M. Hervé Maurey. L’amendement que j’ai l’honneur de vous présenter a été cosigné par plus de soixante-dix sénateurs, que je remercie. Il reprend une proposition issue du rapport d’information paru en 2015 au nom de la délégation aux collectivités territoriales sur le financement des lieux de culte par les collectivités. Il vise tout simplement à réaliser la transparence sur le financement des lieux de culte.

Aujourd’hui, quand un lieu de culte – disons les choses clairement : une mosquée – se construit dans une commune, on ne sait pas qui finance, qui est derrière ce projet. Très souvent, on nous dit qu’il est financé par des dons, mais, parfois, il y a tellement d’argent liquide qui circule que TRACFIN est amené à se poser des questions. Aussi proposons-nous, tout simplement, que pour tout projet de construction d’un lieu de culte un bilan financier soit établi au terme de la construction et certifié par un commissaire aux comptes.

Beaucoup, au cours des derniers mois et des dernières années, ont prôné l’interdiction du financement des lieux de culte par, notamment, des États étrangers. Je crois qu’avant d’envisager ce genre de mesure il faut déjà connaître la réalité de la situation, ce qui passe par la transparence. Sur ce sujet, comme sur d’autres, elle me paraît une impérieuse nécessité !

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cet amendement vise à soumettre tout projet de construction d’un lieu de culte à l’élaboration d’un plan de financement prévisionnel certifié par un commissaire aux comptes, retraçant l’origine des fonds ; les modalités en seraient fixées par un décret en Conseil d’État. Il reprend la recommandation n° 7 du rapport d’information de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte.

Cette disposition concerne indirectement le financement des associations cultuelles, traité aux articles 25 et 38 du projet de loi. Il s’agit toutefois d’un sujet spécifique, sur lequel je n’ai pas pu mener d’auditions.

Par ailleurs, je sais qu’une réflexion est en cours au niveau de l’exécutif.

En conséquence, la commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Comme Mme la rapporteur l’a indiqué en réponse à M. Maurey, une réflexion est actuellement menée, sous l’égide du ministère de l’intérieur, sur le régime juridique des cultes. La présente proposition, issue d’une recommandation du rapport qui a été cité, est intégrée à ces travaux, mais ceux-ci ne sont pas suffisamment avancés pour que nous puissions avoir un avis définitif.

La réflexion étant en cours, je sollicite le retrait de l’amendement, étant entendu qu’il ne s’agit pas d’une manière d’écarter une proposition qui, je le répète, est prise en compte par le ministre de l’intérieur dans le cadre de la réflexion qu’il mène avec les différents cultes.

M. le président. Monsieur Maurey, l’amendement n° 21 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Hervé Maurey. Je suis très étonné d’entendre la rapporteur me répondre qu’elle n’a pas eu le temps de procéder à des auditions. Elle a eu, je pense, le temps d’en tenir un certain nombre, et je ne vois pas pourquoi elle n’en a pas organisé sur ce thème. Surtout, je ne vois pas quelles auditions sont nécessaires pour savoir s’il faut ou non de la transparence… Il est tout de même assez extraordinaire de dire : savoir si la transparence est utile, je n’en ai pas idée !

Par ailleurs, M. le secrétaire d’État nous explique qu’une réflexion est en cours. Voilà trois ans que les gouvernements successifs nous font la même réponse !

J’ai déposé mon rapport d’information au début de l’année 2015. Comme l’actualité était un peu compliquée, du point de vue notamment des attentats, j’ai mis de côté les propositions de ce rapport pour éviter les amalgames entre l’actualité et ce travail de fond mené pendant deux ans. Un débat a ensuite été organisé dans l’hémicycle, et le gouvernement de l’époque a dit qu’une réflexion serait engagée.

Le ministre de l’intérieur de l’époque a tenu des tables rondes et autres réunions, mais que s’est-il passé ? Rien ! Et voilà que trois ans plus tard, pour une mesure aussi simple et évidente que celle consistant à savoir comment les lieux de culte sont financés, tout ce que vous trouvez à me répondre au nom du Gouvernement, c’est qu’une réflexion est en cours… Franchement, continuer à répéter cela en boucle au bout de trois ans ne me paraît ni sérieux ni raisonnable !

Qui, ici, dirait qu’il est contre la transparence ? Qu’il n’est pas nécessaire de savoir comment sont financés les lieux de culte, alors que TRACFIN s’interroge et qu’on sait très bien quelles implications les sources de financement peuvent avoir en termes de sécurité et de terrorisme ? Enfin quoi, est-on pour la transparence ou pour l’opacité ? Je maintiens évidemment cet amendement, et j’espère qu’il sera adopté ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous soutenons cette proposition de bon sens.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement, en dépit des intentions louables qui l’inspirent.

Ces intentions, quelles sont-elles ? Manifestement, lutter contre le développement de mosquées salafistes financées par des États du Proche-Orient ou des ressortissants de ces États.

Cette motivation est tout à fait pertinente, et nul ici ne la conteste. Toutefois, par la généralité de la prescription qui serait posée, l’adoption de cette disposition nous ferait franchir une limite qui n’a jamais été franchie en plus d’un siècle d’application de la loi de 1905. N’oublions pas que nous légiférons non seulement pour les salafistes – le premier signataire de l’amendement a bien expliqué que sa motivation principale était la lutte contre le terrorisme –, mais aussi pour toutes les religions de notre pays : l’islam, la religion juive, la religion protestante, la religion catholique. Jusqu’à présent, c’est la liberté qui prévaut : doit-on vraiment, au nom de la transparence, remettre en cause la liberté ?

Nous avons des moyens pour contrôler ces mosquées qui appellent au crime ; récemment encore, la loi mettant fin à l’état d’urgence en a traité. Mais nous ne devons pas pour autant englober dans une mesure qui restreint la liberté du culte toutes les religions qui ont droit de cité depuis si longtemps en France.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. En écoutant notre collègue Philippe Bas, président de la commission des lois, je me suis demandé si je n’avais pas mal lu l’amendement…

L’amendement est ainsi libellé : « Tout projet de construction, par des groupements locaux ou par des associations cultuelles, d’édifices répondant à des besoins collectifs de caractère religieux fait l’objet d’un plan de financement prévisionnel mentionnant dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État, l’origine des fonds et certifié par un commissaire aux comptes. » Point final !

Il n’est nullement proposé de contrôler, limiter, voire interdire tel ou tel financement. C’est simplement une question de transparence !

M. Hervé Maurey. Tout à fait !

M. Yves Détraigne. À notre époque où l’on exige la transparence pour des budgets bien plus minces que ceux qu’implique la construction d’un édifice religieux,…

M. Yves Détraigne. … il me paraît tout simplement naturel de demander qu’elle s’applique aussi à ces projets. Cela devrait d’ailleurs être prévu sans qu’il y ait besoin que se produisent des événements malheureux comme on en a connu ces trois dernières années.

M. Hervé Maurey. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Je soutiens ce qui vient d’être dit : la disposition proposée n’interdit ni n’autorise ; il s’agit simplement de savoir. Si, demain, le Vatican veut financer une église, libre à lui !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Il ne s’agit pas pour nous de sacraliser cet amendement : ce qui est demandé est un exercice de transparence élémentaire. Je pense que nous pouvons le voter sans difficulté.

En revanche, notre débat sur l’article 25 illustre bien les limites du projet de loi. La phrase que nous avons le plus entendue depuis le début de nos travaux en séance, hier, est : ce que vous proposez ne relève pas de l’objet du texte. Mais, au juste, quel est l’objet du texte ?

Le caractère hétérogène des mesures et la confusion qui préside à nos débats sur un certain nombre de sujets dont on ne sait plus s’ils sont dans le texte ou en dehors, s’ils sont législatifs, réglementaires ou relevant de l’organisation de l’administration, finissent par poser problème. Au fur et à mesure que nos débats progressent, on sent se déliter la belle société de confiance qu’on nous proposait…

Après avoir abordé plutôt avec enthousiasme et envie l’examen de ce texte, je suis amené, au vu d’un certain nombre de débats, à considérer que la montagne accouche d’une souris… C’est assez décevant et parfois même, comme sur cet article, un peu dangereux.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. Je ne suis pas cosignataire de cet amendement, mais je le voterai sans aucune difficulté.

Nous sommes évidemment tous attachés au principe de laïcité ainsi qu’au libre exercice des cultes. Mais je me souviens que, voilà quelques mois, le maire que j’étais encore, devant un projet de ce type dans sa commune de Haute-Savoie, s’est trouvé fort dépourvu de ne pouvoir avoir aucune information.

Bien sûr, si l’amendement est adopté, il s’appliquera aux Témoins de Jéhovah, aux Mormons… Il s’appliquera à tous ceux qui construisent des lieux de culte. Mais, pour être très franc, des églises catholiques, on n’en construit plus beaucoup en France depuis quelques années, même si cela arrive… Au reste, je ne crois pas que ce soit l’Église catholique qui se mobiliserait contre une telle proposition.

Il n’y a ni régime d’autorisation ni régime d’interdiction, et la liberté de culte est consacrée dans notre droit au plus haut niveau. Notre collègue Hervé Maurey demande simplement la transparence, et je soutiens sans réserve sa proposition.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 25, modifié.

(Larticle 25 est adopté.)

Article 25 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour un État au service d'une société de confiance
Article 25 bis

Article additionnel après l’article 25

M. le président. L’amendement n° 34 rectifié quinquies, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, Bansard, Bas et Bazin, Mme Bruguière, M. Buffet, Mme Canayer, MM. Charon et Chatillon, Mmes Di Folco, Dumas et Garriaud-Maylam, MM. Grand et Gremillet, Mme Imbert, M. Kennel, Mme Lamure, MM. Lefèvre, H. Leroy, Magras, Panunzi, Pillet et Rapin, Mme Renaud-Garabedian et M. Savin, est ainsi libellé :

Après l’article 25

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L’ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations est ratifiée.

II. - La loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique est ainsi modifiée :

1° L’article 3 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « faire », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « appel à la générosité publique dans le cadre d’une campagne menée à l’échelon national soit sur la voie publique, soit par l’utilisation de moyens de communication, sont tenus d’en faire la déclaration préalable auprès de la préfecture du département de leur siège social. » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique » ;

c) Au dernier alinéa, les mots : « appels au cours de la même année civile » sont remplacés par les mots : « campagnes successives » ;

d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les moyens mentionnés ci-dessus sont les supports de communication audiovisuelle, la presse écrite, les modes d’affichage auxquels s’appliquent les dispositions du chapitre Ier du titre VIII du livre V du code de l’environnement, ainsi que la voie postale et les procédés de télécommunications. » ;

2° L’article 3 bis est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « l’appel est mené » sont remplacés par les mots : « la campagne est menée » ;

b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « l’appel » sont remplacés par les mots : « la campagne » ;

3° Les trois premiers alinéas de l’article 4 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les organismes mentionnés à l’article 3 établissent un compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public, qui précise notamment l’affectation des dons par type de dépenses.

« Ce compte d’emploi est déposé au siège social de l’organisme ; il peut être consulté par tout adhérent ou donateur de cet organisme qui en fait la demande. »

III. - Le code des juridictions financières est ainsi modifié :

1° L’article L. 111-9 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

- après les mots : « du public », sont insérés les mots : « , dans le cadre de campagnes menées à l’échelon national » ;

- les mots : « public à la générosité » sont remplacés, deux fois, par les mots : « à la générosité publique » ;

b) Le second alinéa est complété par les mots : « dans le cadre de ces campagnes » ;

2° L’article L. 143-2 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique » ;

b) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique ».

IV. - À la première phrase du I de l’article L. 822-14 du code de commerce, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité publique ».

La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. L’article 38 de la Constitution dispose que la ratification d’une ordonnance doit résulter d’une disposition expresse. Je vous propose de ratifier l’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations, qui attend depuis trois ans.

Le 28 septembre 2016, j’ai rapporté le projet de loi de ratification devant la commission des lois du Sénat, qui l’a adopté. La majorité de l’Assemblée nationale a préféré reprendre le texte de mon rapport par amendement dans la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Malheureusement, le Conseil constitutionnel l’a écarté comme cavalier législatif. L’ordonnance du 23 juillet 2015 n’est ainsi toujours pas ratifiée, malgré la volonté de notre commission des lois et du Parlement tout entier, pour de simples raisons de procédure. C’est la raison pour laquelle je vous propose de ratifier cette ordonnance, dans les termes mêmes de mon rapport, y compris en matière d’organismes faisant appel à la générosité publique.

Notre commission des lois avait examiné avec la plus grande attention les dispositions de l’ordonnance relatives à ces organismes, qui vont dans le sens d’un allégement des contrôles. La commission des lois n’avait pu l’accepter : d’une part, le nouveau dispositif dépassait l’habilitation à légiférer par ordonnance consentie au Gouvernement et, d’autre part, les allégements importants en matière de traçabilité des fonds collectés ont inspiré des réserves à la commission, alors que la loi du 7 août 1991, adoptée à la suite du scandale de l’ARC, garantit une transparence financière indispensable.

J’ai donc jugé qu’une telle réforme ne s’imposait pas, et la commission des lois m’a approuvée en septembre 2016. Dans le monde où nous vivons, l’opinion publique attend des autorités, avec raison, la transparence et le contrôle de telles opérations : tant l’État que les donateurs doivent pouvoir exercer une vigilance par des moyens de contrôle suffisants.

Voilà pourquoi mon amendement vise à rétablir le dispositif antérieur à l’ordonnance de 2015, dont la modification ne peut intervenir sans un bilan complet de la loi du 7 août 1991, et seulement dans le cadre d’un texte spécifique permettant de mesurer l’opportunité d’un allégement aussi important des contrôles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. La ratification proposée repose sur le texte élaboré par la commission des lois du Sénat, dans le cadre du travail approfondi qu’elle avait mené sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 23 juillet 2015. L’amendement tend aussi à supprimer des dispositions excédant le champ de l’habilitation.

La commission spéciale a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement considère que cette ratification d’ordonnance devrait trouver sa place dans un autre véhicule législatif. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34 rectifié quinquies.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 25.

Article additionnel après l'article 25 - Amendement n° 34 rectifié quinquies
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Article 26

Article 25 bis

(Supprimé)

Chapitre II

Une administration moins complexe

Article 25 bis
Dossier législatif : projet de loi pour un État au service d'une société de confiance
Article 26 bis

Article 26

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à faciliter la réalisation de projets de construction et à favoriser l’innovation :

1° En fixant les conditions dans lesquelles le maître d’ouvrage de bâtiments peut être autorisé, dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’ordonnance prévue au II, à déroger à certaines règles de construction sous réserve qu’il apporte la preuve qu’il parvient, par les moyens qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des règles auxquelles il est dérogé et que ces moyens présentent un caractère innovant ;

2° En prévoyant les conditions dans lesquelles l’atteinte de ces résultats est contrôlée avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme puis à l’achèvement du bâtiment.

En outre, cette ordonnance peut abroger le I de l’article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à faciliter la réalisation de projets de construction :

1° En prévoyant la possibilité de plein droit pour le maître d’ouvrage de bâtiments de satisfaire à ses obligations en matière de construction s’il fait application de normes de référence ou s’il apporte la preuve qu’il parvient, par les moyens qu’il entend mettre en œuvre, à des résultats équivalents à ceux découlant de l’application des normes de référence et en fixant les modalités selon lesquelles cette preuve est apportée avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme et celles selon lesquelles les résultats atteints sont contrôlés après l’achèvement du bâtiment ;

2° En adoptant une rédaction des règles de construction applicables propre à éclairer, notamment par l’identification des objectifs poursuivis, le maître d’ouvrage sur les obligations qui lui incombent et qu’il respecte selon l’une des modalités prévues au 1° du présent II.

II bis. – Les ordonnances prévues aux I et II visent à assurer que l’atteinte des résultats est évaluée dans un cadre impartial et en conformité avec le titre IV du livre II du code des assurances.

Elles permettent un accès au marché pour des solutions en matière de construction innovantes, en prévoyant des modalités d’évaluation de l’atteinte des résultats équivalents adaptées à la nature de la dérogation.

III. – (Non modifié) Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances prévues aux I et II du présent article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 96 est présenté par Mmes S. Robert et Meunier, MM. Durain et Cabanel, Mmes Préville, Taillé-Polian et Espagnac, MM. Lurel et Mazuir, Mme de la Gontrie, M. Sueur, Mme Jasmin, MM. Fichet, Antiste et Assouline, Mmes Blondin et Ghali, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Roux et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 152 est présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 96.

Mme Sylvie Robert. Lors de l’examen de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, en 2016, a été adopté un amendement autorisant l’État, les collectivités locales et leurs groupements à expérimenter pendant sept ans un dispositif leur permettant de déroger à certaines normes. Le respect de ces normes avait été remplacé par des objectifs à atteindre, autrement dit par une obligation de résultat. À ce dispositif voté à l’Assemblée nationale, nous avions collectivement décidé, lors de l’examen du texte au Sénat, d’intégrer les organismes d’HLM. Cette expérimentation était limitée dans le temps et bien encadrée.

Par cet article 26 du projet de loi, il nous est aujourd’hui proposé de la supprimer, et ce sans fixer aucun verrou en termes de durée, d’acteurs concernés ou de champ de dérogation. Nous voyons bien que, plus que des dérogations temporaires, nous avons affaire, dans le cadre de ces ordonnances, à une réforme des normes de construction, certes menée en deux temps, mais tout de même !

Notre expérimentation avait été circonscrite à la sphère publique ; le dispositif est étendu à la sphère privée, en l’occurrence aux promoteurs. Le champ d’application, quant à lui, est illimité. Nous ne sommes plus dans ce que nous avions appelé, au sein de la commission de la culture – mais le terme avait été employé par la ministre de l’époque et l’ensemble du Sénat –, le « permis de faire », c’est-à-dire le droit d’expérimenter, de « dénormer » en quelque sorte.

Bien sûr, on nous propose un assouplissement. Mais quid de la qualité architecturale, mes chers collègues ? Quid de l’innovation ? Qu’en est-il d’une forme d’évaluation qui permettrait, notamment sur les questions énergétiques, de travailler et de progresser ? « Dénormer » ne doit pas empêcher d’être attentif à la qualité architecturale ! Donc, j’y insiste, peut-être cela coûtera-t-il moins cher, cela ira-t-il plus vite… Mais soyons vigilants !

De plus, je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement se prive d’un outil expérimental permettant de travailler sans délai sur des solutions innovantes, de les évaluer et de capitaliser sur elles, afin qu’elles puissent éventuellement servir de base à des modifications législatives ultérieures. En effet, on le sait bien, les ordonnances ne verront le jour qu’en 2020 ! En attendant, nous aurions pu encourager le recours au permis de faire, qui est un permis d’innover, en facilitant la mise en œuvre du dispositif collectivement voté dans notre assemblée.

Tous ces éléments nous conduisent à demander la suppression de l’article 26.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 152.

M. Pierre Ouzoulias. L’article 26 tend à remplacer une obligation de moyens par une obligation de résultat. Ainsi, au respect de normes – listes de matériaux à utiliser, procédés de construction, etc. –, visant notamment à prévenir les risques d’incendie, le projet de loi substitue un permis de déroger… ou de travailler sans filet. C’est le cirque… Les dérogations envisagées porteront, entre autres points, sur la performance énergétique et environnementale, l’aération et la qualité de l’air, la santé et la sécurité des bâtiments et des personnes, la prévention des risques naturels et technologiques.

Comme souligné dans l’avis du Conseil d’État, cet article peut susciter des réserves, alors que, cela a été dit, une expérimentation est en cours, qui, n’ayant pas commencé à être mise en œuvre, n’a encore produit aucun résultat.

On semble avoir oublié, dans cet article 26, que les règles de construction, dont la complexité et le nombre peuvent effectivement interroger, ne visent pas uniquement à encadrer l’acte de bâtir ; elles permettent aussi de garantir les occupants des bâtiments contre un certain nombre de risques. C’est bien le respect de chaque norme qui permet, in fine, d’obtenir un ouvrage protégé contre les risques d’incendie et les tremblements de terre, ou bien accessible aux personnes handicapées. Comment peut-on envisager de transiger avec la sécurité contre le risque d’incendie ?

Ce nouveau rapport aux normes de construction, fondé sur l’atteinte d’un résultat, conduira à l’exigence d’une démonstration préalable et d’un contrôle a posteriori par un organisme impartial. La tâche des constructeurs ne sera en rien simplifiée et la responsabilité prise par les organismes de contrôle ne sera pas négligeable – tant s’en faut ! Le libre choix des moyens risque ainsi de se payer par une insécurité juridique accrue, compte tenu de la plus grande liberté donnée à l’organisme chargé d’apprécier le résultat.

Comme notre collègue Sylvie Robert, nous demandons, au sein du groupe CRCE, la suppression de cet article.