Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° I-599.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. M. Requier a devancé le souhait du Gouvernement, qui présente un amendement identique au sien.

Je retire donc l’amendement n° I-599 et propose au Sénat d’adopter l’amendement n° I-485 rectifié.

Mme Sophie Primas. Quelle élégance !

Mme la présidente. L’amendement n° I-599 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I-485 rectifié. ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission des finances, car il a été déposé après sa réunion de ce matin. À titre personnel, j’y suis favorable, car son dispositif se borne à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel sur le solde public de 2018, le fameux 0,2 point dont nous avons longuement débattu.

Il n’y a donc pas d’appréciation politique à porter sur cet amendement. Pour autant, il ne faut pas se glorifier du niveau de déficit. Cela a été rappelé, aujourd’hui, seuls deux États en Europe relèvent du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance et font l’objet d’une procédure pour déficit excessif : la France, dont le déficit est le plus élevé de la zone euro, à 2,8 %, et l’Espagne, dont le déficit est de 2,2 %.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Je m’exprimerai à la fois sur l’article liminaire et sur l’amendement.

L’article liminaire a pour objet de prendre acte des données chiffrées du solde public français et l’amendement n° I-485 rectifié vise à tirer les conséquences de leur modification. Sur l’article comme sur l’amendement, nous nous abstiendrons donc généreusement. (Mme Sophie Primas s’esclaffe.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-485 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-138, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

En euros courants et selon les hypothèses, les méthodes et les résultats des projections sur la base desquelles est établi le présent projet de loi de finances, décrits dans le rapport prévu par l’article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2018, de l’exécution de l’année 2016 et la prévision d’exécution de l’année 2017 s’établissent comme suit :

(En milliard d’euros courants)

 

Exécution 2016

Prévision d’exécution 2017

Prévision 2018

Solde structurel (1)

-55,7

-50,2

-49,3

Solde conjoncturel (2)

-17,8

-13,7

-9,4

Mesures exceptionnelles (3)

-2,2

-2,3

-2,3

Solde effectif (1 + 2 + 3)

-75,8

-66,2

-61,1*

*L’écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s’explique par l’arrondi au dixième des différentes valeurs

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Le dispositif de cet amendement est extrêmement simple. Il s’agit seulement de rendre le tableau figurant au sein de l’article liminaire compréhensible par les Français grâce à la traduction des points de PIB en euros.

Les Français ne font pas leurs courses en points de PIB ! Le ratio de PIB n’est pas compréhensible, au contraire des nombres en euros, qui permettent à chacun de constater l’étendue de notre situation financière.

Cet amendement devrait donc être adopté à l’unanimité.

Mme la présidente. L’amendement n° I-293 rectifié bis, présenté par MM. Leroux et Bonhomme, Mmes Bories et Deroche, MM. Grand et Karoutchi, Mme Lavarde, MM. Magras, Paccaud et Paul, Mme Deromedi et M. Kennel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

(En milliards d’euros)

 

Exécution 2016

Prévision d’exécution 2017

Prévision 2018

Solde structurel (1)

-55,7

-50,2

-49,3

Solde conjoncturel (2)

-17,8

-13,7

-9,4

Mesures exceptionnelles (3)

-2,2

-2,3

-2,3

Solde effectif (1+2+3)

-75,8*

-66,2

-61,1*

*L’écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s’explique par l’arrondi au dixième des différentes valeurs.

Ces soldes correspondent aux valeurs suivantes :

(En milliards d’euros)

 

2016

2017

2018

PIB

2 229

2 284

2 349

Ensemble des administrations publiques (APU)

 

 

 

Dépenses

1 257

1 280

1 305

Recettes

1 181

1 213

1 244

La parole est à M. Sébastien Leroux.

M. Sébastien Leroux. Cet amendement a le même objet que celui qu’a présenté Nathalie Goulet. Il vise en effet à rendre les lois financières lisibles et compréhensibles par tous.

Comment informer nos concitoyens, comment les mobiliser sur la nécessité de redresser nos finances si on ne leur parle pas dans la monnaie de leurs propres comptes ?

L’article liminaire a été imposé par la loi de 2012 pour donner une image fidèle et synthétique de l’évolution de nos finances. Tel que rédigé, il est incompréhensible pour le commun des mortels. Il est donc proposé ici d’ajouter une traduction en milliards d’euros des montants indiqués dans le projet de loi de finances en ratio de PIB. De cette façon, il sera possible de lire dans notre monnaie à quoi correspondent les déficits publics, comparés aux recettes et aux dépenses publiques, ainsi qu’au PIB.

Si cette traduction en euros méritait une correction, il serait parfaitement loisible au Gouvernement de donner au Sénat les chiffres dont il dispose. En revanche, s’interdire de rassembler tous les chiffres dans un tableau synthétique reviendrait à offrir une image floue du budget et à faire naître des doutes sur sa sincérité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission a examiné ces deux amendements lors de sa réunion de ce matin.

Habituellement, les engagements européens de la France figurent en points de PIB. C’est la raison pour laquelle les tableaux fournis par le Gouvernement comportent ces données.

Dans un souci de clarté et de compréhension, il ne serait peut-être pas inutile de les traduire en chiffres, plus précisément en milliards d’euros. La commission des finances a donc vu d’un bon œil ces deux amendements.

Cependant, nous venons d’adopter un amendement modifiant le tableau figurant dans l’article liminaire. La traduction en milliards d’euros que ces deux amendements tendent à insérer mériterait donc d’être révisée au cours de la navette pour en tirer les conséquences.

La commission, qui était favorable ce matin à ces deux amendements, s’en remet donc, désormais, à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Nos engagements européens en matière de finances publiques sont exprimés dans un langage légèrement technocratique : en points de PIB. Le format dans lequel est rédigé l’article liminaire est donc usuel. Je pourrais presque dire que je suis né avec le chiffre de 3 %, qui apparaît dans tous les débats.

L’inscription de ce chiffre en euros courants peut être de nature à brouiller la compréhension du respect de nos engagements en cas d’évolution macroéconomique différente.

J’ai une autre réserve : le contenu de l’article liminaire est défini par l’article 7 de la loi organique relative à la programmation et la gouvernance des finances publiques du 17 décembre 2012, qu’il faudrait avant toutes choses modifier si l’on voulait faire figurer d’autres éléments dans les tableaux.

J’ajoute un élément d’appréciation plus personnel, moins juridique. Je conviens qu’assez peu de nos concitoyens font leurs courses en points de PIB, ou alors leurs revenus sont importants. Néanmoins, je ne suis pas certain que des montants en milliards, dizaines de milliards, centaines de milliards, voire milliers de milliards d’euros, si l’on parle de la dette, soient plus évocateurs pour nos concitoyens.

Je partage parfaitement la volonté des auteurs de ces amendements de faire de la pédagogie. J’aimerais d’ailleurs en faire preuve devant vous : depuis que nous débattons, la dette de la France s’est accrue de 17,4 millions d’euros.

Vous aurez compris de ces remarques que le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Les données introduites par cet amendement seront améliorées en cours de navette. Franchement, son adoption ne devrait pas poser de problèmes.

Jongler avec les milliards n’est certes pas à la portée de tout le monde, mais c’est bien la moindre des choses que d’informer les contribuables sur les proportions prises par la dette qu’on leur demande de rembourser.

Nous ne faisons que commencer l’examen du projet de loi de finances, monsieur le secrétaire d’État ; vous aurez largement le temps d’être défavorable aux amendements que nous allons déposer dans les prochains jours. Alors, laissez passer celui-là ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Monsieur le secrétaire d’État, 17,4 millions d’euros, cela me parle : c’est le budget de la ville dont j’étais maire il y a encore quinze jours ! Les chiffres ont un sens, ils parlent à nos concitoyens. Je voterai donc les amendements déposés par nos collègues.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-138.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° I-293 rectifié bis n’a plus d’objet.

La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote sur l’article.

M. Emmanuel Capus. Je ne comprends pas pourquoi les esprits s’échauffent dès la discussion de l’article liminaire. Il s’agit seulement de présenter les soldes structurel et effectif, dont on ne peut pas faire grief au Gouvernement d’être responsable.

Nous avons tous l’objectif de sortir de la procédure pour déficit excessif. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc, évidemment, l’article liminaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article liminaire, modifié.

(L’article liminaire est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

Article liminaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Article 27 (début)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion des articles de la première partie.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Article 27 (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Nous allons tout d’abord examiner, au sein du titre Ier de la première partie du projet de loi de finances pour 2018, l’article 27 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.

article 27 et participation de la france au budget de l’union européenne

Mme la présidente. Dans le débat, la parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Patrice Joly, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre chargée des affaires européennes, mes chers collègues, l’article 27 du présent projet de loi de finances traite du montant de la contribution de la France au budget européen pour l’année 2018. Le vote de cet article, même s’il est contraint, est l’occasion pour le Parlement d’apprécier chaque année la pertinence des priorités européennes mises en œuvre.

L’année 2018 s’inscrit dans un contexte particulier : le Brexit et les négociations en vue de son dénouement, l’arrivée à mi-parcours de la programmation 2014-2020, le contexte lié à la prénégociation du programme de l’après-2020.

Pour rappel, la France se plaçait en 2016 à la deuxième place des contributeurs nets en volume, après l’Allemagne. Notre pays était, dans le même temps, le troisième bénéficiaire en volume des dépenses européennes, après l’Espagne et l’Italie.

Ce budget de l’Union européenne bénéficie de manière très concrète à l’ensemble de nos territoires, ce qui n’est pas toujours correctement perçu par la population française, qui témoigne, comme la population d’autres pays européens, d’une certaine défiance à l’égard de l’Union. Je pense bien entendu à la politique agricole commune, qui contribue à garantir un revenu aux agriculteurs, concourt à l’aménagement de notre territoire et accompagne les efforts des agriculteurs vers la transition écologique. J’aurais pu également citer le Fonds européen pour les investissements stratégiques mis en place dans le cadre du plan Juncker, qui permet aujourd’hui de soutenir 57 projets sur l’ensemble du territoire, et dont la France est l’un des premiers bénéficiaires.

L’article 27 du projet de loi de finances pour 2018 évalue le montant de la contribution française à 20,2 milliards d’euros, soit une hausse de 3,8 milliards d’euros par rapport au montant qui devrait être effectivement payé en 2017. Cette progression s’explique essentiellement par la montée en charge des programmes de la politique de cohésion, après plusieurs années de sous exécution en début de programmation.

Le 18 novembre dernier, le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un accord sur le budget, pour un montant légèrement inférieur à celui proposé par la Commission européenne.

Madame la ministre, dans la mesure où les crédits proposés dans le projet de loi de finances étaient fondés sur les chiffres de la Commission, le montant du prélèvement sur les recettes pour 2018 fera-t-il l’objet d’un ajustement à la baisse, comme cela était le cas pour les crédits prévus initialement au titre de l’année 2017 ?

L’année 2018 verra s’intensifier les négociations en vue de la programmation pour l’après-2020. À cet égard, un certain nombre de défis se posent à l’Union : comment combler la perte nette de recettes consécutive à la sortie du Royaume-Uni ? Comment financer de nouvelles priorités – la transition écologique, les enjeux migratoires ou la lutte contre le chômage des jeunes – sans sacrifier la politique agricole commune et la politique de cohésion ? Comment rééquilibrer le système de ressources propres ?

Depuis les années 1980, le budget européen dépend principalement des contributions des États membres. Or les budgets nationaux sont de plus en plus sous pression. Les États tentent de limiter leurs contributions au financement de l’Union, afin de réduire ce qu’ils considèrent comme un coût sur le budget national. C’est pourquoi il est urgent que l’Europe se dote de ressources propres.

Cette réforme du système des ressources propres doit être l’occasion de faire avancer l’harmonisation fiscale en Europe et de lutter contre la concurrence déloyale entre États membres qui, le scandale des « Paradise papers » nous l’a rappelé, prospère toujours.

Parmi les pistes en cours de discussion, le projet d’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés est certainement le plus ambitieux. Fondé sur le principe selon lequel « les impôts sont payés là où les bénéfices sont réalisés », il présenterait l’avantage d’accroître la justice fiscale, tandis qu’une part de son produit pourrait être affectée au budget de l’Union.

Des options plus pragmatiques, comme une taxe sur les chiffres d’affaires des grandes entreprises du numérique, les fameux GAFAM, doivent et peuvent être adoptées rapidement. Sur ces sujets, il importe en effet de progresser vite, car les attentes de nos concitoyens sont fortes. C’est une question de justice fiscale et sociale.

S’agissant des conséquences du Brexit, qui entraînera une perte de recettes d’environ 10 milliards d’euros nets par an, il nous faudra être vigilant sur la politique de cohésion. En effet, pour équilibrer le budget de l’Union, plusieurs pistes de réduction des dépenses sont à l’étude. Parmi elles, une baisse de 15 % à 30 % des crédits affectés à cette politique.

Cette politique est d’autant plus fragilisée que d’importants retards de mise en œuvre sont constatés dans tous les États membres, dont la France. La lourdeur des procédures de contrôle et d’audit semble y être pour beaucoup, mais aussi la prolongation du délai de mise en œuvre du dégagement d’office. Cette situation est dommageable pour les porteurs de projet, mais elle fait aussi peser un risque sur la bonne exécution du cadre financier.

Pourtant, la politique de cohésion constitue un lien essentiel entre l’Union européenne et les collectivités territoriales, y compris les plus pauvres et les plus isolées. À cet égard, la prise en compte de territoires homogènes au regard de leur richesse dans le cadre de la nomenclature des unités territoriales statistiques constitue un enjeu essentiel pour l’avenir.

Permettez-moi enfin d’insister sur le fait que le budget européen que nous voulons pour demain doit nous permettre de renforcer la vocation d’origine de l’Union, qui est d’assurer la prospérité, la solidarité et la lutte contre les inégalités. Il nous faut aussi donner à l’Union les moyens nécessaires pour être une puissance d’avenir, à la fois compétitive et capable de faire évoluer son modèle de développement. C’est à cette condition que l’on renforcera la souveraineté européenne garantissant la démocratie, la liberté et la paix.

En conclusion, pour revenir sur le seul aspect budgétaire, je recommande, au nom de la commission des finances, l’adoption sans modification de l’article 27 du projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de saluer le travail du rapporteur spécial de la commission des finances, Patrice Joly. Après lui, je constate la progression de la contribution de la France. Cette évolution doit nous conduire à prendre conscience des trois défis que le budget européen est appelé à relever, avec les conséquences qui en résultent pour la contribution de notre pays.

Le premier défi regroupe les nouvelles priorités que l’Union européenne est appelée à assumer, avec leurs conséquences budgétaires : la sécurité, le contrôle des frontières, le terrorisme, la défense, les crises migratoires – autant de défis et d’attentes qui sont également ceux de nos concitoyens.

Le deuxième défi est d’avoir un budget européen adaptable à l’imprévu, sinon à l’imprévisible. La crise migratoire a démontré la difficulté pour l’Union de trouver rapidement, dans ses procédures budgétaires, la flexibilité nécessaire à des réponses efficaces.

Le troisième défi est la réduction programmée des ressources budgétaires de l’Union. Le Brexit, tout comme la nécessaire maîtrise des budgets nationaux, va peser sur la marge d’action financière des politiques européennes. Pour bon nombre d’États membres, dont la France, le Brexit entraînera, à budget européen constant, une contribution plus élevée au budget européen.

Ces trois défis doivent conduire à réinventer le cadre budgétaire sous au moins trois aspects.

Premièrement, il faut avancer sur la question des ressources propres, qui sont aujourd’hui insuffisantes, autour de 25 % à 28 %. Il est nécessaire que la contribution des États au budget de l’Union européenne ne soit plus, comme le rappelait M. Monti, un simple enjeu de « juste retour ». Des propositions précises sont désormais sur la table des gouvernements, qui doivent s’en emparer.

Deuxièmement, le moment est venu d’établir des priorités et de les hiérarchiser. À cet égard, un critère doit prévaloir, celui de la valeur ajoutée européenne. C’est à l’aune de ce concept que seront désormais mesurées la légitimité et l’acceptation sociétale des politiques européennes.

Troisièmement, deux politiques sont en particulier concernées : la politique agricole commune et la politique de cohésion. L’exercice de réflexion est bien sûr nécessaire, mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. La PAC, c’est un mécanisme de gestion des marchés, qui permet de prévenir les crises et d’assurer la protection de la partie vulnérable des populations agricoles européennes. C’est aussi un enjeu essentiel de sécurité alimentaire, de développement durable, de climat et d’environnement.

La politique agricole relève donc, à mon sens, de la valeur ajoutée européenne. Si elle peut paraître un peu ancienne aux yeux de certains, notamment en Europe du Nord, elle n’a jamais été aussi pertinente.

Quant à la politique de cohésion, sa valeur ajoutée européenne n’est guère contestable. Mais nous avons besoin d’un véritable « choc » de simplification administrative et de mise en cohérence des fonds. Il est bien évident que, dans une période de contrainte budgétaire nationale, ces fonds de cohésion ont aussi, à l’adresse des maires de notre pays, une lisibilité plus forte encore. Ils visent les mêmes cibles, mais avec aujourd’hui des réglementations concurrentes, sinon contradictoires. Il faut rationaliser les règles complexes de contrôle et d’audit qui bloquent cette politique depuis longtemps, avec en contrepartie une logique de la performance. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « La France est solidaire de l’Europe, quoi qu’elle fasse et quoi qu’elle veuille. Elle l’a été dans la souffrance, elle l’est dans son économie, elle le sera dans son destin. La France a une tâche européenne qu’elle ne peut éluder ». Je sais qu’il est de bon ton de citer Albert Camus, même si cela peut paraître un peu décalé, voire incongru, dans le cadre d’une discussion budgétaire.

Ces superbes mots de Camus, dont on oublie parfois qu’il fut un penseur incisif et visionnaire de l’Europe, ont été écrits au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans une Europe exsangue qui venait de se déchirer comme jamais auparavant. Ils méritent, à mon sens, d’être rappelés aujourd’hui, à une époque où notre continent est traversé par de multiples crises et s’interroge sur son avenir, sa cohésion et le sens à donner encore aux mots de solidarité entre les peuples et les nations qui le composent.

Ces superbes mots de Camus ne sont sans doute pas si incongrus et inutiles à rappeler quand il s’agit de donner un peu de sens et de profondeur à l’article 27 du projet de loi de finances, dont le moins que l’on puisse dire est que sa formulation est des plus concises et des plus arides : 34 mots pour plus de 20 milliards d’euros engagés, ce qui fait environ 594 millions d’euros le mot ! (Sourires.) Ce n’est ni donné ni clair…

Je ne m’étendrai pas ici sur le mode de calcul un peu complexe de notre contribution annuelle au budget européen, d’abord, parce que les orateurs qui m’ont précédé l’ont fait avec brio, comme le feront aussi ceux qui me succéderont, et, ensuite, parce que cela contribuerait à éluder une partie pourtant essentielle du débat qui doit être attaché à la discussion de cet article : quelle Europe voulons-nous et de quels moyens sommes-nous prêts à nous doter pour y parvenir ? Mais, avant d’effleurer cette question, je voudrais procéder à un ou deux constats, qui résultent de la lecture strictement comptable de cet article.

Premier constat : la contribution de la France au budget de l’Union européenne augmente de 8 % par rapport à l’an passé, après avoir connu une baisse par rapport à l’exercice antérieur. Je m’en réjouis fortement, car, même s’il ne s’agit que de l’une des variables qui impactent le calcul de notre niveau de contribution, cela signifie que notre revenu national brut s’améliore et surtout que les données prévisionnelles de la Commission européenne qui fondent ce calcul témoignent d’une confiance retrouvée en notre économie, en tout cas en la sincérité de nos comptes.

Second constat : la France est, après l’Allemagne, le deuxième pays contributeur au budget de l’Union. Mais ce que ce projet de loi de finances – comme les précédents – ne peut malheureusement ni dire ni faire apparaître dans les recettes du budget de l’État, c’est que notre pays est aussi le troisième bénéficiaire en volume des aides accordées par l’Union.

Certes, et très formellement, la France reste un contributeur net d’environ 9 milliards d’euros. C’est le sens même de la solidarité entre nations et régions sur laquelle s’est fondée, puis a prospéré, l’Union européenne depuis sa création. C’est cette solidarité qui a aussi permis d’instaurer une paix durable au sein de l’Union, et il est bon aujourd’hui, je crois, de le rappeler.

En réponse à celles et ceux qui, à gauche comme à droite – surtout à l’Assemblée nationale, dont j’ai relu les travaux portant sur cet article –, entament aujourd’hui l’antienne thatchérienne du « I want my money back ! », il est bon aussi de rappeler que cette contribution nette de la France, qui les gêne tant, n’intègre naturellement pas les apports positifs du plan Juncker en matière d’investissements dans notre pays et moins encore la dynamique positive – évidente, mais plus difficile à chiffrer précisément – pour notre économie de notre appartenance à l’Union. Ceux qui doutent encore de cette dynamique n’ont qu’à se pencher sur ce qui commence à se passer de l’autre côté de la Manche depuis la décision de nos voisins britanniques de quitter l’Union.

Madame la ministre, précisément parce que la nature de la construction de notre budget national laisse à penser que l’Europe nous coûte beaucoup plus cher qu’elle nous rapporte, j’avais il y a quatre ans, dans un rapport sur la citoyenneté européenne commis pour le compte de notre belle commission des affaires européennes,…

M. Simon Sutour. Excellent rapport !

M. André Gattolin. … suggéré que le Gouvernement produise annuellement un rapport largement publicisé qui évalue plus formellement les apports concrets de l’Europe à l’économie de notre pays. Le gouvernement de l’époque, en dépit du soutien de mon ancien président de commission Simon Sutour, n’a jamais donné suite à cette suggestion, car il considérait sans doute à l’époque que, parler d’Europe, c’était automatiquement prêter le flanc à la critique…

Alors que nous nous apprêtons dans les mois qui viennent à engager dans notre pays et dans le reste de l’Union une large consultation de nos concitoyens sur notre avenir commun, je crois qu’il serait bon d’envisager à nouveau l’opportunité d’une telle publication, bien plus pédagogique que les chiffres que nous étudions ici.

Pour conclure mon propos, je veux souligner ici combien la question du budget de l’Union est capitale et dépasse largement le strict enjeu financier. Le budget de l’Union, c’est un enjeu politique au sens noble du terme. Comment redynamiser, comment refonder l’Europe si nous ne nous dotons pas des moyens pour le faire ?

Au moment où commence en catimini à s’élaborer le prochain cadre pluriannuel financier de l’Union, ayons le courage de tirer les conclusions du cadre financier 2014-2020, qui touche bientôt à sa fin. Le malthusianisme qui avait présidé à sa construction finale nous a profondément handicapés, nous contraignant à des logiques excessives de fongibilité entre les différents chapitres de ce cadre financier, nous forçant à diminuer nos ambitions initiales, déjà bien rabattues, pour ne répondre que partiellement à de nouvelles urgences apparues depuis 2014.

Dans un monde en profonde mutation, tout le monde s’accorde à penser qu’il est aberrant de bâtir un cadre financier pour sept ans, surtout quand celui-ci dépend presque exclusivement des contributions nationales des États membres et n’offre aucune véritable marge de manœuvre en cours de route.