M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° II-29 rectifié ter est présenté par MM. Leroux et Chaize, Mme Lavarde, MM. Bazin et Morisset, Mme Deroche, MM. Daniel Laurent, Paul, Pierre, Lefèvre et Le Gleut, Mme Deromedi et MM. Vogel, Joyandet, Paccaud, Bonhomme et Husson.

L’amendement n° II-73 rectifié bis est présenté par Mme Gatel et Vullien, MM. Longeot, Maurey et Louault, Mme Férat et MM. Médevielle, Cigolotti, Loïc Hervé, Vanlerenberghe et Marseille.

L’amendement n° II-132 rectifié bis est présenté par MM. Gabouty, Requier, Collin et Vall.

Ces amendements sont ainsi libellés :

Au début, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le IV de l’article 1609 nonies C du code général des impôts est ainsi modifié :

a) Le septième alinéa est ainsi modifié :

- À la première phrase, les mots : « La commission locale chargée d’évaluer les charges transférées remet dans un délai de neuf mois suivant la date du transfert un rapport évaluant le coût net des charges transférées. Ce rapport est approuvé » sont remplacés par les mots : « Cette évaluation est déterminée à la date de leur transfert » ;

- À la deuxième phrase, les mots : « prises dans un délai de trois mois à compter de la transmission du rapport au conseil municipal par le président de la commission » sont remplacés par les mots : « adoptées sur rapport de la commission locale d’évaluation des transferts » ;

b) Le huitième alinéa est supprimé.

La parole est à M. Sébastien Leroux, pour présenter l’amendement n° II-29 rectifié ter.

M. Sébastien Leroux. Cet amendement concerne l’élaboration du rapport de la commission locale d’évaluation des transferts de charges transférées, la CLECT. Nous proposons de revenir à une procédure plus souple, sans délai couperet de neuf mois, pour apprécier le coût des transferts ou des retours de compétences et la recherche d’un accord entre communes et intercommunalité. Il s’agit de rétablir les précédentes modalités d’adoption du rapport de la CLECT.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour présenter l'amendement n° II-73 rectifié bis.

Mme Françoise Gatel. Je n’ajouterai qu’un élément à l’excellent argumentaire développé par M. Leroux : une telle mesure ne coûte rien !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Certes…

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour présenter l'amendement n° II-132 rectifié bis.

M. Jean-Marc Gabouty. Nous souhaitons simplement donner un peu de souplesse. Je ne pense pas que l’on puisse s’y opposer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. En la matière, dès lors qu’aucun délai n’était fixé, certaines communes ne présentaient pas de rapport et ne délibéraient pas : aussi le système était-il bloqué. C’est à la demande des territoires eux-mêmes que le Gouvernement a instauré un délai de neuf mois, qui nous paraît suffisamment long. Nous écoutons les territoires !

J’émets un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Dans ces conditions, la commission sollicite le retrait de ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, je sais que vous écoutez les territoires, mais nous les écoutons nous aussi ! Peut-être les entendons-nous chacune d’une oreille différente…

Je le répète, une telle mesure ne coûte rien. De plus, je rappelle que les intercommunalités ont connu une importante réorganisation en 2017. De nombreuses fusions ont eu lieu, diverses compétences ont été transférées aux EPCI, notamment l’eau et l’assainissement, la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, la GEMAPI. Je reconnais la nécessité de fixer des délais, mais, eu égard au chamboule-tout territorial intervenu au 1er janvier 2017, donner une respiration de trois mois me semblerait raisonnable et facilitateur. En tout cas, cela vaudrait mieux que solliciter l’avis du préfet !

Je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame Gatel, vous affirmez vouloir porter le délai de neuf mois à un an. Mais, dans le texte de votre amendement, je ne vois aucune mention d’un délai !

Mme Françoise Gatel. Si, un délai d’un an !

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je m’associe aux propos de Françoise Gatel : diverses compétences ont été retirées aux intercommunalités, d’autres leur ont été attribuées. La situation est tout de même assez compliquée, et un délai supplémentaire est nécessaire. À mon sens, ce sont là de bons amendements.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je regrette, mais je ne vois aucune mention claire d’un délai dans le texte de ces amendements. Je maintiens donc mon avis défavorable. Nous examinerons de nouveau ce point à l’Assemblée nationale.

M. Jean-François Husson. Nous allons régler la question tout de suite !

Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, il s’agit bien d’ajouter trois mois au délai de neuf mois fixé par le présent article. Si ma rédaction n’est pas suffisamment claire, j’en suis navrée, mais mes paroles sont très précises.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je maintiens mon avis défavorable : il est bien écrit, dans l’objet de l’amendement n° II-29 rectifié ter, « sans délai couperet ».

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-29 rectifié ter, II-73 rectifié bis et II-132 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 62 bis, modifié.

(L'article 62 bis est adopté.)

compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Avances aux collectivités territoriales

107 064 428 936

107 064 428 936

Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie

6 000 000

6 000 000

Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes

107 058 428 936

107 058 428 936

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quinze, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Enseignement scolaire

Article 62 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
État B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dispose de sept minutes pour évoquer 70 milliards d’euros ; faites le calcul ! (Sourires.) Mon propos risque donc d’être simple jusqu’à la caricature ; j’espère que vous me le pardonnerez.

Sur les grandes masses, nous sommes d’accord. La progression de 2,5 % est raisonnable, avec une consommation peut-être accélérée des crédits de la loi triennale de programmation.

Une observation un peu plus détaillée révèle que vous payez cher un certain nombre de décisions antérieures, monsieur le ministre. Le financement en année pleine des créations d’emplois atteint 300 millions d’euros, la décision du Gouvernement de compenser la hausse de la CSG vous coûte 400 millions d’euros, de même que le GVT – le glissement vieillesse technicité –, les effectifs de l’éducation nationale étant importants. On retrouve donc l’augmentation du budget de l’éducation de 1,3 milliard d’euros, hors compte d’affectation spéciale « pensions ».

Il est intéressant de relever que cette évolution s’inscrit dans une politique d’effectifs maîtrisée. Le budget pour 2018 ne devait pas prévoir d’augmentation des effectifs, mais l’Assemblée nationale a demandé qu’ils progressent légèrement, à hauteur de 144 enseignants pour l’enseignement secondaire technique. La commission des finances du Sénat a estimé que cette augmentation était pertinente.

Vous portez sur vos épaules la charge des 55 000 emplois dont la création a été décidée par la majorité et le gouvernement précédents. En année pleine, cela représente 2,7 milliards d’euros. C’est beaucoup d’argent, de surcroît pour une politique de recrutement de type stop-and-go qui n’est pas particulièrement pertinente, puisque nous avons observé une dégradation de la qualité des candidats aux concours, notamment dans des disciplines importantes comme le français ou les mathématiques.

Vous avez mis fin à cette politique inflationniste, et nous ne pouvons que vous en remercier. Vous avez désormais la responsabilité de mener une politique plus qualitative. Cela apparaît très clairement dans votre choix de rééquilibrer les dépenses en faveur de l’enseignement primaire, une cause qui nous rassemble sur toutes les travées de cet hémicycle. Nous savons tous que c’est dans l’enseignement primaire que se nouent les réussites ou les échecs en matière scolaire. Ce qui n’est pas acquis au cours préparatoire ou en CM1-CM2 pèse sur la suite de la scolarité.

Vous prévoyez la création de 2 800 emplois d’enseignant dans le primaire par redéploiement d’enseignants du secondaire : c’est là une démarche parfaitement responsable, que nous ne pouvons que saluer.

À terme, plus de 11 000 classes seront dédoublées : c’est la première mesure que vous avez mise en place dans l’enseignement primaire, et la plus spectaculaire. La deuxième mesure que je voulais signaler, même si elle est plus modeste en termes de budget – 35 millions d’euros tout de même, contre 15 millions d’euros l’année dernière –, concerne les stages de réussite, qui permettent aux jeunes en fin de primaire de se préparer au collège, tant il est vrai que ce passage constitue une rupture.

Le troisième élément de ce primaire renforcé que vous promouvez –après vos prédécesseurs, soyons honnêtes –, c’est la poursuite des efforts en faveur de la scolarisation des enfants de moins de trois ans.

Enfin, vous donnez satisfaction à la commission des finances, mais aussi à celle des affaires culturelles, en introduisant le principe d’une évaluation des mesures que vous avez engagées en faveur du primaire. Nous avions demandé avec insistance une telle évaluation s’agissant des horaires. Elle a manqué cruellement, jusqu’à ce que vous mobilisiez votre administration pour dresser un premier bilan, d’ailleurs assez ambigu dans ses conclusions et qui ne tranche pas définitivement. Vous avez donc fait le choix de la liberté, personne ne vous le reprochera.

Dans le secondaire, vous n’avez pas remis en cause la réforme du collège, mais vous l’avez assouplie, de manière que les principaux et leurs enseignants puissent faire des choix pertinents établissement par établissement. Ils auront ainsi la possibilité de mettre en place des classes bilangues ou des sections européennes, voire de conforter des enseignements traditionnels dont nous pensons, les uns et les autres, qu’ils sont utiles à la formation de nos cadres : je pense en particulier aux langues dites « mortes », qui sont bien vivantes au regard de la déclinaison et de l’explication des concepts d’aujourd’hui qu’elles permettent.

Concernant le collège, le dispositif « Devoirs faits » constitue une deuxième initiative tout à fait remarquable : plutôt que de faire du macramé ou des colliers en coquillages, les élèves sont gardés dans l’établissement pour continuer à travailler ensemble et traduire par le biais d’un effort personnel ce qu’ils ont appris dans la journée, avec un encadrement assez éclectique, dont vous nous parlerez certainement.

Ces mesures vont dans le bon sens. Reste le problème du baccalauréat. Notre secondaire est coûteux, en particulier son deuxième cycle, parce que la diversité de l’offre aboutit à un surencadrement des élèves. Les mesures que vous avez mises en œuvre avec votre collègue le ministre de l’enseignement supérieur méritent réflexion. Il n’y a pas de sélection pour l’entrée à l’université, pas de prérequis, mais des « attendus », qui vont forcément rejaillir sur le baccalauréat, et donc sur le deuxième cycle du secondaire, c’est-à-dire le lycée.

On sent bien, monsieur le ministre, que vous êtes en train d’engager une évolution qui pourrait permettre de s’attaquer aux faiblesses fondamentales du deuxième cycle de notre enseignement secondaire, dans lequel l’utilisation des moyens n’est sans doute adaptée ni aux réalités budgétaires d’aujourd’hui ni aux attentes des élèves.

Mme la présidente. Il va falloir conclure, monsieur le rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Tout cela serait encore mieux si votre politique de ressources humaines était un peu plus moderne et si vous vous attaquiez, en particulier, au sujet de l’annualisation du temps de travail des enseignants.

Enfin, le budget de l’enseignement technique agricole, auquel je suis personnellement très attaché, est convenable, puisqu’il augmente alors que les effectifs de cet enseignement sont stables.

En conclusion, la commission des finances du Sénat a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission. Quelques amendements seront présentés, qui ne lui ont pas posé de problème majeur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour l’enseignement scolaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois minutes pour 72 milliards d’euros, cela fait cher la minute ! Je serai donc économe de mes paroles… (Sourires.)

Votre projet de budget, monsieur le ministre, donne clairement la priorité à l’école primaire et à la maîtrise des fondamentaux par tous les élèves.

Les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter, respecter autrui – sont la condition de l’acquisition de tous les autres. C’est dans les toutes premières années de la scolarité que se joue la réduction de la difficulté scolaire, ainsi que du déterminisme social qui caractérise notre système éducatif.

Parce qu’il amorce un rééquilibrage de la dépense d’éducation en direction du primaire, ce budget est un bon budget. Les moyens sont mis au service de la politique éducative, et non l’inverse. C’est pourquoi notre commission a donné un avis favorable à son adoption, sous réserve de l’adoption de l’amendement que je présenterai.

J’ai souhaité, monsieur le ministre, concentrer mon propos sur la question du remplacement des enseignants absents. Il s’agit d’un enjeu de confiance à l’égard des élèves et de leurs familles : il n’y aura pas d’école de la confiance sans continuité du service public.

Le remplacement des enseignants absents constitue également un véritable défi pour le système éducatif ; le relever nécessite d’adapter son mode de fonctionnement à la réalité des besoins des établissements et, in fine, des élèves.

Le remplacement des enseignants absents est aussi un enjeu budgétaire : l’équivalent de 50 000 postes et 3,5 milliards d’euros, soit près de 5 % des crédits de la mission, y sont consacrés.

Dans le premier degré, une absence sur cinq environ n’est pas compensée. Le remplacement y est peu efficient, en raison de la segmentation des remplaçants en brigades spécialisées selon le lieu ou la nature de l’absence à pallier. La circulaire du 15 mars 2017 visait à y remédier, mais son application demeure partielle.

Dans le second degré, le remplacement est scandaleusement insuffisant pour les absences de courte durée, au point que la Cour des comptes le qualifie de « défaillance systémique ».

Les protocoles prévus par le décret de 2005 ne sont pas mis en œuvre ; ils ont été réactivés dernièrement par une circulaire, mais celle-ci ne crée pas pour autant les conditions de leur application effective. Cette situation pourrait encore s’aggraver du fait de la pénurie d’enseignants dans de nombreuses académies, qui impose un recours accru aux contractuels.

L’enseignement privé connaît une situation critique du fait de l’écart de rémunération entre ses remplaçants et ceux du service public. Un alignement des rémunérations me semble nécessaire.

Mes chers collègues, le remplacement est un problème non pas de moyens, mais d’organisation du service, qui révèle l’urgence d’une réflexion d’ensemble sur la gestion des ressources humaines du ministère. Celle-ci doit s’inscrire dans une démarche globale, s’attachant à renforcer l’attractivité du métier d’enseignant et à rénover son cadre d’exercice.

En contrepartie de l’amélioration des rémunérations, déjà en partie engagée, les obligations de service des enseignants doivent être révisées. Le remplacement des collègues absents et la formation continue doivent être intégrés aux missions des enseignants. Je recommande également l’annualisation des obligations de service et le développement de la bivalence dans le second degré.

Enfin, j’observe que l’éducation, premier investissement de la Nation, est paradoxalement peu présente dans cet hémicycle. La politique éducative mérite mieux qu’une soirée consacrée à l’examen de ses crédits. C’est pourquoi je souhaiterais que se tienne chaque année au Sénat, avant les arbitrages budgétaires, un débat d’orientation sur les politiques d’éducation.

M. Michel Savin. Très bien !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Le Parlement doit se saisir de ce sujet décisif pour l’avenir de notre pays et dont le Président de la République a fait une priorité. J’espère, monsieur le ministre, pouvoir me prévaloir de votre soutien à cette démarche ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Antoine Karam, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, pour l’enseignement technique agricole. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » connaissent une évolution favorable pour l’année 2018, avec une hausse de 35 millions d’euros, soit de 2,5 %. Cette égalité de traitement avec l’éducation nationale témoigne de la priorité accordée par le Gouvernement à l’éducation et à la formation professionnelle.

Notons toutefois que ce budget ne prend pas en compte l’évolution probable des subventions aux établissements privés, qui accueillent plus de 60 % des élèves de l’enseignement agricole. Les protocoles actuels qui, par dérogation avec la loi Rocard, plafonnent le montant des subventions versées expireront le 31 décembre prochain.

Pour l’enseignement privé du temps plein au moins, les négociations sont en cours, les fédérations exigeant à ce stade une revalorisation substantielle, demande à laquelle le ministère doit apporter une réponse. Je forme le vœu que ces négociations aboutissent. Composante essentielle de l’enseignement agricole, le secteur privé mérite un traitement équitable.

J’ai l’intime conviction que cette filière de réussite et d’excellence a de l’avenir. Alors qu’il existe une demande et un véritable besoin dans certains territoires, en particulier à Mayotte et en Guyane, mais aussi dans certains départements de la France hexagonale, l’enseignement agricole doit sortir d’une logique de conservation pour entrer dans une dynamique d’expansion. Il s’agit d’atteindre un objectif ambitieux : offrir une formation de qualité à la jeunesse et soutenir, par la formation, le développement de l’agriculture, secteur clé pour de nombreux territoires, notamment en outre-mer.

À ce titre, le plafonnement des subventions aux établissements privés est regrettable, car il pousse au statu quo en matière d’effectifs d’élèves et tend à entraver le développement de l’enseignement agricole.

Cette filière demeure trop méconnue malgré ses résultats enviables en matière d’insertion professionnelle, bien supérieurs à ceux de l’éducation nationale. Les effectifs de l’enseignement agricole baissent de manière continue depuis 2008, à rebours des évolutions démographiques. Cela s’explique en grande partie par la dévalorisation de l’enseignement agricole dans les représentations, ainsi que par la réticence de l’éducation nationale à orienter les élèves vers ses établissements.

C’est pourquoi j’appelle de mes vœux le lancement d’une grande campagne de promotion associant l’éducation nationale et visant à mettre en avant les réussites de cet enseignement et la diversité des formations et des métiers auxquels il prépare.

Je souhaite également, monsieur le ministre, que la coopération avec l’éducation nationale soit renforcée. Il faut s’abstraire des clivages d’un autre âge qui mènent à une perte d’efficacité. Celle-ci pourrait être utilement renforcée en matière d’orientation, d’élaboration de la carte des formations, de formation initiale et continue des enseignants, de remplacement et d’accompagnement des élèves en situation de handicap.

En matière tant de formation professionnelle que d’intégration de l’alternance ou de résorption de la difficulté scolaire, l’enseignement agricole est une filière exemplaire et riche, et son développement constitue un enjeu majeur. Puisse ce budget favorable en être le premier pas ! Voilà pour cette présentation au rythme du cheval de course… (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jacques-Bernard Magner.

M. Jacques-Bernard Magner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Enseignement scolaire » demeure le plus important de la Nation. C’est une bonne chose.

Si nous avons bien compris, ce projet de budget est bâti selon le schéma dominant suivant : une école efficace pour que chaque élève, à la fin du primaire, sache lire, écrire et compter, ainsi que respecter autrui.

Nous partageons bien évidemment cet objectif, mais comment être sûrs de l’atteindre ? Cela étant, une école efficace est-elle toujours une école juste ? La question centrale est-elle de faire mieux réussir les meilleurs – nous y parvenons assez bien dans notre pays – ou de remédier aux inégalités dont le système éducatif français est le champion ?

L’orientation actuelle, qui consiste à relancer les classes de latinistes ou d’hellénistes, ou encore les classes bilangues, pour quelques-uns seulement, plutôt que d’enseigner une seconde langue dès le plus jeune âge, nous interpelle. L’efficacité scolaire est-elle toujours une garantie de l’équité ? Une école efficace est-elle aussi celle du bien-être et du développement de l’autonomie des élèves ?

Le plan « 100 % de réussite en CP » et le dédoublement des classes dans les REP+ ne suscitent pas d’opposition, car ils participent d’un choix raisonné au bénéfice des élèves des secteurs défavorisés.

Toutefois, monsieur le ministre, vous qui êtes un expert, vous oubliez de rappeler que, dans l’histoire de l’éducation nationale, il y a déjà eu des classes de douze ou quinze élèves. Je les ai moi-même connues comme enseignant. Ces « classes de perfectionnement », comme on les appelait alors, avec des maîtres spécialisés pour des enfants en difficulté, ont montré qu’une diminution des effectifs n’était pas toujours une réponse suffisante pour remédier efficacement aux problèmes des élèves, et que les méthodes et le choix des enseignants comptaient aussi. Pour ces raisons, nous devons donc maintenir la formation que certains de vos prédécesseurs avaient supprimée.

Nous craignons que, pour dédoubler les classes, on assèche le dispositif « Plus de maîtres que de classes » mis en place auparavant et plébiscité par les enseignants. En outre, il faut disposer d’un nombre suffisant de locaux et de personnels. Les dédoublements de CP ne seront pas aussi nombreux qu’annoncé, car, dans beaucoup d’endroits, il faudra construire des locaux en dur. Cela ne s’improvise pas. Ainsi, comme c’était prévisible, la grande promesse de la campagne présidentielle du candidat Emmanuel Macron n’est pas encore près d’être tenue.

Nos craintes paraissent d’autant plus fondées que le projet de budget que vous nous soumettez, monsieur le ministre, porte un coup d’arrêt au recrutement dans le premier degré. Le nombre de postes ouverts aux concours d’entrée dans le métier d’enseignant se resserre dès l’année prochaine. Dans le second degré, il baisse pour la première fois depuis 2012. C’est là un mauvais signal, alors que, après les coupes claires dans les effectifs opérées entre 2007 et 2012 – moins 80 000 postes, je le rappelle –, nous venions à peine de réussir à enrayer la crise du recrutement, grâce à la politique mise en place lors du quinquennat précédent avec la loi de refondation de l’école et la création de 60 000 postes en cinq ans.

J’ajoute que ce coup d’arrêt au recrutement se produit au moment où se profile la réforme du baccalauréat et de l’entrée à l’université, au titre de laquelle le lycée devrait être fortement sollicité, ainsi que nous l’avions préconisé dans le rapport sur l’orientation que j’ai présenté avec mon collègue Guy-Dominique Kennel en décembre 2016.

Par ailleurs, laisser aux acteurs le choix de conserver la semaine de quatre jours et demi ou de revenir à quatre jours ne nous semble pas aller dans le sens de l’intérêt des enfants. Toutes les études que nous avons consultées à ce sujet soulignent combien la concentration des apprentissages sur quatre jours est néfaste pour les enfants, surtout pour les plus défavorisés d’entre eux, qui sont aussi ceux dont les activités périscolaires sont le plus erratiques. L’OCDE avait pourtant noté que la réforme des rythmes éducatifs allait dans le bon sens. Certes, vous n’interdisez pas la semaine scolaire sur neuf demi-journées et vous maintenez les dotations qui s’y rapportent, mais vous faites, comme nous, le constat que la grande majorité des écoles va revenir à la facilité de la semaine de quatre jours, pour des raisons bien éloignées du seul intérêt de l’enfant. Cela marque un point d’arrêt et nous alerte quant à l’avenir de nos jeunes.

De surcroît, la diminution d’une matinée de la durée de la semaine ne semble pas être contrebalancée dans le budget par une augmentation suffisante des mesures d’accompagnement. Le montant des autorisations d’engagement prévues pour les actions éducatives complémentaires aux enseignements et pour la vie scolaire est plutôt de nature à nous inquiéter.

En marge du débat budgétaire, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait nécessaire de fixer enfin, après une large consultation, une semaine scolaire qui convienne réellement au rythme des enfants des écoles de notre pays ? Il n’est pas sain de laisser les intérêts économiques et les influences les plus diverses modeler le fonctionnement de nos écoles.

Si, dans le secondaire, une mesure comme la mise en place du dispositif « Devoirs faits » nous semble juste et conforme aux réformes engagées auparavant, nous nous demandons en revanche si les budgets nécessaires à un accompagnement efficace sont toujours au rendez-vous.

Le recours au numérique est également indispensable pour que notre système éducatif se mette à l’heure du XXIe siècle. En 2017, un important effort a été réalisé dans ce domaine, notamment dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, mais l’on ne voit pas ce qui est prévu pour continuer dans ce sens en 2018.

La grande oubliée de ce projet de loi de finances est la médecine scolaire.