Mme Sophie Joissains. Le groupe Union Centriste votera avec force et conviction en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. –M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux le dire d’emblée, j’adore les communes ! Puisque Mme Jouve a cité le grand philosophe Hegel, je lui répondrai que le sens de l’histoire ne s’oppose pas à la réalité communale, même s’il suppose aussi de se confronter au réel. Dans un village de 150 habitants, lors d’une élection municipale, on parle des questions propres à la commune, et l’on a bien raison de le faire. Dans une commune de 3 000 habitants, c’est pareil. Dans les plus grandes entités, à savoir les vingt-deux métropoles, il y a une collection d’élections municipales à l’occasion desquelles on parle des réalités municipales, et l’on a bien raison aussi de le faire.

M. Pierre-Yves Collombat. Eh oui, c’est cela une intercommunalité !

M. Jean-Pierre Sueur. Il existe, certes, le fléchage. Je n’en dirai pas de mal puisque nous sommes quelques-uns, ici, à avoir beaucoup œuvré en sa faveur…

M. Michel Savin. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. … et pour qu’il y eût deux listes…

M. Pierre-Yves Collombat. Eh oui, une intercommunalité, c’est une intercommunalité !

M. Jean-Pierre Sueur. … sur chaque bulletin de vote lors des élections municipales. Voilà la vérité.

Il n’empêche, au sein des métropoles, les conseils sont présidés par des personnalités dont le pouvoir est deux, trois, quatre, cinq fois plus important que celui du maire de la ville-centre.

M. Michel Savin. C’est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est donc qu’ils ne sont pas démocratiques !

M. Jean-Pierre Sueur. Ces présidents gèrent des budgets très importants.

M. Michel Savin. Eh oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, il est une réalité qui remonte à la Révolution française. Il fut décidé, à l’époque, que ceux qui levaient l’impôt devaient être élus au suffrage universel direct.

M. Pierre-Yves Collombat. Il n’était pas direct !

M. Alain Richard. Ni universel !

M. Jean-Pierre Sueur. La réalité, c’est qu’il y a des élections municipales, mais aucun lieu où l’on débat de l’avenir de l’entité, aujourd’hui la métropole, hier la communauté urbaine,…

M. Pierre-Yves Collombat. C’est dans le cadre des élections municipales que l’on débat !

M. Jean-Pierre Sueur. … au sein de laquelle, vous le savez, monsieur Collombat, beaucoup de choses sont décidées.

M. Pierre-Yves Collombat. Je répète que c’est dans le cadre des élections municipales que l’on débat !

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste, que je représente ici, a toujours souhaité qu’il y eût un mode de scrutin spécifique. Madame la ministre, vous l’avez rappelé très pertinemment, en 2014, lors de la commission mixte paritaire, à laquelle je participais, nous avions trouvé, je m’en souviens très bien, cet accord, un peu facile, je dois le dire, qui n’était pas à l’honneur du Parlement, en vertu duquel le Gouvernement présenterait un projet de loi avant le 1er janvier 2019.

À mon sens, plusieurs cas sont possibles. D’ailleurs, a été votée par l’Assemblée nationale, je le rappelle, sous la présidence de François Hollande, une disposition en vertu de laquelle il y avait deux collèges. On en voit aujourd’hui les limites, que vous avez décrites, madame la rapporteur. Mais je pense que tout cela n’est pas de l’ordre de l’impossible.

Madame la ministre, j’ai été très attentif aux calculs que vous nous avez présentés. Ayant entendu parler le Premier ministre hier, je voudrais vous inviter à appliquer la même logique mathématique à ce qui nous est proposé pour le Sénat.

M. Michel Savin. Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur. Si nous passons de 348 sénateurs à 244 et qu’il y a toujours un sénateur par département et par collectivité particulière, expliquez-moi comment, avec un tel dispositif, puisqu’il s’agirait d’une loi organique, on respectera la jurisprudence du Conseil constitutionnel,…

M. Jean-Pierre Sueur. … laquelle prévoit que l’écart par rapport à la représentation démographique ne peut excéder plus ou moins 20 %.

M. Alain Richard. Ce n’est pas exact, ce n’est pas ce qu’a dit le Conseil constitutionnel !

M. Jean-Pierre Sueur. À moins, monsieur Richard, que l’on change la Constitution à cet égard, évidemment.

M. François Grosdidier. On va la changer !

M. Alain Richard. Le Conseil constitutionnel n’a jamais dit cela ! Puis-je vous interrompre, monsieur Sueur ?

M. Jean-Pierre Sueur. Nous en reparlerons.

Mme Françoise Laborde. Ce sera le combat des chefs !

M. Jean-Pierre Sueur. On peut toujours objecter qu’il existe des obstacles techniques, madame la ministre, mais il faut tout de même essayer de prendre en compte la réalité politique. Dans le respect des communes, il n’est absolument pas absurde de trouver un chemin pour assurer davantage de démocratie, bien que je connaisse les avantages du fléchage, dans le mode d’élection des conseils des métropoles. Vous le savez bien pour l’avoir dit vous-même à l’instant, la question est ouverte.

Je conclus, madame la présidente, en annonçant, non sans avoir souligné, madame Jouve, tout le mérite de votre propos, que notre groupe ne votera pas cette proposition de loi, et ce pour une raison très simple, que je n’ai pas encore évoquée mais que chacun connaît : ce fut une facilité en 2014 que d’écrire cet article 54 ; même si, mes chers collègues, vous votez sa suppression à une large majorité, cela n’aura absolument aucune conséquence concrète. Il va de soi – vous connaissez cela parfaitement, monsieur le président de la commission des lois – que le Gouvernement peut déposer un projet de loi sur un sujet comme le mode d’élection des élus des conseils de métropole à tout moment.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Il ne manquerait plus que ça !

M. Jean-Pierre Sueur. Il pourra le faire dans un mois, dans deux mois, avant le 1er janvier 2019, et même après. C’est pourquoi cette proposition de loi relève de ce que l’un de nos grands auteurs auquel je rends hommage, je veux parler de Beaumarchais, appelait sagement la précaution inutile. (MM. Yves Daudigny, Jean-Pierre Corbisez et Michel Savin applaudissent.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, il me serait agréable que vous respectiez vos temps de parole.

M. Jean-Pierre Sueur. J’ai suivi l’exemple de Mme Joissains, madame la présidente !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous pouviez suivre le mien, monsieur Sueur !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, chers collègues, l’article 54 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, prévoit que le législateur définisse, avant le 1er janvier 2019, un nouveau mode de scrutin pour l’élection des conseillers métropolitains.

Depuis plus de quatre ans, le Sénat s’est opposé à une telle réforme, craignant qu’elle ne remette en cause la commune en tant que cellule de base de la démocratie locale. Dans cette logique, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tend à confirmer l’actuel mode d’élection des conseillers métropolitains et vise ainsi à abroger l’article 54 de la loi MAPTAM.

Au même titre que les autres EPCI à fiscalité propre, les métropoles sont nées d’une volonté de coopération de plusieurs collectivités territoriales qui ont souhaité mutualiser certaines compétences et mener des projets d’intérêt métropolitain. Aussi, procéder à des modifications du mode d’élection des conseillers métropolitains reviendrait à remettre en cause les fondements mêmes de l’intercommunalité. Réformer le mode d’élection des conseillers métropolitains présente deux risques majeurs : d’une part, la transformation des métropoles en collectivités territoriales ; d’autre part, la mort des communes, cellules de base de la démocratie locale.

Comment imposer une complexité administrative supplémentaire ? Comment imaginer un nouvel empilement institutionnel ? En tant que législateurs, nous devons aussi écouter et respecter la volonté des élus locaux, qui souhaitent, de même que leurs administrés, davantage de simplification. Nous devons nous garder d’alourdir encore le millefeuille territorial. Les conseils métropolitains doivent donc rester l’émanation directe des conseils municipaux.

Je me réjouis que la commission des lois du Sénat ait adopté sans réserve cette proposition de loi. Considérant qu’il est souhaitable de conserver l’ancrage communal des délégués communautaires, pour qu’ils demeurent les représentants des conseils municipaux dans toutes les intercommunalités, des communautés de communes aux métropoles, le groupe Les Indépendants approuve l’abrogation de l’article 54 de la loi MAPTAM et votera en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi me donne l’occasion de revenir sur ce grand mal qui frappe nos communes et nos départements depuis un certain nombre d’années : celui des métropoles.

Il nous est proposé d’abroger l’article 54 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Ce dont il est question ici, c’est bel et bien du sujet des grandes métropoles, au travers de celui de l’élection de ses conseillers. Que reproche-t-on à l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct ? La même chose que l’on reproche aux métropoles elles-mêmes : l’éloignement des réalités locales et la création d’un doublon administratif non représentatif.

Avec les métropoles, vous avez encore créé un échelon administratif supplémentaire, qui étouffe littéralement les élus locaux et dilue toujours plus leur pouvoir décisionnel, pour finalement le leur retirer, alors qu’ils sont au contact des réalités, et donc des besoins de leur population.

Vous avez aussi créé de nouvelles sources de dépenses, alors même que les collectivités se trouvent asphyxiées par la baisse des dotations de l’État, ce qui oblige les communes à accroître la pression fiscale locale jusqu’à un niveau confiscatoire, comme à Marseille.

La décentralisation désordonnée que nous subissons entraîne une situation déjà intenable, avec des collectivités aux ressources réduites, mais aux compétences larges et aux coûts de fonctionnement énormes.

Par exemple, la métropole Aix-Marseille Provence, créée dans l’unique but, nous avait-on dit, de développer les transports et de favoriser l’emploi ainsi que l’activité économique, a très vite dérapé, pour se mêler de tout et de n’importe quoi, depuis la voirie jusqu’à l’entretien des piscines. Les coûts et la dette explosent, et c’est la guerre de tranchées qui s’instaure entre les maires, qui perdent inopportunément leurs prérogatives, et un président de la métropole tout aussi puissant qu’éloigné des réalités locales. En définitive, ce sont les habitants qui trinquent deux fois : ils paient davantage pour des services de moins en moins ou mal rendus, avec un décideur désormais inaccessible.

L’imbroglio entre toutes les strates de l’échelon administratif est une évidence ; nous l’avions annoncé, il saute désormais aux yeux. La solution trouvée par l’exécutif ? Fusionner, d’ici à 2021, cinq métropoles et départements, dont Aix-Marseille Provence avec les Bouches-du-Rhône. Je m’oppose catégoriquement à cette dilution, qui est un non-sens et bafoue encore une fois chacune des communes de Provence.

Contrairement à ce qu’affirment certains, il n’y a ni inéluctabilité ni sens de l’histoire, il n’y a que la volonté d’hommes et de femmes attachés, ou pas, à l’identité politique et administrative de leur pays.

Je réaffirme que le Front national souhaite que l’organisation territoriale de la France reste fidèle à son histoire, qui repose sur un pouvoir étatique relativement fort, capable de respecter les autonomies et les particularités locales. Nous rejetons cette vision merkelienne, européiste qui vise à l’uniformisation de nos territoires par le biais de la création de métropoles mastodontes faisant table rase de l’État-nation et retirant aux communes leurs libertés, donc leur identité.

Maintenir une organisation administrative cohérente, garantissant les particularismes, les identités locales et l’unité nationale au travers d’un triptyque puissant et moderne « communes-départements-État » est un enjeu majeur et une alternative crédible, à laquelle sont attachés les élus locaux et les Français.

Pour conclure d’une phrase, en matière d’organisation politique, administrative et électorale aussi, il ne saurait y avoir de modernité qu’enracinée dans la tradition ! (M. Sébastien Meurant applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, l’objet de la présente proposition de loi est, comme nous en rêvions, clair et simple. Son article unique permettra d’apporter une réponse concrète et pragmatique, dès les élections municipales prochaines de 2020, à la question de l’élection simultanée des conseillers métropolitains.

J’aurais évidemment salué des mêmes propos cette initiative si elle avait été le fait d’un autre groupe parlementaire, mais il se trouve qu’il s’agit d’une proposition de loi du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Que l’on me permette donc de m’en réjouir, de féliciter tout particulièrement notre collègue Mireille Jouve et de saluer la qualité du travail et la sagacité de Mme la rapporteur, Agnès Canayer.

Sur ce sujet, je suis intimement convaincue que, au-delà du récurrent et légitime débat sur les compétences de nos collectivités, la question des modalités de l’élection des conseillers métropolitains n’est pas accessoire. Bien au contraire, elle amène à poser, en corollaire, celle de l’avenir de nos communes.

Nous sommes placés aujourd’hui devant un choix important. Il faut que chacun assume le sien en conscience. Soit nous nous acheminons, ainsi que la loi MAPTAM en dispose, vers la désignation des conseillers métropolitains par le biais d’un scrutin autonome, d’une élection à part entière, déconnectée de l’élection communale, dont il appartient au Gouvernement de définir encore les modalités ; soit nous restons dans le cadre du système actuel de fléchage, qui a démontré, par défaut mais sans défaut, toute sa pertinence.

Ce mode de scrutin, contrairement à ce que nous entendons dire parfois, n’est aucunement un déni de démocratie. La forme – un seul bulletin au lieu de deux – ne doit pas nous faire oublier le fond : le système de fléchage est bien un scrutin au suffrage universel direct ; il répond donc aux exigences démocratiques qui nous animent toutes et tous ici.

Pour aller plus avant et vous dire le fond de ma pensée, j’estime qu’il est tout simplement inconcevable que les métropoles de droit commun se transforment en collectivités territoriales à statut particulier. Cette conviction, je la tiens de mon expérience de conseillère métropolitaine à Bordeaux. L’intercommunalité doit demeurer une strate de projets, de coopération et d’investissements sur des dossiers structurants à l’échelle métropolitaine ; elle ne peut remplacer le fait communal. À Bordeaux, l’intégration renforcée au sein de la métropole prend la forme d’une mutualisation des services supports, plus ou moins poussée en fonction du choix des communes de conserver, ou pas, certaines compétences. Cela fonctionne très bien ainsi.

Il convient également de dire qu’il est erroné, ou un brin fallacieux, d’affirmer que le système actuel fait disparaître la métropole du débat électoral. Au contraire, le fait métropolitain s’impose à nous : c’est une évidence dans les vingt-deux territoires concernés. Qui oserait prétendre le contraire ? Cessons de faire croire que le débat qui a lieu lors des campagnes municipales serait uniquement centré sur les « bouts de trottoir » de nos administrés. Ce n’est pas vrai, et nos concitoyens le savent : quand un campus d’excellence s’installe, quand de grandes entreprises s’implantent, quand il s’agit de doter une métropole d’un pont, d’un stade ou d’une « arena », nous savons tous que nous parlons de l’intercommunalité.

La métropole est donc l’échelon du projet, de l’infrastructure, mais aussi cet acteur qui s’ouvre vers l’extérieur, qui engage le dialogue avec les villes d’équilibre, qui parle aux agglomérations, qui contractualise avec les territoires de son écosystème le plus en difficulté.

Il y a cependant un préalable de gouvernance : la métropole doit mettre les élus de toutes les communes qui la composent autour de la table, et plus précisément leurs maires. Nous sommes là au cœur du fondement du pacte intercommunal. C’est un prérequis indispensable à une gouvernance qui privilégie le dialogue : dialogue entre les élus, mais aussi dialogue entre les services, rendu possible parce que le maire de la commune siège à la métropole et qu’il y est considéré, écouté et entendu.

Nous refusons la généralisation automatique d’un système « à la lyonnaise », où certains maires inaugureraient les chrysanthèmes dans leur commune, mais ne seraient pas représentés au sein de la métropole. La représentation des communes n’est pas négociable !

Mme Nathalie Delattre. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, cette proposition de loi vise à défendre la place de la commune, fruit de la légitimité et de la longévité de l’histoire républicaine de notre pays. Quant à l’intercommunalité, laissons-lui la place qui est la sienne, c’est-à-dire le prolongement direct des enjeux municipaux et la résultante d’un pacte politique pour le territoire, autour d’un projet partagé.

Nos vingt-deux métropoles ne rentrent pas dans des cases. Elles ont leurs spécificités, qu’elles soient de taille européenne ou de taille plus modeste, qu’elles soient administrées dans une logique de cogestion, comme à Bordeaux, ou selon un autre mode de gouvernance.

La grande majorité des membres du groupe du RDSE votera en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. Madame la ministre, au-delà de l’avis de sagesse que vous avez émis, nous attendons à présent du Gouvernement qu’il prenne clairement position avant l’échéance du 1er janvier 2019 posée par la loi MAPTAM, en faisant sienne cette proposition du groupe du RDSE, dans le respect des communes et de leurs représentants, sans faire appel à des scenarii alambiqués qui mettraient en danger nos communes. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Jean-Marie Mizzon, Pierre-Yves Collombat et François Grosdidier applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au fond, cette proposition de loi nous invite simplement à constater le caractère mort-né d’un texte. C’est toujours triste, certes…

Pour ma part, je souhaitais vivement un accord en CMP sur la loi MAPTAM, pour des raisons que tout le monde comprend. Mais reconnaissons qu’il s’agissait sur ce point politique d’un accord bancal, pour dire les choses gentiment.

Premièrement, il était formellement contraire aux usages constitutionnels, puisqu’il enjoignait au Gouvernement de déposer un projet de loi dans un sens donné.

Deuxièmement, il était fondé sur une terminologie inexacte. Il faisait référence au suffrage universel direct, mais l’élection se déroule d’ores et déjà au suffrage universel direct. Nous devrions plutôt parler, à propos de cette idée mort-née, de suffrage supra-communal, ce qui est différent.

L’injonction adressée au Gouvernement n’était en outre pas réaliste en termes de délais. Il était demandé que le Gouvernement prenne position avant le 30 juin 2015. En réalité, celui-ci ne l’a fait qu’en janvier 2017, au moyen d’un rapport constatant que ce suffrage supra-communal, que l’on appelle à tort suffrage universel direct, se heurtait à des impossibilités constitutionnelles.

Je voudrais toutefois aller plus loin. Pour moi, l’idée même de cette double élection est contradictoire. En effet, il est illusoire de penser que l’on puisse se passer d’une relation systématique, organisée entre la métropole et ses communes, y compris avec un niveau d’intégration urbaine important. Une telle idée ne relève pas du sens commun.

Nous formons une assemblée élue au suffrage indirect, mais nous connaissons tout de même un peu les électeurs de ce pays. Or, contrairement à ce que nous lisons parfois dans des articles rédigés à la va-vite, nous savons que la volonté de conserver le cadre communal n’est pas une lubie de quelques dizaines de milliers d’élus épris de fauteuils. C’est le souhait profond des citoyens de ce pays, qui ont parfaitement compris que le niveau communal représentait l’espace démocratique essentiel, le lieu de la participation et du contact direct entre l’élu et l’électeur.

L’idée du scrutin supra-communal est donc contradictoire. Elle ne pourrait être satisfaite qu’à travers un système qui transformerait l’intercommunalité en collectivité, avec une série de conséquences fâcheuses, notamment une grande rigidité dans la répartition des compétences entre la collectivité-métropole et les collectivités-communes. J’espère d’ailleurs qu’on ne rencontrera pas, à terme, ces problèmes dans l’expérience lyonnaise.

Le principe de base de l’intercommunalité, depuis son invention il y a 128 ans, c’est une délégation des compétences dans les deux sens. Il existe une certaine flexibilité – celle-ci est d’ailleurs insuffisante, selon moi, car les gouvernements successifs ont un peu trop écouté l’une des directions du ministère de l’intérieur… – et une possibilité d’évolution dans la relation administrative entre les communes et l’intercommunalité. Si l’on crée une intercommunalité qui devient une collectivité pour elle-même, cette fluidité n’existe plus.

Le Gouvernement que vous représentez aujourd’hui nous appelle à la sagesse, madame la ministre. J’apprécie beaucoup, même si nous sommes là pour cela, en principe… (Sourires.) Il me semble toutefois que vous pourrez aller un peu plus loin dans la suite du débat, notamment si celui-ci se poursuit à l’Assemblée nationale.

Sur ce sujet, j’ai entendu deux choses simples de la bouche du Président de la République. Elles montrent que, malgré sa relative inexpérience – à laquelle, il l’a dit lui-même, il essaye de remédier (Sourires.) – il connaît assez bien le tissu territorial de ce pays.

Premièrement, il n’a pas l’intention de proposer une nouvelle grande réorganisation territoriale, préférant amortir celles qui ont eu lieu.

Deuxièmement, les éventuelles adaptations spécifiques à la situation des métropoles devront être volontaires. Et ce n’est pas un hasard s’il a parlé de six ou de huit métropoles, et non de vingt-deux.

Sur la base de ces deux prises de position, il me semble que le Gouvernement pourrait progresser encore un peu et se prononcer clairement en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – MM. Abdallah Hassani et Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud.

M. Mathieu Darnaud. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, si notre collègue Jean-Pierre Sueur voit dans ce texte une précaution inutile, je lui trouve pour ma part une double vertu : réaffirmer la place de la commune dans le concert des métropoles et jeter un regard objectif sur la situation actuelle des métropoles.

Je remercie notre collègue Mireille Jouve de son initiative, qui nous permet d’anticiper sur une question qui devrait venir en débat assez rapidement.

Je remercie également Mme la rapporteur d’avoir rappelé le travail que nous avons effectué, au sein de la commission des lois, sur l’évaluation des textes de réforme territoriale, et plus particulièrement sur la situation actuelle des métropoles.

Aujourd’hui, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas un modèle de métropole, mais plusieurs. Avant d’imaginer un mode de scrutin qui s’appliquerait à l’ensemble des métropoles, il est donc bon de se demander comment uniformiser les différentes métropoles. Rappelons qu’à la première vague de métropoles créées grâce à la loi MAPTAM ont succédé les débats sur le statut de Paris et l’aménagement métropolitain, et qu’un seul article du texte traitait de la création de sept nouvelles métropoles. Rien que cela !

Les Français et les élus réclament une pause. Ils ne souhaitent pas de nouveau big bang territorial. Il est temps pour nous de porter un regard lucide sur la situation des métropoles et d’essayer, autant que possible, de leur donner une cohérence.

Soyons lucides également sur la tendance à prendre comme point de comparaison la métropole de Lyon, qui dispose d’un statut particulier. Pour une collectivité à part entière, il n’est pas anormal de prévoir un tel mode de scrutin.

Madame la ministre, vous avez rappelé à juste titre les difficultés techniques de mise en place du scrutin au suffrage universel. Il est nécessaire aussi de poser la question du lien entre départements et métropoles, au moins pour les principales d’entre elles.

Tous ces sujets nécessitent que l’on parle avant tout de ce que sont aujourd’hui les métropoles, sans vouloir instaurer à tout prix ce mode de scrutin dont nous avions fort heureusement réussi à reporter le déploiement de 2017 à 2019. Voilà pour la réflexion sur la forme.

Sur le fond, je suis certain que la véritable vertu de ce débat sera d’éclairer les réflexions du Gouvernement sur cette question ô combien importante de l’avenir de la commune – Pierre-Yves Collombat et d’autres l’ont souligné avant moi.

À n’en pas douter, le mode de scrutin que nous mettrions en place serait, demain ou après-demain, généralisé à toutes les formes d’intercommunalités. Nous sommes une majorité ici à le refuser, car nous avons la conviction profonde que la commune est la cellule de base de la démocratie française et la porte d’entrée vers l’intercommunalité, laquelle doit rester un espace de projets et de mutualisation.

Oui, nous réaffirmons notre attachement à la commune. Au moment où nos concitoyens nous demandent de soutenir cet échelon, auquel ils sont attachés, car il est gage de proximité et de lien social, ne soyons pas tentés de lui tourner le dos. Si l’on en juge par la participation aux scrutins municipaux, la commune reste finalement la collectivité la plus chère au cœur de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, nous voterons ce texte avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)