures relevant du domaine de la loi pour sécuriser la situation des agents non titulaires de droit local et leur permettre de bénéficier d’une indemnisation au titre de l’assurance chômage. »

Ainsi formulé, votre amendement passerait, du fait de la mention des ordonnances !

Si M. le rapporteur ou Mme la ministre jugent la question posée intéressante, je leur suggère de reprendre l’amendement sous cette forme…

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Si le Gouvernement demande à être habilité à légiférer par ordonnance sur ce sujet, je m’en réjouirai ! (Sourires.)

Certes, c’est le droit local qui prévaut pour les agents de recrutement local. J’attire cependant votre attention, monsieur le rapporteur, sur le fait que certaines personnes relevant du droit local sont parfois considérées, dans le pays où elles travaillent, comme des agents diplomatiques et, pour cette raison, ne bénéficient pas des prestations sociales locales. Il y a là une difficulté spécifique, qui s’ajoute à l’absence couverture par l’assurance chômage en cas de retour en France.

Si nous abordons cette question aujourd'hui, c’est parce que le ministère des affaires étrangères ne bouge pas, malgré les interpellations du Défenseur des droits.

Cela étant dit, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 166 rectifié est retiré.

Articles additionnels après l'article 8 bis
Dossier législatif : projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 9 et article additionnel après l’article 9 (précédemment examinés)

M. le président. Je rappelle que l’article 9 et l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 9 ont été examinés par priorité.

Vote sur l'ensemble

Article 9 et article additionnel après l’article 9 (précédemment examinés)
Dossier législatif : projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Comme d’autres, je suis présent dans l’hémicycle depuis lundi après-midi. En cet instant, je m’exprimerai en mon nom personnel, mais aussi au nom d’un certain nombre de mes collègues.

Ayant soutenu et voté la loi Rebsamen et la loi El Khomri, j’ai adopté, en cohérence avec cette position, une approche favorable du projet de loi soumis à notre examen cette semaine. Depuis lundi, j’ai apporté à ce texte un soutien certain, mais aussi nuancé et vigilant – s’agissant notamment du travail de nuit, des prud’hommes ou de la pénibilité –, toujours guidé par la défense des convictions et des valeurs qui sont les miennes.

La procédure des ordonnances est conforme à nos institutions républicaines, cela ne fait pas débat. Elle a d’ailleurs été largement utilisée par les gouvernements de gauche depuis le début de la Ve République.

Sur le fond, la primauté des accords d’entreprise et de branche est de plus en plus régulièrement affirmée, et ce depuis une ordonnance Auroux de janvier 1982, ce qui est assez surprenant.

Je souhaite insister fortement, madame la ministre, sur la nécessité de conforter les moyens destinés à assurer la présence syndicale dans les entreprises. C’est selon moi un levier indispensable du renforcement du dialogue social. À cet égard, je me félicite de l’adoption hier de l’amendement tendant à créer, au sein de l’instance unique de représentation des salariés, une commission spécifique chargée de traiter des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

D’une façon plus générale, je partage l’idée que les décisions que nous prenons doivent absolument pouvoir être mises en œuvre et fonctionner dans la réalité. Il y va de la crédibilité de l’action politique.

Entre certaines situations aujourd'hui insupportables, indignes pour les salariés ou défavorables au développement économique et le monde idéal dont nous avons tous une vision et dont nous rêvons, il existe – c’est ma conception de l’action politique – un champ de la réforme ambitieuse.

L’ambition peut être d’aller plus loin en matière de prise en compte des quatre derniers critères de pénibilité, comme nombre d’entre nous l’ont demandé cet après-midi. Nous souhaitons une réforme ambitieuse qui à la fois prévoie des protections nouvelles pour les salariés – à cet égard, nous attendons, madame la ministre, les textes relatifs à la sécurisation des salariés, c’est-à-dire portant sur la formation professionnelle et sur le chômage – et permette d’accroître notre efficacité économique, sans détruire notre système de protection sociale.

En conclusion, je serai amené à voter contre ce projet de loi, pour marquer mon opposition très forte aux modifications qui y ont été apportées par la majorité sénatoriale au fil du processus législatif. Nous formerons bien sûr notre jugement définitif lorsque nous connaîtrons le texte des ordonnances et nous l’exprimerons lors de l’examen du projet de loi de ratification. (Mme Catherine Tasca applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Nous arrivons donc au terme de la discussion de ce projet de loi. Durant quatre jours, les membres de notre groupe sont intervenus pour en critiquer les conséquences négatives. Nous avons démontré en quoi le postulat qui fonde ce projet de loi est faux : penser qu’une amélioration de la productivité des entreprises pourrait résulter de la réduction des droits des salariés relève d’un raisonnement indigent.

Nous avons dénoncé une rupture d’égalité des droits entre les salariés et souligné qu’il est dangereux de réduire le pouvoir de ceux-ci dans l’entreprise et leurs droits syndicaux.

Parmi les nombreux reculs que comporte le texte, nous citerons le plafonnement des indemnités de licenciement, la suppression du compte pénibilité, la réduction des délais de recours aux prud’hommes, la fusion des instances représentatives du personnel.

Non, mes chers collègues, il n’est pas difficile de licencier en France ! Non, les contraintes qui pèsent sur les entreprises ne sont pas trop rigides, notamment en matière de licenciement. Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur les indicateurs publiés par l’OCDE qui permettent de comparer ce que l’on appellera, selon le point de vue où l’on se place, les rigidités imposées aux patrons ou les protections accordées aux salariés.

Ainsi, en matière de licenciements individuels, nous nous situons dans la moyenne des pays étudiés. En termes de délais de préavis, d’indemnités de licenciement, les dispositions de notre code du travail ne sont pas plus contraignantes, en moyenne, qu’elles ne le sont dans d’autres pays. L’OCDE, qu’on ne peut tout de même pas soupçonner de complaisance à l’égard de notre modèle social, rappelle même qu’il est plus facile de faire un plan social en France qu’en Irlande, en Hongrie, en Allemagne, en Suisse, en Italie, en Belgique, parmi d’autres pays.

Malgré ces éléments objectifs, le Gouvernement a choisi d’aligner son texte sur le cahier de revendications du MEDEF. Logiquement, vous avez refusé l’intégralité des amendements que nous avons proposés visant à renforcer les droits des salariés dans les entreprises. Vous avez également refusé l’ensemble de nos propositions alternatives, qu’il s’agisse de l’interdiction des licenciements boursiers, de l’instauration d’un droit de veto des représentants du personnel, de la réparation intégrale par les prud’hommes, des mesures de protection juridique des syndicalistes…

En réalité, outre que votre projet de renforcement du dialogue social réduira les protections des salariés, il sera contre-productif au regard de la santé de notre économie. C’est pourquoi nous voterons contre l’ensemble de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Je voudrais remercier le président-rapporteur de la commission des affaires sociales, laquelle a introduit des ajouts peu nombreux, mais importants, précis et conformes à la philosophie du texte. Ils visent en effet à instaurer la flexibilité nécessaire pour fluidifier les parcours vers l’emploi tout en prévoyant un certain nombre de garanties en matière de protection des salariés.

Nous avons effectué un travail important en commission et serons attentifs à ce qu’en conservera la commission mixte paritaire. Comme nous l’avions annoncé, nous voterons ce projet de loi, un certain nombre de nos amendements ayant été adoptés. Nous nous retrouverons dès la semaine prochaine, madame la ministre, et suivrons avec une grande vigilance la suite du processus législatif.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Lorsque nous avons abordé l’examen de ce projet de loi, nous avions des craintes, des inquiétudes sur ses orientations, madame la ministre. Malheureusement, les débats et les réponses que vous nous avez apportées ne les ont pas dissipées, bien au contraire.

Vous avez trouvé dans l’hémicycle une majorité qui, non contente de soutenir votre projet, est même allée plus loin que ce que vous proposiez. C’est une mauvaise nouvelle pour les salariés et l’ensemble du monde du travail, mais ce n’est pas non plus, comme l’a dit mon collègue Dominique Watrin, une bonne nouvelle pour l’économie. La mise en œuvre de vos propositions ne va pas ouvrir la voie à un recul du chômage, bien au contraire. Le MEDEF se réjouit de cette réforme, contrairement aux grandes organisations syndicales.

Prétendument pour réduire le chômage, vous avez choisi de faciliter les licenciements, de limiter les recours pour les salariés, de plafonner les indemnités auxquelles ils peuvent prétendre, de fusionner les institutions représentatives du personnel, d’étendre à de nombreux domaines l’inversion de la hiérarchie des normes et la suppression du principe de faveur, avec toutes les inégalités que cela va engendrer, de rendre la loi supplétive, voire accessoire, de généraliser la précarité en créant des CDI de projet – j’ai dénoncé cet oxymore – qui sont en fait des CDD… Bref, vous allez créer une société de « mini-jobs », une société où l’on travaille encore plus le dimanche et la nuit, un monde du travail où l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes reste un simple objectif. Ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle !

Quant à nous, nous nous félicitons tout de même d’avoir obtenu davantage de soutien de la part d’un certain nombre de nos collègues socialistes que lorsque nous nous sommes battus contre la loi El Khomri. C’est un point d’appui intéressant pour construire l’avenir et des propositions alternatives.

Vous avez pris pour cible, madame la ministre, les salariés, ceux qui n’ont pas la chance de bénéficier de stock-options, de parachutes dorés. Notre combat n’est pas terminé. Il se poursuivra ici, dans l’hémicycle, mais aussi dans la rue, au côté des salariés, le 12 septembre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je prie les orateurs inscrits pour expliquer leur vote de bien vouloir m’excuser d’intervenir maintenant, mais je dois prendre le dernier TGV de la journée afin de pouvoir être à Avignon ce soir et profiter un peu de la Provence dès demain ! (Sourires.)

Je tiens à remercier les présidents de séance qui se sont succédé au plateau, ainsi que Mme la ministre et ses collaborateurs, avec qui nous avons réalisé un travail intéressant. Nous verrons dans quelques jours ce qu’il en adviendra. Enfin, je remercie les membres de la commission des affaires sociales, car, malgré nos divergences, nous sommes parvenus à travailler dans une ambiance sereine et même amicale, ce à quoi je tiens beaucoup.

Étant plutôt un spécialiste des questions de santé et de sécurité sociale, je dois avouer que je ne connaissais pas grand-chose au droit du travail. J’adresse donc des remerciements particuliers à nos collaborateurs de la commission des affaires sociales, qui m’ont beaucoup appris en moins de trois semaines. Leur aide m’aura permis, du moins je l’espère, de ne pas avoir l’air ridicule devant vous, mes chers collègues ! (On se récrie sur diverses travées.)

Mme Nicole Bricq. Ne soyez pas si modeste !

M. Alain Milon, rapporteur. Je tiens en outre à vous faire part de mon inquiétude sur la façon dont risque de se dérouler la CMP. J’en ai déjà parlé aux membres de mon groupe et à Mme la ministre. La représentation de l'Assemblée nationale à la CMP n’a pas été constituée d’une manière conforme à la tradition, qui veut que quatre de ses membres titulaires soient issus de la majorité et trois des groupes de l’opposition. En l’occurrence, elle comprendra cinq représentants de la majorité et deux de l’opposition. J’ignore si cela tient à un manque d’expérience ou à une volonté d’imposer quelque chose, mais en tout cas le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale a refusé mes invitations à échanger, madame la ministre… Je devrai donc arriver tôt à l'Assemblée nationale lundi afin de pouvoir discuter avec lui. Je ne mets pas en cause le Gouvernement dans cette affaire, mais nous devons être extrêmement vigilants sur les relations entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Le Sénat a un rôle important à jouer dans l’élaboration des lois, notamment parce qu’il apporte souvent une forme d’apaisement. J’espère que les choses se passeront mieux à l’avenir.

Je donne rendez-vous aux membres de la CMP lundi, à seize heures à l'Assemblée nationale, et à vous tous, mes chers collègues, jeudi 3 août, pour le vote du projet de loi d’habilitation tel qu’il résultera des travaux de la CMP. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Au cours de ces quatre jours de discussions, toutes les sensibilités ont pu s’exprimer. Comme vous avez pu le constater, madame la ministre, l’hémicycle du Sénat peut être le lieu de débats vifs et passionnés.

L’examen de la loi El Khomri avait lui aussi été l’occasion d’échanges parfois musclés. La raison en est simple : le travail structure nos vies et celles de nos concitoyens.

Deux visions s’opposent sur le droit du travail : d’aucuns le souhaitent centralisé, légal, exhaustif ; d’autres, dont je fais partie, veulent faire confiance à l’intelligence collective.

J’ai dit lors de la discussion générale que notre groupe souhaitait vous faire confiance, madame la ministre. La teneur des débats me permet de vous confirmer notre soutien.

Je remercie le président Milon de son action. Au long de ces trois dernières années, j’ai eu plaisir à apprendre le métier de sénateur au côté de mes collègues de la commission.

Madame la ministre, c’est maintenant à vous de jouer. La partie sera difficile. Soyez ferme face à ceux qui cherchent à vous déstabiliser. Ne reculez pas devant les dogmatismes et les vieilles lunes. Il y aura de nombreuses résistances, peut-être violentes, comme nous avons pu en voir l'an dernier. Accrochez-vous aux principes qui doivent guider votre réforme. Placez le dialogue social au plus près de l’entreprise, au plus près du terrain. Fluidifiez le dialogue social dans les entreprises, un dialogue direct, sans intermédiaires obligatoires. Simplifiez les règles applicables aux administrations et adaptez le rôle de celles-ci. Enfin, flexibilisez le marché du travail pour permettre aux entreprises de s’adapter.

Nous nous reverrons prochainement pour parler de formation professionnelle, d’assurance chômage, de retraites. Vous nous proposerez alors d’autres mesures visant à sécuriser les parcours, afin de permettre à la flexibilité de jouer pleinement son rôle dans l’économie. C’est alors que nous saurons si le gouvernement auquel vous appartenez a pris en compte les immenses attentes qui se sont exprimées. Vite, vite, vite : vous le devez, nous le devons aux entreprises, à celles et à ceux qui contribuent à leur réussite, ainsi qu’aux chômeurs qui souhaitent retrouver un emploi. Bon courage !

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Je voterai contre ce projet de loi.

Si le recours aux ordonnances n’est pas à condamner de façon générale, il me paraît tout à fait regrettable s’agissant d’un texte qui porte sur des sujets sensibles, qui divisent le pays, d’autant que la mise en œuvre de la loi El Khomri n’a encore fait l’objet d’aucune évaluation. Les débats l’ont montré, sur des points très importants, nos échanges se sont trouvés limités parce que nous ne connaissons pas le contenu des ordonnances. Je suis pourtant convaincu qu’elles sont déjà rédigées : je vous l’ai dit à plusieurs reprises, madame la ministre, et vous ne m’avez pas démenti !

Je voterai contre ce texte parce que, pour l’essentiel, ses dispositions renforcent la flexibilité et affaiblissent la sécurité. La flexibilité n’est absolument pas à rejeter. En effet, le monde du travail connaît des évolutions importantes, et personne n’imagine pouvoir exercer le même métier toute sa vie. Cela étant, le renforcement de la flexibilité ne doit pas s’opérer au détriment de la sécurité. La flexibilité doit s’inscrire dans un parcours de vie et de travail.

Dans le présent texte, malheureusement, ce renforcement s’accompagne d’un affaiblissement de la sécurité : je citerai la facilitation des licenciements, l’extension du CDI de chantier à de nouveaux secteurs, l’instauration de barèmes prud’homaux avec plafonnement des indemnités, l’affaiblissement de la représentation syndicale par la fusion des instances représentatives du personnel, l’abandon de la spécificité des CHSCT, sur lequel nous avons eu un beau débat…

Je voterai d’autant plus résolument contre ce texte qu’il a été aggravé par la commission et la majorité sénatoriale de droite, dont beaucoup d’amendements ont été acceptés par le Gouvernement, au contraire de la quasi-totalité des amendements émanant de la gauche.

Beaucoup de mes amis socialistes voteront également contre.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Les écologistes, que je représente ici, voteront contre ce projet de loi.

Sur le plan de la méthode, tout d’abord, ce n’est pas parce qu’il est possible et légal de recourir aux ordonnances qu’il est bien de le faire. Réformer le modèle social français nécessite un débat préalable avec les partenaires sociaux et les parlementaires. Nous aurions pu prendre le temps d’établir un constat, de conduire des études de cas afin d’être précis. On a manqué, dans ce débat, d’exemples concrets, d’études, de travail préparatoire. Ce n’est pas là pour le Parlement une bonne façon de travailler. On aurait aussi pu organiser des états généraux de l’économie et de l’emploi. Cela aurait permis de mobiliser les territoires et l’ensemble des acteurs économiques et syndicaux.

Sur le fond, s’il est beaucoup question de flexibilité dans ce texte, le volet relatif à la sécurité n’est pas suffisant, comme l’a dit M. Assouline. Ainsi, vous facilitez les licenciements sans garantir en contrepartie à ceux qui seront licenciés qu’ils seront indemnisés et qu’ils pourront ensuite de nouveau s’insérer dans la société. Certes, l’entreprise ne peut garantir l’emploi à vie, mais il revient à la société d’assurer à chacun les moyens de vivre. Or vous n’avez rien mis en place à cet égard.

Par ailleurs, vous dites vouloir renforcer le dialogue social dans l’entreprise, mais vous avez refusé tous nos amendements tendant à introduire des éléments de cogestion. Dans ces conditions, les employeurs indélicats pourront faire la loi dans leur entreprise. Le rapport de force est tout de même en faveur des employeurs !

En définitive, madame la ministre, quelle société voulez-vous mettre en place ? Vous appartenez à un gouvernement tout neuf, la population un nouveau contrat social. Au lieu de nous permettre d’y réfléchir ensemble, vous agissez dans la précipitation, vous contentant d’introduire quelques aménagements soufflés par le MEDEF et, sans doute, par d’autres forces politiques.

En conclusion, je constate avec tristesse que ce que j’avais annoncé lors des débats sur la loi El Khomri est en train de se produire. J’avais dit à Mme El Khomri que son texte nous plaçait au sommet d’un toboggan, qu’il enclenchait un processus de libéralisation dans les entreprises que d’autres se chargeraient ensuite de pousser encore plus loin. Nous y voilà ! La loi El Khomri n’existe plus : nous allons aujourd’hui vers une libéralisation accrue au sein des entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)