Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, après Cahors, retour au palais du Luxembourg… Le temps est le même partout ! (Sourires.)

Nous nous retrouvons pour l’examen du second projet de loi de finances rectificative de l’année. Le premier, passage quelque peu obligé, n’a pas laissé un souvenir très agréable…

Avant d’évoquer les articles de ce traditionnel collectif budgétaire de fin d’année, je vais, comme à l’accoutumée, revenir brièvement sur le contexte économique, sur l’évolution du solde public et sur la situation budgétaire de l’État en cette fin d’année.

Par rapport aux prévisions annoncées en septembre dernier et lors du premier projet de loi de finances rectificative, le scénario macroéconomique est inchangé. Ainsi, l’hypothèse gouvernementale de croissance du PIB pour 2017 est maintenue à 1,7 %.

L’INSEE a pourtant confirmé, dans sa nouvelle estimation, que l’acquis de croissance s’élevait à 1,7 % après trois trimestres. Une hausse modeste du PIB d’environ 0,2 % au dernier trimestre suffirait donc pour atteindre un taux de croissance de 1,8 % sur l’ensemble de l’année. En l’absence d’événement exceptionnel, la croissance française devrait donc s’établir à ce niveau fin 2017, et non à 1,7 %.

Je note qu’une révision à la hausse du taux de croissance et des recettes afférentes aurait pu permettre de réduire le montant de la contribution exceptionnelle demandée aux entreprises à la suite de l’annulation, par le Conseil constitutionnel, de la taxe à 3 % sur les dividendes, et cela sans risquer de dépasser le fameux seuil de 3 % du PIB. Tel était le sens d’un amendement que j’avais alors proposé.

Exprimées en pourcentage de la richesse nationale, les prévisions de solde structurel et de solde effectif pour l’année 2017 sont inchangées par rapport à celles qui ont été présentées dans le premier projet de loi de finances rectificative et dans le projet de loi de finances pour 2018.

En pratique, deux évolutions contradictoires, d’un montant analogue en points de PIB, sont venues se compenser : d’une part, le Gouvernement a révisé à la hausse l’hypothèse d’élasticité des prélèvements obligatoires, compte tenu des remontées comptables favorables observées ; d’autre part, il enregistre une hausse plus importante qu’escomptée des dépenses d’investissement des administrations publiques locales par rapport aux estimations précédentes.

Toutefois, il faut nuancer le propos, en rappelant que cette évolution de l’investissement public fait suite à une chute d’une ampleur sans précédent. Comme l’ont dit nos collègues qui ont travaillé sur cette question, les dépenses d’investissement des administrations publiques locales ont diminué de 17 % entre 2013 et 2016, soit d’environ 10 milliards d’euros.

L’excédent des administrations de sécurité sociale serait par ailleurs minoré de 200 millions d’euros, en lien avec les nouvelles prévisions fournies par l’UNEDIC.

Par rapport aux estimations des organisations internationales et de la Commission européenne, la prévision de solde du Gouvernement apparaît raisonnable, mais des incertitudes subsistent concernant les décisions d’Eurostat sur la recapitalisation d’Areva et le contentieux lié à l’annulation de la taxe à 3 %.

Pour la recapitalisation d’Areva, tout dépendra du jugement porté par Eurostat sur la viabilité financière du nouvel Areva. La présence d’investisseurs japonais aux côtés de l’État est à cet égard rassurante. S’agissant de l’annulation de la taxe à 3 %, le scénario du Gouvernement repose sur la comptabilisation de remboursements à hauteur de 5 milliards d’euros en 2017 et en 2018.

Là encore, l’interprétation qui est faite par le Gouvernement des règles fixées dans le système européen des comptes devra être confirmée par Eurostat à la fin du mois de mars 2018.

Après ces éléments macroéconomiques, j’en arrive à la situation budgétaire de l’État.

Le déficit budgétaire s’établirait fin 2017 à 74,1 milliards d’euros, soit une amélioration de 2,8 milliards d’euros par rapport au premier projet de loi de finances rectificative, mais aussi une dégradation de 4,8 milliards d’euros au regard de l’estimation de la loi de finances initiale, alors même que la croissance a été finalement au rendez-vous.

Les crédits ministériels sont encore revus à la hausse, soit un dérapage total des dépenses de 4,8 milliards d’euros qui confirme les biais de construction dont était entachée la loi de finances initiale pour 2017.

L’amélioration constatée depuis les dernières estimations du premier projet de loi de finances rectificative provient principalement de la hausse des recettes fiscales nettes, dont le produit attendu est relevé de deux milliards d’euros.

Cette révision porte principalement sur deux impôts : la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA, et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE. Il est regrettable que le dernier projet de loi de finances rectificative n’ait pas intégré ces données, alors que la progression des recettes de TVA était déjà constatée dans les remontées comptables et que, s’agissant de la TICPE, la décision de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, était connue depuis juillet.

On constate, par ailleurs, une nouvelle baisse du prélèvement au profit de l’Union européenne, qui devrait s’établir à 16,4 milliards d’euros en 2017, soit une diminution de 2,6 milliards d’euros par rapport à l’année 2016.

En 2017, le Gouvernement a dû procéder à des redéploiements très significatifs : ce sont près de 7 milliards d’euros qui auront été réalloués par rapport aux plafonds de crédits votés par le Parlement en loi de finances initiale. Sur ce total, 100 millions d’euros d’ouvertures de crédits sont liés au cyclone Irma. En dehors de cet événement par nature imprévisible, force est de constater que l’ampleur des réallocations tient aux sous-budgétisations importantes de la loi de finances initiale et au caractère incontrôlé de certaines dépenses d’intervention.

Vous nous aviez indiqué en juillet dernier, monsieur le ministre, que le nouveau gouvernement ne recourrait plus aux décrets d’avance. Puisse cet engagement être respecté ! Je note cependant une plus grande discipline concernant les sous-budgétisations et une volonté de sincérité des comptes, dont nous nous félicitons.

J’en viens maintenant aux articles de ce projet de loi, qui sont nombreux : le texte initial comportait 36 articles, il en compte désormais 92 – il a donc quasiment triplé. C’est assez classique, mais on peut constater que la pratique gouvernementale n’a pas beaucoup évolué en la matière : malheureusement, nous sommes encore trop souvent saisis à la dernière minute de nombreuses dispositions, parfois techniques, mais qui entraînent souvent des obligations nouvelles pour les contribuables.

Je prendrai quelques exemples : pourquoi les mesures en faveur de la libération du foncier, annoncées officiellement par le ministre Jacques Mézard et le secrétaire d’État Julien Denormandie, le 20 septembre dernier, sont-elles adoptées par amendement en séance à l’Assemblée nationale, donc sans examen préalable, notamment par le Conseil d’État ? Faut-il vraiment réformer tout le régime fiscal applicable à l’immobilier à Mayotte par voie d’amendement de dernière minute ? Est-il raisonnable d’ouvrir des données fiscales sur les valeurs foncières sans s’assurer, au préalable, que le secret de la défense nationale et les droits des contribuables seront pleinement garantis ?

Nos délais d’examen ne nous permettent pas de travailler correctement, et ces méthodes doivent changer ! La qualité de la législation fiscale ne gagne rien à ces procédures d’examen à marche forcée. L’épisode de la taxe à 3 %, retracé dans un rapport de l’Inspection générale des finances, l’IGF, montre malheureusement que la précipitation peut avoir des conséquences catastrophiques.

J’espère que nous pourrons revoir ces procédures avec le Gouvernement. Vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre, un certain nombre d’évolutions. Nous sommes prêts à y travailler ; c’est indispensable si nous voulons mieux légiférer.

Enfin, j’en viens au prélèvement à la source, mesure emblématique de ce dernier projet de loi de finances rectificative, sur laquelle, monsieur le ministre, vous connaissez la position du Sénat.

J’ai examiné avec attention les rapports remis par le Gouvernement : le rapport d’audit de l’IGF, le rapport sur la phase pilote mise en œuvre cet été, avec moins de 600 collecteurs, enfin celui sur les options alternatives à la réforme proposée par le Gouvernement.

L’audit de l’IGF a pointé un certain nombre de difficultés pour lesquelles aucune solution concrète n’est apportée à ce jour : la prise en compte des réductions et crédits d’impôt, l’accompagnement des particuliers employeurs et de leurs salariés, le traitement des indemnités journalières maladie, ou encore l’état inégal de préparation des tiers collecteurs au passage au prélèvement à la source.

Certes, le projet de loi de finances rectificative procède à des aménagements et l’Assemblée nationale a également assoupli le régime des sanctions applicables aux tiers collecteurs, mais ces modifications demeurent marginales et ne répondent pas aux problèmes de fond de la réforme.

C’est pourquoi je reste convaincu, ainsi que la majorité sénatoriale, que la proposition présentée l’an dernier de prélèvement mensualisé et contemporain, effectué non par les entreprises, mais par l’administration fiscale, est la meilleure solution. Ce prélèvement évite de faire porter la charge de la retenue à la source par les employeurs – c’est l’administration fiscale, dont après tout c’est le travail, qui la supporte –, tout en supprimant l’année de décalage.

Ce système serait plus avantageux pour les contribuables, qui pourraient moduler le montant des prélèvements en cas de baisse de revenus. De plus, je rappelle que, dans le système proposé par le Gouvernement, les contribuables ne seront pas exempts de démarches s’ils veulent opter pour le taux individualisé au sein des couples, le taux neutre, ou encore déclarer un changement de situation familiale.

Voilà les raisons pour lesquelles la commission des finances propose d’adopter une nouvelle rédaction de l’article 9 du projet de loi de finances rectificative.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances vous propose d’adopter le présent collectif budgétaire, sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle vous présente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant d’évoquer le contenu de ce projet de loi de finances rectificative, je veux dire un mot de la procédure et de la méthode.

Je le dis tout net au Gouvernement : il n’est pas normal que la commission des finances n’ait disposé que de cinq jours pour examiner 60 % des articles de ce projet de loi de finances rectificative, c’est-à-dire les 56 articles ajoutés par l’Assemblée nationale, d’autant que, pendant trois de ces cinq jours, nous siégions en séance sur la loi de finances.

M. Philippe Dominati. C’est bien vrai !

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Je suis surpris. À la suite de nos débats sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2017, et en réaction aux malfaçons de la taxe de 3 % sur les dividendes, nous avons assisté à un grand acte de contrition du ministre Bruno Le Maire : il nous a écrit pour nous dire que la manière d’élaborer la loi fiscale allait changer, afin qu’il ne soit plus jamais possible de voter des dispositions dans la précipitation et sans en mesurer totalement les effets.

Pourtant, nous sommes aujourd’hui saisis d’un projet de loi de finances rectificative qu’il n’a pas été possible d’examiner sous toutes ses coutures et sur lequel il n’a bien sûr pas été possible d’organiser d’auditions ou de consultations.

Monsieur le ministre, nous sommes face à un scandale législatif – je pèse mes mots ! – qui nous renvoie au débat sur les modalités d’examen des lois de finances, que vous avez ouvert et que nous allons engager avec nos collègues députés.

L’une des réformes les plus urgentes est celle du collectif budgétaire de fin d’année. Il faut que les gouvernements renoncent à inscrire des mesures fiscales dans la loi de finances rectificative de fin d’année, dont le contenu devrait être strictement limité aux ajustements budgétaires de fin de gestion.

Si la loi de finances initiale ne peut accueillir toutes les mesures fiscales souhaitées par le Gouvernement, alors il faut à tout le moins déposer une loi de finances rectificative au printemps.

Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que vous renonciez à recourir aux décrets d’avance dans les mêmes conditions que vos prédécesseurs. Nous vous félicitons de cette décision, car il est courageux qu’un ministre du budget se prive d’un outil de pilotage. Toutefois, il faut surtout que, selon la même logique de revalorisation de la qualité des débats budgétaires, le Gouvernement s’engage désormais à ne plus inscrire de mesures fiscales dans le collectif de fin d’année.

Sur le fond, que dire de ce projet de loi ?

En matière de fiscalité, l’imagination n’est toujours pas au pouvoir. La principale mesure fiscale de ce collectif n’est rien d’autre que la reprise, ajustée à la marge, d’une réforme votée par le précédent gouvernement : la mise en place du prélèvement à la source. De la même manière, le Gouvernement s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur s’agissant des mesures relatives à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.

Pour le reste, je ne reviendrai pas longuement sur mes propos tenus lors de la discussion générale du projet de loi de finances, sinon pour rappeler sommairement que, en 2017, sans les « bonnes nouvelles » liées à la révision à la hausse de la croissance et à l’élasticité des prélèvements obligatoires, le déficit serait nettement supérieur à 3 % du PIB. On peut donc dire que le Gouvernement a « surfé » sur la reprise pour contenir le déficit à 3 %.

Cette reprise est notamment liée aux efforts de redressement de la compétitivité de l’économie française engagés par la précédente majorité.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Le déficit structurel devrait diminuer de 0,3 point entre 2016 et 2017 : c’est trois fois plus que l’objectif que s’est fixé le Gouvernement pour 2018.

Pour ce qui concerne le budget de l’État stricto sensu, du côté des dépenses, le « dérapage » annoncé, voire mis en scène, par certains n’a pas eu lieu. La gestion du premier semestre 2017 a été sérieuse, avec un blocage des dégels de crédits pour éviter une accélération des décaissements avant la tenue des élections présidentielles et législatives.

Depuis la prise de fonctions du nouveau gouvernement, et contrairement à ce qui est parfois affiché, les redéploiements opérés n’ont rien d’exceptionnel. En 2017, le schéma de fin de gestion, c’est-à-dire l’ajustement des crédits en fin d’exercice, est inférieur à celui de 2015 et de 2016. Le solde des comptes spéciaux sera globalement en ligne avec les prévisions de la loi de finances initiale, y compris celui du compte spécial « Participations financières de l’État », qui a porté les dépenses de recapitalisation d’Areva.

Au total, les recettes fiscales nettes de l’État devraient s’élever à 291,7 milliards d’euros, contre une prévision initiale de 292,3 milliards d’euros, soit une très légère révision à la baisse de 600 millions d’euros, ce qui, sur ces ordres de grandeur, représente l’épaisseur du trait. Les estimations du Gouvernement n’étaient donc pas si optimistes – encore moins insincères – que certains ont bien voulu le dire !

Au total, nous avons assisté à une année électorale classique, au cours de laquelle le nouveau gouvernement a noirci le bilan de son prédécesseur pour expliquer le recul de ses ambitions initiales, tout en engrangeant les bénéfices de l’action conduite au cours des cinq années précédentes. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. C’est merveilleux !

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Cette discussion générale aura au moins le mérite de permettre de corriger quelques fake news. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, et si ce dernier texte nous mettait enfin d’accord ? (Exclamations amusées.)

M. Philippe Dallier. Après ce que vient de dire le président Éblé, ce n’est pas gagné !

M. Julien Bargeton. Je n’ai jamais vraiment cru au père Noël, mais je pense que nous sommes capables de nous retrouver autour des enjeux de fond qui dépassent la seule année 2017 finissante…

Devant la diversité des sujets abordés dans ce texte, j’ai choisi quatre défis structurants, qui vont occuper nos travaux.

Le premier défi fait l’objet d’un article technique dans ce texte et donnera lieu à une loi ad hoc discutée la semaine prochaine devant l’Assemblée nationale : ce sont les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à Paris. L’organisation de ce type de manifestation ne laisse pas de place à l’improvisation. C’est pourquoi le Gouvernement a pleinement pris la mesure de cet événement dans le projet de loi à venir, à savoir d’abord la livraison dans les temps des infrastructures des jeux, ce qui est la meilleure garantie de maîtrise des coûts.

Dans le prolongement du dossier de candidature constitué par la précédente majorité, ce collectif budgétaire prévoit une garantie par l’État des sommes engagées par le Comité international olympique, le CIO, en cas d’annulation des jeux, et se porte garant des emprunts souscrits par le Comité d’organisation des jeux Olympiques, le COJO. Au moment où je vous parle, le budget prévisionnel pour ces jeux s’élève à un peu moins de sept milliards d’euros, dont un milliard à la charge de l’État.

Nous soutenons à fond cet événement dont les retombées dépasseront sans nul doute le périphérique, et même l’Île-de-France. En tant qu’acteurs du contrôle budgétaire, nous suivrons avec bienveillance et vigilance l’évolution des coûts des travaux.

Le second défi – nous en avons déjà parlé au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2018 et ce sujet restera à l’agenda –, c’est la fiscalité des plateformes de location de logements saisonniers. Des initiatives bienvenues ont été prises à l’Assemblée nationale sous l’impulsion du rapporteur général Joël Giraud, mais avec le soutien de groupes politiques très semblables à la majorité sénatoriale.

Il s’agit d’abord de la possibilité pour les collectivités de fixer leur taxe de séjour entre 1 % et 5 % du prix de la nuitée pour ces locations très souvent « non classées ». Soyons clairs, il s’agit non pas de déclarer la guerre à telle ou telle plateforme, mais de rétablir une situation d’équité fiscale entre le secteur hôtelier « classique » et ces plateformes. J’insiste sur le fait que le versement de la taxe de séjour s’effectuera dans la limite du tarif le plus élevé voté par la collectivité. À cela s’ajoute la généralisation, à compter de 2019, de la collecte de la taxe de séjour par les plateformes sur l’ensemble du territoire.

Nous, parlementaires, devons à la fois accompagner ce mouvement en croissance, le contrôler et en corriger les effets parfois négatifs sur le marché immobilier local : je pense aux arrondissements centraux de Paris, mais aussi à Barcelone, Venise ou encore Dubrovnik. C’est d’ailleurs la dimension la plus inquiétante de cette activité, qui doit apporter des compléments de revenu utiles, mais limités.

Le troisième défi, et non le moindre, est celui de la simplification. Le groupe La République En Marche partage totalement les ambitions du Gouvernement, en particulier les vôtres, monsieur le ministre, pour réconcilier les Français avec leur administration en mettant en place des procédures moins longues, plus souples et très souvent numérisées.

Le Gouvernement a fait adopter un amendement bienvenu à l’Assemblée nationale, qui a pour objet la mise en place progressive, d’ici à 2022, de services de paiement en ligne pour la très grande majorité des administrations publiques. C’est la même logique qui préside à la division par deux des intérêts de retards du contribuable vis-à-vis de l’État, comme vous vous y étiez engagés.

J’en viens à un point que j’espère le plus consensuel possible, monsieur le rapporteur général : la réforme du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui sera mis en œuvre à compter du 1er janvier 2019.

Je rappelle que le Gouvernement ne légifère pas sans filets, comme en atteste la mission d’audit de l’IGF, mais également l’expérimentation dont les conclusions ont été transmises à notre commission des finances.

J’ai, comme vous, suivi les débats au Palais-Bourbon et j’ai entendu les griefs faits à cette réforme : le prélèvement à la source serait une charge excessive pour les entreprises ; il mettrait à mal la confidentialité ; il entraînerait des ruptures de traitement entre contribuables. Il me semble que c’est un mauvais procès que l’on fait à cette mesure, dont le bénéfice principal est de permettre aux contribuables de payer leur impôt sur le revenu de 2019 sur la base de leurs revenus de 2019.

Le Gouvernement s’est engagé à accompagner les contribuables et les entreprises dès l’automne 2018 avec une phase de préfiguration, pour une entrée en douceur dans ce dispositif qui déconcerte. Mais, en d’autres temps, l’impôt sur le revenu lui-même a déconcerté lors de sa création par Joseph Caillaux.

Le dernier défi est celui de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, avec des mesures visant à obliger les institutions financières à renforcer leur identification de détenteurs de comptes, ou encore une mesure anti-abus assez forte : il appartiendra désormais aux contribuables de démontrer que la détention dans certains pays et territoires n’a pas de visée fiscale. Les « Paradise papers » ne seront pas, je le crains, le dernier volet de cette mauvaise saga, qui peut comprendre encore de nombreuses saisons. Ce collectif poursuit l’action résolue de la France depuis 2013.

Au terme de ce marathon budgétaire, par adhésion politique et pour saluer son endurance, le groupe La République En Marche soutiendra pleinement le projet de loi de finances rectificative tel qu’il est présenté ici.

Si son contenu est hétérogène, il n’est pas hétéroclite, car il est cohérent dans son inspiration. Jeux Olympiques, fiscalité numérique, lutte contre la fraude, modernisation des procédures, ce texte prépare l’avenir en tenant compte des bouleversements économiques, mais aussi numériques, qui traversent notre époque. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes à quelques jours de la fin de l’année, et il est évident que le collectif du mois dernier, avec la majoration exceptionnelle de l’impôt sur les plus grandes entreprises, venue contrebalancer le contentieux fiscal en cours relatif à la contribution sociale sur les bénéfices, a largement dévitalisé le débat de ce jour.

Ce qui peut étonner néanmoins, c’est qu’il y ait encore de quoi produire un texte de près d’une centaine d’articles – si le Sénat décide d’en augmenter encore le nombre. Cela semble montrer que la capacité du Gouvernement à rendre la loi toujours plus complexe n’est pas encore tout à fait éteinte.

Ce collectif semble donc un exercice mineur, surtout peu de temps après la discussion d’une loi de finances pour 2018 dont la portée politique risque fort de se prolonger bien au-delà du 31 décembre de l’an prochain…

Quand on revient aux temps révolus de l’avoir fiscal, avec le prélèvement forfaitaire unique, on peut s’interroger sur les intentions véritables qui sous-tendent ce projet de loi de finances rectificative.

Nous qui avions cru que ces vieilles lunes n’avaient plus de raison d’être, eh bien, il a fallu l’arrivée aux commandes du pays d’une « nouvelle classe politique » pour que les fantômes du passé reviennent errer dans les couloirs des assemblées ! Affrontement dialectique de haute volée entre la pierre et la bourse, que vous avez réglé ici en supprimant et l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, et l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, le tout agrémenté, en plus, de la baisse de la taxation des plus-values !

Le même salaire peut supporter demain la CSG, l’impôt sur le revenu, l’impôt local et la TVA grevant la consommation populaire ; cela ne provoquera jamais la moindre réaction indignée de la part de ceux qui confondent l’intérêt général et quelques intérêts particuliers.

Ce collectif n’est pas sans intérêt ni enseignements, pour le coup. Si le déficit semble contenu dans les limites imposées par la Commission européenne, les voies et moyens pour y parvenir sont pour le moins discutables.

Ainsi, certaines dépenses auraient été manifestement sous-évaluées dès l’origine, et le budget pour 2017 aurait été insincère ? Qu’importe cependant la sincérité d’un budget, si aucune des questions clefs qui se posent n’est véritablement résolue !

Il a fallu ouvrir des crédits supplémentaires pour signer des contrats aidés, ou verser certaines allocations ? Insincérité ? Ou bien tout simplement incapacité de l’économie, dans des entreprises sous la coupe des établissements financiers, à créer suffisamment d’emplois pour permettre aux travailleurs privés d’emploi ou précarisés de stabiliser leur situation ?

Insincérité ? Ou bien incapacité des chefs d’entreprise à favoriser l’emploi de travailleurs handicapés, durablement exclus du monde du travail où ils peuvent pourtant légitimement réclamer toute leur place ?

Insincérité ? Ou bien absence de courage politique pour réellement encadrer les loyers du secteur privé et, de fait, éviter le glissement permanent des aides au logement ? Nous en avons assez que les ressources publiques soient ainsi mobilisées pour combler les insuffisances du secteur marchand à prendre lui-même en charge ses propres travers et ses propres dérives !

Ce sont ces réalités qui résident derrière le froid examen des chiffres de dépenses, comme de recettes, figurant dans les articles initiaux de ce projet de collectif.

Et si les indicateurs semblent satisfaisants du point de vue comptable, qu’y a-t-il derrière, sinon cette somme de frustrations collectives et individuelles, de rêves sans cesse remis à plus tard, de problèmes sociaux non résolus qui procèdent, pour notre pays, comme la charge explosive d’une bombe à retardement chaque année plus puissante ?

Pour le reste, qu’y a-t-il dans ce collectif ?

La mise en place du système de prélèvement à la source pour l’impôt sur le revenu, qui n’apportera pas grand-chose à la qualité du recouvrement de l’impôt, sinon de permettre d’élaguer un peu plus les effectifs de la DGFiP…

La définition d’un outil d’incitation fiscale pour l’implantation d’entreprises dans les quartiers urbains sensibles ou les communes des bassins de vie ruraux à relancer ? Il serait peut-être temps de penser les choses autrement. Il nous semble que l’État serait mieux inspiré de changer les formes de son appui à l’activité économique.

Alors même que l’on finance depuis une bonne vingtaine d’années l’accession à la propriété, par sollicitation d’un prêt sans intérêt, rien de tel n’a jamais été tenté pour l’activité économique. Une avance sans intérêt dévolue aux nouveaux entrepreneurs, leur permettant de faire face aux contraintes du lancement de leur affaire, ou pour donner un nouvel élan aux entreprises déjà existantes ayant besoin d’un coup de pouce, ne serait-ce pas une meilleure utilisation de l’argent public ?

Le chapitre de la lutte contre la fraude fiscale occupe quelques articles de ce projet de loi. N’ayons pas peur de le dire : le compte n’y est pas et les mesures d’optimisation fiscale que contient le texte en certains articles risquent en partie de ruiner les efforts accomplis par ailleurs…

L’article 4 porte comme une tache indélébile la composition pénale – appelons-la ainsi – que la banque HSBC a négocié avec l’État et qui fait que, moyennant le versement de 300 millions d’euros, un gigantesque coup d’éponge est porté sur les listes de comptes bancaires non déclarés de l’établissement.

Cette décision illustre parfaitement les limites de la loi Sapin 2. Une banque qui, tout en reconnaissant sa culpabilité, consent à verser 300 millions d’euros à l’État, alors qu’elle avait dissimulé 1,6 milliard d’euros d’actifs, tout cela dans le cadre d’une « convention judiciaire d’intérêt public », c’est au fond presque un encouragement à la fraude. Au regard de la conclusion apportée au dossier, certains lanceurs d’alerte doivent se demander, a posteriori, s’il était nécessaire de prendre de tels risques pour eux-mêmes, leur intégrité professionnelle, psychique, parfois physique, et la tranquillité de leur famille.

Le texte comprend aussi la modification et la création d’un certain nombre de nouvelles taxes, en général inspirées du modèle de la taxe sur la valeur ajoutée – bien évidemment ! –, et dont le rendement ne sera pas forcément très élevé.

Ajoutons-y une réforme des droits indirects en outre-mer et quelques mesures pour sanctionner les petits ou moyens trafics, et nous voilà avec ce texte. Comme il demeure fondé sur des orientations que nous ne partageons guère, nous craignons fort de ne pouvoir le voter ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)