M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Les infrastructures attendues en Occitanie sont nombreuses. Vous avez mentionné le projet GPSO, mais on pourrait aussi parler de la ligne Montpellier-Béziers-Perpignan et de l’autoroute Toulouse-Castres. C’est l’ensemble de ces besoins qu’il nous faut analyser.

Tout l’intérêt du travail réalisé par le Conseil d’orientation des infrastructures est d’apporter cette vision globale à la fois des lignes à grande vitesse qui sont attendues, en l’occurrence deux pour la région Occitanie, et des besoins de désenclavement des territoires. Je pense au cas de Castres, où le maintien d’entreprises importantes sur ce territoire est conditionné à l’amélioration de la desserte routière et à la remise à niveau des infrastructures nécessaires pour les trains du quotidien.

C’est bien l’ensemble de ces besoins qu’il nous faut prendre en compte, et c’est tout le sens de la démarche du Conseil d’orientation des infrastructures.

Vous l’avez rappelé, selon les scénarios, les horizons de réalisation de la liaison Bordeaux-Toulouse sont naturellement différents. Néanmoins, quel que soit le scénario, l’importance de commencer par « désaturer » les nœuds de Bordeaux et de Toulouse est soulignée. L’idée est de ne pas reproduire ce que nous avons pu connaître à la gare Montparnasse à la fin de l’année dernière – le « branchement » de deux lignes à grande vitesse sur une gare qu’on avait oublié de moderniser ou, en tout cas, qui n’avait pas été modernisée dans les temps.

Le calendrier qui sera finalement retenu fait l’objet de travaux avec les collectivités concernées des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, qui ont réfléchi à de nouvelles sources de financement, à l’instar de ce qui peut exister en Île-de-France avec la Société du Grand Paris.

Nous sommes en train de travailler avec les régions et les métropoles concernées pour trouver le meilleur calendrier, dans le cadre des contraintes financières rappelées dans le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, ma question porte sur la réalisation de la ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur pour relier les trois métropoles régionales Marseille, Toulon et Nice.

L’unique ligne ferroviaire existante, créée en 1860, souffre de son ancienneté, avec des problèmes d’infrastructures vieillissantes et des flux tendus permanents, puisque l’ensemble des trains y circulent sans itinéraire alternatif en cas de problème technique.

Des nœuds ferroviaires à Marseille ou Nice congestionnent le trafic avec des retards fréquents.

Dans les Alpes-Maritimes, la ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur est très attendue par les collectivités locales, les opérateurs économiques et les usagers. Elle contribuera à ouvrir la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sur les autres régions françaises, à désenclaver l’est de ce territoire et à poursuivre la réalisation de l’arc ferroviaire méditerranéen de Barcelone à Gênes.

Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures a pris la mesure des problématiques ferroviaires en retenant la ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur dans les cinq grands projets prioritaires nationaux.

Toutefois, madame la ministre, le rapport précise que les parts respectives des contributions de l’État et des collectivités resteraient similaires à celles actuellement pratiquées, c’est-à-dire des cofinancements proches de la parité pour la plupart des grands projets. Compte tenu de la réforme de la fiscalité locale amorcée avec la suppression de la taxe d’habitation, pouvez-vous garantir aux élus et aux usagers que les décisions que prendra le Gouvernement en matière ferroviaire ne seront pas revues à la baisse en raison d’une réforme ultérieure sur le pacte financier entre l’État et les collectivités ?

De plus, le rapport prévoit également que « d’autres marges de manœuvre budgétaires sont envisageables ». Lors d’une interview accordée à l’occasion du lancement des Assises nationales de la mobilité à l’automne, vous aviez envisagé de déléguer aux régions la gestion d’une taxe sur les poids lourds étrangers en transit en France, notamment pour les régions frontalières. Cette mesure pourrait-elle voir le jour dans la loi d’orientation des mobilités et vous semble-t-elle toujours cohérente pour permettre un appui budgétaire supplémentaire aux régions dans le cadre de ces grands projets ferroviaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

(M. Thani Mohamed Soilihi remplace M. David Assouline au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Comme vous le soulignez, madame la sénatrice, le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures a bien mis en évidence l’importance de ce projet de modernisation globale de l’axe Provence-Alpes-Côte d’Azur et donc de cette ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur.

Le Conseil propose de phaser ce projet – ce qui permet de l’inscrire dans une programmation pluriannuelle – en commençant par le décongestionnement des gares de Marseille-Saint-Charles et de Nice, notamment grâce aux nouvelles possibilités qu’offre la signalisation ERTMS.

Nous avons discuté du financement avec les collectivités territoriales, au premier rang desquelles la région. Bien évidemment, le Gouvernement permettra à ces mêmes collectivités d’inscrire les cofinancements qu’il propose dans le cadre des pactes qu’il signe avec elles.

S’agissant des ressources complémentaires, j’ai évoqué l’intérêt d’une meilleure contribution des poids lourds, notamment ceux en transit, au financement de nos infrastructures. Il s’agit d’une réflexion en cours.

L’une des difficultés tient à la part des réseaux concédés et non concédés, très différente selon les régions. En l’occurrence, 80 % du réseau routier de Provence-Alpes-Côte d’Azur est concédé, ce qui laisse assez peu de marge de manœuvre pour dégager une ressource locale assise sur la taxation des poids lourds hors réseau concédé.

Nous sommes en train de travailler sur ces questions. Vous aurez compris que le premier scénario n’a pas ma préférence. Nous réfléchissons donc à de nouvelles ressources, notamment en faisant davantage contribuer les poids lourds au financement des infrastructures.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Nul ne peut nier, madame la ministre, qu’une réflexion de fond et une action déterminée et ambitieuse sont nécessaires pour remettre à niveau notre service public ferroviaire auquel nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à être particulièrement attachés.

Nous regrettons que trop de gouvernements de diverses obédiences aient laissé s’installer, au-delà de mesures souvent conjoncturelles, une situation délétère.

Pour autant, il ne faudrait pas que la réforme que vous allez engager impose à certains une triple peine. Et c’est bien ce que nombre de territoires, dont celui que je représente, peuvent craindre : en effet, la décision du Président de la République de bloquer la construction de toute nouvelle ligne TGV durant ce quinquennat va, de fait, écarter sine die ces territoires de tout accès à la grande vitesse.

Il s’agit d’une première lourde peine : dans un contexte de compétition toujours plus exacerbée entre les territoires, cette situation va dramatiquement obérer leur développement économique.

Deuxième peine : ces mêmes territoires sont aujourd’hui desservis par des trains archaïques, les Intercités. Beaucoup de matériels roulants ont plus de quarante ans, circulent sur un réseau vétuste à des vitesses très inférieures à celles de 1968 et offrent aux usagers des conditions de transport inacceptables – les utilisant chaque semaine, je peux vous faire un retour d’expérience des plus objectif. Vous évoquiez à bon droit la comparaison avec – hélas ! – feu le Capitole…

Troisième peine : selon les préconisations d’un rapport qui vous a été remis, ces territoires verraient nombre de leurs lignes secondaires supprimées au mépris de toute logique d’aménagement du territoire et de respect du service dû aux usagers, où qu’ils résident, ce alors même que ces territoires participent – c’est un comble ! – par l’impôt au désendettement de la SNCF, dont les comptes sont plombés par des investissements effectués antérieurement au profit des territoires les plus peuplés, les plus dynamiques économiquement et aujourd’hui très bien dotés en termes d’infrastructures de transport.

Aussi, madame la ministre, j’espère vivement – et je n’en doute pas – que vous aurez à cœur de ne pas associer votre nom à la funeste perspective ouverte par certaines des préconisations de ces deux rapports que vous saurez considérer avec toute la distance et la vision d’ensemble inhérentes à votre fonction.

Votre réponse est très attendue, singulièrement dans tout l’espace central français dont un simple coup d’œil à une carte ferroviaire permet de comprendre les inquiétudes quant à la nécessité de ne pas subir cette triple peine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Le président de la République n’a pas dit qu’aucune ligne à grande vitesse ne serait réalisée au cours du quinquennat ; il a fait l’annonce courageuse d’arrêter de promettre des infrastructures qui ne seraient pas financées.

M. Michel Savin. Très bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je rappelle qu’ont été promises des créations de lignes, dans tout le territoire, pour un montant de 36 milliards d’euros qui n’est pas financé – pour ce seul quinquennat, les investissements promis antérieurement dépassent de 10 milliards d’euros les ressources dont nous disposons. Nous voulons sortir de ces promesses non financées qui ôtent toute confiance dans la parole de l’État.

M. Michel Savin. Voilà qui change du quinquennat de François Hollande !

Mme Élisabeth Borne, ministre. C’est dans cet esprit qu’ont été lancés les travaux du Conseil d’orientation des infrastructures qui nous a remis son rapport. Nous nous appuierons sur les préconisations du Conseil et sur le projet de loi de programmation dont nous débattrons prochainement pour retenir les futurs projets d’infrastructures.

Nous devons absolument sortir d’une vision binaire selon laquelle il n’est d’autre choix qu’entre une ligne de réseau classique qui se dégrade et une ligne à grande vitesse qui ne peut être réalisée rapidement.

J’accorderai la priorité, comme le préconise le Conseil, à la modernisation et à l’entretien des infrastructures. C’est bien ce que nous démontrons avec les travaux de renouvellement de la ligne POLT, à hauteur de 1 milliard d’euros entre 2015 et 2025, financés par SNCF Réseau. Un schéma directeur me sera remis prochainement pour améliorer les performances et les caractéristiques de la ligne et mettre en œuvre le renouvellement du matériel roulant.

Je veux enfin dire que le Gouvernement ne suivra pas les préconisations du rapport de M. Spinetta sur les « petites lignes » – expression qui me semble d’autant plus impropre qu’il s’agit de lignes très importantes pour beaucoup de nos concitoyens. L’État tiendra ses engagements sur la modernisation de ces lignes et notamment sur le financement de 1,5 milliard d’euros prévu dans le contrat de plan État-région.

M. le président. Avant de poursuivre, madame la ministre, mes chers collègues, je vous invite à bien vouloir respecter le temps de parole de deux minutes qui vous est imparti.

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Madame la ministre, je vais aborder la même question, sous une forme quelque peu différente.

Le développement des lignes LGV a suscité dans notre pays beaucoup d’espoirs pour le désenclavement des territoires. Pour les liaisons intermétropolitaines et l’accès aux territoires éloignés, voire enclavés, la grande vitesse ferroviaire constitue une alternative pertinente en termes écologiques et économiques aux modes de transport routier et aérien.

Le choix du Gouvernement de ralentir, voire de différer ou même d’abandonner, la réalisation d’un certain nombre de grands projets LGV au profit des transports du quotidien peut présenter à court terme une option compréhensible compte tenu des contraintes financières qu’impliquent de tels projets.

Bien évidemment, comme vous l’avez souligné à l’instant, madame la ministre, l’amélioration ou la simple mise à niveau du réseau ferroviaire existant constituent une priorité qui n’est pas contestable.

Néanmoins, peut-on envisager raisonnablement, dans les dix, quinze ou vingt prochaines années, de compléter le réseau LGV en tenant compte d’impératifs d’aménagement du territoire ?

Si le rapport Duron préconise la réalisation à court ou moyen terme, selon les scénarios financiers, des liaisons Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Perpignan, il renvoie à beaucoup plus tard l’achèvement de la liaison LGV Rhin-Rhône et la prolongation, à partir de Bordeaux, de la LGV en direction de Dax et de l’Espagne.

Par ailleurs la LGV Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, dite POCL, serait abandonnée et il n’est pas envisagé de reprendre le projet de LGV Poitiers-Limoges se raccordant à l’axe Paris-Bordeaux dont la déclaration d’utilité publique a été annulée par le Conseil d’État.

Ainsi, un immense espace central, entre Paris et Toulouse, du nord au sud, et entre Lyon et Bordeaux, d’est en ouest, serait définitivement exclu de l’accès à la grande vitesse.

Si vous réalisiez une carte de France non pas en fonction des distances, mais en fonction des temps de parcours ferroviaire, en prenant Paris et Marseille comme points fixes, Limoges et Clermont-Ferrand seraient au milieu de la Méditerranée et Aurillac proche de la Sicile… Ce n’est qu’une autre manière de concevoir la géographie… (Sourires.)

Pensez-vous, madame la ministre, que cette perspective puisse, dans le cadre d’une politique volontariste d’aménagement du territoire, soucieuse de réduire les fractures territoriales et de préserver les chances de développement économique de ces régions, être, à terme, corrigée ? (Mme Françoise Laborde et M. Éric Gold applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je voudrais redire que le sens du travail conduit par le Conseil d’orientation des infrastructures et celui du projet de loi de programmation que je présenterai d’ici à quelques semaines est bien de tenir pleinement compte de ces enjeux d’équité territoriale et d’aménagement du territoire.

Nous ne voulons pas laisser de vastes pans de notre pays à l’écart de liaisons de qualité, notamment des lignes à grande vitesse. Mais cela passe aussi par les préconisations du Conseil sur l’entretien et la modernisation des réseaux, sur le maillage du territoire, sur le maintien des lignes, notamment régionales ou secondaires.

Il est très important de ne pas différer les travaux et les mises à niveau sur les lignes existantes dans l’attente d’éventuels projets de ligne à grande vitesse qui ne pourront se réaliser rapidement. L’ambition n’est pas de ralentir la réalisation de ces projets, mais de dire ce qui est possible, en fonction des ressources dont nous disposons et des choix que nous ferons.

Je pense important de faire émerger une offre de trains de qualité sur les axes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse et Paris-Clermont-Ferrand sans attendre la réalisation de lignes à grande vitesse.

C’est toute l’ambition que je porte au travers de la régénération des lignes et des deux schémas directeurs en cours d’étude par SNCF Réseau qui permettront toutes sortes d’améliorations : réduction des temps de parcours, robustesse accrue, mise en place de nouveaux matériels. L’État a prévu d’investir sur ces deux axes : les offres viennent de nous être remises et sont en cours d’analyse…

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il est important de disposer rapidement de ces éléments.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Madame la ministre, je me réjouis de la mise en service de la ligne LGV Bretagne au mois de juillet dernier, même si le contrat initial qui consistait à mettre Brest et Quimper à 3 heures de Paris n’est pas encore atteint.

Lors de cette mise en service, élus et riverains ont constaté que de nombreuses nuisances avaient été sous-estimées. Une étude a donc été lancée afin de réaliser les mesures sonores qui s’imposent et de trouver des solutions techniques ou d’établir un mécanisme de compensation.

Quelle n’a pas été la stupéfaction d’un certain nombre de maires de recevoir, voilà quelques jours, un courrier de la direction générale des finances publiques, la DGFiP, les incitant à opérer des abattements sur la taxe d’habitation et sur la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Toute infrastructure publique doit tenir compte des riverains. Je vous poserai donc trois questions simples, madame la ministre : pensez-vous que ce soit aux communes impactées par le tracé du TGV de faire les frais du financement des compensations financières ? Pensez-vous qu’une réduction de 5 % sur un montant de taxe d’habitation de 500 euros en moyenne, c’est-à-dire une somme de 25 euros par an, soit à la hauteur du préjudice subi ? Pensez-vous sérieux de compenser un préjudice subi par quelques-uns par un abattement sur une taxe que le Gouvernement se propose de supprimer pour tous ?

Je tiens ce courrier de la DGFiP à votre disposition, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je ne suis pas au courant de cette initiative de la direction générale des finances publiques. Mon ministère n’en a pas fait la demande et je doute que M. Darmanin en soit à l’origine. Nous allons essayer de tirer cela au clair.

J’attends la remise des études acoustiques en cours. Ces nuisances sonores supplémentaires concernent 500 foyers sur la ligne Sud-Europe-Atlantique et 600 sur la ligne Bretagne-Pays de la Loire.

Des mesures sont nécessaires pour vérifier si les concessionnaires ont bien respecté la réglementation acoustique. Il est possible qu’ils l’aient fait et que les riverains se plaignent malgré tout : dans le domaine ferroviaire, la réglementation se fonde sur un bruit moyen qui ne tient pas compte des pics sonores subis par les riverains…

Nous disposerons de ces résultats dans les prochaines semaines. Que les concessionnaires l’aient ou non respectée, nous aurons sans doute à revoir cette réglementation qui ne traduit pas la gêne ressentie par les riverains.

Nous devrons, avec l’ensemble des partenaires concernés, chercher des solutions pour répondre aux difficultés des riverains… sans passer par la direction générale des finances publiques. Encore une fois, monsieur le sénateur, je suis étrangère à cette initiative.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.

M. Dominique de Legge. Merci de votre réponse, madame la ministre.

Ce courrier, que je vous ai fait transmettre hier, n’a pas été envoyé sur l’initiative du Gouvernement. J’en prends acte, même s’il provient bien de la direction générale des finances publiques.

Nous sommes sur la même longueur d’onde : attendons le résultat des études en cours.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Avant toute chose, je tiens à saluer l’intérêt, mais aussi la difficulté, de l’exercice mené par la commission Duron pour cadrer la définition d’une stratégie d’investissement pluriannuelle dans les infrastructures de transport. Toutefois, nombre des conclusions qu’elle présente méritent d’être discutées et critiquées.

Certes, d’importants investissements doivent être prioritairement consacrés à l’entretien, à la modernisation et à la régénération des réseaux existants, mais il est essentiel de préserver une part des investissements pour les nouvelles infrastructures qui dynamisent l’économie et préparent l’avenir, dans un contexte de plus en plus concurrentiel avec nos voisins. Il s’agit d’une question de curseur et de volonté politique.

À cet égard, les recommandations du rapport Duron concernant les voies d’accès de la liaison Lyon-Turin relèvent du non-sens économique, écologique et géostratégique.

Le rapport recommande en effet de repousser les travaux d’aménagement des accès français au-delà de 2038. Or le Lyon-Turin constitue un ensemble cohérent, qu’il s’agisse des accès ou des tunnels. Cette infrastructure répond à toutes les priorités affichées par votre gouvernement : transition écologique via le report modal, compétitivité des entreprises dans les échanges internationaux, relance de la dynamique européenne…

Il s’agit aussi de soutenir la mobilité du quotidien, de Lyon vers les métropoles du sillon alpin. C’est notamment le cas de Grenoble, onzième métropole française avec 450 000 habitants, qui reste, une fois de plus, à l’écart des projets d’aménagement structurants du territoire français.

La ligne Lyon-Saint-André-le-Gaz-Grenoble a beau être un point noir connu et reconnu de notre réseau ferroviaire, emprunté chaque jour par des dizaines de milliers d’usagers, rien n’est fait pour la soutenir. Le report au-delà de 2038 est une entrave forte et durable à la mobilité qui se traduira par un enclavement de la métropole grenobloise.

Madame la ministre, le Lyon-Turin est une occasion historique de développer et de moderniser le réseau ferroviaire du sillon alpin. Le Gouvernement envisage-t-il de remettre à niveau et d’améliorer la desserte de la métropole grenobloise ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Il faut bien distinguer la réalisation du tunnel de base Lyon-Turin et de ses accès, d’une part, et la performance des liaisons TER, des trains de la vie quotidienne, sur les axes Lyon-Grenoble et Lyon-Chambéry, d’autre part.

On ne facilite pas la prise de décision en agrégeant des problématiques différentes. Au regard de ce qu’est aujourd’hui le trafic de fret ferroviaire dans le tunnel existant, il paraît raisonnable de réaliser le tunnel de base pour redynamiser ce même trafic et « jouer dans la même cour » que nos voisins, qui ont creusé deux tunnels entre l’Italie et la Suisse et un tunnel entre l’Italie et l’Autriche.

Toutefois, sauf à imaginer une croissance spectaculaire du trafic de fret – on peut l’espérer, mais il est préférable de s’appuyer sur des perspectives crédibles –, les lignes actuelles permettent l’accès du fret ferroviaire à ce tunnel.

Pour autant, nous ne devons pas sous-estimer les besoins des liaisons Lyon-Chambéry et Lyon-Grenoble qui ont été quelque peu occultés dans cette approche d’ensemble. Ces besoins, qui ont été identifiés, doivent être traités indépendamment de la question des accès du fret ferroviaire au Lyon-Turin.

Nous allons faire avancer les études dans cette direction. Je suis consciente de la nécessité d’améliorer la performance des liaisons de la vie quotidienne, et notamment de celles entre Lyon et Grenoble.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Madame la ministre, GPSO, c’est Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne. Où en est la liaison Bordeaux-Espagne ?

Premièrement, le rapport Duron repousse au-delà de 2038, c’est-à-dire aux calendes grecques, la construction d’une ligne nouvelle Bordeaux-Dax-Espagne, alors que les Espagnols construisent, eux, le « Y basque » Madrid-Bilbao-Saint-Sébastien pour 2023.

Deuxièmement, oubliant que les collectivités du sud aquitain ont payé pour la LGV du nord, certains membres du Conseil d’orientation des infrastructures vont plus loin et considèrent que le gain de temps serait identique en réalisant des travaux sur la ligne actuelle.

Troisièmement, le Conseil, dans son ensemble, n’envisage la construction d’une ligne nouvelle qu’au moment où la ligne actuelle sera saturée.

Quatrièmement, nous savons aussi qu’il n’existe pas d’acceptabilité sociétale et économique pour la ligne nouvelle en Pays basque français.

Dans ces conditions, la construction d’une ligne nouvelle est bel et bien durablement reportée, ce que je regrette vivement.

Dans l’attente, une solution alternative doit être trouvée. Vous l’avez esquissée voilà quelques instants, il reste à la préciser. Elle passe par des travaux de régénération de la ligne actuelle Bordeaux-Facture-Dax.

Ces travaux doivent être programmés d’ici à 2023 pour améliorer la desserte du sud des Landes, du Pays basque, de Pau et du Béarn. Cela serait d’autant plus opportun que SNCF Réseau a d’ores et déjà programmé des travaux pour la partie Bayonne-Hendaye.

Cette alternative, à défaut de la création d’une ligne nouvelle, permettra au moins une amélioration substantielle du temps de parcours et pourra être réalisée dans des délais et à des coûts acceptables à la fois pour les usagers et pour nos partenaires espagnols.

Elle seule peut rendre plus ou moins acceptable le report du projet de ligne nouvelle à un horizon postérieur à 2038.

Ce report, madame la ministre, ne peut signifier l’absence de travaux d’amélioration sur les lignes Bordeaux-Dax-frontière et Bordeaux-Dax-Pau. Il nous faut des garanties, nous ne pouvons subir une double peine ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Le rapport a le mérite de mettre sur la table le coût de ce projet. Eu égard aux ressources disponibles, sauf à augmenter considérablement les moyens consacrés aux infrastructures de transport, il n’est pas possible de réaliser ce projet à court terme.

J’ai régulièrement des échanges très nourris avec les élus de Nouvelle-Aquitaine, et notamment avec le président Alain Rousset. J’ai également reçu une délégation, conduite par ma collègue Geneviève Darrieussecq, pour évoquer cette question.

Cette ligne a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, ce qui permet de préserver l’avenir et de prendre en compte cette future infrastructure dans les documents d’urbanisme. Il s’agit d’un point important.

Par ailleurs, les collectivités des régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ont proposé de réfléchir à des ressources financières locales supplémentaires, comme pour la Société du Grand Paris en Île-de-France.

Nous sommes en train de mener ces travaux avec les collectivités concernées. Nous verrons, compte tenu des ressources disponibles de l’AFITF et des éventuelles ressources complémentaires qui pourraient être dégagées, quel sera le meilleur calendrier de réalisation de cette ligne.

Monsieur le sénateur, je vous confirme que la perspective de cette ligne nouvelle ne devrait pas avoir de conséquence sur la réalisation des travaux d’entretien, de modernisation et d’amélioration de la ligne existante.

Dans de nombreux territoires, la construction d’une ligne à grande vitesse a trop souvent conduit à négliger l’entretien et la modernisation de la ligne existante. Nous rencontrons très fréquemment cette difficulté aujourd’hui et c’est justement ce que nous voulons éviter à l’avenir.