M. Philippe Dallier. Toujours sur le logement, je regrette que nous n’ayons pas pu aboutir à un compromis sur l’article 52. Cependant, nous avons fait la moitié du chemin avec une hausse de la TVA, qui rapportera 700 millions d’euros. Par ailleurs, mes chers collègues, je ne résiste pas au plaisir de vous informer qu’il semble que les propositions de l’USH reprennent maintenant l’amendement que j’avais déposé ; les négociations avec Matignon vont peut-être avancer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Eh oui, cela me fait plaisir de le dire à cette tribune !

Concernant les entreprises, le choc de compétitivité n’ayant pas eu lieu, nous avons proposé plusieurs mesures de soutien aux PME et à l’innovation : l’amortissement accéléré pour les robots, imprimantes 3D et logiciels ; le suramortissement de 40 % des investissements des PME ; le renforcement de l’IR-PME et le maintien des abattements pour le départ à la retraite des patrons de PME, afin de favoriser la transmission.

Nous avons également voté plusieurs mesures reprenant nos travaux sur l’économie collaborative.

Enfin, concernant les collectivités territoriales, nous avons reporté la réforme de la taxe d’habitation d’une année, pour nous donner le temps de travailler le sujet.

Nous avons par ailleurs voté des économies courageuses : trois jours de carence ; encadrement de l’aide médicale de l’État, qui ne cesse de déraper ; alignement du temps de travail dans la fonction publique sur le privé.

Voilà, mes chers collègues, le projet de budget pour 2018 tel que nous l’avons amendé. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains le votera. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche. (M. André Gattolin applaudit.)

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France n’est plus le pays qui résiste encore et toujours à sa transformation. Au-delà des enquêtes d’opinion, par définition volatiles, il y a des attentes fortes de la part de nos concitoyens pour remettre notre République en état de marche. L’élection du Président de la République, en mai dernier, a révélé la nécessité tout à la fois de redonner confiance aux Français et d’incarner la promesse républicaine de politiques publiques justes et efficaces sur nos territoires.

La situation économique est favorable, comme le montrent les statistiques de la Banque de France : les carnets de commandes sont au plus haut depuis dix ans dans l’industrie et dans le bâtiment ; l’activité s’accélère dans les services. Or c’est justement quand l’horizon est dégagé qu’il faut, passez-moi l’expression, mettre le paquet pour transformer le pays.

M. Philippe Dallier. Très juste !

M. Julien Bargeton. Ce n’est ni un budget fataliste – nous avons quatre ans pour agir – ni défaitiste – nous avons quatre ans pour réussir ! Ce budget est, comme tous les budgets, mais plus encore cette année, un texte politique, c’est-à-dire qu’il fait des choix et qu’il s’appuie sur des réalités : il faudra bientôt l’équivalent d’une année entière de production pour rembourser notre dette publique.

Nous nous distinguons par un niveau particulièrement élevé de prélèvements obligatoires, qui reflète en miroir un niveau singulièrement important de dépenses publiques. Il y a eu des tentatives de corriger cela, mais elles furent timides, si l’on en juge par l’évolution de notre situation économique et financière depuis quinze ans. Mais, ayons l’honnêteté de le reconnaître, nous n’avons pas toujours eu – référence obligée, mais bienvenue – « l’envie d’avoir envie ».

Ce budget est une chance pour la France. Il répond à un certain nombre de défis majeurs : redonner du pouvoir d’achat aux Français, en particulier aux classes moyennes, qui se sentent parfois délaissées, voire déclassées ;…

M. Pierre-Yves Collombat. Mais que c’est beau !

M. Julien Bargeton. … aider nos entreprises à se développer et à monter en gamme ; assurer avec force la transition énergétique de notre pays, notamment dans le domaine des transports et du logement ; réorienter nos politiques publiques, légitimes dans leur principe, coûteuses, parfois, dans leur application, et frustrantes dans leurs résultats. C’est notamment le cas de la politique de l’emploi et de la politique du logement.

En somme, il s’agit d’un budget solide et solidaire.

Le projet de loi issu de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale était un texte évidemment perfectible, mais bien charpenté. Cet édifice, au Sénat, a été très vite…

M. Antoine Lefèvre. Amélioré !

M. Julien Bargeton. … mis à mal, et notre groupe n’a pu infléchir le sens des votes. Mais quelle satisfaction pour un groupe minoritaire que de voir certains de ses engagements – j’insiste sur le mot « certains » – défendus par d’autres groupes.

Nous avons été heureux du soutien de nos collègues socialistes sur la réforme de la taxe d’habitation, qui est, avec la réduction des cotisations sociales, une forte mesure de pouvoir d’achat.

M. Julien Bargeton. Nous avons été ravis de l’appui de la majorité sénatoriale aux dispositions relatives à la fiscalité des entreprises, par exemple la trajectoire de l’impôt sur les sociétés ou les mesures visant à accroître l’attractivité de la place financière de Paris, ou encore la fiscalité de l’épargne, avec la mise en place du prélèvement forfaitaire unique.

Si le film de nos débats s’arrêtait à cette bande-annonce, tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais la majorité sénatoriale a rapidement changé le scénario : le rejet de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages a sonné comme un clap de fin douloureux. En revoyant les rushes de nos débats, je me suis rendu compte que le remake du budget pour 2018 version Sénat ne tenait pas debout.

M. Jacques Grosperrin. Quel cinéma !

M. Julien Bargeton. On aurait pu s’attendre à d’autres pistes pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages ; on aurait aimé entendre des contre-propositions bienvenues ; on aurait apprécié, en quelque sorte, plus de projections et moins de protestations.

Ce reproche, je le concède, est parfois exagéré, notamment en ce qui concerne la politique du logement social. Je salue ici l’engagement sincère et l’expertise du sénateur Philippe Dallier (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) sur ce sujet très technique, mais quotidien.

Je file encore un peu la métaphore cinématographique.

M. Jacques Grosperrin. On a compris !

M. Julien Bargeton. Après tout, je suis rapporteur spécial des crédits de la mission « Culture »…

On souhaite faire jouer le mauvais rôle au Gouvernement, qui n’aurait pas réussi, dit-on, à trouver un compromis. Seulement, dans un accord, chacun doit faire des pas, et je regrette que la version jusqu’au-boutiste l’ait emporté dans la majorité sénatoriale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Le statu quo était, il est vrai, plus confortable. La politique du logement social, c’est le « qui perd perd ! » de Coluche : l’État dépense ; les bailleurs sociaux dépensent ; le mal-logement progresse ; les délais d’attente explosent.

Il est baroque de voir que ceux qui reprochent au Gouvernement de ne pas avoir trouvé un accord en dix jours sont les mêmes qui n’ont pas réussi à avancer en dix ans. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Macron a des caprices d’enfant gâté !

M. Julien Bargeton. Ce sont les Français qui attendent les réformes !

Le groupe La République En Marche aurait préféré que les crédits de missions budgétaires aussi stratégiques que l’agriculture, la sécurité ou encore l’immigration soient également adoptés par notre assemblée. Certes, ce rejet a optiquement amélioré le solde budgétaire, mais c’est en s’en prenant toujours aux mêmes, de façon démagogique, notamment aux fonctionnaires. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je ne pense pas que ce jeu politique soit à la hauteur des attentes de nos concitoyens, mais je note une amélioration par rapport à l’an passé, où le Sénat avait carrément refusé d’examiner le texte.

M. Jean-François Husson. Vous n’étiez pas là !

M. Jacques Grosperrin. Où étiez-vous ?

M. Julien Bargeton. En conclusion, je dirai que ce budget a été bâti pour sortir des impasses, tracer une direction à nos politiques publiques, mais aussi ouvrir des chantiers.

Un mot, très important, est revenu de manière récurrente sur toutes les travées, et je m’en réjouis : l’évaluation. Cette exigence se traduit souvent par le dépôt d’amendements réclamant des rapports, mais, plus que de lire du papier, nous avons besoin de rencontrer ceux qui mettent en œuvre les politiques publiques, de comprendre leurs attentes et leurs inquiétudes. Le Sénat peut jouer un vrai rôle d’évaluateur de certaines politiques publiques, non seulement en amont de la discussion des textes budgétaires, mais aussi sur l’application, la réception, par exemple des dispositions fiscales. Le vote du budget ne revient pas à lancer une bouteille à la mer pour le Parlement ; le contrôle de son exécution doit davantage occuper notre ordre du jour, par exemple sur le sujet passionnant de l’économie numérique.

Le budget pour 2018, tel qu’il est issu de nos débats, n’est pas à la hauteur de nos ambitions pour ce pays. Il sera sans nul doute rétabli dans son esprit initial par l’Assemblée nationale. C’est pourquoi le groupe La République En Marche votera, hélas, contre ce texte, qui aurait sans doute mérité mieux que des postures. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Ce n’est pas constructif !

M. Marc-Philippe Daubresse. La République en marche arrière !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mettons fin au suspense : notre groupe refuse cette loi de finances pour 2018 (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Éric Bocquet. … parce qu’elle inaugure, d’une certaine manière, un nouveau quinquennat de sacrifices et de difficultés pour nos concitoyens, sans que cela se traduise pour autant par une amélioration durable des comptes publics et de la situation économique et sociale.

Ce projet de loi de finances s’inscrit dans un système idéologique et non pas, comme cela est claironné régulièrement depuis des mois, dans un esprit de pragmatisme hors sol qui ne serait ni de droite ni de gauche.

Avez-vous oublié que cela fait plus de trente ans que les salariés de ce pays goûtent aux délices de la flexibilité de l’emploi, avec pas moins d’une bonne trentaine de types de contrat de travail existant sur le marché ? Cela fait plus de trente ans que, sensibles aux scenarios du libéralisme ambiant, les gouvernants successifs ont estimé qu’il était temps de réduire les cotisations sociales, « d’alléger les charges », pour reprendre l’expression officielle de la pensée unique, et ce afin de créer de l’emploi.

Nous en connaissons tous le résultat. Trente ans après les premiers textes de loi sur la flexibilité, nous « offrons » à 6 millions de nos compatriotes l’insécurité de périodes de chômage entrecoupées de petits boulots, de contrats à durée déterminée et autres missions d’intérim.

Voilà, mes chers collègues, comment mon amie Éliane Assassi avait commencé de motiver la question préalable déposée par notre groupe à l’orée de cette discussion budgétaire. Force est de constater que la suite des événements a donné corps à ce que nous avions annoncé.

Prenons la première partie. Ce qui a dominé les débats, c’est la mise en place du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, véritable évasion fiscale autorisée. Après, vous pouvez toujours annoncer de brillants résultats dans la lutte contre la fraude fiscale : un peu plus de 3 milliards d’euros récupérés auprès des exilés fiscaux repentis en 2016, soit 4 % du total perdu chaque année par la République. Cette mesure constitue pour nous un retour en arrière vers les pires années du giscardisme. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce qui a dominé, c’est la course entre le Gouvernement et la droite sénatoriale, qui sont un peu les deux faces de la même médaille, pour savoir s’il suffisait de supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune ou s’il fallait aussi supprimer le paravent de l’impôt sur la fortune immobilière.

Notons que, dans son acharnement à obtenir pour les détenteurs de capitaux et de patrimoines les meilleures conditions fiscales, la droite sénatoriale a aussi annulé la mesure « leurre de gauche » avancée par le Gouvernement, celle de la baisse de la taxe d’habitation, qui met tellement en péril l’autonomie financière des collectivités, principe fondamental de notre Constitution.

Pour faire bonne mesure, et tenir tous les bouts de la chaîne, il fallait, comme nous l’avons vu en seconde partie, donner une nouvelle vigueur au dispositif d’investissement Madelin. La disparition de l’ISF-PME nécessitait que l’optimisation fiscale trouve encore sa voie, de manière toujours renouvelée. Cette optimisation concernait 65 000 foyers fiscaux redevables de l’ISF, soit environ un sur cinq, mais surtout moins de 0,2 % des ménages français. Allégements pour une ultra-minorité, alourdissements pour tous les autres, de surcroît sous forme d’impôts parfois « verdis » pour tenter de les rendre plus acceptables et aussi sous forme de dépenses publiques en moins !

Même si cela figure dans le collectif budgétaire, comment ne pas faire une sorte de lien entre les 1 600 millions d’euros de fraude fiscale épongés par HSBC et les 2 milliards d’euros d’aides au logement supprimés dans la mission « Cohésion des territoires » ?

Comment ne pas mettre en balance les jours de carence imposés aux fonctionnaires pendant qu’on allège la taxe sur les salaires des cadres dirigeants des sociétés financières britanniques que l’on espère attirer à Paris après le Brexit ? Rappelons que le niveau de salaire des cadres concernés est supérieur à 12 000 euros mensuels, mes chers collègues.

Plus de 50 milliards d’euros de crédits ont été rejetés par le Sénat, qui a montré, en certains domaines précis, une certaine propension à la surenchère, comme le montre le rejet des crédits de la mission « Asile, immigration, intégration », dont l’essentiel est pourtant constitué par l’aide médicale de l’État et le financement des allocations d’attente des demandeurs d’asile, illustrations de l’attachement de la France aux valeurs républicaines d’accueil des victimes de persécutions.

Et je ne reviens pas sur le débat concernant la fiscalité des entreprises, où Gouvernement et majorité du Sénat se sont retrouvés, sans la moindre difficulté, sur tous les fondamentaux : poursuite de la baisse du taux de l’impôt ; maintien sans contrôle du CICE et du crédit d’impôt recherche ; croyance quasi théologique aux vertus des allégements de cotisations, et j’en passe.

Dans la France de M. Macron, tempérée par la majorité du Sénat, il ne fait pas bon être salarié, fonctionnaire, occupant d’un logement HLM, travailleur d’origine étrangère, ni même travailleur handicapé ou éloigné du monde du travail par une longue période de chômage. Il ne fait pas bon appartenir, en fait, à la majorité de notre peuple, celle qui étudie, celle qui travaille, celle qui produit les richesses ensuite plus ou moins justement partagées, celle qui enrichit la France et ne songe pas à l’exil fiscal.

Parlementaires du groupe CRCE, nous ne voterons pas la loi de finances pour 2018 telle qu’elle ressort des débats caricaturaux menés ici. Nous ne voterons pas ce budget, qui ne s’attaque pas radicalement aux inégalités flagrantes qui fragilisent notre République et le vivre ensemble. Nous ne voterons pas cette insulte au monde du travail et de la création. Nous ne voterons pas non plus les reculs sur les garanties collectives des travailleurs, sur les droits des chômeurs, sur ceux des demandeurs de logement et des locataires de logements HLM. Nous ne voterons pas ces mesures récessives sur le logement, sur le pouvoir d’achat, qui détériorent les conditions de vie du plus grand nombre.

Au bout de six mois, mes chers collègues, le brouillard se lève enfin sur le nouveau monde promis au printemps dernier ; l’équivoque commence à se dissiper. Le « nouveau monde » de la politique conserve beaucoup des travers de l’ancien, et la politique du Gouvernement s’insère parfaitement dans le moule conçu pour ses prédécesseurs. Ce n’est sans doute pas ce que voulaient et espéraient les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État – je salue la présence au banc d’un membre du Gouvernement, ce qui n’a pas toujours été le cas ces derniers jours (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.) –, mes chers collègues, nous voilà arrivés au terme de la discussion budgétaire. Je saisis cette occasion pour saluer tout particulièrement notre rapporteur général, Albéric de Montgolfier (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.), ainsi que l’assiduité radicale du président Requier. (Sourires.)

Moment toujours important, l’examen de la loi de finances revêt une importance peut-être plus grande encore en début de quinquennat, comme l’a souligné notre collègue Dallier, alors que doivent être traduits les premiers engagements de campagne du Président de la République et que doit être proposé aux Français un nouveau cap, d’autant plus attendu après les cinq années que nous avons traversées.

Le premier marqueur notable de ce budget réside dans la sincérité des prévisions sur lesquelles il a été bâti. Les conjoncturistes ont en effet reconnu la crédibilité des hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement. Cette sincérité s’est notamment retrouvée dans l’effort significatif réalisé pour l’évaluation des sous-budgétisations : plus de 3 milliards d’euros ! L’abandon de ces artifices comptables nous apparaît d’autant plus louable qu’il est un préalable indispensable au redressement de nos comptes publics et, par là même, au rétablissement de notre capacité d’influence sur la scène européenne.

Les grandes lignes directrices de ce premier projet de loi de finances ont suscité en grande partie l’adhésion de notre groupe. Si nous soutenons certains efforts du Gouvernement, nous n’en sommes pas moins exigeants. La conjoncture économique favorable que nous connaissons nous invite d’ailleurs à redoubler de vigilance, la situation demeurant malgré tout fragile. Certes, la croissance est solide – probablement 1,8 % pour 2017 –, les taux d’intérêt sont incroyablement bas et le prix du baril de pétrole reste faible. Cependant, nous devons garder à l’esprit que, dans l’hypothèse d’une hausse des taux d’intérêt de seulement 1 point, notre dette augmenterait mécaniquement de 14 milliards d’euros.

Nul relâchement, nulle mesure différée, nul revirement ne sont permis si nous voulons que la France retrouve enfin le chemin de l’indépendance à l’égard des marchés financiers.

Monsieur le secrétaire d’État, le retour de la croissance doit nous conduire à amplifier nos efforts en matière de réduction de la dépense et des déficits publics.

Un certain nombre de réformes structurelles ne se traduisent pas dans le présent budget. Elles sont pourtant indispensables. À ce titre, nous avons tenu à vous envoyer quelques signaux ponctuels, tels que le passage de un à trois jours de carence ou le relèvement du temps de travail pour les agents de la fonction publique.

Ce premier budget du Gouvernement doit être le préambule aux réformes annoncées par le Président de la République.

Pour nécessaires qu’ils soient, l’assainissement de nos finances publiques et le relèvement de notre économie ne doivent pas sacrifier la justice sociale. La justice sociale commence par la justice fiscale. Et la justice fiscale commande une lutte implacable contre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale la plus agressive.

M. Éric Bocquet. Très bien !

M. Hervé Marseille. Ciblées sur les grandes entreprises du numérique, certaines mesures adoptées sur l’initiative du groupe Union Centriste contribuent opportunément au renforcement de la transparence et de l’équité fiscale.

Nous nous réjouissons par ailleurs du rétablissement par le Sénat des crédits des maisons de l’emploi, dont le budget avait injustement été divisé par deux.

Si nous approuvions l’orientation générale du projet de budget initial, certaines de ses mesures nous ont laissés perplexes.

Sur le plan fiscal, vous avez fait le choix, conformément à ce qu’avait annoncé le Président de la République pendant la campagne présidentielle, de concentrer sur les seuls actifs mobiliers les baisses d’impôt sur le revenu et sur la valeur du patrimoine. Mais peut-on réellement assimiler l’investissement immobilier locatif à une rente non productive ? Pénaliser l’investissement immobilier à travers l’IFI, n’est-ce pas pénaliser l’offre locative ? Et n’est-ce donc pas pénaliser un grand nombre de nos compatriotes ? Nous le pensons ! L’absence de cohérence de certaines situations provoquées par ce nouvel impôt sur la fortune immobilière nous a ainsi conduits, au sein de la majorité sénatoriale, à voter la suppression intégrale de l’ISF, IFI compris.

Autre sujet majeur de ce budget pour les représentants des collectivités locales que nous sommes : la taxe d’habitation.

Devant le congrès des maires de France, face à des élus inquiets quant à la pérennité des recettes locales, le Président de la République a confirmé le dégrèvement progressif de la taxe d’habitation pour plus de 80 % des ménages. Le chef de l’État a laissé entendre que cet impôt pourrait à terme disparaître. Comment pourrait-il en être autrement, alors que tout le monde s’accorde à dire qu’il s’agit d’un impôt obsolète et injuste ? Dans sa très grande majorité, le groupe Union Centriste rejoint ce diagnostic, mais s’inquiète de la méthode retenue.

Un mécanisme de limitation des hausses de taux doit être discuté dans le cadre de la prochaine Conférence nationale des territoires. Le flou subsiste donc quant à la pérennité de la compensation financière dont bénéficieront les communes, à moyen et long terme.

Nous l’avons dit et répété : nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réflexion sur la refonte globale de notre fiscalité locale. C’est pourquoi notre groupe a, dans sa très grande majorité, voté le report de la réforme de la taxe d’habitation.

M. Hervé Marseille. Lorsque le Gouvernement ouvrira cet immense chantier, le Sénat souhaite y être associé. Vous avez la conviction, monsieur le secrétaire d’État, que vous pouvez faire confiance aux territoires et à ses acteurs.

Ce que veulent les élus locaux, c’est une fiscalité cohérente avec leurs missions, stable, pérenne et lisible. Ils veulent des recettes dynamiques et motivantes au regard des efforts qu’ils accomplissent. Aucune réforme d’envergure ne peut ni ne doit être engagée sans que soient associés les acteurs concernés. Contre les excès de la centralisation, vous le savez, le groupe Union Centriste a toujours été vigilant.

Le projet pour la France ne s’arrêtera pas au vote solennel de ce budget. La refonte de la fiscalité locale, mais aussi la réforme de la politique du logement devront se poursuivre au-delà du texte que nous nous apprêtons à adopter.

Monsieur le secrétaire d’État, notre groupe a eu l’occasion de manifester sa très vive inquiétude sur le financement du logement social. Nous regrettons les mesures prématurées prises par le Gouvernement et l’approche exclusivement comptable qui a été développée.

Pour une politique du logement efficace, il faut retenir une approche différenciée prenant en compte la situation singulière des territoires. Avec Valérie Létard, Philippe Dallier, Marie-Noëlle Lienemann, nous vous avons proposé d’autres solutions susceptibles, tout à la fois, de favoriser les économies budgétaires et de recueillir l’assentiment des collectivités et des bailleurs sociaux. Nous espérons être entendus.

Ce budget de transition préfigure les prochains débats que nous aurons dans cet hémicycle. Pour l’heure, le groupe Union Centriste votera ce budget tel qu’il a été amendé ici même ces derniers jours. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. Le Sénat va maintenant procéder au vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2018, modifié.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Conformément à l’article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l’article 56 bis du règlement.

J’invite MM. Victorin Lurel et Michel Raison, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.

Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l’appel nominal.

(Le sort désigne la lettre A.)

M. le président. Le scrutin sera clos après la fin de l’appel nominal.

Le scrutin est ouvert.

Huissiers, veuillez commencer l’appel nominal.

(Lappel nominal a lieu.)

M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.

(Le nouvel appel nominal a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote, le résultat du scrutin n° 43 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 303
Pour l’adoption 181
Contre 122

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

La parole est à M. le président de la commission, que je tiens à remercier de s’être livré pour la première fois à cet exercice à deux voix. (Sourires.)

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, à l’issue du vote auquel nous venons de procéder, de souligner l’importance du travail qui a été réalisé sur le projet de loi de finances pour 2018. J’ai pu l’observer en continu, comme vous venez de le souligner, monsieur le président : pour être précis, son examen a occupé 97 heures de séance publique, auxquelles il faut ajouter 123 heures de réunion en commission pour les auditions, les travaux préparatoires et l’examen des 1 363 amendements déposés sur ce texte.

Permettez-moi, au regard de cette réalité, de remercier et de féliciter toutes celles et tous ceux qui ont apporté leur concours à ce travail. Je veux singulièrement remercier les 76 rapporteurs pour avis des commissions réglementaires et les 48 rapporteurs spéciaux de la commission des finances, mais aussi notre administration, toujours disponible et vigilante, experte et efficace, ainsi que nos collaborateurs et les professionnels de nos groupes politiques.

L’opinion est prompte à épingler la classe politique et à suspecter des dysfonctionnements dans nos processus de travail ; nous avons, pour notre part, le souci d’équilibrer les choses en relevant l’importance du travail accompli lorsqu’il le mérite. (Applaudissements.)