M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Il n’est pas anormal que ceux dont le titre est l’anagramme du verbe « aimer »…

Mme Nathalie Goulet. Très joli !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. … soient les élus les plus appréciés par nos concitoyens.

Vous m’avez interrogé sur la question, essentielle, des inégalités et du pouvoir d’achat.

Avec ce budget, nous avons tâché de tenir la promesse faite par le Président de la République de rendre du pouvoir d’achat aux Français et de protéger les plus fragiles et les plus modestes de nos concitoyens. Nous le faisons notamment en proposant la suppression de la taxe d’habitation, sujet qui sera débattu à n’en pas douter, pour 80 % des foyers. Nous le faisons également avec le crédit d’impôt pour l’emploi à domicile pour les ménages qui ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Nous l’avons fait aussi via des mesures qui ont été présentées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale par Agnès Buzyn et Gérald Darmanin. Je pense à la revalorisation du minimum vieillesse et de l’allocation aux adultes handicapés, ou au plan pour renforcer l’accès territorial aux soins.

Nous avons la conviction que nous ne viendrons pas à bout des inégalités par un traitement strictement monétaire et financier. Il s’agit certes d’un aspect important, et dont nous débattrons en examinant ce texte, mais c’est une bataille qui ne se mènera pas uniquement sur le plan financier. Il faudra également aborder la question des transports, de l’éducation, de la vie quotidienne, de la mobilité, de l’accès au très haut débit. Je reviens de Normandie, et j’en ai dit un mot tout à l’heure lors des questions d’actualité au Gouvernement. Bref, c’est un pacte global qui ne se limite pas simplement à la question du montant du pouvoir d’achat.

Pour vous donner juste un ordre d’idée, d’après les prévisions établies, six ménages sur dix devraient être gagnants de l’application de l’ensemble des mesures qui seront discutées, avec un gain d’un peu plus de 850 euros par an à la fin du quinquennat. Ce gain de pouvoir d’achat est particulièrement renforcé pour nos compatriotes qui ont les revenus les plus fragiles.

Je dirai également un mot sur la question de l’impôt de solidarité sur la fortune et de sa transformation en impôt sur la fortune immobilière, ainsi que sur la mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique.

Il n’est pas question ici de faire des cadeaux aux uns ou aux autres ; il s’agit de permettre à notre économie de résoudre l’un des problèmes qui est le sien depuis bien longtemps – en tant qu’élus des territoires vous le savez mieux que quiconque –, à savoir la difficulté des PME à accéder à des financements.

Une personne qui souhaite créer une toute petite entreprise peut bénéficier des fonds d’amorçage. C’est un dispositif qui fonctionne plutôt bien. Il existe aussi de nombreux mécanismes d’accompagnement mis en œuvre par les régions de manière intelligente. Un chef d’entreprise qui cherche des financements sur les marchés, parce que ses besoins sont très importants, bénéficie également de l’efficacité du système de financement et de notre marché de capitaux. En revanche, pour les PME qui ont besoin d’investir dans la recherche et l’innovation, pour des « tickets », comme on dit dans le jargon, allant de 3 millions à 20 millions d’euros, Bpifrance a été utile, mais ne peut pas répondre à la totalité des besoins de financement.

Nous avons donc fait le pari de sortir la partie mobilière de l’ISF pour réorienter le capital vers ces investissements. Cela ne se fera pas de manière parfaitement naturelle : il y aura une bataille culturelle à mener, car notre pays marque depuis longtemps une nette préférence pour la pierre. C’est d’ailleurs l’une des difficultés à laquelle nous devrons faire face. Pour autant, de nouveaux véhicules sont à l’étude. Un travail parlementaire a été engagé à l’Assemblée nationale par l’une de vos collègues, Amélie de Montchalin, travail auquel je vous invite à participer. Il s’agit de réfléchir avec les grandes institutions bancaires et avec nos partenaires à la mise en place de nouveaux produits permettant d’orienter l’épargne des Français vers l’appareil productif, vers l’investissement et vers nos entreprises.

Je ne reviendrai pas trop longuement sur la taxe d’habitation, car je suis certain que nous aurons l’occasion d’en débattre dans les jours et les semaines qui viennent. La réforme qui est proposée permet, en l’état, d’exonérer 80 % des contribuables. Jusqu’à 27 000 euros de revenu fiscal de référence pour une personne seule, les contribuables en seront exonérés.

J’entends qu’il existe une inquiétude liée aux finances des collectivités locales. Mais le débat lors de l’élection présidentielle a été fort sur la question de la réduction des dépenses publiques. Le Président de la République s’était engagé sur une baisse de 13 milliards d’euros. D’autres candidats soutenaient des baisses d’une plus grande ampleur ; il nous a semblé qu’elles n’étaient pas raisonnables, car elles étaient peu tenables.

De nouveau, cette année, nous n’allons pas procéder à une baisse unilatérale de la dotation globale de fonctionnement. Le principe qui est le nôtre, dans le dialogue exigeant que nous allons engager avec les collectivités, est celui de la responsabilité partagée. Nous voulons finalement donner aux collectivités locales la liberté de choisir les secteurs où elles souhaiteront faire porter l’effort.

L’un d’entre vous a cité François Mitterrand. Je suis petit-fils de Morvandiau, originaire d’Autun, pas très loin de Château-Chinon où le Président de la République élu le 10 mai 1981 au soir a réuni les élus locaux dont il avait été président de conseil général pendant de nombreuses années. Sa première phrase a été de leur dire, lui qui aimait les mots : « Ce pouvoir que les Français m’ont confié, je vais vous le rendre ! »

C’est dans cet état d’esprit que nous travaillons, comme l’a rappelé le Président de la République cet après-midi dans son intervention : un esprit de liberté et de responsabilité partagé entre l’État et les collectivités locales. C’est un ancien élu départemental qui vous le dit.

La question du déficit budgétaire a également été longuement évoquée. Certains ont souligné que les efforts consentis ne seraient pas assez importants au regard des enjeux.

La situation se dégrade depuis très longtemps. Le dernier budget voté à l’équilibre dans notre pays remonte à 1974 ; je n’étais pas encore de ce monde.

Mme Nathalie Goulet. Quelle chance ! (Sourires.)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Notre objectif est de pouvoir opérer, à la fin de ce quinquennat, une sorte de retour en arrière en votant un budget avec un déficit à zéro.

Le ministre de l’économie et des finances a rappelé trois chiffres ce matin dans son intervention : l’objectif de baisser de 5 points la dette publique à l’horizon de 2022, de 3 points les dépenses publiques et de 1 point les prélèvements obligatoires. Vous le savez tous, la pression fiscale sur nos concitoyens est trop forte, et il faut la faire diminuer.

Je dirai également un mot du déficit commercial, qui est l’autre grand mal français en plus du déficit budgétaire. Sur le sujet, il nous faudra mener un double combat.

Il s’agira d’améliorer la compétitivité du prix de l’heure de travail dans les entreprises en France. Le CICE a répondu en partie à cette problématique.

Nous avons fait le choix de baisser de manière pérenne les charges qui pèsent sur les entreprises. C’est une décision qui permet de donner de la lisibilité, de la visibilité et de la transparence à beaucoup de responsables et de chefs d’entreprise. Cette diminution des charges est totale sur les très bas salaires et est échelonnée jusqu’à 2,5 SMIC. Le rapport Gallois, qui date de 2012, sur la compétitivité de l’industrie française, a proposé d’aller au-delà. En l’état, au regard de l’obligation de respecter nos engagements budgétaires européens, cette solution n’est pas envisageable. Néanmoins, c’est une réflexion qu’il nous faut ouvrir.

Certes, aujourd’hui, l’heure de travail dans l’industrie française est redevenue compétitive à l’échelle européenne, mais si l’on veut dans un second temps, voire en même temps, une industrie qui monte en gamme, qui innove et qui investisse, il faut immanquablement des compétences supplémentaires. Or qui dit compétences supplémentaires dit niveaux de salaires plus élevés que ceux qui sont proposés en bas de la grille indiciaire dans certaines industries.

Nous devrons mener ce travail pour réduire notre déficit commercial de front, à la fois sur la compétitivité prix et sur la compétitivité hors prix. La compétitivité hors prix passe par la formation – l’un d’entre vous l’a souligné –, c'est-à-dire par l’investissement dans l’économie de la connaissance, de la compétence et de l’innovation. C’est le crédit d’impôt recherche sanctuarisé pour nos entreprises, c’est la création du fonds pour l’innovation de rupture, financé à hauteur de 10 milliards d’euros par les cessions de participations dans des entreprises publiques, que nous assumons parfaitement. L’État n’a effectivement pas vocation à rester actionnaire majoritaire, voire actionnaire, dans toutes les entreprises publiques, car les fonctions de l’État et ses missions ont changé. C’est d’ailleurs heureux ! En vertu de quoi serait-il le seul acteur du monde économique à rester figé, droit dans ses bottes, alors que les transformations sont quasi quotidiennes dans l’ensemble de notre modèle économique ? Il est donc naturel que les champs d’intervention qui, hier, pouvaient encore lui incomber ne lui incombent sans doute plus demain.

C’est en menant le combat à la fois sur le front de la compétitivité prix et de la compétitivité hors prix que nous inverserons cette tendance du déficit commercial.

Se posera aussi la question, dont nous débattrons certainement avec les sénateurs représentant les Français établis hors de France, des outils pour conquérir les marchés. Le sénateur Richard Yung est l’un des parlementaires qui participent aux travaux du projet de loi sur la croissance et la transformation de nos entreprises, dont l’un des objectifs – c’est d’ailleurs le chantier sur lequel M. Yung travaille – est la question de l’internationalisation des outils à l’export. Il s’agit de rationaliser les outils existants, qui sont très nombreux, mais pas très efficaces à en juger par l’état de notre déficit commercial. Néanmoins, ces outils peuvent nous permettre demain de gagner des marchés et de convaincre des investisseurs étrangers. Quelques bons signaux commencent à affleurer en ce sens.

J’ai souvent eu l’occasion de me déplacer à l’étranger dans le cadre des différentes missions qui m’ont été confiées. Le fait que l’Autorité bancaire européenne déplace son siège à Paris (M. le rapporteur général applaudit.), le fait que quelques grandes banques et quelques grands fonds aient fait le choix de se relocaliser à Paris après les procédures engagées dans le cadre du Brexit sont des premiers signaux. Sont-ils suffisants ? À l’évidence, non ! Ces signaux sont-ils des signaux faibles ? La réponse est également négative.

Il me semble au contraire que le regard sur notre pays, et c’est heureux, a changé à l’étranger. Nous offrons, pour beaucoup d’investisseurs et d’entreprises qui souhaitent investir en Europe continentale, un cadre de stabilité,…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Stabilité : c’est le mot juste !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. … une stabilité probablement politique plus forte encore que celle de nos voisins allemands, qui, on l’a vu ces derniers jours, marquent le pas sur ces questions. À l’évidence, notre pays offre également plus de stabilité que nos voisins britanniques, qui avaient pour habitude d’attirer les investissements, notamment dans le domaine des services.

Cette compétitivité, vous le voyez, est présente. La conjoncture est bonne. Mais tout cela est très fragile. La volonté de ce gouvernement, non seulement dans le projet de budget qui vous est présenté, mais aussi dans la réforme qui a été engagée sur le marché du travail, est de réconcilier enfin le capital et le travail dans notre pays. Je suis certain que nous pouvons y arriver. À n’avoir fait le choix que de l’un ou de l’autre, alternativement, nous avons réussi le miracle de n’avoir aucun des deux : nous manquons de financement pour nos entreprises et nous avons 3,5 millions de chômeurs !

Je dirai un mot, même si je le ferai moins bien que le Premier ministre précédemment lors des questions d’actualité au Gouvernement, sur la question du logement social. Je ne doute pas que l’article 52 du projet de loi de finances sera abondamment discuté. Je ne voudrais donc pas priver les gourmands de cette discussion en déflorant trop les arguments que seront amenés à développer les responsables du Gouvernement qui se succéderont au banc, à savoir Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et moi-même.

Je ferai simplement un constat, qui est partagé : nous consacrons 2 % de notre richesse nationale, soit un peu plus de 40 milliards d’euros par an, à la question du logement, c'est-à-dire deux fois plus que la moyenne des autres pays européens, pour un résultat qui n’est pas deux fois meilleur. Il s’agit, encore une fois, d’une exception très française puisque nous sommes parvenus à organiser un système totalement inflationniste en subventionnant, d’un côté, les bailleurs et en solvabilisant, de l’autre, les locataires. De mes quelques souvenirs de cours d’économie, je ne me souviens pas d’un seul marché où, quand on injecte de l’argent aux deux bouts du tuyau, on n’aboutit pas à un système d’inflation. Nous devons donc collectivement repenser et remettre à plat le système, évidemment avec d’autres dispositifs. Je suis certain que les dispositifs Pinel et PTZ seront évoqués dans le débat, car nous devons promouvoir une approche globale.

Je sais aussi que, dans certains territoires, y compris dans les territoires dont vous êtes les élus, les choix en termes de politique du logement ne sont pas toujours très heureux. Je suis un ancien élu du département de Saône-et-Loire, où les choix faits en matière d’aménagement et d’étalement urbains ne répondaient à l’évidence pas aux exigences du développement durable. Ils ne répondaient pas non plus à l’exigence de limiter les problèmes liés à la gestion des déchets, pas plus qu’aux besoins relatifs à la gestion des transports, au syndicat d’électricité ou à l’ensemble des problématiques que vous côtoyez au quotidien. Sans doute peut-on intelligemment travailler à avancer sur tous ces sujets.

L’Assemblée nationale a adopté le principe de détendre les dispositifs qui devaient, pour certains d’entre eux, s’arrêter de manière brutale le 31 décembre de cette année. Un laps de temps supplémentaire a été octroyé. C’est une bonne chose ! Je ne crois pas à l’arrêt brutal ; en revanche, je crois profondément au recentrage de ces dispositifs et de ces politiques qui sont coûteux.

Nous avons eu un débat à l’Assemblée nationale sur les outre-mer. Il se trouve que j’étais à ce moment-là au banc du Gouvernement. La question m’a été posée – je ne doute pas qu’elle sera soulevée ici – de la suppression du CICE. Les dispositifs déjà en œuvre dans les territoires d’outre-mer sont mis en difficulté par la suppression du CICE. Les taux de charge étaient très dérogatoires au droit commun. Le choix du Gouvernement est de ne pas pénaliser plus avant les territoires ultramarins et de trouver des dispositifs qui leur permettront de bénéficier de ces mécanismes.

J’ai répondu de manière sans doute trop décousue à l’ensemble des problématiques qui ont été abordées. Au fond, nous défendons aussi ce budget pour des questions de justice sociale, car, je suis d’accord avec ce qui a été dit, il n’y aura pas de croissance juste si la croissance n’est pas partagée entre les Français et entre les territoires. Soyez certains que ce budget est le moyen pour la France de retrouver de la voix en Europe.

Je terminerai sur ces quelques mots. Notre pays et l’Europe se trouvent à un moment historique ; un moment où des voies peuvent être empruntées de manière irréversible. Je pense notamment à la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne ; si elle n’en était pas un des membres fondateurs, elle y a toujours eu une importance particulière.

Il ne s’agit pas d’être un eurobéat ; il faut être critique et exigeant avec l’Europe. Mais avec la montée des populismes et de l’anti-européisme, la France, en respectant ses engagements, retrouve sa voix en Europe, une voix qui a par trop manqué ces dernières années.

Nos voisins comptent sur nous. Ce budget nous placera à la hauteur de leurs attentes, en redonnant à la France la place qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’occuper en Europe et dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous abordons la discussion de l’article liminaire.

projet de loi de finances pour 2018

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Première partie

Article liminaire

La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2018, l’exécution de l’année 2016 et la prévision d’exécution de l’année 2017 s’établissent comme suit :

 

(En points de produit intérieur brut)

Exécution 2016

Prévision d’exécution 2017

Prévision 2018

Solde structurel (1)

-2,5

-2,2

-2,1

Solde conjoncturel (2)

-0,8

-0,6

-0,4

Mesures exceptionnelles (3)

-0,1

-0,1

-0,1

Solde effectif (1 + 2 + 3)

-3,4

-2,9

-2,6 *

* L’écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s’explique par l’arrondi au dixième des différentes valeurs

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, sur l’article.

M. Didier Rambaud. L’article liminaire que nous nous apprêtons à voter est important ; il fixe en effet la prévision de soldes structurel et effectif de l’ensemble des administrations publiques. Dit autrement, il pose le cadre du débat parlementaire sur le projet de loi de finances.

Le groupe La République En Marche est très fier de défendre ce budget, qui, comme l’a noté le rapporteur général, dont je salue le retour parmi nous, est un budget de sincérité. Ainsi, les hypothèses macroéconomiques sont solides. Prenons l’exemple de l’écart de production, estimé à moins 1,5 % pour 2016, quand il était estimé à moins 3,5 % en avril dernier. Or, vous le savez, cette réévaluation rend l’effort à mener par le Gouvernement plus important.

Le rapporteur général l’a aussi noté, le texte que le Sénat examine est un texte de responsabilité. Disons-le à tous les donneurs de leçons : nous sommes très loin du creusement du déficit observé au début des années 2000.

Ce budget prévoit un effort structurel inédit sur la dépense. La France, pays dont la dépense représente 56 % du PIB, va enfin opérer une baisse dans ce domaine. Oui, c’en est fini des hausses d’impôts pour éviter de transformer le pays et de faire les réformes !

Cette responsabilité permet à la France de passer durablement sous le seuil de 3 %. Il y a eu beaucoup à faire en 2017, par exemple trouver 10 milliards d’euros à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité de la taxe à 3 % sur les dividendes, mais la majorité présidentielle a tenu son cap.

À cet égard, notre groupe regrette une nouvelle fois le double langage d’une partie de la droite sénatoriale, qui a voté le creusement du déficit public de notre pays de 7 milliards d’euros supplémentaires, avec des amendements coûteux déposés sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le groupe La République En Marche votera donc cet article et souhaite que le Sénat respecte les engagements européens de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, sur l’article.

Mme Sophie Taillé-Polian. Le ton de mon intervention risque de dissoner par rapport à celui des précédents orateurs.

L’écart avec la trajectoire imposée que le TSCG autorise sur un seul exercice, vous l’utilisez, monsieur le secrétaire d’État, en supprimant l’ISF, en instaurant la PFU – mesures qui n’auront qu’un effet très incertain sur la croissance et l’emploi – et en menant une violente charge sur des politiques directement tournées vers les Français les plus modestes, comme l’emploi et le logement.

Dans ces conditions, on ne peut être que très inquiet pour le projet de budget pour 2019, qui devra à la fois transformer le CICE et rattraper le différentiel observé sur cet exercice par la Commission européenne. Il y aura donc de nouvelles très lourdes baisses de dépenses publiques. Elles seront subies, une fois de plus, par ceux qui ont pour seul capital le service public. Vous évoquez la société du risque ; il est sûr que les Français les plus modestes vont en subir les effets.

Plusieurs pays européens, plusieurs parlementaires ont demandé la révision du mode de calcul du fameux solde structurel, assez défavorable à la France. J’ai demandé au commissaire Pierre Moscovici, lors de son audition, où en était la Commission européenne sur cette question. Il nous a répondu que « les problèmes de soldes structurels ont fait l’objet de travaux qui n’ont pas été validés par les ministres des finances ». Il est vrai que nous n’avons pas entendu le Gouvernement sur ce dossier, pourtant essentiel pour respecter nos engagements européens, tout en préservant nos services publics et en répondant à l’urgence sociale. Mais cela, préserver nos services publics et répondre à l’urgence sociale, ne semble pas être votre problème.

À quoi sert un gouvernement de la zone euro si les règles actuelles étranglent l’action publique de l’État, vecteur majeur de redistribution ?

On le voit bien, même les meilleurs élèves de l’Europe subissent des crises politiques liées aux montées des nationalismes, lesquels sont exacerbés par la hausse des inégalités. Parce que la vertu d’un pays européen n’est pas mesurée par sa situation sociale, mais par un calcul baroque de solde structurel, dont tout le monde sait qu’il n’est que très théorique.

Pour conclure, je tiens à dire que vous avez utilisé les marges de manœuvre existant sur cet exercice pour favoriser les plus aisés au détriment des plus défavorisés, sans satisfaire pour autant la Commission ; vous n’avez pas renégocié le mode de calcul de ce fameux solde structurel ; vous n’avez pas cherché, et vous ne chercherez pas, à utiliser les flexibilités prévues par le TSCG, notamment la non-prise en compte dans le déficit des dépenses de défense.

Vous opposerez certainement à mes arguments le poids de la dette. Tous ici, vous parlez d’addiction à la dépense publique. Je pense surtout que notre société a une addiction à la pauvreté et au creusement des inégalités, ce dont, finalement, vous vous satisfaites. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Je veux dire d’abord que l’intervention de ma collègue, élue du Val-de-Marne et pourtant membre d’un autre groupe que le mien, était très bonne.

Je ne veux pas faire de polémique, mais j’entends que le sénateur Rambaud fustige ceux qui « donnent des leçons » ; je ne sais pas à qui vous pensiez, mon cher collègue. Peut-être aux membres du groupe communiste ?… Sauf que l’article liminaire, ce n’est rien d’autre que le traité de 2012, mes chers collègues !

M. Jean-Claude Requier. C’est la faute de l’Europe !

M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas une question d’Europe. Je vous avoue que, dans mon groupe, on s’interroge : quelle est la marge d’autonomie, de souveraineté des deux assemblées ? Parlons plus particulièrement de la nôtre, du Sénat.

L’article liminaire est très important, parce qu’il fixe le cadre. Cela veut dire que, dans la zone euro, notre assemblée, mais c’est vrai aussi des assemblées des autres pays européens, ne peut pas débattre en dehors de ce cadre. C’est donc bien dans ce cadre-là qu’on prépare notre loi de finances.

J’entendais M. Le Maire ce matin dire que l’ISF faisait fuir le capital et que nous, communistes, on était dans la posture, la caricature. Moi, je ne me permets jamais d’interpeller un ministre ou un collègue de droite pour lui dire qu’il est dans la posture, la caricature. Alors, ne le faites pas aux autres et arrêtez de dire que l’ISF a fait fuir le capital ! J’ai ici des données fournies par la direction générale des finances publiques, autrement dit par les services de l’État : en 2015, les capitaux des exilés fiscaux qui se sont envolés représentaient 0,2 % des assujettis à l’ISF. (M. le rapporteur général s’exclame.)

Je suis très heureux de vous voir de retour parmi nous, monsieur le rapporteur général, mais ce n’est pas Montgolfier ou Savoldelli qui le dit, c’est la DGFiP, et moi je la crois !

Il y a donc une contrainte, qui nous oblige à ne plus avoir d’impôt de solidarité sur la fortune et à remplacer cet impôt par un impôt sur l’immobilier. Franchement, comment voulez-vous qu’on accepte ce cadre européen, alors que la France fait face à tant de difficultés : populisme, extrémisme, fractures sociales ? Et il faudrait être fier de ce budget ? C’est affolant !

J’ai lu la plaquette de présentation du projet de loi de finances éditée par Bercy – cela ne vient ni de L’Humanité, ni des Échos, ni du Figaro.

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Pascal Savoldelli. Je finis mon propos.

Mme la présidente. Rapidement !

M. Pascal Savoldelli. Savez-vous combien paiera désormais un contribuable disposant de 11 millions d’euros, qui payait 108 690 euros d’ISF ? Eh bien, zéro euro d’IFI ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° I-485 rectifié est présenté par MM. Requier, Collin, Gabouty, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Vall.

L’amendement n° I-599 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, tableau, dernière colonne

1° Avant-dernière ligne

Remplacer le nombre :

- 0,1

par le nombre :

- 0,2

2° Dernière ligne

Remplacer le nombre :

- 2,6

par le nombre

- 2,8

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° I-485 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement de conséquence, dont l’objet est d’actualiser l’article liminaire du projet de loi de finances pour 2018 après l’invalidation par le Conseil constitutionnel de la taxe sur les dividendes, laquelle entraîne une perte de 10 milliards d’euros pour l’État en 2017-2018.

Comme on l’a vu lors des débats prolongés du premier projet de loi de finances rectificative, la perte de 5 milliards d’euros que nous connaîtrons cette année sera bien compensée, ce qui ne sera pas le cas l’an prochain : le Gouvernement prendra alors la responsabilité d’inscrire 5 milliards d’euros de pertes dans son budget. La décision a donc pour effet de dégrader le solde effectif en 2018 de 0,2 point, ainsi que le solde conjoncturel.

Tel est le sens de cet amendement, que je vous invite à adopter, mes chers collègues, dans un souci de clarté et de sincérité budgétaires.