Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, au nom de la commission des affaires étrangères.

M. Robert del Picchia, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat sur l’avenir de l’Institut français touche à une question fondamentale, qui est celle de notre diplomatie d’influence.

La France a été pionnière dans ce domaine. Elle hérite de son histoire une présence culturelle forte, sur tous les continents. Mais cet héritage n’est pas immuable. Il doit être non seulement préservé, mais aussi transformé, modernisé et adapté aux réalités du XXIe siècle.

En effet, la concurrence est forte, démultipliée par la mondialisation de l’information et le tournant des réseaux sociaux. Elle nécessite que nous soyons très présents, sur tous les fronts, pour défendre notre vision du monde. C’est pourquoi notre commission a appelé, dans un rapport récent de notre ancien collègue Jacques Legendre et d’Hélène Conway-Mouret, à une remontée en puissance de notre diplomatie culturelle. Nous renouvelons aujourd’hui cet appel.

Or où en est l’Institut français ? Je ne reviendrai pas sur la trajectoire budgétaire évoquée par la présidente Catherine Morin-Desailly, mais la question des moyens est évidemment essentielle.

Depuis sa création en 2011, l’Institut français a su imposer sa marque, comme symbole du rayonnement culturel de la France. Il est connu et remarqué dans le monde entier. Il faut d’ailleurs en remercier ses équipes et présidents successifs, qui ont su l’implanter dans le paysage culturel non seulement français, mais aussi mondial.

Au-delà de la seule culture française, l’Institut français encourage les échanges culturels à travers le monde, et se place ainsi comme un acteur important d’une diplomatie culturelle globale. Aujourd’hui, la perspective d’un rapprochement avec la Fondation Alliance française doit être l’occasion de mener une réflexion plus large sur le fonctionnement de notre diplomatie culturelle.

Monsieur le secrétaire d’État, j’évoquerai quelques pistes qui seront autant de questions.

Tout d’abord, la demande de culture française à l’étranger est multiforme et probablement variable selon les régions du monde, les pays et les publics, français ou étrangers.

Y a-t-il toujours concordance entre l’offre de culture française à l’étranger et la demande exprimée ? Sans se limiter à cette approche, adopter une démarche empirique, fondée en premier lieu sur le terrain et les retours d’expérience, me paraît essentiel.

Ensuite, pour une diffusion auprès de publics les plus larges possible, ne faut-il pas réfléchir aux synergies entre l’Institut français et les autres acteurs français à l’international ?

Les opérateurs de l’audiovisuel extérieur – TV5 Monde, France Médias Monde – sont des partenaires naturels de l’Institut français. Quel est le nombre de collaborations entre l’Institut français et les opérateurs audiovisuels ? Peut-on évaluer leur impact en termes d’audience ? Cela doit être possible, même si c’est difficile. Peut-on encore augmenter ces partenariats afin de permettre aux opérateurs audiovisuels de bénéficier de l’expertise de l’Institut français, et accroître l’impact de notre politique d’influence ?

Enfin, même si on ne peut évidemment pas réduire la diplomatie culturelle à cette dimension, elle est aussi un instrument de la diplomatie économique. Mes chers collègues, sachez que les exportations des industries culturelles et créatives françaises représentent 32 milliards d’euros. Comment l’Institut français est-il associé à cette dimension, qui est inséparable de son action ?

Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais remercier la présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, d’avoir pris l’initiative de ce débat sur un sujet essentiel, dont nous suivrons avec attention les développements, en particulier le président de la commission des affaires étrangères, Christian Cambon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, au nom de la commission des affaires étrangères.

M. André Vallini, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la présidente Morin-Desailly, monsieur le président Cambon, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur le rapprochement entre l’Institut français et la Fondation Alliance française.

Ces deux structures sont dans des situations très différentes, puisque l’Institut français est un établissement public chargé de la mise en œuvre de l’action culturelle extérieure de la France à l’international, parallèlement avec le réseau culturel de nos ambassades. La Fondation Alliance française anime quant à elle un réseau de 813 alliances locales, associations de droit local, qui réalisent plus de 200 millions d’euros de chiffre d’affaires et s’autofinancent à 96 %.

La Fondation connaît des difficultés financières très importantes, en raison notamment d’un conflit très dur qui l’oppose à l’Alliance française de Paris Île-de-France, mais aussi parce que la subvention de l’État à la Fondation a diminué de 20 % depuis 2013.

Sa situation est très critique et, pour en sortir, ses dirigeants sont prêts à saisir l’occasion intéressante du rapprochement souhaité par le Président de la République entre la Fondation Alliance française et l’Institut français. Ce rapprochement est souhaitable depuis longtemps. Jean-Marc Ayrault et moi-même avions commencé à y réfléchir voilà quelques mois. Il est aujourd’hui nécessaire, je dirai même inéluctable.

La complémentarité entre l’Institut français et l’Alliance française est telle que des synergies doivent être trouvées pour éviter des concurrences stériles et coûteuses. Je mentionnerai les cours de français en ligne : les alliances et les instituts sont actuellement en train de mettre en place des offres numériques concurrentes, ce qui n’est acceptable ni financièrement ni politiquement.

Il faut donc faire le contraire et développer la complémentarité de l’approche par la langue qui est celle de l’Alliance et de l’approche par la culture qui est celle de l’Institut français, puisque, on le sait, apprendre le français amène souvent à s’intéresser à la culture française ; réciproquement, s’intéresser à la culture française conduit souvent à apprendre le français.

Certes, ce rapprochement provoquera des réticences et des résistances. Pour avoir vécu le rapprochement entre l’Agence française de développement, l’AFD, et la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, je me doute, comme vous, des problèmes que vous allez rencontrer, monsieur le secrétaire d'État… Mais ce rapprochement, je le répète, est aujourd’hui nécessaire.

Je terminerai par deux remarques complémentaires.

Tout d’abord, je suis convaincu, quitte à froisser quelques fonctionnaires du Quai d’Orsay, qu’il ne faut pas rester sur l’échec de 2010 du rattachement du réseau culturel public des ambassades à l’Institut français. La première rationalisation est là.

Ensuite, le rapprochement, que j’approuve, entre l’Alliance et l’Institut ne doit pas être seulement un moyen de gérer la pénurie de ressources publiques ; il doit s’accompagner de moyens supplémentaires pour donner à la France le rayonnement culturel qui doit être le sien en raison de son histoire et de sa culture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs – chers collègues, allais-je dire ! –, j’ai grand plaisir à m’exprimer à cette tribune, à prendre connaissance des travaux que vous avez conduits et à entendre vos recommandations.

Ce débat vient au bon moment, dans la mesure où, vous l’avez signalé, un certain nombre de réflexions ont été engagées et différents rapports publiés : il est utile que le Gouvernement puisse s’en inspirer. Je citerai le rapport sur le contrat d’objectifs et de moyens de Jacques Legendre et Hélène Conway-Mouret qui, à l’époque, avait quelque peu sonné l’alarme, tout comme le rapport de Louis Duvernois sur la francophonie. De plus, les interventions qui viennent d’avoir lieu seront suivies d’autres.

Nous sommes réunis autour d’un sujet majeur, celui de l’influence, du rayonnement de notre langue et de notre culture, auquel, vous le savez, le Président de la République attache un soin particulier : il a eu l’occasion de s’exprimer lors de la Conférence des ambassadeurs le 29 août dernier, en annonçant son souhait de mettre en place un plan ambitieux de promotion de la langue française, de défense du plurilinguisme. En effet, nous sommes dans un monde ouvert et la langue française est elle-même ouverte, véritable passerelle vers autant de cultures qui en sont des affluents. Dans le contexte de l’élaboration de ce plan, toutes vos réflexions sont précieuses.

Ont notamment été évoqués les moyens. Mme la présidente Morin-Desailly et Claude Kern ont signalé une paupérisation sur le terrain, ainsi que le besoin « d’actes sonnants et trébuchants ». Il est vrai, nous en avons débattu à l’Assemblée nationale lors de l’examen du budget, que le ministère des affaires étrangères a beaucoup contribué au rétablissement des finances publiques ces dernières années. On en arrive – pardonnez-moi cette expression triviale – à être un peu à l’os.

Si nous voulons conserver notre ambition, celle d’une diplomatie véritablement universelle, qui constitue un réseau très dense – vous êtes, en tant que sénateurs et sénatrices, souvent amenés à rencontrer les diplomates, les conseillers culturels et le monde associatif travaillant avec ce réseau –, nous ne pouvons continuer cette spirale de baisses de moyens, y compris humains, car ces acteurs sont très sollicités et font des miracles avec ce qu’ils ont à leur disposition.

On pourrait toujours faire mieux, mais le Gouvernement a tenu à stabiliser en 2018 la subvention à l’Institut français. C’est un premier coup d’arrêt à une baisse qui avait lieu depuis plusieurs années.

Nous serons vigilants pour que, dans le cadre du programme 185, aux côtés d’autres priorités telles que les bourses ou l’AEFE, c'est-à-dire l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’Institut français puisse bénéficier des moyens nécessaires pour déployer une véritable diplomatie culturelle ambitieuse et audacieuse, qui nous permette de tenir notre rang. Au reste, il faut le souligner, cet été, une université américaine a estimé que nous étions au premier rang des pays les plus influents. Nous devons partager ces lauriers avec tous ceux qui œuvrent au quotidien pour la diffusion de la culture, de la langue et des valeurs que nous véhiculons.

Claude Kern a évoqué les coopérations qu’il faudrait conclure avec un certain nombre de pays voisins et amis, tels que l’Allemagne ou les pays francophones.

Des actions sont conduites avec l’Allemagne, notamment au travers du réseau unique des instituts culturels nationaux de l’Union européenne, dont nous allons prendre la présidence à l’été prochain, ce qui nous donnera l’occasion d’apporter des messages importants.

Nous travaillons aussi avec le Goethe-Institut dans le cadre du Fonds culturel franco- allemand, qui encourage des initiatives de coopération culturelle en pays tiers, conduites conjointement par les deux réseaux diplomatiques français et allemand. Par exemple, le programme franco-allemand Africalab Adaya sur le continent africain met en relation les jeunes entrepreneurs culturels de cinq pays d’Afrique de l’Ouest. Cette volonté d’agir ensemble peut être amplifiée, je le concède, mais l’Institut y est très ouvert.

En revanche, nous avons encore des marges de progression sur la coopération avec nos amis francophones. Renseignements pris, puisque vous avez évoqué ce sujet, je me suis tourné vers nos amis du Quai d’Orsay pour m’assurer que nous travaillions avec d’autres instituts comme le Centre culturel canadien. C’est en réalité assez rare ; donc, dans le cadre du plan que nous élaborons pour répondre au souhait du Président de la République, nous devons mettre l’accent sur ce point.

Mme la présidente Morin-Desailly a évoqué le rapprochement entre l'Institut français et la Fondation Alliance française, qui figurait au cœur de l’intervention d’André Vallini. Ce sujet, complexe, mérite à tout le moins un sens diplomatique aigu. C’est pourquoi l’ambassadeur de France Pierre Vimont a été missionné. Il a consulté les différentes parties prenantes et devrait publier son rapport assorti de préconisations dans quelques semaines.

Il faut permettre une meilleure synergie, mais ne pas se précipiter sur des idées simplistes. Tout cela doit avoir du sens : les alliances et les instituts sont malheureusement parfois en concurrence, notamment pour des raisons – j’ai quelque pudeur à employer un terme anglais dans cet hémicycle – de business model, puisque les cours de français contribuent au financement des différents acteurs. On pourrait vouloir rationaliser, mais cela suppose d’enlever des moyens à l’un des acteurs. Réfléchissons-y avec attention.

Le modèle des alliances françaises s’appuie sur les initiatives locales, qu’il ne faut pas décourager. Certes, il peut y avoir un cadre défini de Paris, quelle que soit l’instance de tête, mais il est important que les membres qui font vivre les alliances françaises sur le terrain aient leur voix au chapitre à l’échelon national. Ce sont elles qui, au quotidien, parviennent à mobiliser des moyens, du mécénat, ce qui manque parfois, tant pour la Fondation Alliance française – elle reconnaît d'ailleurs son échec de ce point de vue – que pour l’Institut français, pour qui les ressources propres de ce type restent assez résiduelles, de l’ordre de 11 %. C’est vous dire si l’enjeu de la mobilisation de ces ressources est important.

Robert del Picchia a évoqué les synergies avec les autres opérateurs, notamment dans le monde de l’audiovisuel : TV5 Monde et France Médias Monde sont mobilisés, de même que RFI. J’ai en tête la semaine de la langue française, à laquelle sont associées les rédactions de France Médias Monde et de RFI, ou un certain nombre de prix décernés ensemble, tels que le prix « découverte » et le prix « théâtre ».

Des conventions avec TV5 Monde prévoient des collaborations autour des saisons culturelles croisées, pour lesquelles on ne peut que tirer notre chapeau à l’Institut qui réussit à les conduire avec maestria. On se souvient tous de l’Année France-Colombie, qui a été une réussite. Nous préparons France-Israël, puis France-Roumanie.

Message reçu, mesdames, messieurs les sénateurs ! Vous avez émis le souhait d’une diplomatie culturelle ambitieuse qui permette à la France de jouer un rôle important dans ce monde multipolaire, où elle a une voix différente à porter et à faire partager. Une langue, c’est aussi un point de vue sur le monde. Il nous appartient, ensemble, de lui donner les moyens nécessaires.

Les quelque vingt interventions qui vont suivre seront autant d’éléments pour enrichir les réflexions du Gouvernement, qui est venu ici puiser à bonne source. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Débat interactif

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d’y répondre pour une durée équivalente.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Christine Prunaud, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Christine Prunaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’une des missions de l’Institut français est de promouvoir la langue française et de faire rayonner sa culture. Ses missions sont parfaitement complémentaires avec celles de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Ainsi, comment le Gouvernement compte-t-il mettre à profit cette coopération, tout en assurant le maintien et le développement de ces deux structures ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, dans l’effort consenti pour promouvoir la langue française, on trouve les actions conduites par l’Institut français et celles qui sont conduites par les alliances françaises.

Près de 600 000 à 800 000 apprenants ou personnes sont touchés par ces actions. Finalement, à l’échelle de plus de 250 millions de francophones, un certain nombre d’autres structures sont très concernées par notre action en faveur de de la langue française. Vous avez cité l’AEFE. Celle-ci bénéficie de la mobilisation des parlementaires, qui souhaitent le maintien de son budget. Il en est ainsi pour les années 2018 et 2019, même si nous avons à gérer une régulation budgétaire de 2017.

Au regard de ce contexte, il est extrêmement important que nous arrivions à faire travailler les uns avec les autres avec toujours plus de fluidité. Nous gagnerions à instaurer au Quai d’Orsay une sorte de conférence annuelle réunissant tous ces opérateurs. En effet, nous avons l’habitude d’entretenir un dialogue bilatéral avec chacun d’entre eux, mais dans les moments que nous connaissons, il est temps de décloisonner et de faire tomber quelques « murs de Berlin » entre institutions. Je prends votre question comme une incitation à tenir ce genre de réunions plus fréquemment au Quai d’Orsay.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour la réplique.

Mme Christine Prunaud. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Je m’inquiète cependant des moyens alloués à l’Institut dans son contrat d’objectifs et de moyens 2017-2019, qui font craindre une responsabilité nouvelle sur l’AEFE. Or l’Agence a déjà annoncé pour les deux années à venir, malgré un budget maintenu, selon vos dires, monsieur le secrétaire d’État, 180 suppressions de postes confirmées et 160 autres potentielles dans les écoles françaises, consécutives, entre autres, à l’annulation de 33 millions d’euros de crédit cet été. C’est énorme !

En parallèle, j’ai été choquée de voir que les frais d’inscription devraient augmenter, d’autant qu’un tiers du budget social destiné aux étudiants étrangers est consacré à un programme d’excellence qui semble se développer. Nous ne sommes pas contre ces programmes d’excellence, mais nous craignons une politique trop axée sur un certain élitisme.

Je vous rappelle que les écoles françaises à l’étranger inscrivent plus de 60 % d’élèves étrangers qui suivent l’enseignement français.

Monsieur le secrétaire d’État, votre proposition d’une conférence annuelle au Quai d’Orsay…

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Une conférence des opérateurs de la langue !

Mme Christine Prunaud. … est la bienvenue, comme toute concertation entre ces organismes et vous-même.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, débattre de l’Institut français, c’est évoquer la place de la culture française dans le monde.

Dans une société en pleine mutation, le « modèle français », reconnu au fil des siècles, doit se réinventer afin de perpétuer le rayonnement de la France et de la francophonie. L’Institut français y contribue en exerçant une mission de promotion de l’action culturelle extérieure de la France en matière d’échanges artistiques, de diffusion dans le monde du livre, du cinéma, de la langue française, des savoirs et des idées.

En 1906, lorsque Julien Luchaire a fondé le premier culturel français en Italie, à Florence, le jeune professeur de langues de l’université de Grenoble ambitionnait de créer « une maison, ouverte à la fois aux jeunes Français et à leurs pareils italiens, où ils travailleraient ensemble, se connaîtraient, nourriraient entre eux des liens qui s’étendraient aux familles, à la société de la ville ».

En 2017, à l’heure où l’Europe est soumise à des tensions, cette connaissance commune est plus que nécessaire pour resserrer les liens des Européens.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est particulièrement sensible à cette entreprise de coopération culturelle à l’étranger. Nous entendons donc y apporter une attention particulière à l’occasion de l’examen prochain du projet de loi de finances pour 2018.

La question des moyens financiers de l’Institut culturel est l’objet de ma présente interrogation. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, j’ai constaté avec satisfaction que vous étiez conscient des difficultés financières rencontrées par les instituts dans le monde et que vous aviez défini des moyens d’action que vous souhaitez privilégier.

À l’heure de digitalisation de la société, nous souhaitons que vous puissiez consacrer un budget dédié à l’aspect numérique de la promotion de notre culture à l’étranger.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous avez rappelé dans quel cadre historique s’inscrit notre tradition de diplomatie culturelle, et vos propos m’invitent à évoquer un point précédemment soulevé par André Vallini : le souhait d’asseoir notre diplomatie sur l’action culturelle a conduit à une intrication très étroite entre les instituts locaux et le réseau du ministère.

À l’évidence, notre modèle diffère de celui du British Council ; les missions sont assurées, en France, grâce à notre conception très régalienne de l’action publique.

Nous allons effectivement resserrer les liens entre Européens, et ce dans le cadre du nommage internet en coopération, ou NIC. Toutefois, il faut prendre en compte les aires linguistiques qui existent sur notre continent : quoique distinctes, elles peuvent coopérer. Je songe en particulier à l’hispanophonie, à la lusophonie ou à la francophonie. La France pourrait prendre la tête d’un mouvement visant à ce que ces différentes aires se parlent davantage.

À ce titre, je vous l’avoue, je suis un peu nostalgique de l’Union latine. Cette dernière avait été créée par Philippe Rossillon, et il serait bon de la remettre au goût du jour. Cet outil permettait un dialogue entre les différentes « phonies ». À mon sens, il s’agissait là d’un message intéressant, et nous pourrions réfléchir à le reprendre.

En outre, j’entends votre ambition numérique. Sachez qu’un certain nombre d’actions sont d’ores et déjà conduites en la matière par l’Institut français. J’ai notamment en tête le programme SafirLab, destiné aux jeunes entrepreneurs culturels du Maghreb et du Proche-Orient. Ces derniers se sont d’ailleurs réunis à Paris il y a une quinzaine de jours pour débattre du numérique.

L’Institut français lui-même a l’ambition de faire évoluer ses outils, et notamment son site internet, pour le rendre plus complet.

Bien sûr, l’ambition numérique est essentielle dans le monde que nous connaissons, et je vous remercie de la porter haut !

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.

Mme Colette Mélot. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens simplement à vous remercier de l’attention que vous portez à l’avenir de l’Institut français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la diplomatie culturelle est un vecteur essentiel de la diplomatie d’influence. À ce titre, tous les instruments qui concourent aux politiques de coopération culturelle doivent être consolidés. Force est, hélas !, de constater que tel n’est pas le cas aujourd’hui.

D’une part, les tentatives de rationalisation des moyens ont échoué. Je pense bien sûr à l’échec de l’expérimentation du rattachement du réseau culturel public à l’Institut français.

D’autre part, si le contrat d’objectifs et de moyens 2017-2019 confirme l’Institut français dans son rôle d’opérateur pivot de la politique culturelle extérieure de la France, les dotations qui lui sont chaque année attribuées en loi de finances ne sont pas à la hauteur de cette ambition : nous aurons l’occasion d’en reparler très bientôt, au fil des débats budgétaires.

En attendant, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite connaître l’état de développement des outils numériques mis en place au cours des dernières années, au travers de différentes plateformes telles que Culturethèque, IFcinéma ou encore IFverso.

Depuis 2013, une équipe est chargée d’approfondir ce chantier du numérique. Elle suit, en particulier, la mise en œuvre du projet IF 360, qui donnera accès à la production culturelle française à des publics du monde entier. Ce projet est censé aboutir en 2018 ; je souhaite tout simplement savoir où il en est.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous abordez deux points : celui des moyens et celui du numérique.

Pour ce qui concerne les moyens, je l’admets, il est un peu paradoxal de disposer d’un contrat d’objectifs et de moyens, d’assigner de nombreuses missions et de réduire les dotations à la portion congrue. On me dit que c’est là la norme. Mais, à mon sens, cette question mérite qu’une réflexion soit menée avec le ministre de l’action et des comptes publics : les contrats d’objectifs et de moyens doivent permettre, au moins, de tracer une trajectoire.

Ensuite, en fonction des contraintes, la trajectoire peut être adaptée. Mais, en l’occurrence, je me réfère à l’engagement des signataires, figurant à l’annexe 2, article 1er du contrat d’objectifs et de moyens. Que dit-on des moyens fixés pour une durée de trois ans ? Que « la consommation des écrits s’établira dans la limite de 27,8 millions d’euros en 2017 », point final. C’est un peu court !

Mme Françoise Laborde. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Dans le cadre des travaux menés avec le ministère de l’action et des comptes publics, nous devons donc désormais, de manière structurelle, disposer au moins d’une indication de trajectoire.

Je sais que, dans cet hémicycle, siègent d’anciens maires, qui ont géré des budgets…