M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Alain Marc, vous m’interrogez sur la reconnaissance des systèmes participatifs de garantie en agriculture biologique.

Les règlements européens n° 882/2004 relatif aux contrôles officiels en alimentation et n° 834/2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques ne permettent pas aujourd’hui la reconnaissance de ces systèmes participatifs de garantie pour le contrôle des produits issus de l’agriculture biologique en Europe ou pour des produits importés.

Les produits biologiques portent, vis-à-vis des consommateurs, des engagements d’un mode de production respectueux de l’environnement et du bien-être animal, qui doivent être garantis par un système de contrôle efficace et indépendant. C’est pourquoi les contrôles réalisés en agriculture biologique sont officiels, sous la responsabilité des pouvoirs publics.

En application de la réglementation européenne, ces contrôles sont réalisés par des organismes de certification. En France, ces derniers sont accrédités par le Comité français d’accréditation, le COFRAC, et agréés par l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, autorité compétente en matière de contrôles.

Les systèmes participatifs de garantie permettent de contrôler des productions par un collectif de producteurs et de consommateurs. Ces systèmes sont pertinents pour certains marchés et ont notamment pu se développer autour de labels et de marques. Ils ne garantissent toutefois pas l’indépendance du contrôle et ne répondent pas en cela aux exigences d’une certification telle qu’elle peut être attendue aujourd’hui par les consommateurs.

Dès lors, ces contrôles ne peuvent en aucun cas être assimilés à des contrôles officiels.

installation d’officines de pharmacie et seuil minimal de population dans les communes rurales

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 0152, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

M. Bernard Delcros. Monsieur le ministre, aujourd’hui, le code de la santé publique rend impossible l’ouverture d’une pharmacie dans une commune comptant moins de 2 500 habitants. Cette règle n’est pas du tout adaptée aux réalités des territoires ruraux, particulièrement en zone de montagne. Et le nombre d’habitants, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, ne peut pas être le seul critère retenu.

Dans ces territoires, des communes de 2 000, 1 000, parfois 800 habitants jouent souvent un véritable rôle de bourg-centre et de pôle de services pour tout un bassin de vie. Il faut aussi tenir compte des difficultés de déplacement inhérentes à l’altitude, au relief, à l’enneigement ou aux distances à parcourir dans ces territoires vastes, mais à faible densité de population.

Certes, l’ordonnance du 3 janvier dernier apporte un début de réponse en introduisant de nouvelles dispositions. Elle permet notamment de prendre en compte la population de communes contiguës, mais à condition que l’une au moins de ces communes atteigne le seuil des 2 000 habitants.

Pourquoi ce seuil de 2 000 habitants ? Il ne correspond pas à la réalité du terrain dans les zones rurales.

Prenons le cas concret de la commune de Vézac, dans le Cantal. Elle compte seulement 1 200 habitants. Pourtant, elle offre un ensemble de services pour un bassin de vie de 4 300 habitants répartis sur neuf communes contiguës.

Grâce à sa politique de développement, Vézac compte aujourd’hui plusieurs commerces, un cabinet d’infirmiers, un cabinet de kinésithérapeutes, et porte un projet de cité des aînés et de construction de nouveaux logements. Elle a également engagé la construction d’un bâtiment pour accueillir deux médecins et une pharmacie. Trois candidats – trois candidats, monsieur le ministre ! – se sont fait connaître pour ouvrir cette pharmacie.

Malgré cela, Vézac s’est vue refuser par l’agence régionale de santé l’installation d’une pharmacie au motif d’un nombre d’habitants insuffisant. Monsieur le ministre, ce n’est pas acceptable, particulièrement au moment où nous devons au contraire tout faire pour lutter contre les déserts médicaux et maintenir l’offre de soins en milieu rural !

Ce cas illustre parfaitement le fossé qui existe entre la théorie d’une règle et les besoins du terrain.

Aussi, monsieur le ministre, ma question est simple : êtes-vous prêt à reconsidérer le cas de la commune de Vézac et, plus généralement, à faire prévaloir le bon sens en adaptant les critères d’ouverture des pharmacies aux réalités du terrain – au bon sens, allais-je dire –, notamment en milieu rural ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Bernard Delcros, Mme Agnès Buzyn m’a chargé de vous transmettre sa réponse, ce que je fais avec grand plaisir.

Le Gouvernement est bien évidemment soucieux de préserver le maillage territorial et officinal afin d’éviter l’apparition de territoires trop fragiles et de garantir à la population un égal accès aux médicaments sur l’ensemble du territoire.

Vous le savez, la pharmacie joue un rôle central par ses missions de service public de proximité. Ainsi, l’ordonnance n° 2018–3 du 3 janvier 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie, issue de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, présente des mesures qui peuvent répondre aux besoins de la population dans les communes rurales. Certaines de ces mesures visent à assouplir les règles applicables aux transferts et au regroupement des officines, notamment dans les territoires ruraux. En effet, dans des zones susceptibles de connaître des difficultés d’approvisionnement préalablement identifiées par les agences régionales de santé, les ARS, des dispositions particulières prévoient la possibilité de prendre en compte les populations de plusieurs communes contiguës de moins de 2 500 habitants, si au moins l’une des communes atteint 2 000 habitants. Ainsi, l’ordonnance permet de prendre en compte un ensemble de communes ne comptant pas suffisamment d’habitants, afin d’atteindre un seuil ouvrant droit à l’implantation d’une officine. Les ARS pourront alors autoriser, par voie de transfert ou de regroupement, l’ouverture d’une officine au sein de ces communes.

Par ailleurs, l’implantation ou le maintien d’une pharmacie dans les territoires ruraux seront facilités par la prise en compte des flux de population et non d’une seule population résidente, ce qui permettra à une pharmacie de se rapprocher d’une maison de santé ou d’un centre commercial de proximité pour mieux répondre aux besoins de la population. Le cas échéant, en application de l’ordonnance, des mesures d’aides pourront être enfin prévues dans le cadre de la convention signée entre les pharmaciens et l’assurance maladie à l’intention de ces territoires.

De nouveaux leviers sont ainsi mis en place pour soutenir le maillage officinal, en particulier dans les zones rurales. Les services du ministère des solidarités et de la santé travaillent actuellement sur les textes d’application nécessaires de l’ordonnance, dont la publication est prévue à l’été 2018. Il vous sera donc possible, monsieur le sénateur, d’interroger à nouveau Mme la ministre à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse.

Vous avez rappelé le contenu de l’ordonnance du 3 janvier dernier à laquelle j’ai fait référence dans mon intervention et que j’ai bien évidemment analysée de près. Certes, elle apporte des assouplissements, mais ceux-ci ne répondent pas complètement aux besoins du terrain, l’exemple de la commune de Vézac dans le Cantal l’atteste. L’exigence d’un seuil de 2 000 habitants est maintenue, ce qui, encore une fois, ne correspond pas à la réalité de la taille des bourgs-centres en milieu rural.

Par conséquent, monsieur le ministre, je vous demande de prendre en considération cette problématique et d’en faire part à la ministre concernée. (M. le ministre opine.) Il reste un petit pas à franchir – il n’est pas grand – pour assouplir l’ordonnance afin que le dispositif soit en totale adéquation avec les réalités de la ruralité, particulièrement en zone de montagne.

difficultés des correctrices et correcteurs d’édition

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 0190, adressée à Mme la ministre de la culture.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, je vous remercie de me transmettre la réponse de Mme la ministre de la culture ; je sais votre intérêt pour le domaine que je vais évoquer.

Depuis plusieurs années déjà, les correctrices et correcteurs d’édition tirent la sonnette d’alarme, tentant en vain d’alerter les pouvoirs publics sur la situation de délitement que connaît leur profession. Travaillant le plus souvent à domicile, exerçant un métier largement méconnu du grand public, peu syndiqués, leurs difficultés sont rendues invisibles.

Pourtant, maillon essentiel de la chaîne du livre, ces professionnels se révèlent indispensables à la défense de la langue française, à la qualité des textes édités et, par là même, au rayonnement de notre littérature. Le lecteur-correcteur, premier à disposer des textes bruts, en vérifie la cohérence, la structure et effectue un premier travail de correction syntaxique, orthographique et grammatical. Il vérifie ensuite les premiers changements et en affine encore la forme. Véritables orfèvres de notre littérature, travaillant de concert avec les auteurs, ils sont les garants de la transmission écrite. Victor Hugo les appelait les « modestes savants habiles à lustrer la plume du génie ».

En 2010, une cinquantaine d’entre eux ont manifesté à Paris devant le siège du Syndicat national de l’édition, criant leur désarroi face à leur précarité grandissante : l’annexe IV de la convention nationale de l’édition, qui régit le statut des travailleurs à domicile, n’impose aucune obligation aux employeurs d’un salaire mensuel minimum et leur protection sociale s’en trouve de fait amoindrie. La plupart ayant un contrat à durée indéterminée « zéro heure », leur rémunération se révèle très fluctuante et ils sont soumis à des périodes de chômage non rémunérées et non indemnisées.

Ces professionnels réclament la possibilité de disposer d’un volume d’heures annuel garanti et de les lisser pour disposer d’un salaire mensuel constant. Cette revendication a déjà été formulée par des représentants de ces travailleurs au mois de mars 2016 auprès du Syndicat national de l’édition, sans suite.

Monsieur le ministre, quelles mesures le ministère de la culture entend-il mettre en œuvre pour répondre à la précarité grandissante de ces professionnels ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de lagriculture et de lalimentation. Madame la sénatrice Maryvonne Blondin, je vous prie d’excuser l’absence de Françoise Nyssen, qui m’a chargé de vous répondre.

Le Gouvernement a bien pris connaissance des alertes envoyées par les correcteurs de l’édition sur les difficultés qu’ils rencontrent. Les services du ministère de la culture suivent attentivement l’évolution des négociations en cours, conduites par les partenaires sociaux sous l’égide du ministère du travail.

Les points de discussion entre les syndicats des correcteurs et le Syndicat national de l’édition concernent essentiellement le lissage de la rémunération, afin que les correcteurs puissent avoir un revenu mensuel régulier, et la compensation des variations de l’activité.

Les partenaires sociaux ont prévu de se réunir en commission mixte paritaire au début du mois de mars prochain au ministère du travail. Ils se sont donné pour objectif de signer un accord qui pourrait aboutir à une réécriture de l’annexe IV de la convention collective de l’édition, permettant de sécuriser davantage la situation des correcteurs travailleurs à domicile et de leur apporter de nouveaux droits.

Si la négociation venait à échouer ou que des blocages persistaient, le ministère de la culture et le ministère du travail pourraient être amenés à proposer une médiation.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le ministre, vos propos sont tout à fait encourageants. J’espère que la négociation, donc je suivrai le cours, aboutira.

Je rappelle qu’existe aussi la possibilité pour les éditeurs d’utiliser l’informatique pour assurer ces corrections. Néanmoins, si l’informatique corrige les coquilles, il n’améliore ni le style ni la structure de la phrase. (M. le ministre opine.)

Il faut préserver ces métiers rares, qui sont des métiers d’artisanat littéraire.

retour en france des djihadistes de nationalité française

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, auteur de la question n° 0188, transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la garde des sceaux, je vous remercie d’être venue en personne répondre à cette question importante.

Au début de cette année, plusieurs questions ont été soulevées sur la vocation potentielle de la France à juger des djihadistes français arrêtés à l’étranger. Nous savons que 1 200 Français environ ont séjourné dans la zone irako-syrienne où l’État islamique dominait le terrain voilà peu. Nombre d’entre eux étaient des combattants souvent accompagnés par des femmes elles-mêmes engagées dans le djihad et par des enfants.

Les grands fiefs de l’État islamique tombant les uns après les autres, que vont devenir ces individus qui ont pris les armes contre la France et défié les valeurs de notre République et de notre civilisation ?

Si l’on réunit les informations données par le Gouvernement et vos propres déclarations, madame la garde des sceaux, on croit comprendre que la France admet que les djihadistes arrêtés soient jugés en Syrie ou en Irak, à condition qu’ils bénéficient d’un procès équitable. On croit comprendre également que la France pourrait s’opposer à une condamnation à mort, dans des pays ne disposant pas d’organes judiciaires constitués.

Cependant, quelle est votre capacité d’action réelle en la matière, par exemple pour les djihadistes français capturés par les Kurdes, qui n’ont pas d’État reconnu ni d’organe judiciaire ? Certes, le droit international prévoit que l’État de nationalité d’un individu puisse le juger à l’étranger, mais cette compétence est subsidiaire de la compétence territoriale de l’État où ils ont été arrêtés, laquelle prime.

S’impose une clarification de la position de la France, de sa fermeté face à la barbarie islamiste qui a frappé à plusieurs reprises sur notre territoire, de sa capacité à mettre en cause des jugements rendus à l’étranger, et de la doctrine claire à appliquer en la matière, qui, à ce jour, ne ressort pas des différentes déclarations.

Au sujet des Français déjà revenus sur notre sol, combien sont incarcérés et combien sont dans la nature ? Madame la garde des sceaux, vous savez que le Sénat a constitué plusieurs missions d’évaluation des dispositifs créés dans ce domaine. Comment et par quels dispositifs judiciaires, ou préventifs, comptez-vous protéger nos compatriotes, si des bombes à retardement sont en liberté dans notre pays ? Peut-on croire que ces femmes et ces hommes aient renoncé à leur dessein meurtrier ?

Ma question est simple, madame la garde des sceaux : pouvez-vous clarifier la position du Gouvernement sur ces deux sujets ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Marc-Philippe Daubresse, la question du traitement des djihadistes de nationalité française se présente sous deux aspects.

La première situation concerne les Français se trouvant encore dans les terrains de combat, c’est-à-dire qui seraient détenus à l’étranger au titre des actes qu’ils auraient pu commettre sous le drapeau de Daech. Pour ceux-là, il ne saurait être fait abstraction du contexte de guerre dans la région, guerre à laquelle ils ont librement et volontairement choisi de participer.

Dans leur situation, l’État français a posé une règle claire : leur situation doit être appréciée dans le respect de la légalité internationale et des relations avec les États dans lesquels ces personnes sont détenues.

Ainsi, les Français majeurs détenus en Irak relèvent d’abord des autorités de ce pays, à qui il revient de décider souverainement s’ils doivent faire l’objet de procédures judiciaires ou non sur place. Ces personnes peuvent bénéficier de la protection consulaire de droit commun. Cette protection implique l’exercice du droit de visite et la vérification qu’elles ne sont pas soumises à des traitements inhumains ou dégradants.

J’en viens aux Français majeurs détenus en Syrie. La France n’a pas de relations diplomatiques avec ce pays, qui est encore, en de nombreux endroits, zone de guerre. C’est pourquoi notre intervention s’exerce d’abord à travers les organismes internationaux compétents dans de tels cas, en particulier via le CICR.

Pour les Français interpellés en Turquie, vous le savez, le Gouvernement a négocié un protocole qui permet d’obtenir l’expulsion de ces personnes – majeures ou mineures – vers la France, où elles sont alors prises en compte par l’autorité judiciaire française dès leur descente d’avion.

S’agissant d’éventuelle condamnation à mort dans ces pays – la question s’est posée non pour des Français, mais pour des ressortissants européens –, la France, qui y est opposée, interviendrait afin de rappeler cette position aux autorités concernées, dans le cadre de l’exercice de la protection consulaire, comme elle le fait de manière systématique.

En toute hypothèse, je le redis, la France est attachée au respect des garanties offertes par le droit à un procès équitable. Elle apporte en tant que de besoin à ses ressortissants une protection consulaire lorsque cela est le cas.

Les mineurs français, en Irak ou en Syrie, ont droit à la protection de la République et peuvent être pris en charge selon les règles concernant la protection des mineurs et rapatriés, sous réserve que leur responsabilité pénale ait été écartée par les autorités locales.

La seconde situation concerne les djihadistes français qui reviennent sur le territoire national.

Depuis 2015, ces « revenants » sont systématiquement « judiciarisés ». Cette politique de judiciarisation systématique se traduit par la mise en œuvre, par le parquet de Paris à l’encontre des majeurs, d’un engagement immédiat de poursuites du chef d’« association de malfaiteurs terroriste », qui visent à réprimer le fait d’avoir rejoint ou tenté de rejoindre la zone irako-syrienne pour y mener le djihad armé au contact d’une organisation terroriste.

Tous ont vocation, dès lors que des éléments probatoires sont réunis, à faire ensuite l’objet d’une mise en examen et d’un placement sous une mesure de contrainte qui est adaptée à leur situation.

M. le président. Il faut conclure, madame la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je conclus. Aujourd’hui, monsieur le sénateur, pour répondre très précisément à votre question, 182 revenants majeurs ont été « judiciarisés », 142 sont en détention, les autres étant placés sous des mesures de contrôle judiciaire strict, ce qui fait que nous savons très précisément où ils sont et ce qu’ils font.

Les mineurs font, eux aussi, l’objet d’un traitement de judiciarisation.

M. le président. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de respecter le temps imparti lors de vos prochaines interventions.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir laissé Mme la garde des sceaux terminer son propos. La question est importante, la réponse l’est tout autant, elle a permis de clarifier pleinement la doctrine du Gouvernement sur ce sujet. Je me réjouis donc de l’avoir posée et d’avoir reçu cette réponse.

choix de la ville de la nouvelle prison de vendée

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 0162, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Didier Mandelli. Madame la garde des sceaux, au 1er janvier 2018, la France comptait 68 974 détenus pour seulement 59 765 places dans nos prisons. Malgré les dix-sept condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme et la multiplication, ces dernières années, des rapports parlementaires et autres missions d’information, la situation n’a cessé de se détériorer, aggravée et accentuée par les phénomènes de radicalisation. Ces dernières semaines ont été le théâtre d’agressions inqualifiables contre le personnel pénitentiaire.

La Vendée enregistre une surpopulation carcérale qui dépasse 200 % pour la maison d’arrêt de La Roche-sur-Yon – 39 places pour 80 détenus – et atteint 146 % pour celle de Fontenay-le-Comte – 39 places pour 57 détenus.

Depuis le début de mon mandat, j’ai visité à quatre reprises les prisons de mon département de la Vendée. J’ai pu constater les effets particulièrement néfastes et corrosifs de cette surpopulation, non seulement pour le personnel pénitencier bien entendu, mais également pour les détenus et les intervenants extérieurs.

En 2011, Michel Mercier, alors garde des sceaux, s’était engagé à construire une nouvelle prison en Vendée. Au mois d’octobre 2016, le Premier ministre, Manuel Valls, annonçait à son tour la construction de 33 prisons supplémentaires en France, dont une maison d’arrêt en Vendée. Les villes de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte s’étaient portées candidates pour accueillir cette nouvelle prison, qui devrait compter 250 places.

Au mois de février 2017, le ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, votre prédécesseur, annonçait que la nouvelle prison serait construite à Fontenay-le-Comte, dans une logique d’aménagement du territoire.

Depuis cette annonce et le changement de gouvernement, la Chancellerie n’a pas officiellement confirmé ce choix. Une nouvelle prison est une priorité pour la sûreté du personnel pénitentiaire et j’appelle de mes vœux sa réalisation au plus vite.

Madame la garde des sceaux, je souhaite connaître la position définitive du Gouvernement quant à la désignation de la ville qui accueillera cette nouvelle maison d’arrêt et la date de démarrage des travaux.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Didier Mandelli, je ne vous donnerai pas aujourd’hui cette réponse, mais celle-ci est imminente.

Comme vous l’avez souligné, les maisons d’arrêt de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte souffrent d’une surpopulation préoccupante puisque, au 1er novembre 2017 – vous avez vous-même rappelé les chiffres –, la densité carcérale de ces établissements s’élevait respectivement à 202 % et 146 %.

C’est pourquoi la direction de l’administration pénitentiaire mène aujourd’hui une politique volontariste de transfert des personnes détenues pour limiter les effets de la surpopulation carcérale et procède régulièrement à ce que l’on appelle des « désencombrements ».

Par ailleurs, et c’est cela qui est important, comme vous le savez, le Président de la République a pris l’engagement de créer 15 000 places de prison supplémentaires afin notamment d’atteindre l’objectif de l’encellulement individuel dans les maisons d’arrêt, où la très forte surpopulation carcérale dégrade la prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.

Je sais que des propositions de terrains situés sur les communes de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte ont été formulées par les collectivités et transmises à mes services par le préfet.

L’Agence publique pour l’immobilier de la justice a lancé des études sur les terrains proposés dans les deux communes pour s’assurer de la conformité avec le cahier des charges.

Les résultats, dont vous serez tenu informé, seront connus dans les prochaines semaines, à l’occasion de la présentation, par le Président de la République, du plan Prison.

Ainsi que j’ai eu l’occasion de le préciser, la liste des implantations définitivement retenues à l’échelle nationale, qui dépendra des besoins opérationnels, des ressources budgétaires, des orientations retenues dans le cadre du chantier pour la justice consacré au sens et à l’efficacité des peines, ainsi que des disponibilités foncières, sera présentée au Parlement au printemps 2018, lors de l’examen du projet de loi de programmation pour la justice.

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. Madame la garde des sceaux, nous attendons avec impatience et intérêt la décision du Gouvernement et le choix définitif de construction de cette prison sur le territoire de l’une ou l’autre de ces villes. Celles-ci ne sont pas « en compétition », leur offre reposant sur des logiques différentes : Fontenay-le-Comte pour des questions d’aménagement du territoire, dans le sud de la Vendée, la Roche-sur-Yon compte tenu de la proximité d’un certain nombre de services liés à la justice.

insuffisance en moyens humains du tribunal de grande instance de bourg-en-bresse

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 0169, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Patrick Chaize. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, ma question concerne la situation difficile que connaît le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, dont la compétence est départementale.

Le département de l’Ain comprend 637 000 habitants répartis sur une surface de 5 763 kilomètres carrés. Son territoire est très diversifié et certaines de ses zones sont influencées par la présence proche de l’agglomération lyonnaise, à l’extrémité sud-ouest du département, et de l’agglomération genevoise, à l’extrémité nord-est. La proximité de ces deux grandes métropoles entraîne une délinquance importante ainsi qu’une criminalité organisée inhabituelle pour un département rural comme l’Ain, qui n’est lui-même pas pourvu de très grandes villes.

Sont relevés un nombre de faits délictueux élevé dans une configuration inadaptée des services d’enquêtes, avec l’absence notamment de détachement de la direction interrégionale de la police judiciaire ou du service régional, dans le pays de Gex. Parmi d’autres caractéristiques, et non des moindres, l’Ain, qui est le premier département industriel de France, connaît aussi la quatrième plus forte croissance démographique de l’Hexagone avec 8 000 habitants supplémentaires chaque année.

Bien qu’elles soient honorables, ces positions engendrent un contentieux spécifique. Il est à noter par ailleurs que l’Ain est doté d’un hôpital psychiatrique de portée régionale et d’un centre pénitentiaire ouvert en 2010 à Bourg-en-Bresse, comprenant une maison d’arrêt, un centre de détention et un quartier de semi-liberté, qui est aujourd’hui à pleine capacité avec plus de 700 détenus.

Malgré tous ces éléments, la comparaison des chiffres avec les départements avoisinants, selon le rapport entre la population et le nombre de magistrats, démontre un déficit fort important pour l’Ain, qui se situe largement en dernière place des départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes. L’analyse de ces chiffres prouve que le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse est structurellement sous-évalué, tant pour les magistrats du siège que pour ceux du parquet.

Dans ce contexte, le Gouvernement envisage-t-il de doter rapidement ce tribunal en moyens humains suffisants pour un meilleur fonctionnement de la justice dans l’Ain ?