M. Bruno Sido. C’est vrai !

Mme Catherine Deroche. Il conviendrait donc, selon moi, de redéfinir l’interaction entre communes nouvelles et intercommunalités, même si, bien évidemment, tout est fonction du territoire.

Aussi, ma question est simple : envisagez-vous de limiter le nombre des compétences obligatoires, ce qui encouragerait des élus parfois démobilisés à s’engager dans cette démarche et ce qui permettrait de conserver un lien entre citoyens et service public ?

Par ailleurs, je pense qu'il faudrait permettre aux communes traditionnelles de conventionner plus facilement entre elles, ou avec les communes nouvelles, sans recourir aux syndicats comme elles ont parfois tendance à le faire.

Envisagez-vous de laisser la place à l’imagination et de faire confiance aux élus des territoires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Je répondrai tout d’abord à votre dernier point, madame Deroche.

Il existe d’autres moyens de mutualiser que la seule création de syndicats. Certains dispositifs, qui figurent dans la loi, sont méconnus. Je pense, par exemple, aux ententes. Nous pourrions encourager les préfets à rappeler toutes les méthodes de mutualisation existantes.

Vous avez posé une question quelque peu similaire à celle de Philippe Bas sur les compétences. Les communes nouvelles, madame Deroche, au fond, c’est comme les communes traditionnelles : au sein d’une intercommunalité, certaines compétences restent au niveau communal et d’autres relèvent du niveau intercommunal.

Se pose ensuite la question du transfert des compétences obligatoires. Nous n’avons pas l’intention d’y revenir. Comme je l’ai dit, le Gouvernement veut de la stabilité. Nous n’engagerons aucune autre réforme que celle visant à assouplir les règles en matière d’eau et d’assainissement, comme le Premier ministre l’a annoncé hier, dans son discours devant le congrès des maires de France.

Enfin, sachez que nous avons déposé, à l’Assemblée nationale, un amendement visant à abaisser de neuf à huit compétences le seuil à partir duquel les communautés de communes peuvent bénéficier de la DGF bonifiée.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Mme Catherine Deroche. Je sais bien que le seuil est passé de neuf à huit compétences.

Toutefois, pour certains territoires, huit reste un chiffre élevé. Sur ce sujet des communes nouvelles et des intercommunalités, les choses restent trop rigides. Quoi qu’on en dise, vous ne faites pas confiance aux élus des territoires.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Oh !

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, ma question concerne le département des Deux-Sèvres, dont je suis élu, qui connaît une autre dynamique.

Dans ce département, ce sont souvent les plus petites communes qui sont mobilisées et qui travaillent sur un projet de commune nouvelle. Il s’agit parfois de six ou sept communes de moins de 300 habitants qui discutent d’un projet de commune nouvelle de 1 000 ou 1 500 habitants.

Dès lors que ces communes sont attachées à la notion de commune déléguée, pensez-vous que les textes aujourd’hui applicables sont adaptés à ce type de situation ? Existe-t-il une taille critique, en termes de nombre d’habitants, pour les futures communes nouvelles ? D’une façon générale, pensez-vous que ce débat sur la représentation des communes déléguées dans les communes nouvelles est adapté à ce type de situation, eu égard aux tailles critiques évoquées ? Il s’agit d’un cas très particulier, mais que l’on retrouve dans beaucoup de zones rurales.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Non, monsieur Mouiller, il n’existe aucun seuil, ni modèle. Tout repose sur la volonté des communes. Il ne faut y voir aucune allusion politique. Nous faisons confiance aux territoires pour s’organiser, mais – et je réponds en même temps à Mme Deroche – dans le cadre républicain.

La France est une République une et indivisible. On agit toujours dans le cadre de la loi, on ne peut pas faire n’importe quoi. Il faut arrêter de dire que nous ne faisons pas confiance aux élus locaux ! J’ai passé ma vie à défendre les élus locaux et je continue de le faire !

Je me souviens très bien de ce que signifie « faire confiance à l’intelligence territoriale ». Ce n’est pas parce qu’on demande aux élus de s’organiser sur leur territoire, à partir d’une loi-cadre, qu’on entrave leur liberté et qu’on ne leur fait pas confiance. La République est décentralisée, elle n’est pas désorganisée !

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. J’ai bien entendu vos propos, madame la ministre, qui ne correspondent pas tout à fait à la question que j’avais posée. (Sourires.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce n’était pas à vous que je répondais ! (Nouveaux sourires.)

M. Philippe Mouiller. Je voulais seulement connaître votre point de vue sur l’implantation des communes nouvelles dans les petites communes. Cela étant dit, je transmettrai votre réponse à l’oratrice précédente… (Même mouvement.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour le groupe Les Républicains.

M. Bruno Sido. Depuis des années, on nous dit que 36 000 communes – même si, comme vous venez de nous l‘annoncer, avec beaucoup de gourmandise, ce chiffre a diminué – c’est trop et qu’il est urgent de rationaliser. Chacun, ici, connaît ce discours.

Faisons un petit peu d’histoire. En 1971, la loi dite Marcellin a permis, dans certains départements, la création de nombreuses communes dites « associées », théoriquement sur la base du volontariat. En réalité, elles le furent sous la pression, certes bienveillante, mais très présente, des préfets.

En Haute-Marne, par exemple, plus de 200 communes se sont associées, en 1971. La moitié d’entre elles ont divorcé très vite, au bout d’un ou de deux trimestres, parce qu’elles se sont aperçu qu’elles avaient perdu toute liberté. Il en reste aujourd’hui une centaine.

À l’origine, cette démarche offrait pourtant quelques garanties : un maire délégué habitant la commune associée, officier d’état civil et officier de police judiciaire, et susceptible de recevoir certaines délégations du maire ; une mairie annexe ; un délégué sénatorial.

Avec l’adoption de différentes lois en 2010, puis en 2015, qui ont, au fil du temps, vidé de son sens le pacte initial, j’ai déposé une proposition de loi, devenue loi le 8 novembre 2016, et qui porte mon nom –  je l’ignorais –, afin que le débat ait lieu en toute transparence : oui ou non, le regroupement communal doit-il impliquer la disparition des communes d’origine ? C’est là tout le fond de ma question.

Désormais, avec l’accord du conseil municipal, les anciennes communes associées peuvent se voir reconnaître le statut de commune déléguée.

Alors que le Gouvernement appelle à une réduction globale du nombre d’élus, pourtant quasiment bénévoles en milieu rural, pouvez-vous garantir, madame la ministre, que vous n’avez pas l’intention de faire disparaître les communes déléguées dans la discrétion et l’indifférence quasi générale, comme vos prédécesseurs ont essayé de le faire avec les communes associées ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Non, monsieur Sido, nous n’avons pas l’intention de faire disparaître les communes déléguées, comme j’ai eu l’occasion de le dire voilà quelques instants.

Ces communes sont pérennes et peuvent continuer de fonctionner ainsi, ou non, selon la volonté des élus locaux. Au bout d’un moment, vivre ensemble permet parfois de rester dans une structure unique. Il n’y a toutefois aucune volonté particulière de faire disparaître les communes déléguées.

Je me souviens très bien de la manière dont vous avez déposé ce texte pour faciliter l’entrée des communes « Marcellin » dans le système des communes nouvelles, ce qui était bien sûr une très bonne idée.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd’hui est très instructif, alors que se déroule, à quelques pas de notre hémicycle, le centième congrès des maires de France. Je tiens d’ailleurs à remercier nos collègues qui nous offrent cette opportunité.

La dynamique du regroupement des communes est une réalité. On compte, dans bon nombre de nos départements, des initiatives qui ont – ou vont – aboutir à des communes plus peuplées et, par conséquent, plus fortes.

En effet, avec des communautés de communes de taille parfois « XXL », la commune nouvelle peut constituer une réponse adéquate pour peser davantage dans les prises de décisions communautaires.

Pour en parler régulièrement avec les maires qui ont franchi le pas, et dont je salue le courage et l’audace, nous savons tous que les communes nouvelles ne sont synonymes de réussite que si elles s’inscrivent dans un projet de territoire.

Et qui dit projet entend plus de services publics, plus d’équipements et, donc, plus d’investissement !

Si, à l’avenir, les communes nouvelles sont celles qui sont les plus dynamiques, je ne pense pas que la question de la représentation des communes déléguées au sein des communes nouvelles constitue un sujet de préoccupation principal pour les élus locaux ou un frein à la mise en œuvre de ces dernières.

La loi du 16 mars 2015 prévoyait des garanties de ressources pour les communes nouvelles créées avant le 1er janvier 2016. Un dispositif permettait à ces communes de bénéficier du gel de la DGF et de certaines bonifications, ou de gels de dotation, comme la DSR. Ce dispositif a été prorogé jusqu’au 1er janvier 2017.

Si l’on veut encourager de nouveaux rapprochements, l’État doit accompagner les projets de création ou d’extension de communes. Un nouveau pacte de stabilité de la DGF et une dotation spécifique aux communes nouvelles pourraient être une réponse adaptée, notamment dans les territoires ruraux et de montagne, où le potentiel est important.

C'est pourquoi, madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer si de nouvelles mesures seront envisagées à partir du 1er janvier 2018.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Oui, madame la sénatrice Morhet-Richaud, l’Assemblée nationale a même voté la reconduction d’un système comprenant, comme je l’ai déjà souligné, un bonus de 5 % sur les dotations.

Ce pacte de stabilité concernera les communes nouvelles, sans seuil. Même une très petite commune nouvelle, comptant moins de 1 000 habitants, pourra donc en bénéficier. Les députés ont également adopté un amendement visant à relever le seuil initial de 10 000 à 15 000 habitants. Toutes les communes nouvelles, de zéro, si je puis dire, à 15 000 habitants, bénéficieront de cette garantie.

Bien évidemment, la DGF étant répartie au sein d’une enveloppe normée, vous comprenez que nous fixions un plafond. Si deux communes de 60 000 habitants décidaient de fusionner, elles ponctionneraient trop sur l’ensemble de l’enveloppe et donc sur sa répartition générale. Nous avons accepté de porter le plafond à 15 000 habitants pour favoriser les rapprochements.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Mme Josiane Costes. En octobre dernier, des représentants de communes nouvelles se sont réunis pour la première fois en assises nationales – vous avez d’ailleurs, madame la ministre, participé à leurs travaux.

À cette occasion un premier bilan a pu être fait de l’application de la loi du 16 novembre 2015, confirmant le succès des assouplissements et des incitations apportés à ce dispositif.

Celles et ceux qui m’ont précédé ont rappelé les chiffres : ils témoignent d’une tendance que nous ressentons également sur le terrain.

Toutefois, nous devons sans cesse rappeler qu’une commune nouvelle doit être appréhendée comme une nouvelle commune. Et nous devons dire aux élus souhaitant s’engager dans la création d’une commune nouvelle qu’elle est une fusion, pas une intercommunalité bis, ni une coopération de proximité. Cela permettra de se prémunir de certaines déconvenues que nous voyons poindre.

En outre, au sein de ces nouveaux ensembles, le respect des identités des communes déléguées est primordial. C’est une question de représentativité démocratique.

L’avenir du fait communal dépend aujourd’hui de sa capacité à se rénover. L’évolution des communes nouvelles est une des manifestations du dynamisme de cet échelon.

Au-delà des amendements apportés au projet de loi de finances pour 2018, comment le Gouvernement entend-il répondre aux pistes de réflexion présentées par les communes nouvelles ? Je pense notamment à celles exposées en matière d’évolution de l’effectif du conseil municipal et concernant la création d’une dotation temporaire spécifique commune nouvelle. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Chère Mme Costes, j’ai déjà répondu à votre interrogation sur le nombre d’élus.

Le Gouvernement n’envisage pas la création d’une dotation temporaire spécifique en faveur des communes nouvelles, eu égard à l’effort auquel il consent déjà et que j’ai évoqué précédemment.

Je rappelle encore que tout cela se fait sur une enveloppe fermée et que l’état des finances publiques ne permet pas d’inventer de nouvelles incitations qui viendraient s’ajouter à celles qui existent déjà.

La suppression du seuil de 1 000 habitants va faire réfléchir de très petites communes de 100 ou 150 habitants, par exemple, qui seront accompagnées à travers cette dotation.

De même, le relèvement du plafond à 15 000 habitants accompagnera beaucoup d’autres projets.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.

Mme Josiane Costes. Je tenais juste à demander à Mme la ministre de bien vouloir m’excuser pour le caractère redondant de ma question.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la représentation des communes déléguées dans les communes nouvelles.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

7

Quelles énergies pour demain ?

Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : « Quelles énergies pour demain ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

L’orateur du groupe qui a demandé ce débat, en l’occurrence le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée qui ne devra pas excéder dix minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe auteur de la demande. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. Ronan Dantec, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nul ne doute aujourd’hui de l’extrême importance des enjeux énergétiques pour l’avenir de nos sociétés. Il s’agit tout d’abord de répondre aux enjeux de la crise climatique, très liée aux consommations fossiles. Ce défi est redoutable, tant il y va de l’avenir même, au XXIe siècle, de nos sociétés, dont nous savons qu’elles ne survivront pas aux crises alimentaires et migratoires mondiales qu’engendrerait un réchauffement supérieur au seuil d’augmentation de 2 degrés Celsius, seuil que la communauté scientifique nous fixe comme limite d’acceptation pour la résilience de nos sociétés.

Il faut aussi, dans le monde économique classique qui continue de rythmer notre quotidien, tenir compte des enjeux de sécurité d’approvisionnement et de distribution, respecter la solidarité entre territoires, lutter contre les précarités et maintenir une économie compétitive dans un monde économique libéral – cette liste n’est probablement pas exhaustive.

Construire une stratégie énergétique nationale cohérente, intégrant tous ces enjeux, mariant court et long termes, tenant compte des capacités d’investissements publics et privés et s’inscrivant dans le cadre européen n’est pas chose totalement aisée, nous n’en disconvenons pas. Cependant, le groupe du RDSE aime les défis intellectuels,…

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Ronan Dantec. … et nous ne doutons pas que ces deux heures de discussion contribueront utilement à alimenter la réflexion et à nourrir le travail de préparation de la programmation pluriannuelle de l’énergie pour la période 2018–2028, ou 2019–2029, dont nous débattrons à partir de l’année prochaine, grand moment en perspective.

Je n’ai donc pas, dans le cadre de cette introduction, la prétention de proposer un plan exhaustif de la transition à mener – nous avons encore quelques mois de discussion devant nous –, mais je voudrais insister sur quelques points.

Le groupe du RDSE, à l’origine de ce débat par l’intermédiaire de notre collègue Raymond Vall, que je salue, a une réputation de diversité, qu’il assume. Et il est vrai que, s’agissant par exemple du regard porté sur l’énergie nucléaire, quelques légères nuances peuvent exister entre nous.

M. Yvon Collin. Si peu !

M. Ronan Dantec. Mais les échanges que nous avons eus, depuis deux mois, au sein de notre groupe ont surtout témoigné de l’existence de nombreuses réflexions communes, à partir d’une acceptation collective de la nécessité de s’engager résolument dans une transition énergétique devenue inéluctable.

Cette transition est rendue nécessaire par la nécessité de baisser drastiquement les émissions de CO2, mais aussi par l’importance, qui fait aujourd’hui consensus, d’un rééquilibrage de notre mix énergétique. Ce rééquilibrage doit permettre l’émergence de filières économiques fortes dans le domaine des énergies renouvelables, qui captent aujourd’hui la grande majorité des investissements énergétiques mondiaux. Dans le domaine électrique notamment, il paraît évident que nous ne pouvons rester adossés à une source nucléaire occupant une place aussi ultra-majoritaire dans notre production.

Cette situation unique au monde menace d’étouffer les filières émergentes les plus créatrices d’emplois et de développement local, mais pourrait aussi nous causer de grandes difficultés en cas de défaillance technologique des réacteurs actuels, lesquels, je le rappelle, sont tous peu ou prou du même modèle.

Il existe dans notre groupe des divergences entre ceux qui voient dans la baisse du nucléaire une étape vers sa sortie – j’en fais évidemment partie – et ceux qui estiment que nous pourrons garder, sur le long terme, une part de notre production nucléaire. Toutefois, l’objectif des 50 %, lui, est globalement partagé. La question de la date à laquelle ce seuil doit être atteint, monsieur le secrétaire d’État, est un objet de débat public – nous l’avons vu ces derniers jours. Mais j’ai bien entendu, hier, au congrès des maires, la volonté de Nicolas Hulot d’atteindre l’objectif, je le cite, « le plus rapidement possible ». (M. François Bonhomme s’exclame.)

D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, si vous avez des précisions à apporter sur le calendrier, nous sommes évidemment preneurs.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Je ne saurais être plus précis que M. le ministre d’État !

M. Ronan Dantec. Nous voudrions insister ici sur quelques points qui nous tiennent particulièrement à cœur.

Le groupe du RDSE est particulièrement attentif aux enjeux territoriaux, qui sont une des clefs de la réussite de la transition énergétique à mener – Nicolas Hulot l’a rappelé hier au congrès des maires.

Nous voudrions ainsi tout d’abord, monsieur le secrétaire d’État, insister sur la question des territoires économiquement impactés par cette transition : ceux qui accueillent des tranches au charbon, dont le Président de la République a répété, à la tribune de la COP23, qu’il souhaitait les fermer avant 2021, ceux qui connaîtront la fermeture de sites nucléaires, ce qui ne concerne pas seulement Fessenheim, mais aussi – on y pense moins – les grands sites pétrochimiques, qui doivent dès aujourd’hui anticiper la fin des mobilités fossiles, du diesel et de l’essence.

La Hollande vient d’annoncer la fin des véhicules thermiques pour 2030, la France l’annonce pour 2040 ; à ce développement désormais prévisible de la mobilité électrique s’ajoute la perspective d’une transition possible, via le gaz, pour la mobilité des poids lourds.

Tout cela conduit à une baisse régulière des activités de raffinage, c’est une évidence – il faut s’y préparer, il faut anticiper. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons déjà eu l’occasion d’en parler : vous annoncez, avec les contrats de transition écologique, un accompagnement des territoires les plus impactés. Il s’agit d’une mesure extrêmement intéressante.

Toutefois, pouvez-vous dès aujourd’hui nous préciser un peu quels seront les critères de sélection de ces territoires ?

Je viens de citer un certain nombre de ces territoires, mais d’autres territoires, spécialisés dans d’autres types d’activité, auxquels nous n’avons pas encore pensé, seront peut-être aussi fortement affectés. Prenons par exemple les grands sites pétrochimiques, leurs activités portuaires et de raffinage ; si, comme en Loire-Atlantique, mon département, se trouve aussi au même endroit une centrale à charbon, des milliers d’emplois seront impactés, les coûts se comptant en centaines de millions d’euros pour les économies locales.

Ces mutations sont inéluctables, mais doivent être anticipées de très loin. À ce titre, nous sommes très curieux de connaître la méthodologie que vous comptez développer pour sélectionner et, demain, accompagner financièrement ces territoires.

Quant à tous les autres territoires, ils sont prêts, pour beaucoup d’entre eux, à s’engager dans cette transition, comme l’a montré le succès de l’appel à projet des TEPCV, les territoires à énergie positive pour la croissance verte, et l’émotion suscitée par les difficultés de leur financement. Le Gouvernement a récemment annoncé une enveloppe supplémentaire de l’État, mais Raymond Vall aura l’occasion de vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur la manière dont vous comptez précisément répondre à cet enjeu et honorer la parole de l’État dans le cadre des contrats déjà signés.

Au-delà des TEPCV, la question de l’accompagnement de l’ensemble des territoires reste posée. Dans la loi relative à la transition énergétique et dans les lois de décentralisation, nous avons posé un acte fort – le Sénat y a pris sa part –, en rendant obligatoires les plans climat-air-énergie territoriaux, ou PCAET, pour toutes les intercommunalités françaises, et en demandant à ces dernières de construire leurs objectifs en cohérence avec les engagements internationaux de la France, ce qui signifie quand même une baisse des émissions de 40 % d’ici à 2030 – ce n’est pas rien !

Vous n’ignorez pas, monsieur le secrétaire d’État, le travail engagé par tous les réseaux de collectivités territoriales pour vous proposer une affectation systématique d’une fraction du produit de la contribution climat-énergie, la CCE, à toutes les intercommunalités et régions ayant adopté respectivement un PCAET et un schéma régional climat-air-énergie, ou SRCAE, ce dernier étant désormais intégré dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire, ou SRADDET. Nous en avions d’ailleurs voté très majoritairement le principe au Sénat, l’année dernière ; il ne nous aura manqué que quatre voix à l’Assemblée nationale pour l’inscrire dans la loi. Mais nous comptons y revenir !

Surtout, avec la décision courageuse et très volontaire du Gouvernement sur l’augmentation de la contribution climat-énergie, la situation nous semble aujourd’hui beaucoup plus favorable que par le passé à la mise en place de ce mécanisme, l’augmentation de la CCE devant rapporter à l’État, sur la durée du mandat – j’insiste sur ce chiffre –, 12 milliards d’euros de recettes supplémentaires, ce qui n’est pas, là non plus, tout à fait rien.

Nous vous alertons, monsieur le secrétaire d’État, sur un point : cette contribution ne sera pas payée par tous de la même manière. En effet, seront tout particulièrement mis à contribution les habitants des milieux ruraux ou périurbains, disposant de peu d’offres de transport public et se déplaçant beaucoup avec leur véhicule, ou encore les ménages précaires, qui n’ont pas les moyens d’investir dans la rénovation de leur habitat ou le changement de leur chauffage au fioul. Or cette augmentation ne sera socialement acceptable que si nous avons les moyens, dans les territoires, d’augmenter l’offre de transport public ou d’accompagner les dispositifs nationaux de réhabilitation.

Ainsi, l’affectation d’une part raisonnable de cette recette aux intercommunalités, dans le cadre d’une contractualisation visant à engager des actions précises, telle que le Gouvernement souhaite la mettre en place, nous semble juste et de bon sens ; elle est nécessaire si nous voulons diminuer rapidement nos émissions de gaz à effet de serre, comme la France s’y engage.

Sans demander de votre part, ici, un engagement définitif – nous avons encore quelques jours devant nous –, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez nous communiquer quelques éléments sur l’état de la réflexion du Gouvernement en la matière.

Dernier point – je m’en tiendrai là pour cet après-midi, mais beaucoup d’autres mériteraient d’être abordés : la dimension européenne de ce débat, autre priorité du RDSE, qui porte l’Europe dans ses gènes politiques.

M. Ronan Dantec. Depuis la tribune de la COP23, le Président de la République a annoncé son désir de multiplier par deux les interconnexions électriques européennes, ce qui permettra de renforcer la sécurité globale du réseau. Cette évolution est d’ailleurs demandée par tous les défenseurs du développement des énergies renouvelables ; elle permettrait en effet, c’est évident, de limiter les risques de variabilité – lorsque l’anticyclone est au sud, le vent est plutôt au nord, et inversement – et d’augmenter fortement les temps d’ensoleillement, puisque l’échelle serait désormais celle de l’ensemble de l’Europe.

Cette évolution annonce aussi probablement – mais cela, le Président de la République ne l’a pas dit – un accord historique entre la France et l’Allemagne, concernant les baisses parallèles du charbon et du nucléaire. Nous savons en effet que les Allemands refuseront d’importer durablement de l’électricité nucléaire ; inversement, nous n’achèterons pas régulièrement des électrons trop chargés en carbone.

La construction d’une stratégie électrique européenne apparaît en filigrane de cette annonce du Président de la République. De ce point de vue, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quelle stratégie européenne la France prévoit-elle de porter ? Défendra-t-elle un objectif européen ambitieux sur le renouvelable, alors que la position française sur l’objectif des 25 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique de l’Union européenne en 2030 ne semble pas encore tout à fait claire ?