M. Jacques-Bernard Magner. Voilà des années que nous avons du mal à faire face à une crise sanitaire qui s’aggrave. Aujourd’hui, nous savons que les postes n’ont pas été pourvus parce que la situation des médecins scolaires n’est pas suffisamment attrayante en termes de revenus, d’indemnités, de prise en charge des frais. Comment comptez-vous revaloriser ce métier, si important pour la prévention et la santé de nos enfants ?

Enfin, comment l’école de la République peut-elle progresser dans le domaine de la scolarisation des enfants allophones, question abordée dans l’intéressant rapport de Mme Lang ? Comment améliorer le suivi des décrocheurs, toujours trop nombreux ? Comment se traduit la prévention de la radicalisation ?

Avant de conclure, je dirai quelques mots sur les crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole », qui sont en augmentation de 2,5 %. On note un coup d’arrêt à l’augmentation annuelle continue du nombre de postes mise en œuvre durant cinq ans par les précédents gouvernements, lesquels ont considérablement revalorisé l’enseignement agricole, public comme privé. Lorsque l’on sait que 80 % des jeunes qui s’installent en agriculture ne sont pas originaires du monde agricole, on mesure mieux la réussite de l’enseignement agricole en termes d’insertion professionnelle.

Monsieur le ministre, les sénateurs du groupe socialiste et républicain demeureront très vigilants sur les améliorations qu’il convient d’apporter à ce projet de budget qui, pour le moment, s’agissant de ses orientations, ne nous semble pas entièrement à la hauteur des enjeux cruciaux qui sont devant nous. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enseignement scolaire est un sujet fondamental pour l’examen du projet de loi de finances pour 2018.

Notre pays compte plus de 12 millions d’élèves scolarisés : près de 7 millions dans le premier degré et près de 6 millions dans le second. Pour prendre en charge ces élèves, pas moins de 875 000 enseignants sont mobilisés chaque année, tous secteurs confondus, dans le système scolaire.

En matière d’éducation, nombre d’hommes politiques parlent, mais peu agissent vraiment. Notre nouveau ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a déjà su démontrer qu’il était un homme d’action. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, vous trouverez sur nos travées des soutiens de votre politique.

L’éducation n’est pas un sujet politique comme les autres ; c’est un enjeu de formation des générations futures, puisqu’il s’agit d’instruire les jeunes élèves pour en faire des citoyens.

La loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République avait pour ambition de remettre à plat le système scolaire français. Ses dispositions tendaient à réformer l’enseignement du socle commun de connaissances, à accroître les connaissances et les compétences culturelles de nos têtes blondes, à assurer la lutte contre les inégalités sociales et territoriales et à améliorer la réussite de nos élèves.

Le précédent gouvernement, à l’origine de ce texte, nous avait promis un système éducatif juste et efficace dans l’accès au savoir. En étant extrêmement charitable, le moins que l’on puisse dire est que ces ambitions n’ont pas été atteintes, bien au contraire… Le système scolaire français est vieillissant, parfois même inopérant. Il traverse une crise profonde.

Ainsi, les niveaux de performance des élèves français en mathématiques se sont dégradés de manière importante entre 2003 et 2012 et stagnent depuis lors, tandis que le niveau global des élèves français en sciences se situe en deçà des moyennes européenne et internationale. La proportion des élèves en difficulté scolaire est passée de 21 % en 2006 à 22 % en 2015, celle des élèves en échec scolaire de 15 % en 2004 à 20 % en 2013.

Enfin, les élèves issus de milieux défavorisés ont quatre fois plus de risques de souffrir de difficultés scolaires, contre trois fois en moyenne dans les pays de l’OCDE, ce qui atteste la fin de l’égalité des chances à l’école.

C’est un constat pénible à dresser, mes chers collègues, d’autant que l’enseignement scolaire touche à l’avenir de notre pays et au bien-être des familles françaises. C’est dans les premières années de scolarité que notre école forme l’enfant à devenir un citoyen honnête et un travailleur sérieux.

Il faut donc réaffirmer la priorité donnée à l’enseignement de premier degré, notamment à la scolarisation des enfants de moins de trois ans ; c’est ce que vous avez décidé de faire, monsieur le ministre. Il faut aussi soutenir nos enseignants, par exemple en renforçant le remplacement pour formation continue des maîtres.

Le dispositif « Plus de maîtres que de classes » va dans le bon sens, et nous le soutenons. Il s’agit de réduire les inégalités en apportant une aide renforcée aux populations scolaires les plus fragiles. Cette mesure prévoit l’affectation d’un enseignant supplémentaire au sein d’une école ou d’un groupe scolaire pour mieux répondre aux besoins des élèves et offrir aux enseignants la possibilité de travailler autrement. Pour soutenir ce dispositif, 7 000 emplois seront créés. La priorité à l’école primaire est ainsi pleinement réaffirmée.

D’autres mesures, lancées sur la proposition du ministre de l’éducation nationale, nous invitent à garder espoir en un avenir plus radieux. Les choses peuvent encore changer dans notre système scolaire !

Ainsi, le dédoublement des classes de CP et CE1 à douze élèves dans les quartiers défavorisés, promesse faite par le futur Président de la République pendant la campagne présidentielle, s’est appliqué à la rentrée 2017 pour 2 200 classes de cours préparatoires, et 2 500 postes ont été attribués pour accompagner les écoles des réseaux d’éducation prioritaire et des réseaux d’éducation prioritaire renforcés. Cette initiative s’inscrit dans la feuille de route du ministère en vue de réduire les inégalités entre les familles. C’est un retour à l’école de la République, celle du creuset républicain.

De même, il convient de saluer l’initiative « Devoirs faits », lancée au retour des vacances de la Toussaint pour qu’une étude gratuite soit proposée aux collégiens dans leur établissement afin de réaliser leurs devoirs. Notre groupe a déposé un amendement visant à l’évaluation du dispositif, qui bénéficie d’une enveloppe de 220 millions d’euros.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement assure que les années 2017 et 2018 seront déterminantes dans la refondation de notre système d’enseignement scolaire. Les sénateurs du groupe Les Indépendants l’espèrent ! Ils voteront les crédits de la mission, tout en formulant plusieurs propositions pour que les dispositifs déployés par le nouveau Gouvernement soient analysés rapidement et fassent l’objet d’une évaluation dès que possible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget donne la priorité à l’enseignement primaire. Les membres du groupe du RDSE saluent ce recentrage. La maîtrise des fondamentaux demeure en effet la clef de la réussite scolaire, ainsi que le principal moteur de l’émancipation individuelle de nos élèves.

La création de 2 800 postes supplémentaires est prévue pour mettre en œuvre le dédoublement des classes de CP et de CE1 au sein des écoles REP et REP+. Il conviendra toutefois de veiller à ce que cette importante mobilisation ne conduise pas aussi à un nouvel assèchement du vivier de remplaçants au sein de l’enseignement primaire. De fait, si la question de la maîtrise des fondamentaux est essentielle, celle du non-remplacement d’un grand nombre d’enseignants dans un délai raisonnable, notamment pour les courtes absences, est toujours particulièrement préoccupante.

Le déploiement de ce nouveau dispositif impliquera également d’importants aménagements en termes de bâti scolaire. Une part des 615 millions d’euros de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, créée à l’article 59 du présent projet de loi de finances, doit y être affectée, afin d’accompagner les collectivités territoriales dans cette nécessaire adaptation.

Dans un schéma d’emplois que vous avez voulu neutre, ces nouvelles créations de postes dans l’enseignement primaire se feront aux dépens de 2 600 postes d’enseignants stagiaires dans le secondaire, qui seront supprimés. Là encore, la vigilance s’impose sur les signaux que nous envoyons, alors que se poursuit la crise du recrutement des enseignants, une profession réputée difficile et mal rémunérée au regard des études demandées.

Le corps enseignant est d’ailleurs en attente d’une revalorisation de son traitement annoncée – réforme Parcours professionnels, carrières et rémunérations et prime aux enseignants en REP+ –, mais dont la mise en œuvre se fait toujours attendre.

Le manque d’attractivité de la profession conduit, année après année, à multiplier le recours à des contractuels de plus en plus précaires. Par ailleurs, des milliers de candidats sont recrutés chaque année sans avoir la formation d’enseignant, ni même, souvent, la connaissance la plus élémentaire de la discipline enseignée.

En ce qui concerne l’enseignement agricole, les efforts consentis en faveur de l’enseignement primaire n’ont pas de conséquences en termes de suppressions de postes. Les effectifs demeureront stables, après plusieurs années de hausse. Il convient de saluer l’excellence de l’enseignement agricole français, dont les taux d’insertion professionnelle sont tout à fait remarquables, et ce avec une part d’élèves boursiers supérieure à celle observée au sein de l’éducation nationale.

Pourtant, en dépit de ces excellents résultats, l’attractivité de l’enseignement agricole va s’estompant. Les ministères de l’éducation nationale et de l’agriculture doivent s’employer à revaloriser l’image des filières agricoles et à accroître la visibilité de cette orientation.

Le groupe du RDSE se félicite aussi de la forte augmentation que connaissent les crédits consacrés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Cette hausse, de 46 %, doit permettre le recrutement d’accompagnants et la poursuite de la professionnalisation de ceux-ci.

Je conclurai mon propos en évoquant la situation de la médecine scolaire, à la suite d’autres orateurs.

On recense actuellement, en moyenne, un médecin scolaire pour 12 000 élèves. Les rémunérations et les diverses prises en charge allouées par l’État sont insuffisantes pour assurer une réelle attractivité de ces postes. Les politiques de santé publique conduites en milieu scolaire s’en ressentent nécessairement.

Comme nous le savons, s’ils ne sont pas diagnostiqués à temps, des troubles auditifs ou visuels peuvent représenter un obstacle majeur à l’épanouissement et à la réussite scolaire. Les politiques de prévention en matière sanitaire jouent également un rôle très important.

Les difficultés rencontrées pour rétablir une médecine scolaire adaptée sont croissantes depuis plusieurs années, et force est de constater que ce projet de loi de finances n’apporte pas de réponse à cette préoccupante dégradation.

Le suivi médical des enseignants au cours de leur carrière peut d’ailleurs faire l’objet du même constat : s’il y a bien une visite médicale lors de l’embauche, aucune visite systématique n’est prévue ensuite, alors qu’une visite est normalement organisée tous les cinq ans pour les agents de l’éducation nationale.

Compte tenu de ces éléments, une partie des membres du groupe du RDSE a choisi de voter les crédits, en dépit des réserves formulées, notamment sur les suppressions de postes dans l’enseignement secondaire ; l’autre s’abstiendra.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous est proposé de porter les crédits de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » à 71,5 milliards d’euros de crédits de paiement pour 2018, un montant qui représente 25,68 % du budget de l’État.

Près de 93 % de ces crédits sont destinés à des dépenses de personnel. En d’autres termes, la mission de l’État dans ce domaine ne consiste plus qu’à payer les enseignants placés devant les élèves. Ce rôle exclusif sera accentué par ce projet de budget, qui poursuit le désengagement dans la médecine scolaire, supprime 200 postes dans la filière administrative et menace le financement des manuels scolaires.

Il faut donc garder à l’esprit que tout le reste est à la charge des collectivités territoriales. Il eût été intéressant d’évaluer, pour mémoire, toutes les dépenses qu’elles assument pour assurer le service public de l’éducation nationale, tant en fonctionnement qu’en investissement. Leurs interventions comprennent notamment l’entretien et la gestion des bâtiments, mais aussi, par exemple, la restauration et le transport scolaires.

Pour tout cela, il n’y a plus d’égalité de traitement entre les familles, et les disparités entre collectivités territoriales sont très importantes.

Je prendrai un seul exemple : il n’y a pas de ramassage scolaire dans les départements très urbains de la métropole parisienne, alors que cette dépense peut être considérable dans les départements ruraux. Elle représente aujourd’hui plus 3 milliards d’euros, et de nombreuses collectivités territoriales ont décidé d’en faire supporter une partie du coût aux familles.

Ayons donc conscience ensemble que l’accès au service public de l’éducation nationale est de moins en moins gratuit et de plus en plus territorialement inégalitaire.

Le budget de la mission « Enseignement scolaire » augmenterait de 1,5 milliard d’euros, ce qui représenterait une hausse de 2,2 % en euros courants, à mettre en regard de l’inflation et, surtout, de l’évolution positive de la démographie.

Cette hausse concerne essentiellement les dépenses du titre 2, c’est-à-dire la masse salariale. La loi de programmation des finances publiques prévoit un net ralentissement de cette augmentation pour les années à venir. Disons-le avec force : après les tentatives de rattrapage du gouvernement précédent, l’actuel gouvernement organise une nouvelle diminution des emplois d’enseignants à partir de 2019, ce dont se félicite d’ailleurs le rapporteur spécial, M. Longuet.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Absolument ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Ouzoulias. Le projet de budget pour l’année 2018 n’est donc qu’une parenthèse de stabilité dans un processus de décroissance à venir.

J’utilise à dessein le mot « stabilité », car l’examen attentif du projet de budget fait clairement apparaître que l’essentiel de la hausse acceptée pour 2018 concerne des mesures liées à l’augmentation de la masse salariale entre 2012 et 2016. Elle résulte de la création d’environ 35 500 nouveaux postes sur les 55 000 postes prévus par la loi dite « d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ».

En d’autres termes, il n’y a plus de création nette d’emplois à espérer pour 2018 et les années suivantes. Les dispositifs nouveaux devront être organisés par le biais de redéploiements de postes. Ainsi, l’effort indéniable en faveur de l’enseignement primaire est réalisé uniquement grâce à la suppression d’environ 2 600 postes d’enseignants dans le secondaire et 2 100 postes d’enseignants stagiaires.

En utilisant un mot employé pour d’autres ministères, il faut donc constater que le Gouvernement a décidé de contenir absolument le « format » de l’éducation nationale.

Tel est d’ailleurs le constat du rapporteur spécial, qui fait observer : « La logique quantitative poursuivie sous le précédent quinquennat semble avoir été abandonnée par l’actuel gouvernement au profit d’une gestion plus raisonnée des effectifs ». Il faut entendre par cette délicieuse formule qu’il n’y aura plus de créations de postes et qu’il faudra faire autant, ou plus, avec moins. Nous entrons donc de nouveau dans une période de gestion de la pénurie, et les neurosciences ne vous seront d’aucune utilité, monsieur le ministre, pour mettre devant les élèves des enseignants que vous n’aurez plus…

Là est bien tout le paradoxe de votre projet de budget : vous considérez, à raison, qu’il existe un lien fort entre le nombre d’élèves par classe et les résultats scolaires et dédoublez en conséquence les classes de CP des réseaux d’éducation prioritaire renforcés ; mais, dans le même temps, vous faites porter l’essentiel de la charge de ces mesures nouvelles sur l’augmentation du nombre d’élèves par classe dans les collèges et les lycées.

Cette politique de transfert est d’autant plus préoccupante que l’arrivée de 30 000 élèves supplémentaires est prévue dans les collèges et que de nombreuses classes de lycée présentent aujourd’hui, dans certaines académies, des effectifs supérieurs à trente-cinq élèves.

Par ailleurs, on peut légitiment s’interroger sur votre capacité à mettre en œuvre vos nouveaux dispositifs d’accompagnement des élèves dans un cadre d’emplois aussi contraint et avec la disparition des emplois aidés. Le risque est sans conteste d’assister de nouveau à une dégradation majeure des conditions d’enseignement. Ce n’est pas une bonne chose pour l’éducation nationale, qui doit affronter une grave crise des vocations.

Dois-je rappeler que, cette année, à l’issue du concours du CAPES, quelque 374 postes n’ont pas été pourvus pour l’enseignement des mathématiques, ni 343 pour celui de l’anglais, ni 220 pour celui de l’allemand ? Je finirai cette triste énumération par les lettres classiques, pour lesquelles 63 % des postes ouverts au concours n’ont pas été pourvus…

Dans un contexte de chômage élevé et de réduction des débouchés pour les diplômés de l’enseignement supérieur, cette désaffection est la conséquence de l’appréciation négative portée par la jeunesse sur le métier d’enseignant et les conditions salariales et matérielles de son exercice.

Comme les années précédentes, cette baisse structurelle des emplois statutaires sera compensée par un recours accru aux emplois contractuels, qui atteint dans l’éducation nationale des proportions alarmantes et sur lequel la commission des finances a fort opportunément demandé à la Cour des comptes d’enquêter.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, vous dites vouloir une école de la confiance ; je pense au contraire que vous vous satisfaites d’une éducation nationale fonctionnant en mode dégradé ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Annick Billon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enseignement scolaire est l’avenir de notre pays. Or chacun sait que nous pourrions mieux le préparer.

Depuis plusieurs années, l’école primaire va mal, ce dont témoignent les évaluations de la maîtrise des savoirs fondamentaux par les élèves. Comme le souligne notre rapporteur spécial, à leur entrée en sixième, quelque 82,1 % des élèves maîtrisent les compétences de socle 1, qui portent sur la compréhension d’un texte et les notions élémentaires de vocabulaire, grammaire et orthographe. Ce qui signifie, a contrario, que près de 18 % des élèves n’ont pas atteint ce niveau à leur entrée dans le secondaire.

Ce chiffre doit être mis en perspective avec un autre, d’ordre budgétaire : le coût d’un lycéen français est de 38 % plus élevé que le coût moyen d’un lycéen dans les autres pays de l’OCDE. En d’autres termes, nous dépensons trop pour le secondaire, pas assez pour le primaire. Et cette dépense n’est pas efficiente, puisque les efforts consentis pour le collège et le lycée ont bien du mal à rattraper les retards accumulés en primaire.

Ce constat est connu et partagé, mais nous avons tardé à en tirer les conséquences. Il semblerait que le présent budget engage une inflexion en ce sens.

Il amorce en effet le nécessaire rééquilibrage budgétaire entre primaire et secondaire. Les crédits consacrés au primaire sont en hausse de 2,3 % et 2 800 postes d’enseignants sont créés pour la rentrée 2018, en contrepartie de la suppression de 2 600 postes d’enseignants stagiaires dans le second degré et de 200 postes de personnels administratifs.

Les effets de ce rééquilibrage des moyens seront accentués par l’évolution démographique, la baisse des effectifs d’élèves dans le premier degré renforçant mécaniquement les effets bénéfiques de la mesure. L’objectif principal de cette politique est connu : réduire les effectifs des classes de CP et de CE1 au sein des réseaux d’éducation prioritaire. L’année 2018 verra ainsi le dédoublement des CP en REP.

Nous ne pouvons que soutenir très fortement cette orientation, étant donné surtout que, selon le programme international pour le suivi des acquis des élèves, la France est le pays où les résultats sont le plus fortement corrélés avec le niveau socio-économique et culturel des parents. Le rôle de la puissance publique est de casser le cercle vicieux de la prédestination sociale.

Dans la même logique, nous soutenons également la relance des stages de réussite pour les élèves les plus fragiles à leur sortie du primaire, ainsi que le rétablissement des évaluations diagnostiques en CP et à l’entrée en sixième.

En ce qui concerne le secondaire, nous comprenons bien que le collège et le lycée devraient faire l’objet de réformes ultérieures. Toutefois, comme nombre de nos collègues, nous déplorons la réduction des crédits en faveur des manuels scolaires au collège.

Nous soutiendrons donc vivement l’amendement de notre commission visant à allouer 50 millions d’euros supplémentaires à ce poste, pour éviter que cette charge ne retombe sur les départements, dont les finances sont extrêmement contraintes, alors même que l’État s’était engagé à compenser intégralement le coût induit par la réforme des programmes.

Mme Françoise Gatel. Très juste !

Mme Annick Billon. Un autre sujet fondamental pour les représentants des collectivités territoriales que nous sommes est celui des rythmes scolaires.

C’est encore un motif de satisfaction, puisque le présent budget maintient les aides du Fonds de soutien aux activités périscolaires en faveur des communes ayant conservé une semaine comptant cinq matinées d’enseignement à l’école primaire.

Dernière orientation positive, que nous ne pouvons que saluer : la notable augmentation des crédits consacrés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap, qui permettra de financer le recrutement d’accompagnants et la poursuite de la professionnalisation de ceux-ci.

Je terminerai par quelques mots sur l’enseignement agricole.

Dans ce domaine aussi, l’évolution nous semble aller dans le bon sens. On pourrait considérer que les crédits de l’enseignement agricole, en hausse de 2,5 % pour l’année prochaine, suivent simplement la même trajectoire que ceux du reste de l’enseignement scolaire. En réalité, le Gouvernement ayant donné la priorité au primaire, les crédits du secondaire généraliste stagnent. L’enseignement agricole échappe à cette stagnation, ce qui concrétise l’accent mis par le Gouvernement sur la formation professionnelle.

Nous ne pouvons que saluer cette consolidation, d’autant que les résultats de l’enseignement agricole en termes d’insertion professionnelle sont très supérieurs à ceux de l’éducation nationale.

Le modèle de l’enseignement agricole doit, sans mauvais jeu de mots, faire école. Je pense en particulier aux établissements privés, qui accueillent la majorité des élèves, et, encore plus spécifiquement, aux maisons familiales rurales, les MFR, dont l’enseignement est fondé sur l’alternance.

C’est pourquoi nous partageons les inquiétudes d’Antoine Karam, rapporteur pour avis de notre commission, que je félicite pour son rapport, au sujet des incertitudes pesant sur les subventions de l’État à l’enseignement privé agricole. Leur plafonnement ne doit pas contribuer au déclin des effectifs. Ce serait là un échec regrettable.

Tout en restant attentif à l’aboutissement des négociations en cours sur ce sujet, le groupe Union Centriste est favorable aux crédits de la mission « Enseignement scolaire », contrairement aux années précédentes.

Ce soutien, destiné à saluer la rupture que semble initier le présent budget, n’est pas pour autant un blanc-seing donné au Gouvernement. En effet, les plus gros chantiers sont à venir, et l’inflexion donnée aujourd’hui ne pourra porter ses fruits que si des réformes de structure, destinées à réaliser des gains d’efficience, sont entreprises dans les années à venir.

Je pense naturellement à la réforme du baccalauréat, qui conditionne le devenir de tout le secondaire. Je pense aussi, comme Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de notre commission, dont je salue le travail excellent, à l’annualisation du temps de travail des enseignants, ou encore à l’évaluation de toutes les matières et options, souvent facultatives, très consommatrices en moyens humains et financiers.

En attendant ces réformes de structure, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je remercie M. le ministre de l’éducation nationale d’être venu au Sénat au retour du Burkina Faso ; parfois, monsieur le ministre, certains de vos prédécesseurs ne faisaient pas le déplacement.

La vie politique est souvent rythmée par des phénomènes de continuité et de rupture. L’éducation n’y échappe pas.

Continuité, pour ceux qui pensent qu’on ne doit rien changer, si ce n’est augmenter toujours plus le nombre d’enseignants, d’heures enseignées, de crédits et d’établissements scolaires.

Ce sont les mêmes qui sont arc-boutés sur la suppression du redoublement, des classes bilangues, du latin et du grec, ainsi que des lycées d’excellence. Bref, de tout ce qui participe à l’élévation de nos élèves en leur demandant travail et exigence. Ceux-là pensent que baisser le niveau permettra à chacun de réussir et de mieux s’impliquer dans la société actuelle… Quelle erreur ! Ce qu’ils veulent supprimer, ce sont des marqueurs d’exigence pour nos élèves et leurs parents.

En 1989 déjà, Baudelot et Establet écrivaient : « Le niveau monte »… Mais les faits sont têtus ! Au risque d’être considéré par certains comme un nostalgique, je signale que, sur une dictée de 67 mots, nos élèves, qui faisaient en moyenne 10,6 fautes en 1987 et 14,3 en 2007, en faisaient 17,8 en 2015.

Il y en a que cela fait sourire, notamment parmi les pédagogistes. Pour eux, l’enjeu est ailleurs. Tellement ailleurs que l’on en arrive à l’écriture inclusive, une complète absurdité, ou à la proposition de remplacer le mot « patrimoine » par « matrimoine »… Comme l’a dit un ancien Premier ministre, le ridicule peut tuer un beau combat ! (M. Didier Guillaume s’exclame.)

Pour ceux-là, tout ce qui est académique est banni, tout ce qui est fonctionnel est autorisé, tant que le sens de la phrase est compris. Quelle faute, là aussi ! En effet, une Nation, d’après Renan, est une communauté de personnes fondée sur une communauté d’intérêts et le partage d’une même langue.

Certains franchissent allègrement la ligne blanche, comme Sud Éducation 93, qui propose des formations non mixtes destinées aux enseignants en stage pour analyser le racisme d’État… Je sais, monsieur le ministre, que vous avez condamné cette initiative, avec laquelle la communautarisation engagée par certains trouve sa concrétisation.

La continuité prévaut aussi, malheureusement, au niveau de nos élèves et de leurs évaluations. De fait, les résultats des enquêtes PISA, PIRLS et TIMSS et des travaux de l’OCDE et de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale sont inquiétants. L’évaluation du ministère à travers le cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon, dit « CEDRE », citée par Jean-Claude Carle et Françoise Cartron, a montré que l’évolution des performances entre le CM2 et la troisième régresse à l’écrit, en langues étrangères, en histoire-géographie, en mathématiques et en sciences expérimentales.

Cela pose bien sûr le problème de l’orientation. À ce sujet, je vous invite à relire l’excellent travail de notre collègue Guy-Dominique Kennel.

De fait, l’échec provoque le décrochage, voire l’abandon. Posons-nous donc la question du préapprentissage et donnons beaucoup plus de souplesse aux expérimentations. Je pense au programme « Parler bambin » de Michel Zorman, à la mallette des parents, à généraliser, ou à la cagnotte, si vite enterrée alors que certains n’avaient pas compris le sens de cette expérience, qui pouvait aider les établissements.

Cessons l’hypocrisie envers notre jeunesse, demandons à nos jeunes des efforts !

Nous vous remercions, monsieur le ministre, car nous sommes dans un processus que nous qualifions de rupture ; ou plutôt dans un tournant, un tournant décisif, après trente années de difficultés et, parfois, de manque de courage politique, par peur de voir les syndicats, les élèves et les parents descendre dans la rue – le syndrome Oussekine plane encore.

Le point de départ fut, peut-être, la loi Jospin de 1989, tristement célèbre. Mettre l’enfant au centre du processus éducatif : que n’a-t-on entendu au sujet de cette prétendue révolution copernicienne ! Il me semble pourtant bien plus intéressant de se pencher sur les neurosciences et sur les mécanismes de l’apprentissage.

Cela fait presque trente ans que chaque gouvernement a sa part de responsabilité dans la situation, et ce pour différentes raisons.

À ce jour, la bataille est culturelle, sociale, écologique, économique. Il s’agit aussi d’une bataille de civilisation. Nous devons nous retrouver autour d’un projet et d’un budget qui participent à la construction d’une nation. Jules Ferry avait déjà bien compris en 1882 qu’il fallait mettre en œuvre l’instruction publique obligatoire, en écho à la guerre de 1870.

Votre arrivée aux responsabilités, monsieur le ministre, est une chance. Un Bisontin, Jean-Pierre Chevènement, déclare même que vous êtes le meilleur ministre de l’éducation nationale depuis 1986 !