M. Emmanuel Capus. J’ai noté l’intérêt de certains pour le crédit d’impôt. Justement, cet amendement vise à élargir le crédit d’impôt « services à la personne », en le portant à 15 000 euros et en le plafonnant à 21 000 euros, contre, respectivement, 12 000 euros et 20 000 euros actuellement.

Cette mesure s’inscrit dans le prolongement de la généralisation de ce crédit d’impôt, étendu en janvier 2017 à tous les contribuables. Cet amendement, s’il est voté, permettra de baisser la fraction des dépenses à la charge de 1,3 million de ménages aux revenus modestes. C’est une mesure en faveur de l’accompagnement des seniors, puisque plus de la moitié des bénéficiaires sont âgés de plus de quatre-vingts ans. Je ne doute pas qu’elle recueille un avis intéressant de certains de mes collègues…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est certes très sympathique, mais on ne sait pas exactement quel est le coût de cette mesure.

Par ailleurs, cette dépense fiscale augmentera de 1 milliard d’euros en 2018, puisque je vous rappelle que l’on est passé d’une réduction d’impôt à un crédit d’impôt dans le projet de loi de finances pour 2018. Avec cet élargissement, le coût total sera de 4,7 milliards d’euros. C’est une dépense fiscale intéressante certes, mais élevée.

Comme je l’ai dit précédemment au sujet de l’amendement de Philippe Dominati, cette proposition contribue sans doute à créer des emplois déclarés. En effet, si cette dépense fiscale n’existait pas, l’emploi existerait toujours, mais il ne serait pas déclaré : il s’agirait de travail « au noir ».

Je suis conscient de son intérêt, mais un tel élargissement entraînerait une augmentation du coût. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées précédemment, la commission ne peut pas être favorable à l’élargissement de la dépense fiscale, qui, je le répète, augmentera déjà de 1 milliard d’euros en 2018.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Nous avons déjà acté un surcoût pour les finances publiques d’environ 1 milliard d’euros l’année prochaine pour ce qui concerne les services à la personne, mesure qui représente un effort budgétaire très important, notamment pour les retraités et les couples mono-actifs, comme on les désigne dans notre catégorisation.

Par ailleurs, une augmentation du plafond de dépenses profiterait surtout aux personnes qui disposent de revenus élevés et qui peuvent augmenter encore leurs dépenses dans leur quotidien. Elle n’aurait donc pas en réalité un effet très incitatif sur le développement du secteur des services à la personne et sur le recours de ces services par nos concitoyens qui en ont le plus besoin.

Même si cet amendement a, au départ, du sens, le coût de la mesure est élevé et l’effet incitatif est moindre que celui qui est espéré. Aussi, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-381.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° I-428 est présenté par M. Delahaye.

L'amendement n° I-464 est présenté par M. Dallier, Mmes Delmont-Koropoulis, Di Folco et Deromedi, MM. B. Fournier, Chaize, Brisson, Cambon, de Nicolaÿ et del Picchia, Mmes Imbert et Morhet-Richaud et MM. Paul et Lefèvre.

L'amendement n° I-469 est présenté par M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche.

L'amendement n° I-592 est présenté par MM. Lalande, Carcenac, Jeansannetas, Raynal et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le VIII de la première sous-section de la section II du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par un 8 ainsi rédigé :

« 8 : Régime applicable aux revenus perçus par l’intermédiaire de plateformes en ligne

« Art. 155 C. – I. – Sont soumis au régime défini au présent article les redevables de l’impôt sur le revenu qui exercent, par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, une activité dont les revenus relèvent de la catégorie des revenus fonciers, des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices des professions non commerciales.

« II. – 1. Pour les redevables qui relèvent de l’article 32, de l’article 50-0 ou de l’article 102 ter du présent code, le montant cumulé de la réfaction et des abattements mentionnés au 1 des mêmes articles 32, 50-0 ou 102 ter et appliqués au montant brut des recettes annuelles provenant des activités mentionnées au I du présent article ne peut pas être inférieur à 3 000 €.

« 2. Pour les redevables qui ne relèvent pas des dispositions desdits articles 32, 50-0 ou 102 ter, le montant brut des recettes annuelles provenant des activités mentionnées au I du présent article pris en compte pour la détermination du revenu imposable est diminué d’un abattement forfaitaire de 3 000 €, et seule la fraction des frais et charges supérieure à 3 000 € peut être déduite.

« III. – Le présent article est applicable aux seuls revenus qui font l’objet d’une déclaration automatique sécurisée au sens de l’article 1649 quater A bis. »

II. – Ne sont pas affiliées au régime d’assurance maladie et d’assurance maternité des travailleurs indépendants non agricoles, sauf option contraire de leur part, les personnes dont les recettes annuelles brutes provenant de l’exercice d’une ou de plusieurs activités par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation n’excèdent pas 3 000 €.

Dans le cas où ces personnes sont par ailleurs affiliées au régime d’assurance maladie et d’assurance maternité des travailleurs indépendants des professions non agricoles en application du code de la sécurité sociale, les revenus qu’elles tirent de l’exercice d’une activité ou de plusieurs activités par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs opérateurs de plateforme en ligne sont présumés constituer des revenus à caractère professionnel seulement s’ils proviennent d’activités de même nature que leur autre ou que leurs autres activités professionnelles, ou qui s’y rattachent directement, ou qui sont exercées avec les mêmes moyens que celles-ci.

III. – La perte de recettes éventuelle résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. – La perte de recettes éventuelle résultant pour les collectivités territoriales des I et II est compensée, à due concurrence, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.

V. – La perte de recettes éventuelle résultant pour l’État du IV est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

VI. – La perte de recettes éventuelle résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° I-428 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour présenter l’amendement n° I-464.

M. Antoine Lefèvre. Cet amendement vise à simplifier et à clarifier le régime fiscal et social applicable aux utilisateurs de plateformes en ligne en prévoyant un seuil unique de 3 000 euros, ce qui permet d’exonérer les petits compléments de revenus occasionnels et de tracer la frontière entre les particuliers et les professionnels.

Il reprend une proposition du groupe de travail de la commission des finances du Sénat sur la fiscalité du numérique, qui figure notamment dans son rapport du 29 mars 2017 intitulé « La fiscalité de l’économie collaborative : un besoin de simplicité, d’unité et d’équité » et dans la proposition de loi du même jour. Ce dispositif a déjà été adopté plusieurs fois par le Sénat à une très large majorité, et a été porté par des députés issus de plusieurs sensibilités politiques à l’Assemblée nationale dans le cadre du PLF pour 2018.

Si l’économie collaborative crée chaque jour de nouvelles opportunités d’échanges et de services pour des millions de personnes en France, son développement se heurte à l’inadaptation de nos règles fiscales et sociales. Celles-ci prévoient, en matière d’impôt sur le revenu, une imposition au premier euro, sans exception, si ce n’est pour les ventes d’occasion et pour le « partage de frais », au champ très restrictif.

S’agissant de l’affiliation à la sécurité sociale et du paiement des cotisations sociales, tout repose sur la distinction entre les particuliers et les professionnels, laquelle n’est, à ce jour, définie par aucun critère simple et objectif.

Dans le monde « physique », ces règles étaient en fait largement ignorées pour les petits échanges entre les particuliers, dans le cadre de vide-greniers ou d’autres services occasionnels entre voisins. Mais dans le monde « numérique », où les échanges de pair à pair sont devenus un phénomène massif, et bien souvent traçable et standardisé, ces règles ne sont plus tenables. Si elles étaient appliquées à la lettre, des millions de particuliers de bonne foi seraient pénalisés : mais, comme elles ne le sont pas, de nombreux « faux particuliers » échappent à leurs obligations fiscales et sociales, créant ainsi une distorsion de concurrence avec les autres professionnels.

Il est d’autant plus urgent d’agir que la déclaration automatique des revenus des utilisateurs par les plateformes en ligne sera obligatoire à partir du 1er janvier 2019.

Cet amendement prévoit donc d’instituer un régime fiscal et social simple, unifié et équitable pour l’économie collaborative, fondé sur un seuil unique de 3 000 euros.

En matière fiscale, les personnes gagnant moins de 3 000 euros par an via des plateformes en ligne, soit 250 euros par mois ou 60 euros par semaine, seraient exonérées d’impôt sur ces revenus. Au-delà, l’avantage fiscal serait dégressif et s’annulerait progressivement. Par conséquent, les personnes ayant une activité significative sur Internet seraient imposées sur l’ensemble de leurs revenus, sans aucune distorsion de concurrence.

En matière sociale, le seuil de 3 000 euros donnerait, pour la première fois, un critère simple et lisible permettant de distinguer un particulier d’un professionnel. Concrètement, l’affiliation à la sécurité sociale en tant que travailleur indépendant ne serait jamais obligatoire en deçà de ce seuil plancher, mais elle demeurerait toujours possible pour ceux qui se considèrent comme des professionnels et souhaitent bénéficier d’une couverture sociale à ce titre. L’avantage fiscal serait accordé aux seuls revenus faisant l’objet d’une déclaration automatique des revenus par la plateforme en ligne. Ainsi serait créé un cercle vertueux, permettant d’assurer la juste imposition des activités économiques significatives.

Par conséquent, bien que le dispositif proposé soit une réduction d’impôt, qui devrait concerner la grande majorité des utilisateurs de plateformes collaboratives…

M. le président. Je suis désolé, mon cher collègue, mais votre temps de parole est dépassé !

La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° I-469.

M. Roger Karoutchi. C’est le même !

M. Julien Bargeton. Oui, effectivement !

Nous avons tous la préoccupation d’équilibrer ce qu’apporte l’économie collaborative avec une régulation, notamment sur certains sujets. C’est le cas des plateformes de location, sujet extrêmement important.

Un rapport très remarqué du Sénat cette année avait évoqué plusieurs pistes, et cet amendement vise à reprendre l’une d’entre elles. Nous y tenons, compte tenu de ce que le développement de ces plateformes peut entraîner dans nos villes, de manière générale, même si les grandes villes, notamment Paris, mais également des villes du Sud et tous les grands centres urbains sont les plus touchés.

M. le président. La parole est à M. Bernard Lalande, pour présenter l’amendement n° I-592.

M. Bernard Lalande. L’amendement que nous proposons est une mesure de clarification et de simplification au bénéfice de tous, réclamée par tous.

Il a été excellemment défendu par notre collègue Antoine Lefèvre, qui a bien rappelé qu’il s’inspirait d’un rapport que nous avions commis sur la fiscalité de l’économie collaborative, et qui pointait un besoin de simplicité, d’unité et d’équité.

Le Gouvernement s’est dit opposé à cette mesure, au motif qu’elle serait contraire au principe d’égalité devant l’impôt, car elle serait réservée aux utilisateurs des plateformes.

C’est une analyse qui nous paraît, pour notre part, contestable, et cette discussion est l’occasion de vous demander des réponses à plusieurs questions précises, monsieur le secrétaire d’État.

Je rappelle quand même que le seuil de 3 000 euros représente un complément de revenu de 250 euros par mois. À titre indicatif, pour ceux qui l’auraient oublié, le SMIC net hors CRDS et CSG s’élève à 1 149 euros. Je donne ces chiffres pour bien faire apparaître ce que peut être un revenu de substitution. Cette somme est quand même significative pour des revenus plutôt faibles.

Nous demandons une exonération totale en deçà de 3 000 euros, car, a contrario, si vous n’êtes pas exonéré, vous devez vous inscrire dans un système déclaratif. Or pour des personnes qui éprouvent déjà parfois des difficultés à comprendre des imprimés ou des normes administratives, c’est compliqué.

Je formulerai un certain nombre de remarques à M. le secrétaire d’État.

Tout d’abord, l’avantage proposé est lié non pas à la nature des revenus parce que ceux-ci sont tous traités sur le même plan, mais aux modalités de déclaration. C’est exactement le même principe qui a prévalu pour l’avantage accordé aux adhérents à un organisme de gestion agréé, c’est-à-dire un avantage fiscal lié à une fiabilisation des déclarations.

Ensuite, le principe d’égalité s’apprécie toujours au regard d’autres principes constitutionnels, notamment le principe d’intelligibilité de la loi et le principe de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. D’ailleurs, le code général des impôts regorge de régimes dérogatoires.

En outre, le volet social de l’amendement, c’est-à-dire le seuil de distinction entre les particuliers et les professionnels, permet simplement de procéder à une clarification. En quoi serait-il contraire au principe d’égalité ?

Enfin, le Royaume-Uni et la Belgique ont instauré des régimes similaires sans y voir le moindre problème constitutionnel.

Plus fondamentalement, pour conclure, je veux dire que, en conservant le droit en vigueur sans rien faire, on préserve une égalité formelle, mais on aggrave des distorsions réelles.

Monsieur le secrétaire d’État, c’est un chantier de grande ampleur, que nous n’avons pas souhaité préempter, mais nous sommes disposés à travailler avec le Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous vous en doutez, la commission est évidemment très favorable à ces trois amendements identiques, qui émanent de différents groupes politiques. Ils sont tout simplement issus d’un travail en commun que nous avons mené depuis un certain temps, un travail extrêmement approfondi qui a conduit le Sénat, peut-être avant tout le monde, à s’intéresser à la question de l’économie collaborative et aux évolutions de consommation que nous connaissions avec le développement d’Internet.

Ce travail a débouché sur un premier amendement, qui, sur l’insistance du Sénat, a permis l’inscription d’une disposition dans la loi. Je veux parler de l’obligation de déclaration automatique par les plateformes. Cela a constitué une première avancée, mais il faut maintenant envisager le pendant de cette mesure : traiter les revenus une fois qu’ils sont déclarés par les plateformes. Là est la vraie question. Leur applique-t-on la fiscalité dès le premier euro ? Met-on en place un système de franchise ? Quel régime fiscal appliquer ?

Les amendements qui nous sont proposés sont bienvenus en ce qu’ils visent à la simplification et à la clarification.

Vous le savez, ces amendements ont déjà été défendus sur différents bancs de l’Assemblée nationale, mais le Gouvernement s’y est opposé, invoquant notamment le principe d’égalité devant l’impôt. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a d’autres principes constitutionnels. Le Conseil constitutionnel juge toujours par rapport à des objectifs, parmi lesquels figure le principe d’intelligibilité de la loi.

Aujourd’hui, avouez-le, avoir des seuils différents en matière fiscale et en matière sociale ou selon le type d’activité n’est absolument pas intelligible. À lire le guide édité par l’administration, reconnaissez qu’il faut être un peu spécialiste pour savoir si vous entrez dans la catégorie du loueur de voitures occasionnel, du loueur d’appartements occasionnel, etc. Tout cela est très compliqué aujourd’hui. Par ces amendements identiques, nous visons tout simplement à simplifier le régime par une franchise unique.

Autre objectif de valeur constitutionnelle : la lutte contre la fraude fiscale. Aujourd’hui, ces revenus ne sont pas déclarés. J’ai bien entendu notre collègue Julien Bargeton, mais ne se pose pas simplement la question des loueurs d’appartements à Paris, avec Airbnb. C’est toute l’économie collaborative qui se développe, dans tous les secteurs d’activité.

L’objet de ces amendements identiques est de faire le distinguo entre l’activité occasionnelle, qui correspond en quelque sorte à un remboursement des frais, et l’activité qui devient régulière et s’assimile alors à une quasi-activité professionnelle.

En dessous de 3 000 euros, il s’agit pratiquement du remboursement des frais ; au-delà de 3 000 euros, l’activité devient un peu plus récurrente et fournit un véritable complément de revenus. C’est la raison pour laquelle nous proposons de la fiscaliser.

J’en reviens au principe d’égalité : d’autres pays, comme la Belgique et le Royaume-Uni, ont mis en place cette mesure. Par ailleurs, l’exemple des organismes de gestion agréés a été cité à l’instant.

Enfin – et j’en termine, monsieur le président –, si vous arguez, monsieur le secrétaire d'État, que les dispositions prévues sont contraires au principe d’égalité, je déposerai demain – même peut-être ce soir ! – une QPC pour interroger le Conseil constitutionnel sur l’abattement de 20 % pour les organismes de gestion agréés. On verra quelle sera sa décision ! Aussi, vous ne pouvez qu’être favorable. (Sourires.)

M. Didier Guillaume. Le Gouvernement va être favorable !

M. Julien Bargeton. Quelle épée de Damoclès !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Damoclès est donc parmi nous… (Nouveaux sourires.)

Je veux d’abord saluer le travail réalisé par le Sénat. Le rapport sénatorial sur cette question, qui date du mois de mars, est excellent. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

M. Claude Raynal. Aïe aïe aïe !

M. Didier Guillaume. Et en même temps ... (Sourires.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cela commence mal ! (Rires.)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Je sens chez vous une forme d’espièglerie (Sourires.).

M. Jean-François Husson. On attend la suite !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Nous partageons une même position sur les questions de lisibilité, de simplicité et – oserai-je le mot ? – d’égalité.

On est, me semble-t-il, d'accord pour dire que la fiscalité actuelle ne permet pas toujours de distinguer très clairement les activités qui sont nées avec l’émergence, la croissance, la diffusion des économies dites de plateforme.

Sur des sites comme Abritel, Drivy, Airbnb – je suis un député parisien d’un arrondissement qui connaît une inflation importante du nombre de locations sur ce site, avec des gens qui en font commerce de manière totalement avérée, quand d’autres s’en servent comme complément de revenus –, on constate, il est vrai, que des particuliers, mais aussi des professionnels ou des semi-professionnels, en bénéficient. La frontière est parfois pour le moins ténue ou, en tout cas, n’est pas prise en compte. Sur tous ces points, je suis d’accord avec vous.

En revanche, la proposition que vous faites appelle une révolution fiscale importante sur l’économie numérique et l’économie de plateforme, et elle mérite une étude, notamment sur les questions du coût, de l’ampleur des effets d’aubaine et des effets d’entrée dans le système.

Avec les cabinets de Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, nous avons un dialogue nourri avec les opérateurs et les acteurs de cette économie de plateforme, que nous recevons régulièrement, notamment les acteurs liés à l’activité de location meublée et, particulièrement en ce moment, les acteurs présents sur le marché du covoiturage, comme Drivy et d’autres.

Pour ces raisons, liées à la fois au coût de la mesure et aux effets non identifiés, très spécifiquement des effets d’aubaine qui peuvent découler de cette proposition, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

En effet, le dispositif proposé crée des différences de traitement qui ne nous paraissent pas toujours justifiées et soulèvent quelques interrogations du point de vue du droit. Il octroie un avantage fiscal au seul motif qu’un revenu est déclaré via une plateforme en ligne.

De plus, le seuil d’exonération de 3 000 euros va bien au-delà de ce que l’on peut parfois qualifier de revenus complémentaires, occasionnels ou accessoires : 3 000 euros, la somme est importante. Ramenée au mois, cela fait, on l’a dit, 250 euros. Ce n’est pas une paille ! Cela représente un peu plus de 15 % du revenu médian. Le dispositif était basé sur un postulat erroné, consistant à considérer qu’en deçà de cette somme les charges engagées excèdent les revenus bruts réalisés.

Pour l’ensemble de ces raisons, parce que ces amendements identiques posent, outre une problématique de distinction, des problèmes de droit et de coût, la position du Gouvernement est plutôt défavorable. Toutefois, nous sommes ouverts au dialogue et avons, je le redis, des échanges nourris avec l’ensemble des opérateurs. Nous le savons, nombreux sont nos concitoyens qui participent à ces plateformes. Il ne faut évidemment pas que des professionnels du commerce interviennent dans la location meublée. Cela serait de nature à détourner l’esprit même de cette économie collaborative, qui n’est pas, à ce stade, totalement présente.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je voterai ces trois amendements identiques. Nous travaillons depuis fort longtemps sur ce sujet. Ce n’est pas la première fois que, lors de la discussion du projet de loi de finances, les auteurs de tels amendements s’entendent objecter que le dispositif proposé n’est pas tout à fait cadré, qu’il n’arrive pas au bon moment, qu’il n’est pas déposé sur le bon texte, que ce n’est ni le bon jour ni la bonne heure ! En même temps, c’est le bon sujet !

Le Sénat y a travaillé, les amendements ont été déposés par des collègues siégeant sur différentes travées. Je pense qu’il faut lancer un signal, en vue de travailler sur une base plus sûre, celle du vote sénatorial. Ce sont de bons amendements, qu’il faut voter ! (Mme Sophie Primas applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Bien sûr, je veux soutenir les amendements identiques et rebondir sur les propos de Mme Goulet.

On nous rétorque, en effet, à chaque fois, que la proposition n’est pas la bonne, sans jamais nous en proposer d’autres ! On va rediscuter avec les plateformes…

J’observe qu’on a moins de scrupules ailleurs en Europe. Nos partenaires ont l’air d’en avoir discuté – j’imagine qu’ils l’ont fait de la même manière – et ils ont trouvé des solutions. On cite en permanence les exemples européens. Dès lors que la mesure semble efficiente dans certains pays européens, pourquoi ne pas les suivre ? Je ne comprends pas qu’on ne fasse pas au moins cela.

J’en arrive à l’argument constitutionnel, qui est maintenant devenu la tarte à la crème.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Pas moi ! Je n’y ai pas recouru !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je note que vous ne l’avez pas invoqué, et c’est tant mieux ! J’en déduis donc que, pour vous, cet amendement n’est pas anticonstitutionnel. J’y reviendrai avec les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – parce qu’on se sert parfois de ce genre d’argument pour dissimuler l’absence de volonté. En tout cas, d’autres le font !

Voilà plusieurs années que le Sénat vote de telles dispositions, sinon toutes travées confondues, en tout cas, très largement. Les gouvernements et l’administration ne sont pas capables de nous faire une contre-proposition. Tenons-nous-en à celle-là !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Croyez-moi, si nous adoptons ces amendements identiques, peut-être contribuerons-nous à accélérer des décisions qui pourraient être encore plus consensuelles entre l’Assemblée nationale et le Gouvernement !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je voterai naturellement ces trois amendements identiques, qui ont une vertu, celle de la simplicité absolue du signal que l’on envoie à l’ensemble de nos concitoyens et du commerce susceptible d’être touché par ces transactions. Le commerce attend de notre part un signal de justice, pour effacer un peu la concurrence déloyale.

Parce que ces amendements lancent ce signal et qu’ils conjuguent simplicité et efficacité, je les trouve parfaits et je les voterai ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je serai plus nuancé. Peut-être ces amendements ne sont-ils pas parfaits,…

M. Jean-François Husson. Presque ! (Sourires.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … mais ils ont au moins le mérite de proposer une solution.

Pour ma part, je regrette que le ministre émette un avis défavorable sans, pour autant, nous proposer une alternative. En effet, pour le dire en toute franchise, je rejoins notre collègue Marie-Noëlle Lienemann, je ne me satisfais pas de la promesse d’engager des discussions avec les plateformes.

Si le Gouvernement avait rectifié les amendements en proposant de ramener le seuil de 3 000 euros à 2 000 euros, nous aurions pu en discuter, voire nous y rallier. Je remarque que le Sénat a été le premier à avoir mis en lumière ce sujet. Il a insisté et, à force d’insistance, il l’a fait entrer dans le droit positif. Souvenez-vous de l’obligation de déclaration automatique ! Si le Sénat n’en avait pas parlé, s’il n’avait pas insisté, réinsisté, revu les ministres, persisté lors de la discussion de chaque projet de loi et de chaque projet de loi de finances rectificative, si la Haute Assemblée n’avait pas adopté les amendements à l’unanimité, on n’en serait toujours pas à l’obligation déclarative !

Nous avons été aidés, c’est vrai, par les questions d’Airbnb et de la taxe de séjour – je reconnais de manière très honnête que tout le monde y a contribué. Il faut donc que ce sujet sorte.

On nous objecte une différence de traitement. Oui, elle existe. Mais revenons un instant sur les centres de gestion agréés.

Pourquoi y a-t-il une différence de 20 %, en gros, entre le travailleur indépendant qui adhère à un centre de gestion agréé et celui qui n’y adhère pas ? Cela est tout simplement justifié par le fait que le centre est censé procéder à un certain nombre de contrôles de nature à éviter la fraude. Ils sont donc, en quelque sorte, la contrepartie de la lutte contre la fraude.

Le Conseil constitutionnel, qui poursuit, parmi d’autres objectifs, vous le savez, le respect du principe d’égalité devant la loi et d’intelligibilité des lois, est aussi très attaché à ce motif d’intérêt général qu’est la lutte contre la fraude.

Concrètement, la franchise signifie la reconnaissance des frais qui ne doivent pas être fiscalisés et donne sans doute aussi un avantage à ceux qui, volontairement, décident de déclarer les impôts. Or, on le sait, la fraude est aujourd'hui absolument massive.

Ces amendements identiques sont donc vertueux, ils seront source de recettes fiscales et ils feront entrer une économie collaborative dans une forme de droit commun. Dans cette forme d’économie tout à fait louable, nous avons de très bons champions, que vous soutenez par ailleurs – on a cité des exemples qui méritent d’être soutenus. Mais l’économie collaborative, que nous souhaitons encourager, se développe, et ne doit pas détruire les recettes fiscales.

C’est pourquoi j’invite le Sénat à soutenir ces trois amendements identiques, dont la rédaction pourra, je l’espère, être améliorée dans le cadre de la navette. Si le Gouvernement nous propose un dispositif plus opérationnel, nous l’examinerons. Mais, en l’espèce, je suis très favorable à ces amendements identiques.