Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Carcenac. En conséquence, vous le comprendrez très bien, monsieur le secrétaire d’État, je partage les propos du président Éblé et de M. Raynal : je rejette vos choix, qui sont injustes et ne répondent pas aux exigences inhérentes au lien de confiance entre les collectivités territoriales et l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen du premier projet de loi de finances d’un quinquennat est un événement d’une grande importance pour la Nation, parce qu’il détermine d’emblée les principales orientations du Gouvernement, et ce pour cinq ans.

Cet examen devrait être en premier lieu l’occasion de briser un certain nombre de tabous français, s’agissant par exemple de notre addiction à la dépense publique et à une fiscalité complexe, peu lisible et, dans certains domaines, peu efficace. Il doit en outre ouvrir des pistes de réflexion pour l’avenir, en préparant des réformes difficiles mais nécessaires, qui ont été trop longtemps repoussées. Il doit enfin traduire en actes les promesses de campagne du Président de la République, afin de préserver la crédibilité de la parole publique et de concrétiser la vision politique qui a reçu l’approbation du suffrage universel.

Le texte que nous allons examiner satisfait plusieurs de ces critères. Le groupe des Indépendants examinera donc de façon ouverte les orientations correspondantes de ce projet de loi de finances, mais il examinera aussi, bien entendu, l’ensemble de ce projet avec vigilance. Nous aurons également à cœur d’être force de proposition, afin d’améliorer ce projet dans le sens de valeurs qui nous paraissent essentielles : la justice sociale, la responsabilité budgétaire, une efficacité économique au service de tous et le respect d’un développement durable sur le long terme.

La justice sociale, d’abord : il s’agit de faire en sorte que le travail procure les ressources qu’ils méritent à ceux qui l’exercent et que la solidarité nationale soit aux côtés des plus fragiles. La vision que nous défendons, de ce point de vue, est celle d’une société juste, qui donne à chacun les mêmes opportunités de réussir et ne laisse personne au bord du chemin. Nous avons porté cet objectif lors des discussions sur le PLFSS, et nous aurons la même exigence pendant la discussion du projet de loi de finances.

La responsabilité budgétaire, ensuite : elle revient à faire de notre sortie de la procédure européenne pour déficit excessif une priorité. Sans ce préalable, notre politique européenne est vouée à l’échec. Malgré les efforts consentis dans le projet de loi de programmation et dans ce projet de loi de finances, le différentiel de trajectoire avec l’Allemagne est préoccupant, tant en matière de dépense publique que de désendettement.

La Commission européenne a rappelé hier les interrogations qui pèsent sur l’évolution de notre effort structurel. Honorer nos engagements budgétaires et renouer avec une dépense publique saine et maîtrisée doivent être nos priorités pour l’avenir, au service d’une influence retrouvée en Europe. Sans crédibilité budgétaire, il n’y aura pas de crédibilité politique.

L’efficacité économique, en troisième lieu, signifie rompre avec une logique punitive selon laquelle l’argent serait mieux utilisé par l’État que par les acteurs économiques. Il faut rendre aux entrepreneurs français la volonté d’investir dans l’innovation, dans la créativité et dans l’emploi en France. Ce projet de loi de finances contient des mesures qui vont dans ce sens, et nous ferons nous-mêmes des propositions pour restaurer la confiance des acteurs économiques et l’attractivité du territoire.

Enfin, répondre au défi du développement durable, c’est admettre l’existence d’une nécessité impérieuse pour notre société et pour notre planète, mais également saisir les opportunités économiques de l’avenir. Ce premier budget du quinquennat doit être l’occasion de préparer la transition de notre économie vers un modèle de production et de consommation plus responsable.

Dans le cadre de ce projet de loi de finances, nous aurons l’opportunité de réformer la fiscalité énergétique et d’introduire dans la législation des incitations nouvelles à l’innovation.

Nous serons en outre particulièrement vigilants sur le sort réservé aux collectivités territoriales. Le Gouvernement s’est employé cette semaine à rassurer les maires sur ses intentions. L’intervention du Premier ministre a permis de clarifier un certain nombre de questions. Le Président de la République s’exprime en ce moment même devant le congrès des maires, à la porte de Versailles.

Néanmoins, plusieurs points demeurent encore flous ou imprécis, notamment les mécanismes de contractualisation proposés. Sans faire au Président de la République un mauvais procès sur d’éventuelles velléités recentralisatrices, notre groupe et l’ensemble de cette assemblée seront attentifs à préserver la liberté d’action des collectivités, qui agissent au plus près des Français, à leur service, au quotidien.

Le groupe des Indépendants veillera à ce que les principes que j’ai évoqués soient inscrits dans ce texte et nourrissent nos débats. Nous participerons aux discussions avec un esprit constructif et nous aurons à cœur d’être force de proposition. En un mot, monsieur le secrétaire d’État, nous aurons la volonté d’agir, en responsabilité et au cas par cas, au service de l’intérêt national. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il convient de replacer l’examen du projet de loi de finances pour 2018 dans un contexte économique, social et financier national, mais aussi international, notamment européen. L’Europe a renoué avec une phase de croissance plus soutenue, à hauteur de 2 % environ sur l’année 2017, mais ce chiffre est encore, en France, sensiblement inférieur à la moyenne de la zone euro. En revanche, notre endettement est nettement supérieur à la moyenne européenne, et ce ratio d’endettement, qui se rapproche des 100 % du PIB, ne pourra s’améliorer que très lentement au cours des prochaines années. En termes de déficit public et de balance du commerce extérieur, nous ne figurons pas non plus parmi les bons élèves de l’Europe.

Ce simple constat devrait conduire ceux qui ont gouverné ou soutenu les politiques menées au cours de la dernière décennie à la plus grande modestie, ainsi qu’à une certaine réserve, dans leurs critiques et leurs propositions.

Face à cette situation, notre pays doit diminuer son endettement et réduire en priorité les déficits budgétaires de l’État et des administrations sociales. Cet endettement est une véritable épée de Damoclès pesant sur nos finances publiques ; il pourrait nous plonger dans une crise budgétaire très grave si les taux d’intérêt venaient à remonter. La charge de la dette se situe déjà dans une fourchette de 40 milliards à 50 milliards d’euros par an, c’est-à-dire l’équivalent du budget de l’éducation nationale.

Dans le même temps, nous devons transformer notre économie et la rendre plus compétitive et créatrice d’emplois. En réduisant les charges sociales patronales et salariales et en allégeant la pression fiscale sur les agents économiques, nous permettrons aux entreprises de se développer par l’innovation et l’investissement. Ces mesures sont complétées par un programme de réformes sans précédent, engagées ou en préparation, qui portent sur les négociations sociales et le droit du travail, la formation professionnelle, l’apprentissage et l’indemnisation du chômage.

Simultanément, nous devons conserver des leviers pour améliorer le pouvoir d’achat des Français et renforcer la solidarité à l’égard des plus défavorisés. Cette équation est difficile, mais le pari est tenable, car le Gouvernement propose une rigueur budgétaire s’appuyant sur une maîtrise des dépenses – certes, celle-ci nous paraît encore insuffisante – et non sur une majoration des prélèvements obligatoires.

Cette ligne de conduite contribue au retour d’un climat de confiance avec les partenaires économiques, confiance qui est l’un des moteurs essentiels de notre attractivité, de l’investissement et du développement des entreprises. Selon un récent sondage – n’en déplaise aux grincheux –, jamais l’envie d’entreprendre dans notre pays n’aura été aussi forte et appréciée que depuis quelques mois.

Ce cycle vertueux et dynamique, il nous appartient de l’accompagner, en soutenant la politique budgétaire du Gouvernement et même en incitant ce dernier à améliorer ses performances, tout en conservant bien entendu la liberté d’amender certaines dispositions qui ne nous paraîtraient pas adaptées aux objectifs poursuivis.

Dans ce projet de loi de finances, le Gouvernement a fait des choix clairs, que l’on retrouve logiquement dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Il privilégie – donc, il augmente – les budgets de la défense, de la sécurité, de la santé, de la justice et de l’éducation, autant de priorités auxquelles on peut facilement adhérer. Parallèlement, il oriente les capitaux vers l’économie productive, en réformant l’ISF. Cette mesure, critiquée par des opposants de droite ou de gauche, pour des raisons d’ailleurs diamétralement opposées, remplace d’anciens dispositifs d’exonérations et de déductions fiscales complexes et peu lisibles. Si ce choix est contestable, il est assumé, et il semble quoi qu’il en soit préférable de privilégier l’activité et le travail par rapport à la rente.

Pour ce qui concerne les collectivités locales, je souhaite qu’un dialogue rénové permette une meilleure compréhension.

En 2018, l’enveloppe normée sera stable ; elle ne comporte donc pas de baisse de dotations. Quant à la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, elle sera neutre pour les collectivités ; elle leur assurera même une certaine liberté ou autonomie financière, dans la mesure où le taux voté donnera un produit qui sera entièrement perçu.

La technique du dégrèvement est rassurante. Néanmoins, rien ne nous garantit qu’elle sera conservée dans la durée. C’est là une source d’inquiétude à laquelle il conviendrait de répondre, les collectivités ayant besoin de visibilité s’agissant des méthodes adoptées pour les dispositifs de compensation – en la matière, elles ont par le passé été échaudées. Il s’agit bien, en l’occurrence, d’un dégrèvement, et non d’une compensation ; mais qui nous prouve qu’il s’agira toujours, en 2022, d’un dégrèvement ?

Concernant la maîtrise de l’évolution des dépenses des collectivités, le choix du périmètre semble judicieux ; la méthode de la contractualisation est la bonne, mais la base de négociation, c’est-à-dire l’évolution tendancielle des dépenses de fonctionnement, n’est pas acceptable. Vous proposez, monsieur le secrétaire d’État, un objectif de 1,2 % ; l’estimation du Sénat, qui donne un chiffre de 1,9 %, est certainement plus proche de la réalité et plus conforme à la méthode qui a été utilisée pour le calcul analogue concernant l’État.

Par ailleurs, si l’on veut maintenir le niveau des services et les capacités d’investissement, la maîtrise des dépenses des collectivités passera par des réformes structurelles dans la répartition et la manière de gérer les compétences. Il faut redonner de la souplesse et plus de liberté aux élus, en réhabilitant le principe de subsidiarité, un peu abandonné depuis dix ans. Les réformes de la dernière décennie ont peut-être engendré, dans un certain nombre de cas au moins, davantage de surcoûts que d’économies, avec l’inconvénient supplémentaire d’éloigner la décision du citoyen.

Nos craintes portent également sur la politique du logement, qui, si elle n’est pas amendée, pourrait avoir des effets contraires aux objectifs poursuivis : le risque est d’accentuer les fractures territoriales au détriment des régions et des territoires les moins attractifs. Il conviendrait, a minima, d’améliorer l’atterrissage du dispositif Pinel et d’aborder avec plus de discernement le financement de la baisse des APL. Si certains opérateurs sociaux disposent de réserves significatives, d’autres risquent d’être fragilisés par l’assèchement de leurs capacités d’autofinancement et seront conduits à renoncer au lancement de nouveaux programmes.

Nous n’approuverons pas toutes les modifications votées par la commission des finances – je pense notamment à celles qui remettent en cause la ligne directrice de ce budget. Si, toutefois, nous souhaitons certaines inflexions, nous aborderons ce débat avec une appréciation d’ensemble positive à l’égard du projet présenté par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Julien Bargeton applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voici le premier projet de loi de finances du quinquennat, dans un contexte politique nouveau et inédit. Il nous arrive animé d’une ambition nouvelle, dont on perçoit les grandes lignes de force : sortir des errements du passé et favoriser la réussite de la France. Sachez, monsieur le secrétaire d’État, que vous trouverez chez nous une volonté de participer à la réalisation de cette ambition, même si nous n’en partageons pas toutes les modalités.

Ce projet de loi de finances s’inscrit dans un contexte assez particulier, qu’il convient de rappeler : faible inflation, taux d’intérêt toujours extrêmement bas, matières premières bon marché, embellie économique de la zone euro, avec, en France, une croissance sensiblement plus élevée qu’au cours des dernières années, début de retournement de la conjoncture de l’emploi – nous sommes encore loin, néanmoins, de connaître une dynamique favorable –, signaux positifs, dans le domaine privé, de reprise des investissements – tel n’est pas le cas pour les collectivités locales, et cela dure depuis trois ans –, déficit important et préoccupant de notre commerce extérieur et, surtout, très fort niveau d’endettement, aujourd’hui à la limite du soutenable. Attention – nos collègues l’ont rappelé, à commencer, ce matin, par Gérard Longuet – : dans ce contexte, la France ne réduit toujours pas le niveau de sa dépense publique !

Je veux donc évoquer plus particulièrement la situation des collectivités locales, pour lesquelles ce mandat présidentiel est mal engagé. Regardons les actes !

Il avait été annoncé qu’un effort serait demandé, à hauteur de 10 milliards d’euros ; le Président de la République, trois jours après avoir proposé ici même un pacte de confiance, relevait ce chiffre à 13 milliards d’euros. Les coupes dans les dotations en faveur de l’investissement local, notamment dans les zones rurales, s’élèvent à 200 millions d’euros ; une coupe claire de 450 millions d’euros frappe les ressources des régions ; le fonds d’urgence en faveur des départements voit son budget diminuer de 100 millions d’euros dans le collectif budgétaire que nous examinerons dans trois semaines ; les dotations de compensation, théoriquement sanctuarisées, baissent de 380 millions d’euros – en particulier, cette année, on constate la baisse de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle du bloc communal.

On note également, à comparer le nouveau dispositif avec la dotation d’action parlementaire que vous avez supprimée, monsieur le secrétaire d’État, une baisse de 50 millions d’euros des subventions aux communes. La hausse de la péréquation verticale diminue de 100 millions d’euros ; un certain nombre de contrats aidés sont brutalement supprimés. Est en outre programmée la suppression de la principale ressource des communes, la taxe d’habitation ; le Président de la République vient d’ailleurs, devant les maires, à la porte de Versailles, de fixer à 2020 l’horizon de la refonte de la fiscalité locale. Monsieur le rapporteur général, avec le comité des finances locales, vous allez y être associé.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous le serons tous !

M. Jean-François Husson. S’annonce également une contractualisation aux contours encore flous avec les grandes collectivités de plus de 50 000 habitants. Enfin, le Président de la République a affiché sa volonté de réduire le nombre des élus locaux, dont je veux dire une fois de plus qu’ils sont des bénévoles engagés au service de la réussite de notre pays.

Sur tous ces sujets, monsieur le secrétaire d’État, je vous propose d’écouter avec une grande attention, dans le cadre de la discussion de ce projet de loi de finances, le résultat des travaux du Sénat. Nous proposons de modifier la trajectoire présentée, s’agissant notamment des efforts demandés aux collectivités locales, mais aussi des risques que représenterait une éventuelle mise sous tutelle, à un degré ou à un autre, de l’investissement public.

Je ne reviendrai pas sur la taxe d’habitation, car nous aurons l’occasion d’en parler. Mais quand on pense que dans 7 300 communes moins de cinq habitants paieront la taxe d’habitation et que dans 500 communes il n’y aura plus qu’un seul contribuable à cette taxe, ça ne manque pas de sel !

Ne jouons pas avec le feu ! Profitons du fait que le Sénat représente les collectivités locales pour ne pas opposer deux légitimités démocratiques récentes : celle des élus locaux, les maires, élus préférés des Français ; et celle du Président de la République, dont la légitimité est toute fraîche.

Faisons en sorte de concilier ces deux légitimités pour trouver et tracer le chemin d’une France qui gagnera demain de nouvelles parts de marché et se doit de réussir pour elle-même. Faisons de cette situation une opportunité pour défricher utilement des voies nouvelles permettant à notre pays de retrouver une place plus conforme à ses ambitions, grâce à une situation économique, financière et sociale devant nous placer en tête du peloton européen. Ainsi, nous répondrons à l’objectif fixé ce matin devant nous par le ministre de l’économie, qui souhaitait que la France retrouve sa pleine souveraineté financière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les mesures prises par le Gouvernement à l’égard de l’AEFE, en coupant les subventions de 33 millions d’euros, vont porter une grave atteinte à notre réseau d’enseignement français à l’étranger, alors que le ministère de l’éducation nationale bénéficie pour la France d’une hausse de 1,3 milliard d’euros. La commission des finances proposera de rétablir 30 millions d’euros de crédits par voie d’amendement, mais il faudrait en rétablir 33 millions ; 3 millions d’euros, c’est beaucoup d’argent à aller chercher encore une fois auprès des familles…

Le Président de la République s’était engagé devant les élus de l’AFE à ne pas diminuer les crédits en 2018 et en 2019 : « Les crédits de l’AEFE seront préservés à partir de 2018, ce qui veut dire, à mes yeux, pour les deux années consécutives, parce qu’il faut de la visibilité pour développer une stratégie et parce que le défi est un défi tant en termes de crédit que parfois en termes de réorientation qualitative du réseau et on ne peut pas de manière crédible, comme je l’ai fait et comme je le crois profondément, dire qu’on est pour que la France à l’étranger accompagne celles et ceux qui vivent et que vous représentez et dire que, l’un des enjeux fondamentaux de notre bataille, c’est la francophonie et ne pas s’en donner les moyens. »

Le Président de la République avait été très applaudi. Malheureusement, en 2017, c’est 33 millions d’euros de crédits qui venaient d’être supprimés sans préavis, sans que les élus en aient pris conscience.

Une décision prise fin novembre pour une application début janvier est clairement impossible. Les établissements conventionnés ne sont pas des centres de profit. Leurs budgets sont gérés au plus juste pour limiter les charges sur les familles vivant à l’étranger. Un changement de cotisation en cours d’année scolaire signifie une augmentation des tarifs non provisionnée par les familles.

Même dans le cas d’un report à la rentrée de septembre, bon nombre de lycées français à l’étranger feront le choix de modifier leur partenariat avec l’AEFE. En commençant par le déconventionnement, certains lycées pourraient être tentés d’aller plus loin par manque de confiance à l’égard de leur partenaire. Ce serait une perte d’influence pour la France, puisque beaucoup d’établissements scolaires français de l’étranger sont également fréquentés par des enfants venant de la population locale : pour eux, c’est un enseignement d’excellence.

Au contraire d’une diminution, nous devions obtenir des crédits supplémentaires pour que les parents d’enfants avec des besoins particuliers puissent bénéficier d’une aide pour payer les assistantes de vie scolaire qui les accompagnent. Il faudrait également des crédits pour que ces enfants puissent bénéficier d’un dépistage précoce leur permettant d’être pris en charge le plus rapidement possible, leur donnant ainsi une véritable opportunité de réintégrer notre système. Au lieu de cela, nous continuerons à avoir des enfants déscolarisés, qui restent à la maison, faute d’être pris en charge dans les établissements scolaires français à l’étranger, et qui seront à la charge de leurs parents et de la société jusqu’à la fin de leurs jours.

Voilà ce que je souhaitais vous dire, monsieur le secrétaire d'État, en espérant un peu d’humanité pour les Français vivant à l’étranger, la plupart du temps parce que la France n’a pas été capable de leur permettre de nourrir correctement leurs familles sur le territoire national.

Mme Jacky Deromedi. Ces Français méritent que l’on s’occupe d’eux, même en dehors des périodes électorales.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, l’examen du projet de loi de finances pour 2018 constitue un temps fort comme chaque année. Il fait suite à l’examen et au vote au Sénat, la semaine dernière, du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui représente également plusieurs centaines de milliards d’euros.

L’examen du projet de loi de finances et de ses nombreuses missions a mis en évidence le travail de grande qualité des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, ainsi que celui de l’ensemble du personnel de la Haute Assemblée.

Établir un projet de budget constitue un objectif extrêmement complexe pour un gouvernement, quel qu’il soit. En effet, le déficit budgétaire se dégrade pour atteindre en 2018 près de 83 milliards d’euros. Dans le cadre de l’examen de la mission « Engagements financiers de l’État »,…

Mme Nathalie Goulet. Excellente mission !

M. Marc Laménie. … la charge de la dette s’élève à 40,24 milliards d’euros, soit l’un des postes budgétaires les plus importants. L’encours de la dette a progressé de 17 % de 2012 à 2016 et progresse de 4,5 % entre 2017 et 2018 pour atteindre un montant exceptionnel de 1 752 milliards d’euros. La situation est très grave. Comment respecter l’engagement européen de maintenir le déficit sous le seuil des 3 % du PIB ?

S’agissant des recettes totales, celles-ci s’élèveraient à 356 milliards d’euros. Elles sont stables ; la TVA, qui constitue la première recette, à hauteur de 206 milliards d’euros, progresse d’environ 2 milliards d’euros.

Il est incontestablement nécessaire, cela a été rappelé par de nombreux collègues, de donner la priorité au développement économique et au monde des entreprises.

S’agissant des dépenses totales, elles s’élèveraient en 2018 à environ 441 milliards d’euros tout confondu. Comment maîtriser les dépenses ? La tâche reste immense depuis de nombreuses années, alors que nous devons faire face à des enjeux importants. Certaines missions doivent être renforcées : le budget des armées, la sécurité intérieure, l’enseignement, l’éducation nationale, la justice, en particulier. À ce titre, je rappelle l’importance des moyens humains inégalement répartis sur l’ensemble du territoire entre la métropole et les territoires ultramarins.

Le nombre d’emplois de la fonction publique de l’État et des opérateurs s’élève à près de 1 950 000 équivalents temps plein, dont un peu plus de 1 000 000 pour l’éducation nationale. Parallèlement, il convient de prendre en considération les deux autres fonctions, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, qui méritent elles aussi une particulière attention.

En outre, j’aborderai le partenariat indispensable – et de confiance – entre l’État et les collectivités territoriales. Plus de 40 milliards d’euros sont prélevés sur les recettes de l’État pour aider au financement des collectivités territoriales. L’État est donc le premier partenaire financier des collectivités. Les élus sont particulièrement inquiets concernant les dotations de fonctionnement ; je pense en particulier à la DGF, ce qui a été maintes fois évoqué.

L’autonomie financière des communes et des intercommunalités sera touchée avec la suppression à court terme de la taxe d’habitation.

S’agissant de l’investissement des collectivités locales, domaine important pour la relance du bâtiment et des travaux publics, des incertitudes subsistent sur les répartitions de la DETR, du FSIL, sans oublier la disparition de la dotation d’action parlementaire – ex-réserve parlementaire –, soit une perte de plus de 140 millions d’euros à destination en particulier des communes rurales. Nous ne pouvons que déplorer la disparition de cette dotation.

En conclusion, je souhaite vivement que, au cours de l’examen en séance publique ces prochaines semaines du projet de loi de finances pour 2018, le Sénat puisse être réellement entendu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’aurai malheureusement du mal à répondre en vingt minutes à toutes les questions qui ont été évoquées depuis ce matin en présence du ministre de l'économie et des finances. Je ne doute pas une seconde que les jours et les semaines qui viennent nous permettront de débattre des nombreux sujets abordés sur tous les articles du projet de loi de finances. Le Gouvernement assurera ce débat avec le sens aigu des responsabilités qui lui incombe en ce moment particulier que traverse notre pays, avec la plus grande des sincérités et avec la certitude qu’ici, au Sénat, ni le Gouvernement ni les élus ne céderont à la facilité de la rhétorique, ni même à la dictature de l’urgence. Certains arguments portent haut dans certaines chambres, mais sont peu utiles au débat public et peu à même de faire avancer nos dossiers, nos territoires et les sujets dont nous débattons.

Soyez assurés que le Gouvernement est attentif aux nombreuses préoccupations qui concernent vos territoires. Comme le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler tout à l’heure, porte de Versailles, nous savons le rôle que les élus locaux jouent dans cette période d’angoisse pour certains de nos territoires et pour beaucoup de nos concitoyens. Les élus locaux sont finalement les soldats de première ligne face aux difficultés liées à l’emploi, à la question de l’identité et de la mobilité sociale.

L’un d’entre vous a rappelé que les maires étaient les élus préférés de nos concitoyens.