Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

MM. Yves Daudigny, Daniel Dubois.

1. Procès-verbal

2. Conférence des présidents

conclusions de la conférence des présidents

3. Questions d’actualité au Gouvernement

climat social

M. Patrick Kanner ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.

réforme de la sncf

M. Joël Guerriau ; M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Joël Guerriau.

financement du centre national pour le développement du sport

M. Michel Savin ; Mme Laura Flessel, ministre des sports ; M. Michel Savin.

agressions de médecins généralistes

M. Jean-Marie Mizzon ; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

préparation du sommet de la francophonie en arménie

M. André Gattolin ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

plan autisme

M. Éric Gold ; M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

mouvements sociaux

Mme Éliane Assassi ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.

chu de guadeloupe

Mme Victoire Jasmin ; M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; Mme Victoire Jasmin.

traitement par dialyse

M. René-Paul Savary ; M. Christophe Castaner, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement ; M. René-Paul Savary.

contrat d’apprentissage des moins de 16 ans

M. Claude Kern ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale.

scolarité des jeunes enfants

Mme Mireille Jouve ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale.

occupation des places d’hébergement d’urgence

Mme Jacqueline Eustache-Brinio ; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

voies sur berges à paris

M. Jean-Raymond Hugonet ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

4. Communication relative à une commission mixte paritaire

5. Élection des conseillers métropolitains. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Mireille Jouve, auteur de la proposition de loi

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Sophie Joissains

M. Jean-Pierre Sueur

M. Alain Marc

M. Stéphane Ravier

Mme Nathalie Delattre

M. Alain Richard

M. Mathieu Darnaud

M. Jacques Bigot

M. Joël Guerriau

Mme Christine Lavarde

M. Michel Forissier

Mme Jacqueline Gourault, ministre

Clôture de la discussion générale.

Article unique

M. Jean-Pierre Grand

M. Arnaud Bazin

M. Michel Forissier

Mme Samia Ghali

M. François Grosdidier

M. Michel Savin

M. Michel Vaspart

M. Philippe Dominati

Mme Jacqueline Gourault, ministre

Amendement n° 8 rectifié quater de M. Michel Savin. – Rejet.

Amendement n° 9 rectifié de M. Michel Amiel. – Retrait.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article unique

Amendement n° 1 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.

Amendement n° 2 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.

Amendement n° 3 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.

Amendement n° 6 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.

Amendement n° 4 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.

Amendement n° 5 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.

Intitulé de la proposition de loi

Amendement n° 7 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.

Vote sur l’ensemble

M. Jean-Claude Requier

M. Pierre-Yves Collombat

Mme Michèle Vullien

Mme Françoise Laborde

Adoption, par scrutin public n° 82, de la proposition de loi dans le texte de la commission.

6. Quelles perspectives pour les études de médecine ? – Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Débat interactif

M. Bernard Delcros ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

Mme Marie-Pierre Monier ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

Mme Samia Ghali ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

M. Jean-Claude Requier ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

Mme Chantal Deseyne ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

M. Abdallah Hassani ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

Mme Laurence Cohen ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Laurence Cohen.

M. Hervé Maurey ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

M. Joël Guerriau ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

M. Guillaume Arnell ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

M. Jean-François Rapin ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

M. Antoine Karam ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

M. Pierre Ouzoulias ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; M. Pierre Ouzoulias.

M. Yves Daudigny ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

Mme Catherine Deroche ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

7. Adoption des conclusions de la conférence des présidents

8. Ordre du jour

COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Yves Daudigny,

M. Daniel Dubois.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Conférence des présidents

M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie hier ont été adressées par courriel et sont consultables sur le site du Sénat.

Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.

conclusions de la conférence des présidents

SEMAINE DE CONTRÔLE

Jeudi 5 avril 2018

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 5 avril à 11 heures

De 16 h 15 à 20 h 15

(Ordre du jour réservé au groupe du RDSE)

- Proposition de loi relative à l’élection des conseillers métropolitains, présentée par Mme Mireille Jouve et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 382, 2017-2018)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

- Débat sur le thème « Quelles perspectives pour les études de médecine ? »

• Temps attribué au groupe du RDSE : 10 minutes (y compris la réplique), puis réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 21 questions-réponses : 2 minutes maximum par orateur (y compris la réplique) avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 10 avril 2018

À 14 h 30

- Explications de vote puis vote sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence (procédure accélérée) (n° 334, 2017-2018)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il sera examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 9 avril à 12 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 avril à 15 heures

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (texte de la commission, n° 397, 2017-2018)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 9 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 10 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 avril à 15 heures

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 10 avril à 12 h 30

À 17 h 45 et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (texte de la commission, n° 397, 2017-2018)

Mercredi 11 avril 2018

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- Nomination des 21 membres de la commission d’enquête sur les mutations de la Haute fonction publique et leurs conséquences sur le fonctionnement des institutions de la République

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures pour cette commission d’enquête : mardi 10 avril à 16 heures

- Nomination des 27 membres de la mission d’information sur le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales, des filières et métiers d’avenir

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mardi 10 avril à 16 heures

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (texte de la commission, n° 353, 2017-2018)

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 10 avril à 15 heures

- Suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (texte de la commission, n° 397, 2017-2018)

Jeudi 12 avril 2018

À 10 h 30 et à 14 h 30

- Éventuellement, suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 314, 2017-2018)

Mardi 17 avril 2018

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes (n° 260, 2017-2018)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 17 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 avril à 15 heures

Mercredi 18 avril 2018

À 14 h 30

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (n° 388, 2017-2018)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 18 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 avril à 15 heures

À 21 h 30

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, portant sur le projet de programme de stabilité pour 2018-2022, en application de l’article 50-1 de la Constitution

• Temps attribué à la commission des finances : 15 minutes

• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 5 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 17 avril à 15 heures

- Suite éventuelle de la proposition de loi portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (procédure accélérée) (n° 388, 2017-2018)

Jeudi 19 avril 2018

À 10 h 30

- 3 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale du Nigeria relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (n° 468, 2016-2017)

=> Projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 184 de l’Organisation internationale du travail relative à la sécurité et la santé dans l’agriculture (n° 597, 2016-2017)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la viabilité des routes nationales 20, 320 et 22 entre Tarascon-sur-Ariège et la frontière franco-andorrane (n° 303, 2017-2018)

• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 17 avril à 15 heures

- Projet de loi autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (n° 227, 2017-2018)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 18 avril à 15 heures

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la protection des données personnelles ou nouvelle lecture

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 18 avril à 15 heures

En cas de nouvelle lecture :

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 16 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 19 avril à l’ouverture de la discussion générale

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 19 avril à l’issue de la discussion générale

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 19 avril à 11 heures

À 16 h 15

- Éventuellement, suite de l’ordre du jour du matin

Suspension des travaux en séance plénière : du lundi 23 avril au dimanche 6 mai 2018

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mercredi 9 mai 2018

À 14 h 30

- Débat sur l’Union européenne face aux défis de la sécurité, des migrations et des frontières (demande de la commission des affaires européennes)

• Temps attribué à la commission des affaires européennes : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 7 mai à 15 heures

- Débat sur l’Union européenne face aux défis de la compétitivité, de l’innovation, du numérique et de l’intelligence artificielle (demande de la commission des affaires européennes)

• Temps attribué à la commission des affaires européennes : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 7 mai à 15 heures

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 15 mai 2018

À 14 h 30

- Débat sur « les infrastructures routières à la suite de la présentation du Rapport du Conseil d’orientation des infrastructures du 1er février 2018 » (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 14 mai à 15 heures

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 15 mai à 12 h 30

À 18 heures

- Proposition de résolution en application de l’article 34–1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à prendre en compte la situation des « Américains accidentels » concernés par le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA), présentée par Mme Jacky Deromedi et plusieurs de ses collègues (n° 64, 2017-2018) (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 14 mai à 15 heures

• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote

Mercredi 16 mai 2018

De 14 h 30 à 18 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe SOCR)

- Proposition de loi visant à instaurer un régime transitoire d’indemnisation pour les interdictions d’habitation résultant d’un risque de recul du trait de côte, présentée par Mmes Françoise Cartron, Laurence Harribey et M. Philippe Madrelle (n° 307, 2017-2018)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 16 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 avril matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 14 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 16 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 30 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 15 mai à 15 heures

- Proposition de loi renforçant l’efficacité des poursuites contre les auteurs d’infractions financières et supprimant le « verrou de Bercy », présentée par Mme Marie-Pierre de la Gontrie et plusieurs de ses collègues (n° 376, 2017-2018)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 16 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 avril après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 11 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 15 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 15 mai à 15 heures

De 18 h 30 à 20 h 30 et de 22 heures à minuit

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer (texte de la commission, n° 316, 2017-2018)

- Débat sur « l’évolution des droits du Parlement face au pouvoir exécutif » (demande du groupe CRCE)

• Temps attribué au groupe communiste républicain citoyen et écologiste : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 15 mai à 15 heures

Jeudi 17 mai 2018

De 14 h 30 à 18 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe LaREM)

- Débat sur le thème : « Comment repenser la politique familiale en France ? » (demande du groupe LaREM)

• Temps attribué au groupe La République en Marche : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 16 mai à 15 heures

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

- Débat sur le thème : « La politique de concurrence dans une économie mondialisée » (demande du groupe LaREM)

• Temps attribué au groupe La République en Marche : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 16 mai à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 22 mai 2018

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30 et le soir

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 383, 2017-2018)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, avec saisines pour avis de la commission des finances et de la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 11 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 16 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 18 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 22 mai matin, à 13 h 30 et, éventuellement, à la suspension du soir

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 18 mai à 15 heures

Mercredi 23 mai 2018

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen ou nouvelle lecture

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 22 mai à 15 heures

En cas de nouvelle lecture :

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 15 mai à 18 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 16 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 22 mai à 11 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 23 mai matin

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 383, 2017-2018)

Jeudi 24 mai 2018

À 10 h 30

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 23 mai à 15 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 383, 2017-2018)

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 24 mai à 11 heures

À 16 h 15

- Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 383, 2017-2018)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 29 mai 2018

De 15 heures à 16 heures

- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 383, 2017-2018)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 28 mai à 15 heures

De 16 heures à 16 h 30

- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 383, 2017-2018)

À 16 h 30

- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 383, 2017-2018)

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 29 mai à 12 h 30

À 17 h 45 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire (A.N., n° 764)

Ce texte sera envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 18 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 23 mai matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 28 mai à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 29 mai matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 28 mai à 15 heures

Mercredi 30 mai 2018

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire (A.N., n° 764)

Jeudi 31 mai 2018

À 10 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’adhésion de la France à la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale pour son application à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, et dans les Terres australes et antarctiques françaises (n° 97, 2016-2017)

=> Projet de loi autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur les interprétations et exécutions audiovisuelles (n° 211, 2014-2015)

• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 29 mai à 15 heures

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire (A.N., n° 764)

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 5 juin 2018

De 15 heures à 16 heures

- Sous réserve de sa transmission, explications de vote des groupes sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire (A.N., n° 764)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 4 juin à 15 heures

De 16 heures à 16 h 30

- Sous réserve de sa transmission, scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire (A.N., n° 764)

À 16 h 30

- Sous réserve de sa transmission, proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire (A.N., n° 764)

La Conférence des Présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création :

- d’une commission d’enquête sur les mutations de la Haute fonction publique et leurs conséquences sur le fonctionnement des institutions de la République (demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste) ;

- d’une mission d’information portant sur le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales, des filières et métiers d’avenir (demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen).

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents : mercredi 16 mai 2018 à 19 h 30

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Le Sénat a décidé de modifier son partenariat avec France 3. À cette occasion, je tiens à saluer et à remercier l’ensemble des journalistes et techniciens qui ont retransmis durant des années nos séances de questions d’actualité au Gouvernement, en particulier Danielle Sportiello. (Applaudissements prolongés.) Nous aurons l’occasion de nous retrouver, dans d’autres conditions.

Messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, cette courtoisie qui comprend aussi le respect du temps de parole, pour permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.

climat social

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, le candidat Emmanuel Macron s’était réclamé d’un point d’équilibre entre libérer et protéger. Où en sommes-nous onze mois après son élection et dix mois après un exercice, pour le moins, pyramidal du pouvoir ?

Les Français sont inquiets. Qu’ils soient fonctionnaires, retraités, cheminots, personnels soignants, acteurs du logement social, étudiants, bénévoles associatifs ou élus locaux, ces Français ne voient pas l’équilibre de l’engagement présidentiel. Ils nous le disent chaque jour depuis des semaines : le compte n’y est pas !

La France n’est pas une start-up où le désordre deviendrait une énergie créatrice. Notre pays a besoin d’un climat apaisé et d’un cap. Votre feu d’artifice de réformes correspond-il à ce cap ? Quelle est votre vision de la justice sociale ? Quelle est la place du service public dans vos choix politiques ?

Je vous pose ces questions, parce que les Français se les posent eux-mêmes. Notre pays et les Français ne sont pas contre les réformes par principe. Ils demandent d’abord à les comprendre et, surtout, à ce qu’elles portent un progrès social. Cela a toujours été notre position, celle de la responsabilité et de la recherche de l’intérêt général.

Je vous pose ces questions, parce que, entre la promesse des annonces et le contenu réel des réformes, l’écart est parfois grand – nous le verrons par exemple demain avec feu l’idée d’une assurance chômage universelle…

Je vous pose ces questions, parce que malgré les accusations, l’été dernier, de budget insincère et de mauvaise gestion, tout le monde voit aujourd’hui que, grâce aux cinq dernières années, votre gouvernement dispose de la meilleure situation économique et financière que la France ait connue depuis plus de dix ans. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est un poisson d’avril !

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, toutes celles et tous ceux qui ont fait tant d’efforts veulent savoir s’ils en seront récompensés !

Ma question est alors simple : en cette période troublée, quelle est l’ambition sociale réelle de votre gouvernement pour notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.- Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, dans le temps nécessairement contraint qui est le mien – le président Larcher vient de nous inviter à la concision –, je crains d’avoir du mal à répondre au feu d’artifice de questions que vous venez de formuler…

Sachez que je goûte pleinement le prix et la valeur de votre propos, vous qui vous avez eu à connaître l’exercice des responsabilités et avez participé, pendant quelques années – et encore récemment –, à la direction des affaires du pays ; vous qui avez connu des périodes dont je crois pouvoir dire qu’elles n’étaient pas toujours caractérisées par le calme social et durant lesquelles la question des méthodes employées a pu être soulevée (M. Jean-François Longeot applaudit.) ; vous qui avez constaté, en 2017, combien les Français avaient envie non plus de tergiversations, mais au contraire de décisions et d’une forme de rupture, j’ose le mot, par rapport à une ère, à mon avis trop longue, durant laquelle les décisions n’avaient pas été prises.

Vous me dites que nous voudrions esbaudir les Français par un tourbillon de réformes… Je ne le crois pas. Nous essayons, sujet après sujet, de réparer un pays qui a des atouts considérables et des richesses merveilleuses, mais qui connaît aussi des problèmes dont nul ici ne peut nier l’importance et l’intensité, ni l’ancienneté.

Lorsque nous essayons, comme aujourd’hui, d’apporter une réponse face à la dégradation du service public ferroviaire, nous tentons de réparer une situation qui n’est pas apparue en neuf mois.

Lorsque nous essayons, comme aujourd’hui sous l’autorité de Mme Vidal, de réparer l’accès à l’université française (M. François Grosdidier sexclame.) et de substituer à la sélection par l’échec et le tirage au sort une orientation intelligente et éclairée des lycéens, nous tentons de réparer une situation qui, loin d’être nouvelle, est ancienne.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Lorsque nous réformons le droit du travail, comme avec les ordonnances prises au mois d’octobre dernier, nous le faisons parce que, depuis trop longtemps, nous considérions que le droit du travail n’offrait pas les souplesses permettant aux petites et moyennes entreprises de recruter sans risque.

Lorsque nous proposons une réforme de l’apprentissage, comme nous allons le faire bientôt, c’est pour le développer, car c’est un atout exceptionnel pour ceux qui en bénéficient et pour l’économie française dans son ensemble.

Dans toutes ces réformes et dans bien d’autres, monsieur le président Kanner, notre objectif n’est pas de casser tel ou tel privilège ou de dresser les Français les uns contre les autres ; nous entendons mettre en œuvre la lettre et l’esprit du programme présidentiel, la lettre et l’esprit des propositions faites par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle : transformer le pays, regarder les problèmes en face, dire là où nous n’avons pas suffisamment avancé et essayer de trouver les solutions.

Voilà ce que nous voulons faire. Il est vrai que ce n’est pas toujours facile et je reconnais qu’il est nécessaire d’expliquer encore et toujours les choses, mais rien, monsieur le président Kanner, absolument rien ne nous fera dévier de cet objectif simple et des engagements qui ont été pris devant les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

réforme de la sncf

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Joël Guerriau. Monsieur le secrétaire d’État, fils de cheminot, je suis né et ai vécu dans un bâtiment SNCF, qui était au milieu des voies de chemin de fer et qui vibrait au passage des trains. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je suis attaché à la SNCF, car c’est une belle entreprise, certes ouverte à l’international, mais avant tout publique : elle concerne donc tous les Français, pas seulement les cheminots.

La réformer est une nécessité, sous peine de la voir sombrer en raison d’une dette abyssale. Depuis quatre-vingts ans, les Français contribuent à la construction, à l’entretien et à la modernisation de nos rails. Du fait de cette contribution publique au financement du rail, il me semble nécessaire que les Français aient leur mot à dire sur l’avenir de ce secteur.

La seule ambition que nous devons poursuivre, c’est finalement l’amélioration de la qualité du service rendu aux usagers : aujourd’hui, 11 % des trains arrivent en retard – 22 % pour les Intercités – et le matériel roulant est dégradé.

Cet après- midi, la ministre des transports rencontre les syndicats pour évoquer avec eux les enjeux de cette réforme à venir. Or les Français contribuent aujourd’hui au financement du secteur ferroviaire par l’impôt. Mais quelle place ont-ils dans les débats sur l’avenir du rail ?

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement va-t-il recevoir les usagers du rail, comme il reçoit les syndicats ? Et quid de l’avis des Français qui ne prennent pas le train, mais qui participent à son financement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Guerriau, dans votre question, il y a au moins deux points sur lesquels chacun se retrouvera : oui, la SNCF est notre patrimoine commun ; oui, la SNCF, qui a été financée par les Français, est et restera une entreprise publique parce qu’elle est un acteur essentiel de ce lien physique – le train - qui permet de mailler l’ensemble de nos territoires, et pas seulement de la banlieue vers la ville, mais aussi vers tous nos territoires ruraux. Chacun, à cet égard, connaît l’importance des petites lignes et je veux réaffirmer ici, au Sénat plus encore qu’ailleurs, qu’il n’a jamais été question de les supprimer. (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mais si notre bien commun s’appelle service public, c’est qu’effectivement il est essentiel que le public s’y retrouve. Or personne ne peut nier que le service s’est dégradé au fil des années.

Et ce n’est pas tel ou tel cheminot qui est en cause, car chacun connaît la passion de celles et ceux qui servent la SNCF au quotidien – votre histoire personnelle, monsieur Guerriau, le prouve.

Ce n’est pas la responsabilité des cheminots si, depuis de nombreuses années, l’infrastructure de transport s’est profondément dégradée ou s’il faut vingt-cinq minutes de plus que lorsque j’étais enfant pour aller de Marseille à Nice – Marc Daunis le sait bien.

M. Martial Bourquin. Allez voir au Royaume-Uni comment ça se passe !

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat. Telle est la réalité de ce que vivent, tous les jours, les usagers, ces femmes et ces hommes qui sont le « public » du service public.

Il est donc essentiel, dans ce projet de réforme, de sortir des postures et des dogmes et de se fixer comme objectif de sauver la SNCF pour améliorer le service public. Et cela doit se faire, monsieur le sénateur, avec les usagers.

Mme la ministre des transports, qui mène actuellement une importante concertation, a présenté, vendredi dernier, les premières propositions du Gouvernement concernant les conditions d’ouverture à la concurrence afin qu’elles figurent « en dur » dans le texte de loi, qui sera débattu ici comme il le sera à l’Assemblée nationale.

La concertation doit se poursuivre, notamment au sein du groupe de travail sur la qualité du service public dont toutes les associations d’usagers de la SNCF sont partie prenante et auquel elles doivent participer.

Nous sommes ici tous convaincus d’une chose : la SNCF est un grand service public qui doit améliorer chaque jour encore la qualité du service qu’il rend aux usagers. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes confrontés à un enjeu majeur : défendre le service public, sans pour autant le bloquer ; faire avancer les choses et défendre les usagers, sans pour autant en faire des otages.

Surtout, et je le pense sincèrement, si l’on souhaite défendre la SNCF, il ne faut pas dégrader son image, notamment à l’étranger – je rappelle que l’entreprise y réalise déjà 40 % de son chiffre d’affaires et qu’elle y a un véritable avenir.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Joël Guerriau. Nous devons donc faire en sorte que cette belle entreprise puisse perdurer dans la sérénité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

financement du centre national pour le développement du sport

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains.

M. Michel Savin. Ma question s’adresse à Mme la ministre des sports.

Les orientations budgétaires pour 2018 du Centre national pour le développement du sport, le CNDS, ont été récemment publiées. Elles inquiètent grandement le milieu sportif.

Aujourd’hui, nombre de fédérations et de comités régionaux et départementaux olympiques et sportifs rencontrent de grandes difficultés face à l’amputation de l’enveloppe territoriale de près de 40 % et en raison des nouveaux critères d’attribution de financements aux associations.

Depuis un an, beaucoup de messages envoyés au mouvement sportif sont très négatifs. Le budget des sports est en baisse et celui du CNDS a été divisé par deux.

Le Sénat avait pourtant adopté, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, un amendement qui permettait de maintenir le prélèvement sur les gains de la Française des jeux affecté au CNDS à la hauteur de celui de 2017, soit 63,8 millions d’euros supplémentaires. Comme cela était malheureusement prévisible, votre majorité « En Marche » l’a rejeté à l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, vous ciblez les financements, vous oubliez des pans entiers du territoire, vous mettez de côté certaines pratiques et enfin vous réduisez, voire supprimez l’accompagnement financier de la formation de milliers de bénévoles.

Madame la ministre, alors que vous souhaitez promouvoir la pratique sportive en France, ce gouvernement réduit de manière continue les moyens d’action de votre ministère. Il pénalise le CNDS, qui était un moyen efficace de financer le sport et les infrastructures.

Ma question est simple : comment comptez-vous répondre aux inquiétudes et au mécontentement du mouvement sportif ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports.

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Monsieur le sénateur Michel Savin, j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises : ma priorité est le développement de la pratique sportive au quotidien. C’est la raison pour laquelle j’ai effectivement souhaité un recentrage de l’action du CNDS en direction des publics qui pratiquent le moins : les habitants des quartiers carencés, les femmes ou les personnes en situation de handicap. C’est un choix stratégique.

Comme vous le savez, le CNDS était en péril il y a quelques années. Pour l’année 2018, il bénéficie d’un budget de 153 millions d’euros, à replacer dans le contexte d’une réduction globale des dépenses publiques que vous connaissez – je crois d’ailleurs que vous partagez notre objectif.

L’établissement est en meilleure santé, mais ce budget nous oblige effectivement à faire des choix, que j’assume et qui ont été validés à l’occasion du conseil d’administration du 18 janvier.

La part territoriale du CNDS, d’un montant de 105 millions d’euros, aura vocation à accompagner les projets des associations locales et à résorber les inégalités territoriales. L’établissement conservera une enveloppe dédiée au soutien à la création et à la rénovation d’équipements sportifs pour les territoires les plus carencés – 20 millions d’euros –, ainsi qu’une enveloppe destinée à poursuivre le plan de développement des équipements sportifs en outre-mer.

Dans le cadre du vaste chantier de transformation, nous avons lancé une concertation avec tous les mouvements sportifs ; d’une durée de six mois, elle a notamment pour objectif de définir une nouvelle gouvernance.

Aujourd’hui, tous les niveaux de collectivités sont autour de la table. J’ai en effet la conviction que celles-ci doivent prendre une place plus grande dans la politique sportive du pays au regard de ce qu’elles investissent.

Mais je crois aussi que l’intervention de l’État auprès des partenaires associatifs et des clubs doit répondre au devoir de sobriété et d’efficacité, en évitant le saupoudrage en matière de subventions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.

M. Michel Savin. Madame la ministre, je le regrette, mais une telle réponse montre malheureusement que vous n’écoutez ni les territoires ni les acteurs du milieu sportif.

Madame la ministre, nous vous avons connue animée d’une détermination sans faille pour gagner vos combats comme athlète de haut niveau : je formule le vœu que vous ayez la même volonté, la même détermination pour défendre un budget du sport ambitieux face à vos partenaires de Bercy, qui sont plutôt, en l’occurrence, des adversaires… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

agressions de médecins généralistes

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Jean-Marie Mizzon. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Le nombre d’agressions de médecins vient d’atteindre un nouveau record. Selon une récente étude du conseil national de l’ordre, plus de 1 000 médecins ont été agressés en 2017. Ce nombre a considérablement augmenté depuis 2003. Les praticiens les plus visés sont les généralistes et les femmes, majoritairement en milieu urbain.

Ces chiffres sous-estiment sans doute la réalité, car il est évident que toutes les agressions ne sont pas répertoriées, faute d’un dépôt de plainte systématique par les victimes.

Comme de nombreuses autres professions, les médecins sont confrontés chaque jour à des personnes qui perdent leurs moyens face à des situations de détresse. Ils savent alors faire preuve de pédagogie, rassurer et apaiser. La plupart du temps, la tension retombe.

J’ajoute que les dysfonctionnements de notre système de santé les exposent encore plus, car, pour les patients, à l’angoisse de devoir lutter contre la maladie s’ajoute celle de devoir s’orienter dans un environnement complexe.

Mais il y a des situations que les médecins ne peuvent ni éviter ni anticiper : cela va des incivilités quotidiennes aux agressions physiques – crachats, coups… –, voire aux agressions sexuelles.

En ville ou à l’hôpital, la médecine est une vocation pour celles et ceux qui l’exercent. Ils doivent déjà, quotidiennement, surmonter de nombreux obstacles. Partout, le point de rupture est atteint, ou près de l’être. Au manque de moyens et de reconnaissance s’ajoute l’insécurité : même les vocations les plus affirmées n’y résisteront pas longtemps.

Comment avons-nous pu laisser ce climat de violence s’installer ? Comment avons-nous pu laisser cette violence prospérer d’année en année sans rien faire, ou presque ? Madame la ministre, face à cette situation intolérable, quelles mesures votre gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour protéger nos médecins ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.- M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Mizzon, je vous prie tout d’abord d’excuser Mme la ministre des solidarités et de la santé : elle est en déplacement, aux côtés du Président de la République, à l’hôpital de Rouen, établissement spécialisé dans la prise en charge de l’autisme.

La politique de prévention et de lutte contre les violences est un axe majeur développé par le ministère des solidarités et de la santé, tant à l’égard des établissements de santé qu’au profit de l’ensemble des professionnels.

L’Observatoire national des violences en milieu de santé signale chaque année les agressions qui ont lieu dans les établissements de santé : comme vous l’avez précisé tout à l’heure, ces violences sont en augmentation. L’ordre national des médecins a également pris l’initiative de mettre en place un observatoire de la sécurité des médecins qui recense les seules agressions dont sont victimes les médecins : pour la première fois en 2017, le triste cap des 1 000 médecins agressés a en effet été franchi.

Les professionnels de santé subissent de telles agressions sur l’ensemble du territoire, en milieu urbain mais aussi en milieu rural, ce qui peut contribuer à la désertification médicale, il faut bien le reconnaître.

Un travail est en cours pour mieux coordonner la lutte contre les violences envers les médecins et tous les acteurs – ordres professionnels et ministères de la santé, de l’intérieur et de la justice… – doivent s’impliquer sur cette question.

M. François Grosdidier. Mais quelles sont vos solutions ?

préparation du sommet de la francophonie en arménie

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche.

M. André Gattolin. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le secrétaire d’État, la semaine passée, vous avez effectué un déplacement de plusieurs jours à Erevan, où vous avez eu l’occasion de rencontrer le président de la République d’Arménie, M. Serge Sarkissian, et de participer à des échanges sur les moyens de renforcer la coopération et nos liens économiques, politiques et culturels avec ce pays ami de la France.

À ce titre, vous avez certainement eu l’occasion d’évoquer le prochain sommet de la francophonie, qui se tiendra à Erevan en octobre prochain, ce qui est, me semble-t-il, une excellente chose. Le Sénat est très attentif à ces questions et nous nous réjouissons que le Président de la République ait affiché clairement, le 20 mars dernier, à l’occasion de la Journée internationale de la francophonie, son souhait de donner un nouvel élan à la francophonie et de développer l’influence de la langue française.

C’est que la langue française n’est pas seulement l’une de nos richesses nationales, elle est d’abord l’écrin de toutes les autres et nous n’avons de cesse de la partager avec tous ceux qui la parlent.

Dans son discours à l’Institut de France, le Président de la République a parlé, je le cite, de ces valeurs qui nous guident et qui doivent également guider notre action en matière internationale. Avoir une approche multilatéraliste et dynamique de la francophonie, et non franco-centrée, régressive et défensive, comme cela a été le cas jusqu’à présent, est un projet juste et ambitieux.

M. François Grosdidier. Quid des lycées français ?

M. André Gattolin. C’est pourquoi je souhaiterais connaître, monsieur le secrétaire d’État, les initiatives qui seront prises dans ce domaine d’ici octobre prochain, notamment celles qui concernent la promotion culturelle et politique du français à l’étranger, au-delà des traditionnels pays dits francophones. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur André Gattolin, l’Arménie accueillera en effet le sommet de la francophonie à Erevan, les 11 et 12 octobre prochain.

Il est vrai que les Arméniens, ô combien francophiles, souhaitent participer encore davantage à la francophonie ; j’ai d’ailleurs pu voir un formidable terreau associatif : l’école Anatole-France, l’université franco-arménienne, liée à Lyon-III, ou encore une Alliance française très dynamique. Tout cela participe de la richesse et du rayonnement de la langue française de par le monde.

Le 20 mars dernier, sous la coupole de l’Institut de France, le Président de la République a tenu un discours fondateur pour annoncer un certain nombre de mesures – 33 précisément –, notamment la sanctuarisation des moyens dédiés à l’enseignement du français à l’étranger via l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, mais également des dispositions pour déployer des moyens supplémentaires. Ainsi, l’Agence française de développement, l’AFD, va doubler son soutien au système éducatif en Afrique et nous allons mettre en place un volontariat international pour le français, idée chère à Joëlle Garriaud-Maylam.

Jean-Michel Blanquer, Françoise Nyssen, Frédéric Vidal et moi-même continuons aussi à travailler sur le déploiement de campus français ou francophones sur les cinq continents.

Il faut également citer les enjeux propres à internet, comme la découvrabilité et l’accessibilité des contenus francophones.

Nous souhaitons enfin réhabiliter le très beau château de Villers-Cotterêts pour en faire un laboratoire de la francophonie.

Vous le voyez, nous sommes aujourd’hui sur le chemin d’Erevan aidés, guidés et épaulés par, je le sais, la Haute Assemblée tout entière, singulièrement par Jacques Legendre et Michèle André qui, il y a peu encore, étaient ici les ardents défenseurs et les inlassables promoteurs de la langue française et du concept de francophonie. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

plan autisme

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Éric Gold. Monsieur le président, mes chers collègues, ce lundi 2 avril avait lieu la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. À cette occasion, le Gouvernement a annoncé vouloir mettre l’accent sur le diagnostic dans le cadre du quatrième plan Autisme.

En matière de diagnostic chez l’enfant, la France a fait beaucoup de chemin ces dernières années, mais on estime encore que seulement 10 % des personnes atteintes de troubles du spectre de l’autisme sont aujourd’hui diagnostiquées. Des efforts considérables restent donc à faire, à la fois chez l’enfant et chez l’adulte.

J’aimerais, pour ma part, vous interroger sur la place accordée, dans ce nouveau plan, à une recommandation de la Haute Autorité de santé. Dans son avis rendu public le 19 février dernier, la HAS insiste sur l’importance d’associer les personnes autistes et leurs familles, à chaque étape de leur parcours, à la prise de décision et à la définition de leur projet personnalisé.

L’objectif est, bien sûr, le respect des droits des personnes, mais aussi une meilleure coordination entre leurs volontés, leurs capacités et la place que la société peut leur offrir. Car chaque personne est différente et l’on ne peut se satisfaire d’une solution appliquée à tous.

Le virage inclusif a permis d’ouvrir l’école aux enfants autistes et le monde du travail aux adultes. Il a également permis de démontrer que, en considérant chaque différence comme une chance, c’est la société dans son ensemble qui était gagnante.

Mais, puisque l’étendue du spectre est immense, les solutions proposées doivent l’être aussi. Certains s’épanouissent en structure d’accueil spécialisée, tandis que d’autres travaillent en milieu ordinaire et font preuve de compétences que nous, neurotypiques, ne serons jamais en mesure d’acquérir.

Dans tous les cas, même lorsque les difficultés de communication sont un frein, nous devons être en mesure de comprendre et d’appréhender les besoins de chacun.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous détailler les mesures prévues par le Gouvernement pour un plus grand respect des droits et des choix des personnes autistes ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Catherine Troendlé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, en cette semaine internationale de l’autisme, nous sommes totalement mobilisés pour faire mieux connaître à nos concitoyens ce handicap et ses causes, ainsi que les besoins des personnes concernées et de leurs familles.

Comme vous l’avez indiqué, chaque cas est unique et appelle des réponses très adaptées et bien différenciées. Le Président de la République, accompagné de Mmes Buzyn et Cluzel, se trouve actuellement au CHU de Rouen. Il y rencontre des familles, des enfants, des professionnels, des accompagnants afin de signifier la mobilisation de l’État au plus haut niveau. Comme vous le savez, le Président de la République a annoncé une stratégie pour l’autisme le 6 juillet dernier à l’Élysée. Elle sera présentée demain par le Premier ministre.

Les personnes concernées directement ou indirectement par l’autisme nous disent combien il est important que les alertes données par les parents soient prises au sérieux le plus en amont possible, afin que l’on puisse apporter la réponse la plus efficace et la plus personnalisée. Elles nous disent aussi que ce n’est sans doute pas un professionnel unique, mais plusieurs travaillant ensemble qui peuvent élaborer cette réponse.

Les ambitions sous-tendant la stratégie qui sera présentée demain par le Premier ministre sont claires. Il s’agit d’abord de donner enfin une place aux personnes autistes dans la cité. Vous l’avez dit, des progrès ont été réalisés à cet égard, mais d’autres doivent encore l’être, notamment à l’école, dans le monde du travail, dans les activités sociales et culturelles, en transformant en profondeur la manière de travailler des services, qu’ils soient sanitaires ou médico-sociaux, afin qu’ils interviennent au bon moment, au bon endroit, auprès de la bonne personne.

Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé. Le Président de la République a profité de son déplacement aujourd’hui à Rouen pour annoncer la mobilisation de 340 millions d’euros sur les cinq prochaines années, au bénéfice notamment de la recherche, du dépistage et de la prise en charge de l’autisme.

Je sais, monsieur le sénateur, que ce combat sera partagé sur l’ensemble de ces travées, afin de construire une société réellement inclusive pour les personnes autistes. (Applaudissements sur les travées du groupe du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

mouvements sociaux

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, de toute évidence, les choses ne se passent pas comme vous l’aviez prévu : la mobilisation sociale, particulièrement celle des cheminots, recueille le soutien d’une majorité de l’opinion.

Le Président de la République a fait une erreur qu’il risque de payer cash, celle de tenter de diviser notre peuple, en opposant, par exemple, les retraités agricoles aux cheminots. Il a fait une erreur en traitant de privilégiés ceux qui travaillent dur et de délinquants potentiels ceux qui ne travaillent pas.

L’impact de ces erreurs et de ces provocations est démultiplié par l’affichage d’une présidence pour les riches, avec l’hallucinante suppression de l’ISF pour les actionnaires, qui fournissent pourtant le gros des bataillons des évadés fiscaux ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le Président de la République a fait une erreur, car il a profondément sous-estimé l’attachement de notre peuple au service public, à l’intérêt général, à l’égalité.

La lutte des cheminots, monsieur le Premier ministre, est comprise d’une large majorité d’usagers qui connaissent eux aussi, dans leur entreprise, chez Carrefour par exemple, la violence sociale. Toutes et tous ont besoin du service public que vous menacez !

La mobilisation des étudiants contre Parcoursup et la ségrégation sociale vous surprend. Vous pensiez avoir réglé la question par un débat express au Parlement et une application précipitée des nouvelles règles de sélection. Là aussi, c’était sans compter sur l’attachement profond de notre jeunesse à l’égalité et à l’intérêt général. Cette mobilisation rejoint celle des retraités, des fonctionnaires, du monde de la justice, du secteur de la santé, ainsi que la lutte des cheminots.

Monsieur le Premier ministre, vous devez prendre conscience de la colère qui monte contre cette politique. Vous devez stopper cette avalanche de projets et de mesures imposés sans débat ou presque.

Monsieur le premier ministre, allez-vous faire le choix de l’affrontement social ? Allez-vous provoquer le désordre, ou allez-vous écouter, débattre et négocier ?

Pour clore mon intervention, je me permets de vous remettre un rapport très intéressant du cabinet Degest, qui vous incitera peut-être à négocier davantage encore avec les cheminots… (Mme Éliane Assassi joint le geste à la parole. - Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente Assassi, je vous remercie de m’avoir transmis ce document. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Je le lirai évidemment avec attention.

Vous parlez d’erreurs commises par le Gouvernement et vous évoquez une colère généralisée.

Nul ici ne pourra le contester, j’ai toujours marqué le plus grand respect pour les libertés constitutionnellement garanties, dont la liberté de faire grève. Je dis, j’ai toujours dit et je dirai toujours que l’ensemble du corps républicain s’honore à les respecter.

J’ai toujours indiqué également, madame Assassi, qu’il serait irrespectueux de n’écouter que les grévistes et de ne pas écouter l’immense majorité de Françaises et de Français qui ont besoin de se déplacer en train et qui ne comprennent pas cette grève. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et territoires.)

Il serait tout aussi irrespectueux, madame Assassi, de ne pas écouter les très nombreux étudiants choqués par les agissements violents d’une infime minorité qui n’est pas toujours étudiante (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre, et à lui seul !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente Assassi, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention, et j’essaie maintenant de vous répondre.

Je constate que, actuellement, dans les universités, une petite minorité agissante, souvent manipulée par l’extrême gauche (Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain.),…

Mme Éliane Assassi. À Montpellier, ce n’est pas l’extrême gauche !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … se livre à des violences qui déclenchent parfois une violence d’extrême droite. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Je condamne évidemment la violence, qu’elle soit d’extrême gauche ou d’extrême droite. La situation n’est pas celle que vous décrivez. Elle s’apparente plutôt à une manipulation, conduisant parfois à vouloir remettre en cause, dans les amphithéâtres ou dans la rue, les résultats d’élections démocratiques qui, à ce titre, doivent être respectés au moins autant que l’expression publique de mécontentements. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Martial Bourquin. Et le Parlement ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Notre objectif, madame Assassi, est non pas de casser le service public, comme vous l’affirmez parfois, mais, au contraire, de faire en sorte que, dans le monde d’aujourd’hui, ouvert à la concurrence, la SNCF puisse améliorer la qualité du service qu’elle offre aux Français. Pour l’heure, vous le savez parfaitement, celle-ci se dégrade. Reconnaissez-le !

Je n’ai jamais imputé cette dégradation aux cheminots ; elle tient à des raisons extrêmement diverses, qui n’ont rien à voir, madame la présidente, avec l’action gouvernementale des neuf derniers mois. Je citerai le sous-investissement, qui dure depuis beaucoup trop longtemps, les lourdeurs du fonctionnement de l’entreprise, que vous connaissez, le morcellement organisationnel de la SNCF, avec ses trois EPIC, qui ne permet pas l’unité et la souplesse dont a besoin l’entreprise.

Nous voulons faire en sorte que l’entreprise publique SNCF puisse apporter à l’ensemble des usagers un service de qualité. C’est possible, madame Assassi. Il n’est que de voir ce qui se passe dans un pays voisin, pas si différent du nôtre.

M. Martial Bourquin. Le Royaume-Uni ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. En Allemagne, une entreprise à capitaux publics, dans un monde concurrentiel, réussit à améliorer la qualité du service rendu aux usagers. Nous entendons nous inspirer de ce modèle.

M. Pierre-Yves Collombat. Plutôt du modèle anglais !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’est notre seul objectif, madame la présidente, et nous allons faire en sorte de l’atteindre, avec la volonté de débattre des éléments ouverts à la discussion, mais aussi avec une très tranquille et très ferme détermination d’avancer, parce que notre pays en a besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

chu de guadeloupe

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Victoire Jasmin. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé, représentée ici par M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

La santé est une responsabilité de l’État. Or, depuis l’incendie du CHU de Pointe-à-Pitre, le 28 novembre dernier, la Guadeloupe connaît une situation d’urgence sanitaire sans précédent.

Mme la ministre des solidarités et de la santé s’est naturellement rendue très vite sur place, ce qui a favorisé la prise rapide de décisions. Cependant, aujourd’hui, ces mesures transitoires s’avèrent insuffisantes, et la continuité des soins risque de s’en trouver gravement affectée dans différents services.

Le CHU de Pointe-à-Pitre est un établissement qui, datant de 1978, connaissait déjà un certain nombre de difficultés. Son remplacement a été fort heureusement acté par le précédent gouvernement, mais il est prévu pour 2022 au mieux. Il serait indigne de notre République de laisser la Guadeloupe sans CHU jusqu’à cette échéance.

Dans ce contexte grave, le professionnalisme des soignants et de la direction du CHU et la mobilisation des élus locaux sont à saluer, tant l’inquiétude de nos compatriotes est grande et nourrit parfois bien des fantasmes. Voilà quelques jours, l’ensemble des médias nationaux ont évoqué, parfois de façon erronée, la situation de notre CHU : j’en appelle à la responsabilité de chacun, afin d’éviter que notre archipel ne s’embrase.

Monsieur le secrétaire d’État, mes questions relaieront les attentes légitimes des Guadeloupéens. Pouvez-vous, devant la représentation nationale, rétablir la vérité sur la sécurité sanitaire en Guadeloupe et enfin redonner confiance aux usagers et au personnel ? Le CHU de Guadeloupe est un symbole, celui de la crise des hôpitaux dans tous les départements et, de façon singulière, dans les outre-mer. À quand une révision du plan Santé outre-mer ? À quand de vraies solutions pérennes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, comme vous venez de le rappeler, à la suite d’un incendie survenu le 28 novembre dernier dans un étage technique du CHU de Guadeloupe, l’établissement a dû être totalement évacué.

Le CHU a été réinvesti progressivement à partir du 7 janvier dernier, après un nettoyage en surface des locaux. Cette réintégration a permis de répondre sur place et rapidement aux besoins sanitaires de la population.

Sur les 563 lits disponibles en 2017, 418 étaient réinstallés au 16 mars 2018, au CHU, mais également chez ses partenaires : la clinique des Eaux-Claires, la clinique de Choisy, la polyclinique de Guadeloupe et le centre hospitalier de Basse-Terre.

Des expertises techniques ont été diligentées concernant, d’une part, la santé des patients et du personnel, et, d’autre part, le bâtiment et les risques éventuels encourus. L’absence de risque grave et imminent pour les personnes a été soulignée par les opérateurs. Il est cependant apparu indispensable, pour l’exploitation sur le long terme de l’hôpital, de réaliser un nettoyage méthodique en profondeur. Suivant les conseils des experts, le nettoyage de la tour nord doit être effectué en site totalement vide. Les différents services seront donc réorganisés en lien avec les établissements partenaires et un pôle mère-enfant sera constitué à la polyclinique de Guadeloupe.

Les modalités du nettoyage du plateau technique et de la tour sud sont, quant à elles, encore en cours de définition. Nous attendons de connaître l’avis final des experts, qui sera rendu sous peu. Si les opérations peuvent être menées en site occupé, elles le seront sur plusieurs mois, selon un phasage précis, qui nécessitera un confinement très rigoureux et maîtrisé des locaux. En revanche, si les travaux ne peuvent être réalisés en site occupé, la mise en œuvre de structures modulaires sera envisagée, en complément des solutions apportées par les établissements partenaires.

Afin de surmonter cette crise, Mme la ministre des solidarités et de la santé a débloqué un budget supplémentaire de 69 millions d’euros. Je souligne également la livraison, en 2022, d’un nouvel hôpital, qui bénéficie…

M. le président. Il faut conclure !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire dÉtat. … de la plus importante aide financière jamais apportée à un établissement hospitalier, d’un montant de 580 millions d’euros.

Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement se mobilise pleinement en faveur du CHU de Guadeloupe. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour la réplique.

Mme Victoire Jasmin. Que répondez-vous concernant le nombre de morts liées à ce sinistre évoqué par certains médias ?

traitement par dialyse

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. René-Paul Savary. Je souhaitais interroger Mme la ministre des solidarités et de la santé au nom d’Alain Milon, qui n’a pu être présent en raison des problèmes de transport, et de la commission des affaires sociales. Cette question concerne la prise en charge des insuffisances rénales chroniques, notamment à La Réunion, où un centre de dialyse connaît des dysfonctionnements manifestes. Nous l’avions déjà posée voilà quelques mois, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, mais nous n’avons toujours pas reçu de réponse et elle reste d’actualité.

On constate des difficultés de prise en charge des malades dans les hôpitaux. Ainsi, au CHU de Toulouse, plus de 200 000 incidents ont été signalés en quelques années. L’activité augmente, mais les moyens diminuent. La branche maladie de la sécurité sociale enregistre un déficit de 4,9 milliards d’euros, alors qu’on la disait à l’équilibre il y a peu de temps encore.

Mes questions sont précises : quelle est la stratégie de l’État en vue d’assurer une meilleure prise en charge de l’insuffisance rénale chronique, afin notamment de réaliser des économies ? Quels actes le Gouvernement a-t-il posés à la suite du scandale du centre de dialyse de l’AURAR, à La Réunion ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Savary, permettez-moi de tenter, en toute humilité, de vous répondre en lieu et place de Mme la ministre des solidarités et de la santé, qui connaît évidemment mieux cette question que moi.

Dans quelques semaines, Mme Buzyn fera une communication spécifique sur ce sujet. Les maladies rénales chroniques concernent 5,7 millions de Français. Il n’y a pas un membre de cette assemblée qui ne connaisse une personne directement touchée par ces pathologies, qui sont bien connues mais pas toujours accompagnées comme elles devraient l’être. C’est pourquoi le Gouvernement entend se mobiliser sur ce sujet.

Nous savons quels sont les principaux risques associés au diabète : les maladies cardio-vasculaires et l’obésité. Cette pathologie, trop souvent silencieuse, évolue, hélas, vers des insuffisances rénales chroniques. Pour les populations à risque, les conséquences peuvent être dramatiques en l’absence de dépistage et de prise en charge.

Il est donc essentiel que nous puissions mettre en place une politique de prévention, pour écarter ce risque d’aggravation et d’évolution vers l’insuffisance rénale chronique. Par ailleurs, pour le traitement de celle-ci, l’ensemble des modalités possibles, c’est-à-dire la greffe et la dialyse, doivent être envisagées, mais sans jamais négliger la prévention. Chacun ici sait que, si notre système de soins est particulièrement performant, il laisse trop souvent de côté cette dimension.

La Haute Autorité de santé estime, dans sa dernière étude, que la greffe rénale constitue, dès qu’elle est possible, la stratégie de traitement la plus efficiente, y compris pour des patients relativement âgés, à rebours du discours qui était tenu voilà quelques années. Il est indispensable d’accentuer la concertation entre les professionnels, tout particulièrement afin de déterminer la meilleure option thérapeutique dès le démarrage du traitement ou sa suppléance. Il faut également améliorer l’information sur les modalités de traitement existantes, ainsi que l’éducation thérapeutique. Enfin, il convient de renforcer la prise en charge en amont. Tout cela devrait permettre, monsieur le sénateur, de limiter ou de retarder la survenue de la suppléance et de réduire le recours à la dialyse en urgence.

Je le répète, Mme la ministre des solidarités et de la santé fera très prochainement des annonces en vue d’améliorer la prévention de la maladie, mais aussi de conforter l’accompagnement des patients. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour la réplique.

M. René-Paul Savary. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez évoqué avec beaucoup de talent les difficultés de la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique, mais c’est la seconde fois que nous n’obtenons pas de réponse à notre question précise. Nous serons très attentifs aux annonces de Mme la ministre des solidarités et de la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

contrat d’apprentissage des moins de 16 ans

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Claude Kern. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Tout exploitant d’un établissement comportant un débit de boissons à consommer sur place qui souhaite accueillir un mineur de moins de seize ans, qu’il s’agisse d’un élève d’un lycée professionnel, d’un apprenti ou d’un salarié titulaire d’un contrat de professionnalisation, doit obtenir au préalable un agrément. Cet agrément constitue une dérogation au principe selon lequel il est interdit d’employer ou de recevoir en stage des mineurs dans les débits de boissons à consommer sur place.

Vous n’êtes cependant pas sans savoir, monsieur le ministre, que les jeunes sortant de troisième aujourd’hui, et donc éligibles à l’apprentissage ou aux stages, ont, du fait d’un faible taux de redoublement, moins de seize ans, voire moins de quinze ans.

On peut s’en féliciter, mais, pour cette raison, ceux d’entre eux qui demandent à suivre une formation dans un secteur qu’ils ont choisi en connaissance de cause et pour lequel ils se sont pleinement engagés se voient opposer une fin de non-recevoir. Pour étayer mon propos, je prendrai l’exemple concret d’une région que je connais bien, le Grand Est, où quelque 300 jeunes qui auraient souhaité apprendre les métiers du service en restauration à la rentrée prochaine se trouvent complètement démunis.

À l’heure où le Gouvernement entend faire du développement de l’apprentissage une de ses priorités, comme en témoigne le projet de loi de réforme de l’apprentissage que nous aurons l’occasion d’examiner prochainement, il est totalement incohérent d’interdire en pratique à des jeunes sortant de troisième de s’engager dans la voie d’un apprentissage dans le domaine du service en restauration.

Comment comptez-vous, monsieur le ministre, remédier à cette difficulté pratique, sachant qu’il y a urgence à agir, puisque la rentrée des futurs apprenants se prépare dès maintenant ? Pouvons-nous compter sur vous dans la perspective de l’examen du projet de loi que je viens de mentionner ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale. Monsieur le sénateur Claude Kern, je vous remercie de cette question, qui me donne l’occasion de mettre l’accent sur les efforts faits par le Gouvernement pour développer l’apprentissage.

Ma collègue Muriel Pénicaud et moi-même avons travaillé ensemble sur ce sujet afin de dépasser le clivage classique entre apprentissage et enseignement professionnel scolaire. Nous affirmons que l’un et l’autre ont besoin d’être revitalisés en France, et le projet de loi que vous avez évoqué sera l’occasion de traduire cette volonté dans la législation.

Il est exact qu’il peut y avoir encore quelques angles morts dans notre approche.

Tout d’abord, nous n’avons pas remis sur la table la question du préapprentissage. Il n’y a pas, de notre part, de volonté d’ouvrir l’accès à l’apprentissage aux jeunes de quatorze ans, comme cela a parfois pu être envisagé lors de précédents débats. Cela étant, nous sommes parfaitement conscients qu’il faut introduire davantage de souplesse, en particulier pour les raisons que vous avez indiquées, les jeunes arrivant au stade de l’entrée en apprentissage plus tôt, du fait notamment d’un faible taux de redoublement.

C’est pourquoi le nouveau dispositif conçu par Muriel Pénicaud et moi-même prévoit le développement de « prépas apprentissage », afin que les élèves puissent acquérir des savoir-être et des savoir-faire qui leur permettront de réussir en apprentissage. Cela vaudra aussi bien pour les centres de formation d’apprentis que pour les lycées professionnels, qui ont vocation à accueillir des unités d’apprentissage.

Concernant le problème spécifique des débits de boissons, on pourrait étendre l’assouplissement existant déjà dans d’autres secteurs pour les élèves de quinze ans qui auront seize ans au cours de l’année civile. Les débats parlementaires permettront d’avancer sur cette question. Nous sommes bien évidemment ouverts à la discussion, mais il faut tenir compte des règles spécifiques encadrant l’activité des débits de boissons. (MM. François Patriat et Jean-Marc Gabouty applaudissent.)

scolarité des jeunes enfants

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)

Mme Mireille Jouve. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Depuis l’adoption de la loi Debré, du 31 décembre 1959, les collectivités territoriales sont tenues de participer, sous forme de l’acquittement d’un forfait, au fonctionnement matériel des écoles, des collèges et des lycées sous contrat d’association avec l’État.

Cette obligation vaut aujourd’hui uniquement pour les élèves pris en charge à partir de l’âge de six ans, auquel la scolarité devient obligatoire. Le Président de la République a affirmé le 27 mars dernier, en ouverture des Assises de l’école maternelle, sa volonté d’abaisser l’âge de la scolarité obligatoire à trois ans.

Nous sommes nombreux, au sein de cet hémicycle, à nous féliciter de cette décision sur un plan éducatif. Toutefois, nous nourrissons d’importantes inquiétudes quant à ses conséquences financières, qui pourraient être beaucoup plus lourdes pour nos communes que pour l’État.

En effet, à ce jour, les enseignants des écoles maternelles privées sous contrat sont déjà rémunérés par l’État. En revanche, la participation des communes, dans le cadre du forfait d’externat, n’est pas légalement requise. Mais si l’âge de la scolarité obligatoire était abaissé à trois ans, les écoles maternelles privées sous contrat seraient en droit de réclamer une contribution aux communes qui n’en apportent pas déjà une sur la base du volontariat.

En outre, le forfait couvrant les frais de fonctionnement des écoles privées sous contrat étant indexé sur les dépenses des communes pour l’école publique, nous savons qu’il sera plus élevé pour les écoles maternelles, du fait notamment de la présence des ATSEM, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quelles dispositions est-il envisagé de prendre pour ne pas faire supporter par nos communes l’essentiel du financement de cette réforme attendue ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale. Madame la sénatrice, je vous remercie de souligner l’importance de l’abaissement à trois ans de l’âge de la scolarité obligatoire. C’est une décision historique pour notre pays. L’instauration de la scolarité obligatoire, le 28 mars 1882, a été un moment essentiel pour notre République. Depuis, deux aménagements sont intervenus, à des périodes importantes de notre histoire, en 1936 et en 1959.

Il ne faut pas minimiser la portée de cette mesure ; il s’agit de mettre l’accent sur l’école maternelle, qui joue un rôle essentiel pour le développement de nos enfants à un âge très important de leur vie. Nous devons donc faire converger les efforts des communes et ceux de l’État sur cet enjeu de société, cet enjeu humain fondamental.

Je viens justement d’évoquer devant la commission « éducation » de l’Association des maires de France la question tout à fait légitime que vous avez soulevée, madame la sénatrice. En réalité, celle-ci n’est pas nouvelle. Vous l’avez dit, le forfait d’externat est déjà acquitté sur la base du volontariat par les trois quarts des communes. L’obligation de scolarité à trois ans ne mènera pas nécessairement à une aggravation des charges des communes. Si tel devait être le cas, nous respecterions bien entendu la Constitution, mais la baisse démographique attendue dans les prochaines années devrait donner des marges de manœuvre financières aux communes et à l’État.

L’instauration de l’obligation scolaire à l’âge de trois ans fera l’objet d’une loi en 2019, car elle relève bien évidemment du domaine législatif. Nous disposons de plusieurs mois pour étudier ensemble très sereinement ses conséquences, dans le respect de la Constitution – cela va de soi –, de vos compétences et des enjeux de finances publiques que nous connaissons bien. Cela ne doit pas nous conduire à minimiser l’enjeu fondamental de cette future loi, à savoir l’amélioration de l’école maternelle en France. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

occupation des places d’hébergement d’urgence

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ma question s’adressait à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Par une circulaire du 12 décembre dernier, M. le ministre de l’intérieur a chargé les préfets d’organiser le contrôle des centres d’hébergement d’urgence pour y collecter des informations sur la situation administrative des personnes qu’ils accueillent, cela en vue d’éviter la saturation des dispositifs d’hébergement d’urgence.

Il me paraît en effet naturel, même si cela peut choquer certains, que l’État puisse s’assurer des conditions de séjour des personnes accueillies dans des centres financés par de l’argent public. Aujourd’hui, il semblerait que certaines des 140 000 personnes hébergées ne devraient plus l’être ou soient sans statut, ce qui ne permet plus d’accueillir de potentiels nouveaux bénéficiaires.

L’objet de cette circulaire me paraissait donc parfaitement légitime. Pourtant, sur le terrain, la pratique est très éloignée de la communication, dans la mesure où les équipes mobiles chargées de cette mission ne peuvent recueillir des informations sur les personnes hébergées que si ces dernières sont volontaires.

Je souhaiterais donc savoir combien d’équipes mobiles ont été réellement créées et combien de centres d’hébergement ont été effectivement contrôlés depuis la publication de cette circulaire. Comment les personnes identifiées comme ne devant plus être hébergées dans ces établissements ont-elles été concrètement prises en charge et réorientées ?

Pour le groupe Les Républicains comme, me semble-t-il, pour beaucoup de Français, l’exercice du droit à l’hébergement d’urgence n’exclut pas le respect des devoirs qui y sont liés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio, le Président de la République a en effet souhaité qu’il soit procédé à un examen de la situation administrative de toutes les personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence, afin de favoriser leur orientation. Il avait fait cette annonce à Orléans l’été dernier ; elle a trouvé une traduction concrète au travers de la circulaire prise conjointement par MM. Jacques Mézard et Gérard Collomb en fin d’année dernière.

Vous l’avez rappelé, des équipes mobiles composées d’agents de préfectures et d’agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ont été chargées d’examiner la situation administrative des personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence, ainsi que dans d’autres dispositifs.

En effet, un trop grand nombre de personnes se trouvent aujourd’hui dans une situation indéterminée, dans une sorte de no mans land administratif. Celles qui peuvent être régularisées doivent bien sûr l’être, mais celles qui sont en situation irrégulière ont vocation à quitter le territoire.

Ces centres d’hébergement d’urgence accueillent aussi de nombreuses personnes relevant en fait d’autres dispositifs, notamment des demandeurs d’asile, qui devraient être hébergés dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les CADA, ou des réfugiés ayant obtenu l’asile en France, que nous devons aider à accéder au logement.

L’objectif est donc d’abord de connaître la situation des personnes afin de leur proposer au plus vite une solution adaptée. Vous m’avez posé des questions très précises, madame la sénatrice. Mes réponses le seront moins, mais je puis vous dire que, pour l’heure, 4 000 personnes ont déjà été identifiées. Compte tenu du fait que la circulaire ne date que de décembre, ce chiffre montre que les agences sont au travail. Bien entendu, ces opérations se poursuivent.

Plus important encore, près de la moitié de ces 4 000 personnes identifiées relève de la procédure Dublin.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le ministre d’État et moi-même faisons tout pour que ces opérations d’identification permettent d’avancer dans le traitement des personnes, qu’elles soient en situation régulière ou en situation irrégulière.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je comprends qu’il ne soit pas facile de donner des chiffres très précis, mais je voudrais pouvoir être convaincue que le Gouvernement ne se contente pas, dans ce domaine comme dans d’autres, d’obtenir des effets d’annonce à grand renfort de communication, sans résoudre concrètement les problèmes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

voies sur berges à paris

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Le 21 février dernier, le tribunal administratif de Paris annulait l’arrêté pris par Mme la maire de Paris fermant à la circulation les voies sur berges de la rive droite de la Seine –une décision prise au mépris du plan de déplacements urbains d’Île-de-France, dont le périmètre a été fixé à l’échelon du territoire régional. (Huées sur des travées du groupe Les Républicains.) Est-il besoin de rappeler ici que cette décision a été prise malgré l’avis défavorable de la commission d’enquête et l’opposition de la majorité des riverains ?

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Raymond Hugonet. Aujourd’hui, à l’heure où le débat sur le périmètre exact du Grand Paris fait rage, ce triste épisode de la fermeture des voies sur berges apporte la preuve concrète que c’est bien la région qui fait métropole.

En effet, les Franciliens sont tous concernés par cette décision aveugle et dogmatique. Pour eux, les conséquences ne se sont pas fait attendre. Autour de la capitale, les temps de trajet ont bondi. Ainsi, les habitants de l’Essonne, territoire que je représente au Sénat, mettent aujourd’hui près d’une heure trente pour venir travailler à Paris, contre une heure auparavant.

Mme Sophie Primas. Trois heures avec les grèves !

M. Jean-Raymond Hugonet. Pour qui ? Pour quoi ? La qualité de l’air s’est-elle améliorée ? Non ! Le bruit a-t-il diminué ? (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Merci, chers collègues ! (Sourires sur les mêmes travées.)

Monsieur le ministre, nous défendons, dans cet hémicycle, le principe de réalité. Nous plaidons pour le droit à l’expérimentation selon une formule simple et pragmatique : ce qui fonctionne doit être conservé, ce qui ne fonctionne pas doit être abandonné ! Eh bien il est grand temps de rouvrir les voies sur berges à la circulation et d’engager une véritable concertation au niveau régional ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) Pour sa part, la présidente de la région d’Île-de-France, Valérie Pécresse, y est prête. (Bravo ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Elle a même déjà fait des propositions concrètes.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que soit respecté le plan de déplacements urbains d’Île-de-France et que cesse enfin ce qui est devenu un véritable problème d’ordre public ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. Ladislas Poniatowski. Très bonne question ! Excellent argumentaire !

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Nicolas Hulot, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Hugonet, je vais vous dire ce que je vais faire, mais aussi ce que je ne vais pas faire ! Plutôt que d’opposer les initiatives les unes aux autres, je vais les additionner, les coordonner et les évaluer.

Je sais les désagréments que vous évoquez, et le ressenti fait foi. Je constate néanmoins que, selon l’agence Airparif – et croyez-moi, je prends les chiffres avec beaucoup de prudence ! –, la qualité de l’air s’est nettement améliorée à Paris et en Île-de-France. (Mmes Victoire Jasmin et Marie-Pierre de la Gontrie applaudissent. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. David Assouline. Exactement !

Mme Sophie Primas. Cela n’a rien à voir !

M. Nicolas Hulot, ministre dÉtat. La situation s’est donc améliorée – vous me direz que la marge de manœuvre était grande ! –, mais ce n’est pas qu’un problème de transports et de mobilité ; c’est aussi une question de santé publique et d’environnement.

Mme Sophie Primas. Cela ne marche pas !

M. David Assouline. Si, ça marche !

M. Nicolas Hulot, ministre dÉtat. Je comprends l’exaspération de certains, mais j’aimerais qu’elle soit mesurée à l’aune d’un fléau qui cause 36 000 décès prématurés chaque année en France.

Mme Sophie Primas. Cela ne marche pas !

M. Nicolas Hulot, ministre dÉtat. J’ai reçu la semaine dernière quatorze feuilles de route de territoires où la situation n’est pas satisfaisante en termes de qualité de l’air.

M. Ladislas Poniatowski. Heureusement que le ridicule ne tue pas !

M. Nicolas Hulot, ministre dÉtat. J’en ferai une synthèse et j’y ajouterai, la semaine prochaine, celle du Gouvernement. J’invite évidemment l’ensemble des acteurs à dialoguer, car seule une approche collégiale permettra d’être efficaces. Oui à l’expérimentation, oui à l’évaluation ; laissez aussi un peu de temps à la démonstration ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, nous vous remercions.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi 10 avril 2018.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'élection des conseillers métropolitains
Discussion générale (suite)

Élection des conseillers métropolitains

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'élection des conseillers métropolitains
Article unique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe du RDSE, de la proposition de loi relative à l’élection des conseillers métropolitains, présentée par Mme Mireille Jouve et plusieurs de ses collègues (proposition n° 276, texte de la commission n° 382, rapport n° 381).

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que la discussion de cette proposition de loi s’inscrit au sein d’un espace réservé au groupe du RDSE d’une durée de quatre heures, au terme de laquelle je serai contrainte de lever la séance. J’appelle donc chacun au strict respect de son temps de parole. C’est une condition nécessaire si nous voulons pouvoir achever l’examen de la proposition de loi et le débat inscrits à l’ordre du jour.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Mireille Jouve, auteur de la proposition de loi. (Mme Sophie Joissains applaudit.)

Mme Mireille Jouve, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que plusieurs de mes collègues et moi-même souhaitons soumettre à votre examen vise à abroger l’article 54 de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM.

Cet article prévoit que les conseils métropolitains feront l’objet, lors de leur prochain renouvellement, d’une élection au suffrage universel direct selon des modalités fixées par une loi promulguée avant le 1er janvier 2019.

S’il n’entraîne aucune obligation à l’égard du législateur, l’article est de nature à créer une incertitude parmi les élus locaux concernés. Sa suppression aurait indéniablement le mérite d’apporter de la clarté, de la stabilité et de rappeler l’attachement du Sénat à ce que la commune demeure la cellule de base de notre démocratie de proximité.

En effet, lors des débats ayant précédé l’adoption de la loi MAPTAM, de la loi NOTRe portant nouvelle organisation territoriale de la République ou de la loi relative au statut de Paris, le Sénat s’est prononcé avec constance en faveur du maintien de l’unicité du scrutin pour l’élection des exécutifs des communes, des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, et des métropoles.

À l’exception du Grand Lyon, toutes les métropoles françaises demeurent, à ce jour, des établissements publics de coopération intercommunale.

Admettre une élection au suffrage universel direct des conseils métropolitains dans le cadre d’un scrutin distinct reviendrait inexorablement à séparer communes et métropoles et à transformer ces dernières en collectivités territoriales. Or l’intercommunalité a été pensée et conçue comme une émanation des communes dont la vocation première est la mutualisation des compétences et la création d’une gouvernance de projets. Elle repose aussi sur le principe de subsidiarité.

À cet égard, que restera-t-il aux communes métropolitaines, une fois qu’elles auront transféré leurs compétences, coopéré de bonne foi à la gouvernance avant de voir le lien qui les unit à la métropole définitivement coupé, et cela, cruel paradoxe, alors que les élus municipaux continueront d’être interpellés par leurs administrés ?

La mort annoncée de ces communes, nous la refusons ! L’échelon communal demeure, j’en suis convaincue, la clef de voûte de la cathédrale républicaine.

Je reconnais volontiers, mes chers collègues, que les détracteurs les plus assidus du socle communal ne siègent pas au sein de cet hémicycle, mais la rengaine, hors de ces murs, est souvent la même.

« Comment voulez-vous gouverner un pays qui compte 258 variétés de fromages ? » demandait le général de Gaulle. À son imitation, certains considèrent que nos communes, du fait de leur émiettement, représentent un obstacle qu’il faudrait impérieusement lever pour administrer efficacement notre démocratie de proximité.

La France comptait 38 000 communes en 1789. Elles sont environ 35 000 aujourd’hui. Depuis plus de deux siècles, la République semble s’en être accommodée.

Ce qui peut apparaître à certains comme une tare ineffaçable est aussi une force, celle de la proximité, celle du lien politique et social qui unit les Français à leur maire et à leurs élus municipaux. Par les temps qui courent, cette relation est plus que jamais précieuse pour maintenir notre cohésion nationale.

Nous comprenons les attentes qui peuvent conduire certains présidents d’exécutifs métropolitains à réclamer un scrutin distinct de celui des communes, et donc détaché de l’élection des maires. Comme avait coutume de dire Clemenceau, « pour prendre une décision, il faut être un nombre impair de personnes, et trois, c’est déjà trop ». (Sourires.)

Nous entendons également les motivations de celles et de ceux qui, membres de formations politiques au faible ancrage territorial, voient dans l’avènement d’un scrutin de liste distinct l’occasion de s’ouvrir plus largement la porte des hémicycles métropolitains.

Il nous semble cependant que le maire, parce qu’il est le maire, doit être partie prenante à la vie des métropoles. Il est et demeure, avec l’ensemble du conseil municipal, le principal interlocuteur des habitants. Il est celui qui résiste aujourd’hui le mieux à la perte croissante de crédit de la chose publique. Il est clairement identifié par le plus grand nombre.

Pour souvent avoir été élu local, chacun d’entre nous le sait, la véritable légitimité, celle qui s’enracine, s’acquiert rarement sur les plateaux de télévision ou dans les journaux. Elle est, sur le terrain, l’œuvre du temps, le fruit de rencontres et d’échanges multiples.

Il ne nous apparaît pas faire preuve de conservatisme en rappelant ces fondamentaux ; tout au plus de pragmatisme.

Si le pouvoir est lointain, inaccessible, déconnecté, alors nous gouvernerons sans les Français, et ces derniers s’éloigneront toujours davantage des urnes…

Le système du fléchage pour les communes de plus de 1 000 habitants est une création sénatoriale dont nous pouvons nous enorgueillir. Il faut le répéter, le fléchage représente bien une élection au suffrage universel direct, comme l’a reconnu le Conseil constitutionnel. Il n’est donc pas moins légitime que les trois scenarii présentés en janvier 2017, qui ont mis à rude épreuve les capacités créatives, pourtant grandes, de la Direction générale des collectivités locales, la DGCL.

Il est un second grief parfois formulé à l’encontre du fléchage : un manque de lisibilité, du fait d’une double désignation.

Son intelligibilité pour le citoyen ne souffre pourtant d’aucun reproche. Elle pourrait même apparaître comme exemplaire au regard des alternatives susceptibles de lui être opposées.

Je pense notamment à celle qui semblait avoir la préférence du précédent exécutif et qui s’apparentait, peu ou prou, au système en vigueur pour l’élection des conseillers régionaux. Au sein de la métropole du Grand Paris, sa mise en œuvre aurait conduit à présenter des listes comptant au moins 209 candidats répartis dans 131 circonscriptions communales… En termes de lisibilité du bulletin de vote, vous reconnaîtrez, mes chers collègues, que l’on a vu plus limpide !

Enfin – et c’est là sans doute le principal argument de celles et de ceux qui réfutent notre démarche –, le fléchage ne permettrait pas la nécessaire appropriation par nos concitoyens du fait métropolitain.

Encore une fois, le système de désignation actuel ne nous paraît pas constituer un obstacle à la mobilisation des citoyens autour d’un débat et de projets métropolitains.

À l’occasion des dernières élections municipales, et alors qu’il n’existait qu’une métropole, celle de Nice, la thématique métropolitaine avait souvent été éludée, car elle était essentiellement évoquée à propos de l’opportunité de créer, ou pas, des métropoles. Nous ne pouvons donc nous référer à aucun précédent susceptible de démontrer cette insuffisance.

Or, depuis, le fait métropolitain a totalement imprégné la vie municipale dans les communes concernées. Soyez assurés que, lors des campagnes de 2020, projets municipaux et métropolitains seront au cœur des débats.

Ancienne maire sans étiquette d’une commune de 4 000 habitants, je souhaite, pour conclure, insister sur la dérive politique et partisane qui découlerait d’une désignation des conseillers métropolitains par le biais d’une élection autonome.

Certains estiment que le système actuel ne permet pas de dégager une majorité politique claire au sein des assemblées délibérantes. Je vois pour ma part dans les hémicycles intercommunaux ou métropolitains de véritables instances de dialogue et de consensus.

Dans mon département, au sein de la métropole Aix-Marseille Provence, de nombreux maires sans étiquette ne seraient plus en mesure de se situer, ou même d’exister, au sein d’hémicycles fortement « politisés », comme le sont par exemple, aujourd’hui, nos conseils régionaux.

La presse se fait d’ailleurs l’écho, ce jour, de ce que pourrait devenir le conseil métropolitain d’Aix-Marseille Provence dans le cadre de la mise en place d’une nouvelle collectivité territoriale à statut particulier. D’après les confidences que vous avez faites hier, madame la ministre, aux seuls députés de La République En Marche, il s’agirait d’une assemblée de soixante-dix élus désignés sur des listes métropolitaines, avec éventuellement création d’une assemblée des maires, purement consultative.

Les commentaires de vos interlocuteurs du jour, rapportés par la presse, laissent songeur : « ne plus imposer par le haut », « écouter les élus locaux »… Les élus locaux seront tellement bien écoutés qu’ils seront purement et simplement évincés, et ce – c’est une première – à l’échelle de tout un département !

La précédente métropole avait peut-être été imposée par le haut, mais elle avait du moins intégré en son sein celles et ceux qui ont fait jusqu’ici la vie des territoires, désormais largement administrés par la métropole. Là encore, l’« ancien monde » est prié de faire place nette.

Au-delà des seules métropoles, et pour revenir à des considérations moins provençales, je veux dire un mot de l’ensemble des intercommunalités.

Lors de l’examen du projet de loi NOTRe, une disposition adoptée par les députés prévoyait l’élection de tous les exécutifs des EPCI par le biais d’un scrutin direct distinct de l’élection municipale.

Si certains d’entre nous sont aujourd’hui enclins à voir dans l’article 54 de la loi MAPTAM un véritable galop d’essai, on reconnaîtra qu’il n’y a pas nécessairement lieu de les accuser de verser dans le complotisme…

Mes chers collègues, les signataires de cette proposition de loi ne croient pas à un prétendu « sens de l’histoire ». À cette conception hégélienne, nous opposons la phrase de Valéry : « L’histoire justifie ce que l’on veut. »

J’ai la conviction que nous nous situons plutôt à la croisée des chemins : nous devons construire, avec les élus, un modèle d’organisation territoriale pertinent et démocratique.

Les métropoles sont appelées à exercer des compétences très largement communales. Nous y souscrivons pleinement. Toutefois, le lien avec la commune ne saurait être rompu, pour des raisons de proximité et de cohérence des politiques menées. Mes chers collègues, les signataires de cette proposition de loi vous invitent à rappeler votre attachement à l’unicité du scrutin. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, bien que récentes, les métropoles créées par vagues successives suscitent des questions, parfois d’ordre identitaire, voire existentielles, tant sont grandes leurs difficultés à trouver leur place dans l’architecture institutionnelle de la décentralisation.

La proposition de loi de notre collègue Mireille Jouve et de plusieurs membres du groupe du RDSE vise à abroger l’article 54 de la loi MAPTAM du 24 janvier 2014, qui prévoit que le législateur définisse avant le 1er janvier 2019 un nouveau mode de scrutin pour l’élection des conseillers métropolitains. Une proposition de loi identique a été déposée par notre collègue Sophie Joissains.

Force est de constater que ces propositions de loi sont pleines de bon sens et de sagesse. En effet, l’application de l’article 54 de la loi MAPTAM, lequel pourrait paraître accessoire à la première lecture, entraînerait des conséquences sur la nature réelle des métropoles et, surtout, sur la place de la commune, cellule de base de la démocratie locale, comme l’a toujours affirmé le Sénat. Qui plus est, il n’existe à l’heure actuelle ni consensus politique ni solution technique acceptable pour faire droit à l’incantation de l’article 54.

Les métropoles constituent aujourd’hui des objets mal identifiés, qui nécessitent selon nous une véritable évaluation. Initialement, leur création avait pour objet de permettre à quelques grandes agglomérations urbaines de renforcer leur attractivité et leur dynamisme économique dans un réseau d’échanges à vocation européenne, voire internationale. Cette dimension première ne devait concerner que quelques grandes aires urbaines. Elle a rapidement été dépassée, au bénéfice d’intercommunalités de projet, voire de gestion fortement intégrée.

Aujourd’hui, les vingt-deux métropoles regroupent des entités très distinctes, à raison de leur taille – Paris regroupe plus de 7 millions d’habitants et 131 communes, contre moins de 215 000 habitants et 8 communes pour Brest –, de leurs compétences – l’éventail est très large, allant des compétences stratégiques à des compétences de guichet, en passant par la gestion de services publics du quotidien –, de leur statut, puisque la métropole de Lyon est une collectivité territoriale à part entière au sens de l’article 72 de la Constitution, tandis que les autres sont des EPCI à fiscalité propre, dont deux à statut particulier, la métropole du Grand Paris et celle d’Aix-Marseille Provence.

Les assouplissements successifs des critères de création d’une métropole ont fortement altéré le concept. Un premier bilan de cette métropolisation accélérée est nécessaire. La mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale installée par la commission des lois pourrait s’atteler à ce travail, sous l’égide de son rapporteur, notre collègue Mathieu Darnaud.

Concernant l’élection des conseillers métropolitains, la proposition de loi soumise à notre examen nous invite raisonnablement au statu quo. L’ambiguïté de l’article 54 de la loi MAPTAM, l’absence d’alternative crédible et notre volonté de réaffirmer la place centrale de la commune nous conduisent à soutenir clairement l’initiative du groupe du RDSE.

L’article 54 de la loi MAPTAM est en effet le fruit d’un compromis arraché en commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale étant favorable à l’élection directe des conseillers métropolitains et le Sénat y étant fortement opposé. Il comporte une clause de revoyure ambiguë et prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement avant le 30 juin 2015. Ce rapport a finalement été rendu au mois de janvier 2017.

L’ambiguïté porte tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, car l’obligation de légiférer avant le 1er janvier 2019 n’engage que le législateur. Au Gouvernement ne s’impose que le respect de la tradition républicaine, qui veut que l’on ne modifie pas un mode de scrutin dans l’année qui précède l’élection concernée. Pour les élections municipales et communautaires, la date butoir est donc fixée au mois de mars 2019.

Sur le fond, car l’article 54 de la loi MAPTAM prévoit le recours au suffrage universel direct, mais n’en précise pas les modalités.

Hormis la métropole de Lyon, où la désignation directe des conseillers métropolitains est liée au statut de collectivité territoriale, les autres métropoles recourent au suffrage universel direct via le mode de scrutin dit du « fléchage » pour les communes de plus de 1 000 habitants.

Lors de l’examen du projet de loi NOTRe, le constat semblait largement partagé par Mme la ministre, alors sénatrice du Loir-et-Cher, qui précisait que « les élus communautaires sont d’ores et déjà élus au suffrage universel direct par fléchage ».

Pour les communes de moins de 1 000 habitants, la désignation des conseillers métropolitains se fait selon l’ordre du tableau.

Aujourd’hui, 96 % des conseillers métropolitains sont élus suivant le principe du fléchage sur les listes municipales, selon les règles de représentation proportionnelle avec répartition des restes à la plus forte moyenne. Au moment du vote, l’électeur est en mesure d’identifier les candidats aux fonctions municipales et les candidats aux fonctions métropolitaines. Il s’agit donc bien d’une élection au suffrage universel direct.

L’absence d’alternative crédible est soulevée dans le rapport remis par le Gouvernement au mois de janvier 2017. Relevant qu’il n’existe aucun consensus au sein même des métropoles, ce rapport analyse trois scenarii distincts alternatifs au scrutin existant.

Le premier repose sur l’existence de deux collèges, l’un composé des représentants des communes, l’autre de conseillers métropolitains élus directement.

Le deuxième conçoit l’élection de l’assemblée métropolitaine dans des circonscriptions communales, chaque commune étant une circonscription dont les sièges seraient attribués au scrutin majoritaire s’ils sont moins de trois, à la représentation proportionnelle avec prime majoritaire sinon.

Le troisième scenario prévoit, à l’image du mode de scrutin régional, l’élection de l’assemblée métropolitaine au sein d’une circonscription unique, chaque commune étant une section électorale.

Aucun de ces modes de scrutin ne permet de respecter les quatre principes clefs : garantir la représentation des communes, essentielle dans un EPCI, aucune collectivité territoriale ne pouvant, en vertu de l’article 72 de la Constitution, exercer sa tutelle sur une autre – c’est le fondement même de la coopération intercommunale ; répartir les sièges sur une base essentiellement démographique, conformément à la décision bien connue du Conseil constitutionnel Commune de Salbris du 20 juin 2014 ; assurer l’intelligibilité et la lisibilité du mode de scrutin pour l’électeur ; permettre l’émergence de majorités stables de gouvernement des métropoles.

Devant l’absence de solutions alternatives crédibles, il convient donc de maintenir le système actuel. Nous rejoignons ainsi notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui, au moment du vote de l’article 54 de la loi MAPTAM, avait précisé que « la loi fixera les modalités des élections de 2020, qui pourront être les mêmes qu’aujourd’hui ».

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! C’était une possibilité.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cette solution présente à mes yeux trois avantages majeurs.

Premièrement, elle évite de transformer les métropoles en collectivités territoriales siphonnant les départements et les communes et complexifiant encore l’organisation territoriale.

Deuxièmement, le statu quo assure la stabilité dont les collectivités territoriales ont bien besoin et la pause dans les réformes institutionnelles réclamée par de nombreux élus locaux.

Enfin et surtout, le mode de scrutin actuel garantit, tout en ayant recours au suffrage universel direct, que les conseils métropolitains restent l’émanation des conseils municipaux. Le lien entre la commune et la métropole est essentiel au bon fonctionnement de l’intercommunalité.

Cette proposition de loi empêchera la « mort des communes », pour reprendre l’expression employée par notre collègue Mathieu Darnaud lorsqu’il était rapporteur du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. Surtout, elle nous permet de réaffirmer, à la suite d’Alexis de Tocqueville, la place centrale de la commune, cellule de base de la démocratie. La commission des lois l’a donc adoptée sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi vise à revenir sur le régime électoral applicable à l’ensemble que forment les métropoles au sein de la catégorie des intercommunalités à fiscalité propre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte tend non pas à faire évoluer ou à compléter les règles électorales applicables aux intercommunalités à fiscalité propre qui ont le statut de métropole, mais à les stabiliser.

Permettez-moi, monsieur le président de la commission des lois, de saluer le travail réalisé en commission, qui a permis que soit examiné aujourd’hui un texte épuré, aux ambitions claires et précises.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Merci !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je concentrerai mon propos sur trois éléments qui fondent la position du Gouvernement sur cette proposition de loi.

Premièrement, la loi a récemment renforcé la légitimité démocratique des organes délibérants des intercommunalités à fiscalité propre.

Au mois de mars 2014, pour la première fois, nos concitoyens ont pu voter pour la désignation des conseillers communautaires, en même temps qu’ils élisaient les conseillers municipaux. C’était déjà « en même temps » ! (Sourires.)

Cette évolution était devenue indispensable. En effet, l’extension progressive des compétences des intercommunalités, leur rôle accru dans l’organisation des services publics locaux, mais aussi le fait que des leviers fiscaux soient à leur disposition, ont conféré aux intercommunalités une responsabilité politique croissante, que nul ne songerait aujourd’hui à remettre en cause.

Toutefois, longtemps, cette évolution fondamentale de l’organisation décentralisée de notre République ne s’était pas accompagnée d’une évolution des modalités de désignation des conseillers communautaires.

Certes, leur légitimité était réelle, car procédant des conseils municipaux, mais elle était sans lien avec le corps électoral, avec l’expression politique et le suffrage de nos concitoyens. Cette situation nourrissait d’ailleurs des critiques récurrentes à l’égard des intercommunalités, dont le « déficit démocratique » était régulièrement dénoncé.

La loi du 16 décembre 2010 a donc utilement fait évoluer les règles pour prévoir que les conseillers communautaires seraient, dans les communes de plus de 1 000 habitants, où la désignation des conseillers municipaux et communautaires résulte de l’expression d’un même vote, élus au suffrage universel direct selon le système du fléchage, et, dans les communes de moins de 1 000 habitants, désignés automatiquement dans l’ordre du tableau.

Dans le même temps, cette loi a permis de progresser dans la mise en œuvre du principe de parité. Elle a constitué une avancée très importante sur ce point.

Deuxièmement, s’agissant des métropoles, la question de la poursuite du renforcement du lien entre élus et corps électoral a légitimement été posée par le législateur.

La loi MAPTAM du 27 janvier 2014 prévoyait que le Gouvernement dépose un projet de loi organisant l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct avant le 1er janvier 2017. La loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain a repoussé cette échéance au 1er janvier 2019.

Il est vrai que l’intégration souvent plus aboutie et la dynamique récente de prise de compétences départementales des métropoles, par le biais du mécanisme de transfert prévu par la loi NOTRe, posent avec d’autant plus d’acuité la question de la légitimité démocratique des organes délibérants des métropoles. Telle est la raison pour laquelle bon nombre de ces collectivités admettent que la question de l’élection au suffrage universel direct doit être étudiée. Les travaux préparatoires aux lois MAPTAM et NOTRe l’ont amplement démontré ; certains ici s’en souviennent.

Pour autant, à l’exception de la métropole de Lyon, qui a la qualité de collectivité à statut particulier, les métropoles se sont jusqu’à présent inscrites dans le registre de l’intercommunalité, ce qui entraîne une configuration de contraintes particulière en matière électorale.

En effet, l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct sans fléchage, qu’envisageait la loi MAPTAM, est soumise à deux contraintes.

D’une part, conformément à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, la répartition des sièges au sein du conseil métropolitain doit s’opérer « sur des bases essentiellement démographiques », afin de garantir l’égalité de représentativité des conseillers communautaires.

D’autre part, dans le cadre de l’intercommunalité, pour assurer l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre, chaque commune membre de l’EPCI doit être représentée au sein de l’assemblée délibérante.

La combinaison de ces deux principes constitutionnels entraîne des difficultés techniques fortes, voire insolubles dans certains cas.

En effet, attribuer un siège de conseiller métropolitain aux plus petites communes conduit nécessairement à en affecter un plus grand nombre aux communes les plus importantes, afin d’assurer l’égale représentation démographique. S’agissant des métropoles, il en résulterait des augmentations des effectifs des organes délibérants d’autant plus élevées que l’hétérogénéité démographique des communes membres de la métropole est importante. Ainsi, le rapport entre la commune la moins peuplée et la commune la plus peuplée est de 1 à 1894 à Toulouse, de 1 à 2028 à Grenoble, de 1 à 3423 à Nice, et il atteint 1 à 6668 à Aix-Marseille.

Dès lors, comme l’a établi un rapport remis au Parlement au mois de février 2017, la mise en place du suffrage universel direct sans fléchage dans le cadre de l’intercommunalité à fiscalité propre ne peut s’envisager dans le respect des principes constitutionnels sans une augmentation démesurée de la taille des conseils métropolitains ou une complexification à l’excès des modes de scrutin.

Telles sont les raisons qui ont vraisemblablement conduit le précédent gouvernement à ne pas donner suite à l’invitation du législateur de 2014 et à laisser en quelque sorte en héritage une question demeurée ouverte.

Pour ces mêmes raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le devenir des dispositions législatives prévoyant, dans le cadre de l’intercommunalité à fiscalité propre, l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct sans fléchage, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Troisièmement, comme vous le savez, la définition des modes de scrutin est intimement liée aux statuts institutionnels. Dès lors qu’une métropole accède au statut de collectivité à statut particulier, la configuration de règles et objectifs à valeur constitutionnelle est transformée. Les règles et principes qui caractérisent l’intercommunalité à fiscalité propre ne s’appliquent plus, puisqu’il est alors question de collectivités de plein exercice, qui s’administrent librement, par un conseil élu.

Par conséquent, des dispositions législatives qui organiseraient le changement de statut de certaines métropoles auraient à traiter du régime électoral qui leur serait applicable.

C’est ainsi que la métropole de Lyon, collectivité à statut particulier de plein exercice, s’administre librement, par un conseil élu. Dès lors, à l’occasion du prochain renouvellement, l’élection des conseillers métropolitains se déroulera au suffrage universel direct.

Sous cet angle, qui n’est plus celui de l’intercommunalité à fiscalité propre classique et qui suppose une évolution institutionnelle substantielle, la question de l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains pourra de nouveau être débattue devant le Parlement.

C’est en effet le sens des engagements pris par le Président de la République devant le Congrès des maires de France, le 23 novembre dernier, concernant de « cinq à huit métropoles d’ambition européenne et mondiale », de « si ces dernières le souhaitent, […] procéder à un rapprochement bien légitime » avec les départements.

À propos de la métropole d’Aix-Marseille Provence, je précise que je n’ai échangé avec aucun journaliste de La Provence, ni en face à face ni en ligne. Le Gouvernement n’a aucun plan pour cette métropole, hors ce que je viens d’indiquer. (Mme Sophie Joissains applaudit.) Vous noterez d’ailleurs qu’aucun des propos qui me sont prêtés dans l’article en question ne figure entre guillemets.

Mme Samia Ghali. Ce sont vos députés qui les ont tenus !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement a engagé la concertation concernant ce chantier. À l’issue de cette phase de réflexion, dans les conditions évoquées par le Président de la République, nous pourrons être amenés à proposer ensemble les évolutions institutionnelles, d’une part, et celles du régime électoral, d’autre part, qui trouveraient à s’appliquer à un certain nombre de métropoles. En effet, comme je vous l’indiquais, l’évolution du mode de scrutin est intimement liée aux évolutions institutionnelles. Bien évidemment, l’accès d’une métropole à la qualité de collectivité à statut particulier, collectivité de plein exercice, transforme fondamentalement les termes de l’équation du mode de scrutin. Le Gouvernement entend donc traiter ensemble de ces deux questions lorsqu’elles se poseront.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure, je vous indique que, dans le cadre de la réflexion engagée, la question du rôle et de la place des maires dans les métropoles est elle aussi bien identifiée, tout particulièrement par le ministre d’État et par moi-même. Cette question fait partie du programme de travail du Gouvernement et pourra, elle aussi, justifier des évolutions législatives. Dans les métropoles comme dans les autres intercommunalités à fiscalité propre, chacun connaît et mesure en effet le rôle des maires dans la construction des projets communautaires.

C’est dans cet esprit que je vous rappelle que le Gouvernement s’en remet, sur l’initiative sénatoriale que constitue ce texte, à la sagesse de votre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, au sein de la loi MAPTAM a été logée une bombe à retardement : son article 54, qui renvoie prudemment à une prochaine loi le soin de fixer les modalités de l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct.

Il s’agit d’une bombe à retardement car, mine de rien, découpler l’élection des conseillers métropolitains et celle des conseillers municipaux change la nature des intercommunalités. Ces dernières cessent alors d’être un outil des communes qui les gouvernaient en y envoyant des représentants élus directement par les citoyens à l’occasion des élections municipales et deviennent des collectivités autonomes tirant leur légitimité non plus des communes, mais des électeurs, par le biais d’un scrutin distinct.

Cela a été rappelé, un rapport gouvernemental devait servir de fondement à la discussion parlementaire. Faute de temps, je ne reviendrai pas sur celui-ci : sans surprise, il écarte l’actuel mode d’élection des représentants des communes au conseil métropolitain, au motif qu’il ne fait pas suffisamment apparaître les enjeux métropolitains et ne garantit pas qu’une majorité claire se dégage toujours au sein du conseil métropolitain ; par ailleurs, il envisage trois modes de scrutin alternatifs possibles.

Outre que l’on ne connaît pas d’exemple d’intercommunalités dysfonctionnant du fait du mode d’élection des conseillers communautaires, ce qui rend ces propositions fondamentalement inacceptables, c’est que toutes changent la nature des métropoles qui, exception faite de la métropole lyonnaise, sont aujourd’hui des EPCI, ce que rappelle l’article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales. Elles deviendraient des entités spécifiques, de véritables collectivités territoriales. Or ce qui fait l’EPCI, c’est que son conseil exprime les volontés des communes membres, ce que seuls peuvent faire des représentants de celles-ci. Contrairement à ce que laisse croire le rapport, élire des conseillers au sein d’une circonscription communale, comme le prévoient certains modes de scrutin, ne suffit pas à en faire des représentants des communes : là est l’escroquerie intellectuelle.

Le mode de scrutin par fléchage ne rend pas les métropoles et ses enjeux suffisamment visibles, nous dit-on. Sauf élection dans le cadre métropolitain, les modes de scrutin alternatifs ne le permettent pas davantage. Au contraire, le mode de scrutin actuel lie les enjeux communaux et les enjeux métropolitains et place ces derniers au cœur du débat des élections municipales, qui restent les élections les plus mobilisatrices.

Changer ce mode de scrutin serait clairement une étape supplémentaire du projet en cours de mise en œuvre de dissolution des communes dans des intercommunalités qui se substitueraient à elles par siphonnage de leurs compétences et de leurs ressources. On commencera par le mode d’élection des conseillers métropolitains et l’on continuera, n’en doutez pas, par celui des conseillers d’agglomération, puis des communautés de communes importantes. Il n’en manque pas !

Qu’on le veuille ou non, l’actuel mode de scrutin pour l’élection des conseillers communautaires et métropolitains est le seul qui permette la représentation des communes, même les plus petites, en tant que communes, tout en respectant la règle de représentation essentiellement démographique.

La proposition de supprimer l’article 54 de la loi MAPTAM doit donc être soutenue sans hésitation, d’autant que le mode de scrutin actuel permet déjà l’élection au suffrage direct de 96 % des conseillers communautaires, ceux qui sont issus des communes de plus de 1 000 habitants. Abaisser le seuil d’application du scrutin proportionnel permettrait d’ailleurs que plus d’élus encore soient désignés via ce mode de scrutin. Dans le même ordre d’idées, on pourrait améliorer le dispositif en accordant plus de place et de moyens d’expression aux oppositions, ce qui permettrait de dynamiser les débats au sein des conseils qui, chacun le sait, ne sont pas toujours très fournis.

Il faut sans cesse affaiblir les communes afin de pouvoir constater un jour qu’elles n’ont plus ni pouvoir ni moyens et, partant, décider de les supprimer puisqu’elles ne servent plus à rien ! Il est grand temps de marquer un coup d’arrêt à cette entreprise dont la poursuite éloignerait encore un peu plus les Français du jeu démocratique.

« Sans institutions communales, une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de la liberté », rappelait Tocqueville voilà bien longtemps, à une époque où les libéraux entendaient mettre la liberté « à la portée du peuple ». Il est temps de montrer que ces libéraux n’ont pas tous disparu, en votant la proposition de loi de notre collègue Mireille Jouve, d’autant que même la ministre reconnaît que l’article 54 de la loi MAPTAM n’est plus de saison, ce dont je la remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Sophie Joissains. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, avant tout, je tiens à saluer l’initiative de notre collègue Mireille Jouve et du groupe du RDSE. Elle nous permet aujourd’hui d’avoir de nouveau un débat sur une question majeure pour l’organisation de notre maillage territorial, l’élection des conseillers métropolitains, qui soulève évidemment celle du lien particulier entre communes et métropoles.

Mireille Jouve, ancienne maire de Meyrargues, belle commune rurale du Pays d’Aix, connaît bien les problèmes de démocratie que peuvent rencontrer les communes au sein des assemblées métropolitaines. Meyrargues relève d’un territoire où la création de la métropole Aix-Marseille Provence a été imposée contre l’avis de 113 maires sur 118 et continue d’être rejetée avec force. Considérons la résistance du Pays d’Aix, mais aussi celle du Pays d’Arles, prêt à changer de département pour ne pas être intégré à la métropole…

Cette métropole est rejetée avec force tant elle est budgétairement mortifère : une dette de 2 milliards d’euros, une capacité d’investissement quasiment réduite de moitié en deux ans d’existence, une conception en dépit du bon sens sur un territoire comprenant six intercommunalités, le plus étendu de France.

Nous avons vécu de l’intérieur l’écrasement de la voix des communes et pu mesurer aussi combien il était dangereux de ne pas tenir compte de leur avis. Si on les avait écoutées, nous n’en serions pas là, avec 2 milliards d’euros de dette, des conventions de gestion pas toujours régulières, notamment sur la clôture des budgets annexes ou sur les exigences d’évaluation préalable, des conventions de gestion sur l’ensemble des compétences communales transférées à la métropole, laquelle, se trouvant dans l’incapacité de gérer ces compétences, a imposé aux communes de le faire pour son compte.

Si les communes avaient été entendues, la métropole aurait peut-être été une métropole de projets, et donc une intercommunalité viable, agréable même et prospère.

Paraphrasant Benoist Apparu, je dirai que les gouvernements qui se sont succédé ont cédé à la tentation du « grand » et, n’ayant pu supprimer les communes, ont tenté de les vider totalement de leur substance : voirie, parkings, politique de la ville, eau, assainissement, et j’en passe, jusqu’aux lieux de sépulture…

Il n’en reste pas moins que les communes sont les racines des métropoles. Si leurs exécutifs demeurent les mieux élus de France, c’est bien parce qu’elles sont seules à assurer un lien de proximité réel, un lien démocratique avec les citoyens.

Les intercommunalités ont été créées pour aborder à un niveau supracommunal les grands enjeux territoriaux, comme le développement économique, l’environnement, les transports. Aux intercommunalités, c’est-à-dire aux communes réunies, à l’émanation des communes plus exactement, un regard plus large, de long terme, des projets et des moyens supérieurs ; aux communes, la vie quotidienne, le contact et… la sanction démocratique directe.

Aujourd’hui, l’élargissement autoritaire des compétences intercommunales n’a plus rien à voir avec la logique de subsidiarité qui a présidé à la création des intercommunalités. Ces grands ensembles visent à prendre la place des communes. Mais, sans ancrage suffisant, cela ne fonctionne pas. Le citoyen ne s’y retrouve pas. Le Parlement a déjà voté huit révisions de la loi NOTRe. La semaine prochaine, pour tenir compte, encore une fois, des réalités de terrain, nous devrons revenir sur la compétence eau et assainissement.

Les maires et les élus municipaux exercent leurs mandats dans un esprit de proximité, de connaissance profonde des besoins de leurs concitoyens, et ils ont été élus précisément pour cela : pour être au contact, à proximité d’« engueulades », diraient certains. Ils sont d’ailleurs bien souvent désignés très au-delà du simple choix d’une étiquette politique, ce qui n’est le cas dans aucune autre collectivité. Une intercommunalité, après l’élection de son président, doit gérer son territoire, pour le bien commun, dans l’intérêt général, par-delà les paramètres politiques habituels, dans la prise en considération et l’acceptation d’une grande diversité.

L’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains conduirait à un modèle extrêmement politisé, viderait les communes de leur substance et distendrait encore considérablement le lien entre le citoyen et la décision intéressant son quotidien.

Cette question de l’élection au suffrage universel remonte à la loi de réforme des collectivités de 2010. Les maires avaient riposté avec force : en conséquence, le Sénat avait changé de majorité pour la première fois dans l’histoire de la Ve République ; souvenons-nous-en.

À cette époque, l’État évoquait l’ambition de rivaliser avec de grandes villes européennes. Dans les faits, après le vote de la loi de 2010, une seule métropole verra effectivement le jour, à la fin de 2011 : celle de Nice.

Les choses ont bien changé depuis… À la suite de la mise en œuvre des dispositions de la loi MAPTAM et de la loi NOTRe, vingt-deux métropoles ont été créées, regroupant 28 % de la population française.

Au départ, afin d’être mieux identifiées, quelques communautés urbaines se sont constituées en métropole. Aujourd’hui, avec la fusion des régions et malgré de multiples craintes concernant le régime juridique, les capitales de département, de région ou d’ancienne région y viennent de peur de perdre toute visibilité. L’ambition initiale d’identifier quelques métropoles à dimension européenne, voire mondiale, est bien loin. Reste que 72 % de la population vit en dehors des métropoles ; pour une grande part, ces Français sont ceux que l’on appelle les oubliés du monde rural. Les inégalités se sont dangereusement creusées.

Nombre d’ambiguïtés demeurent sur le concept de métropole, qui, dans l’imaginaire collectif, renvoie à d’immenses entités, comme Shanghai ou Mexico : super ville-centre, entité nouvelle, voire non encore bien identifiée ? Il est indispensable de clarifier le débat.

Qui, demain, sera élu au conseil métropolitain ? Les membres d’une liste portant une étiquette politique peu représentative des nuances et particularités locales ? Les membres d’une liste qui seront uniquement responsables devant leur président et son cabinet ? Ou bien des élus proches des habitants et risquant une double sanction électorale ?

Les métropoles ne sont pas des collectivités territoriales ; elles ne sont pas indépendantes, elles dépendent d’autres collectivités, les communes, tant d’ailleurs par leur périmètre que par leurs compétences. Mme la ministre l’a rappelé, aucune collectivité ne doit dépendre d’une autre ; du moins est-ce le sens de l’article 72 de la Constitution.

Élire demain les conseillers métropolitains sans fléchage serait de facto changer la nature de la métropole, mais aussi celle de toutes les communes. Cette proposition de loi est indispensable pour lever l’ambiguïté de l’article 54 de la loi MAPTAM, si bien détaillée par notre rapporteur Agnès Canayer, que je remercie de son travail.

Plus de quatre ans après la promulgation de la loi MAPTAM, nous ne pouvons demeurer dans l’incertitude sur l’élection des conseillers métropolitains. Une clarification est indispensable, et la présente proposition de loi la permet.

Le Sénat a toujours été opposé à ce que les conseillers métropolitains soient élus selon un mode de suffrage universel direct qui ne reposerait plus sur un ancrage communal. En adoptant cette proposition de loi mercredi dernier, la commission des lois de la Haute Assemblée s’est inscrite dans la parfaite continuité de la position qu’elle avait défendue lors des deux lectures du projet de loi MAPTAM. Le présent texte a donc deux mérites : réaffirmer la position nette du Sénat ; supprimer l’article 54 de la loi MAPTAM, scorie législative dont les conséquences n’ont en fait jamais été véritablement mesurées.

Le système actuel du fléchage est le meilleur trouvé à ce jour, le seul respectant tant les citoyens dans leur rôle d’habitants des communes que les principes fondateurs de l’intercommunalité.

La métropole lyonnaise est souvent présentée comme le modèle à suivre ; ma collègue Michèle Vullien en parlerait sûrement beaucoup mieux que moi. Son cas est très spécifique et ne peut être comparé à d’autres. Ne nous y trompons pas. La COURLY avait commencé d’exister dans d’excellentes conditions économiques voilà plus de quarante ans. Depuis 2015, le Grand Lyon, du fait du temps écoulé, d’une ville-centre unique et d’un périmètre relativement resserré –533,68 kilomètres carrés –, a pu s’organiser de manière intelligente. Sa superficie est presque trois fois moindre que celle du Pays d’Aix, qui est de 1 333,34 kilomètres carrés, et six fois moindre que celle de la métropole Aix-Marseille Provence, qui s’étend sur 3 173 kilomètres carrés et compte six bassins de vie et six villes-centres.

Le modèle lyonnais n’est décidément pas comparable aux autres. Le temps pris pour sa construction a été essentiel et lui a permis d’atteindre une certaine sagesse en termes de cohabitation, au sein d’un pôle métropolitain plus vaste, avec une autre ville-centre plus petite, Saint-Étienne. Son périmètre est viable et ses ressources solides.

Mme la présidente. Il va falloir conclure, chère collègue.

Mme Sophie Joissains. En revanche, le mode d’élection de ses conseillers métropolitains est extrêmement critiquable. En effet, après les prochaines élections, les communes ne seront plus représentées en tant que telles au conseil métropolitain, et rien ne garantit que chaque commune y soit représentée fût-ce par un seul élu. C’est là une atteinte grave à la représentation démocratique ; c’est exactement ce que nous craignons et rejetons, madame la ministre.

Mme la présidente. Madame Joissains, il faut vraiment conclure.

Mme Sophie Joissains. Le groupe Union Centriste votera avec force et conviction en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. –M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux le dire d’emblée, j’adore les communes ! Puisque Mme Jouve a cité le grand philosophe Hegel, je lui répondrai que le sens de l’histoire ne s’oppose pas à la réalité communale, même s’il suppose aussi de se confronter au réel. Dans un village de 150 habitants, lors d’une élection municipale, on parle des questions propres à la commune, et l’on a bien raison de le faire. Dans une commune de 3 000 habitants, c’est pareil. Dans les plus grandes entités, à savoir les vingt-deux métropoles, il y a une collection d’élections municipales à l’occasion desquelles on parle des réalités municipales, et l’on a bien raison aussi de le faire.

M. Pierre-Yves Collombat. Eh oui, c’est cela une intercommunalité !

M. Jean-Pierre Sueur. Il existe, certes, le fléchage. Je n’en dirai pas de mal puisque nous sommes quelques-uns, ici, à avoir beaucoup œuvré en sa faveur…

M. Michel Savin. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. … et pour qu’il y eût deux listes…

M. Pierre-Yves Collombat. Eh oui, une intercommunalité, c’est une intercommunalité !

M. Jean-Pierre Sueur. … sur chaque bulletin de vote lors des élections municipales. Voilà la vérité.

Il n’empêche, au sein des métropoles, les conseils sont présidés par des personnalités dont le pouvoir est deux, trois, quatre, cinq fois plus important que celui du maire de la ville-centre.

M. Michel Savin. C’est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est donc qu’ils ne sont pas démocratiques !

M. Jean-Pierre Sueur. Ces présidents gèrent des budgets très importants.

M. Michel Savin. Eh oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, il est une réalité qui remonte à la Révolution française. Il fut décidé, à l’époque, que ceux qui levaient l’impôt devaient être élus au suffrage universel direct.

M. Pierre-Yves Collombat. Il n’était pas direct !

M. Alain Richard. Ni universel !

M. Jean-Pierre Sueur. La réalité, c’est qu’il y a des élections municipales, mais aucun lieu où l’on débat de l’avenir de l’entité, aujourd’hui la métropole, hier la communauté urbaine,…

M. Pierre-Yves Collombat. C’est dans le cadre des élections municipales que l’on débat !

M. Jean-Pierre Sueur. … au sein de laquelle, vous le savez, monsieur Collombat, beaucoup de choses sont décidées.

M. Pierre-Yves Collombat. Je répète que c’est dans le cadre des élections municipales que l’on débat !

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste, que je représente ici, a toujours souhaité qu’il y eût un mode de scrutin spécifique. Madame la ministre, vous l’avez rappelé très pertinemment, en 2014, lors de la commission mixte paritaire, à laquelle je participais, nous avions trouvé, je m’en souviens très bien, cet accord, un peu facile, je dois le dire, qui n’était pas à l’honneur du Parlement, en vertu duquel le Gouvernement présenterait un projet de loi avant le 1er janvier 2019.

À mon sens, plusieurs cas sont possibles. D’ailleurs, a été votée par l’Assemblée nationale, je le rappelle, sous la présidence de François Hollande, une disposition en vertu de laquelle il y avait deux collèges. On en voit aujourd’hui les limites, que vous avez décrites, madame la rapporteur. Mais je pense que tout cela n’est pas de l’ordre de l’impossible.

Madame la ministre, j’ai été très attentif aux calculs que vous nous avez présentés. Ayant entendu parler le Premier ministre hier, je voudrais vous inviter à appliquer la même logique mathématique à ce qui nous est proposé pour le Sénat.

M. Michel Savin. Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur. Si nous passons de 348 sénateurs à 244 et qu’il y a toujours un sénateur par département et par collectivité particulière, expliquez-moi comment, avec un tel dispositif, puisqu’il s’agirait d’une loi organique, on respectera la jurisprudence du Conseil constitutionnel,…

M. Jean-Pierre Sueur. … laquelle prévoit que l’écart par rapport à la représentation démographique ne peut excéder plus ou moins 20 %.

M. Alain Richard. Ce n’est pas exact, ce n’est pas ce qu’a dit le Conseil constitutionnel !

M. Jean-Pierre Sueur. À moins, monsieur Richard, que l’on change la Constitution à cet égard, évidemment.

M. François Grosdidier. On va la changer !

M. Alain Richard. Le Conseil constitutionnel n’a jamais dit cela ! Puis-je vous interrompre, monsieur Sueur ?

M. Jean-Pierre Sueur. Nous en reparlerons.

Mme Françoise Laborde. Ce sera le combat des chefs !

M. Jean-Pierre Sueur. On peut toujours objecter qu’il existe des obstacles techniques, madame la ministre, mais il faut tout de même essayer de prendre en compte la réalité politique. Dans le respect des communes, il n’est absolument pas absurde de trouver un chemin pour assurer davantage de démocratie, bien que je connaisse les avantages du fléchage, dans le mode d’élection des conseils des métropoles. Vous le savez bien pour l’avoir dit vous-même à l’instant, la question est ouverte.

Je conclus, madame la présidente, en annonçant, non sans avoir souligné, madame Jouve, tout le mérite de votre propos, que notre groupe ne votera pas cette proposition de loi, et ce pour une raison très simple, que je n’ai pas encore évoquée mais que chacun connaît : ce fut une facilité en 2014 que d’écrire cet article 54 ; même si, mes chers collègues, vous votez sa suppression à une large majorité, cela n’aura absolument aucune conséquence concrète. Il va de soi – vous connaissez cela parfaitement, monsieur le président de la commission des lois – que le Gouvernement peut déposer un projet de loi sur un sujet comme le mode d’élection des élus des conseils de métropole à tout moment.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Il ne manquerait plus que ça !

M. Jean-Pierre Sueur. Il pourra le faire dans un mois, dans deux mois, avant le 1er janvier 2019, et même après. C’est pourquoi cette proposition de loi relève de ce que l’un de nos grands auteurs auquel je rends hommage, je veux parler de Beaumarchais, appelait sagement la précaution inutile. (MM. Yves Daudigny, Jean-Pierre Corbisez et Michel Savin applaudissent.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, il me serait agréable que vous respectiez vos temps de parole.

M. Jean-Pierre Sueur. J’ai suivi l’exemple de Mme Joissains, madame la présidente !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous pouviez suivre le mien, monsieur Sueur !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, chers collègues, l’article 54 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, prévoit que le législateur définisse, avant le 1er janvier 2019, un nouveau mode de scrutin pour l’élection des conseillers métropolitains.

Depuis plus de quatre ans, le Sénat s’est opposé à une telle réforme, craignant qu’elle ne remette en cause la commune en tant que cellule de base de la démocratie locale. Dans cette logique, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui tend à confirmer l’actuel mode d’élection des conseillers métropolitains et vise ainsi à abroger l’article 54 de la loi MAPTAM.

Au même titre que les autres EPCI à fiscalité propre, les métropoles sont nées d’une volonté de coopération de plusieurs collectivités territoriales qui ont souhaité mutualiser certaines compétences et mener des projets d’intérêt métropolitain. Aussi, procéder à des modifications du mode d’élection des conseillers métropolitains reviendrait à remettre en cause les fondements mêmes de l’intercommunalité. Réformer le mode d’élection des conseillers métropolitains présente deux risques majeurs : d’une part, la transformation des métropoles en collectivités territoriales ; d’autre part, la mort des communes, cellules de base de la démocratie locale.

Comment imposer une complexité administrative supplémentaire ? Comment imaginer un nouvel empilement institutionnel ? En tant que législateurs, nous devons aussi écouter et respecter la volonté des élus locaux, qui souhaitent, de même que leurs administrés, davantage de simplification. Nous devons nous garder d’alourdir encore le millefeuille territorial. Les conseils métropolitains doivent donc rester l’émanation directe des conseils municipaux.

Je me réjouis que la commission des lois du Sénat ait adopté sans réserve cette proposition de loi. Considérant qu’il est souhaitable de conserver l’ancrage communal des délégués communautaires, pour qu’ils demeurent les représentants des conseils municipaux dans toutes les intercommunalités, des communautés de communes aux métropoles, le groupe Les Indépendants approuve l’abrogation de l’article 54 de la loi MAPTAM et votera en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi me donne l’occasion de revenir sur ce grand mal qui frappe nos communes et nos départements depuis un certain nombre d’années : celui des métropoles.

Il nous est proposé d’abroger l’article 54 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Ce dont il est question ici, c’est bel et bien du sujet des grandes métropoles, au travers de celui de l’élection de ses conseillers. Que reproche-t-on à l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct ? La même chose que l’on reproche aux métropoles elles-mêmes : l’éloignement des réalités locales et la création d’un doublon administratif non représentatif.

Avec les métropoles, vous avez encore créé un échelon administratif supplémentaire, qui étouffe littéralement les élus locaux et dilue toujours plus leur pouvoir décisionnel, pour finalement le leur retirer, alors qu’ils sont au contact des réalités, et donc des besoins de leur population.

Vous avez aussi créé de nouvelles sources de dépenses, alors même que les collectivités se trouvent asphyxiées par la baisse des dotations de l’État, ce qui oblige les communes à accroître la pression fiscale locale jusqu’à un niveau confiscatoire, comme à Marseille.

La décentralisation désordonnée que nous subissons entraîne une situation déjà intenable, avec des collectivités aux ressources réduites, mais aux compétences larges et aux coûts de fonctionnement énormes.

Par exemple, la métropole Aix-Marseille Provence, créée dans l’unique but, nous avait-on dit, de développer les transports et de favoriser l’emploi ainsi que l’activité économique, a très vite dérapé, pour se mêler de tout et de n’importe quoi, depuis la voirie jusqu’à l’entretien des piscines. Les coûts et la dette explosent, et c’est la guerre de tranchées qui s’instaure entre les maires, qui perdent inopportunément leurs prérogatives, et un président de la métropole tout aussi puissant qu’éloigné des réalités locales. En définitive, ce sont les habitants qui trinquent deux fois : ils paient davantage pour des services de moins en moins ou mal rendus, avec un décideur désormais inaccessible.

L’imbroglio entre toutes les strates de l’échelon administratif est une évidence ; nous l’avions annoncé, il saute désormais aux yeux. La solution trouvée par l’exécutif ? Fusionner, d’ici à 2021, cinq métropoles et départements, dont Aix-Marseille Provence avec les Bouches-du-Rhône. Je m’oppose catégoriquement à cette dilution, qui est un non-sens et bafoue encore une fois chacune des communes de Provence.

Contrairement à ce qu’affirment certains, il n’y a ni inéluctabilité ni sens de l’histoire, il n’y a que la volonté d’hommes et de femmes attachés, ou pas, à l’identité politique et administrative de leur pays.

Je réaffirme que le Front national souhaite que l’organisation territoriale de la France reste fidèle à son histoire, qui repose sur un pouvoir étatique relativement fort, capable de respecter les autonomies et les particularités locales. Nous rejetons cette vision merkelienne, européiste qui vise à l’uniformisation de nos territoires par le biais de la création de métropoles mastodontes faisant table rase de l’État-nation et retirant aux communes leurs libertés, donc leur identité.

Maintenir une organisation administrative cohérente, garantissant les particularismes, les identités locales et l’unité nationale au travers d’un triptyque puissant et moderne « communes-départements-État » est un enjeu majeur et une alternative crédible, à laquelle sont attachés les élus locaux et les Français.

Pour conclure d’une phrase, en matière d’organisation politique, administrative et électorale aussi, il ne saurait y avoir de modernité qu’enracinée dans la tradition ! (M. Sébastien Meurant applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, l’objet de la présente proposition de loi est, comme nous en rêvions, clair et simple. Son article unique permettra d’apporter une réponse concrète et pragmatique, dès les élections municipales prochaines de 2020, à la question de l’élection simultanée des conseillers métropolitains.

J’aurais évidemment salué des mêmes propos cette initiative si elle avait été le fait d’un autre groupe parlementaire, mais il se trouve qu’il s’agit d’une proposition de loi du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Que l’on me permette donc de m’en réjouir, de féliciter tout particulièrement notre collègue Mireille Jouve et de saluer la qualité du travail et la sagacité de Mme la rapporteur, Agnès Canayer.

Sur ce sujet, je suis intimement convaincue que, au-delà du récurrent et légitime débat sur les compétences de nos collectivités, la question des modalités de l’élection des conseillers métropolitains n’est pas accessoire. Bien au contraire, elle amène à poser, en corollaire, celle de l’avenir de nos communes.

Nous sommes placés aujourd’hui devant un choix important. Il faut que chacun assume le sien en conscience. Soit nous nous acheminons, ainsi que la loi MAPTAM en dispose, vers la désignation des conseillers métropolitains par le biais d’un scrutin autonome, d’une élection à part entière, déconnectée de l’élection communale, dont il appartient au Gouvernement de définir encore les modalités ; soit nous restons dans le cadre du système actuel de fléchage, qui a démontré, par défaut mais sans défaut, toute sa pertinence.

Ce mode de scrutin, contrairement à ce que nous entendons dire parfois, n’est aucunement un déni de démocratie. La forme – un seul bulletin au lieu de deux – ne doit pas nous faire oublier le fond : le système de fléchage est bien un scrutin au suffrage universel direct ; il répond donc aux exigences démocratiques qui nous animent toutes et tous ici.

Pour aller plus avant et vous dire le fond de ma pensée, j’estime qu’il est tout simplement inconcevable que les métropoles de droit commun se transforment en collectivités territoriales à statut particulier. Cette conviction, je la tiens de mon expérience de conseillère métropolitaine à Bordeaux. L’intercommunalité doit demeurer une strate de projets, de coopération et d’investissements sur des dossiers structurants à l’échelle métropolitaine ; elle ne peut remplacer le fait communal. À Bordeaux, l’intégration renforcée au sein de la métropole prend la forme d’une mutualisation des services supports, plus ou moins poussée en fonction du choix des communes de conserver, ou pas, certaines compétences. Cela fonctionne très bien ainsi.

Il convient également de dire qu’il est erroné, ou un brin fallacieux, d’affirmer que le système actuel fait disparaître la métropole du débat électoral. Au contraire, le fait métropolitain s’impose à nous : c’est une évidence dans les vingt-deux territoires concernés. Qui oserait prétendre le contraire ? Cessons de faire croire que le débat qui a lieu lors des campagnes municipales serait uniquement centré sur les « bouts de trottoir » de nos administrés. Ce n’est pas vrai, et nos concitoyens le savent : quand un campus d’excellence s’installe, quand de grandes entreprises s’implantent, quand il s’agit de doter une métropole d’un pont, d’un stade ou d’une « arena », nous savons tous que nous parlons de l’intercommunalité.

La métropole est donc l’échelon du projet, de l’infrastructure, mais aussi cet acteur qui s’ouvre vers l’extérieur, qui engage le dialogue avec les villes d’équilibre, qui parle aux agglomérations, qui contractualise avec les territoires de son écosystème le plus en difficulté.

Il y a cependant un préalable de gouvernance : la métropole doit mettre les élus de toutes les communes qui la composent autour de la table, et plus précisément leurs maires. Nous sommes là au cœur du fondement du pacte intercommunal. C’est un prérequis indispensable à une gouvernance qui privilégie le dialogue : dialogue entre les élus, mais aussi dialogue entre les services, rendu possible parce que le maire de la commune siège à la métropole et qu’il y est considéré, écouté et entendu.

Nous refusons la généralisation automatique d’un système « à la lyonnaise », où certains maires inaugureraient les chrysanthèmes dans leur commune, mais ne seraient pas représentés au sein de la métropole. La représentation des communes n’est pas négociable !

Mme Nathalie Delattre. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, cette proposition de loi vise à défendre la place de la commune, fruit de la légitimité et de la longévité de l’histoire républicaine de notre pays. Quant à l’intercommunalité, laissons-lui la place qui est la sienne, c’est-à-dire le prolongement direct des enjeux municipaux et la résultante d’un pacte politique pour le territoire, autour d’un projet partagé.

Nos vingt-deux métropoles ne rentrent pas dans des cases. Elles ont leurs spécificités, qu’elles soient de taille européenne ou de taille plus modeste, qu’elles soient administrées dans une logique de cogestion, comme à Bordeaux, ou selon un autre mode de gouvernance.

La grande majorité des membres du groupe du RDSE votera en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. Madame la ministre, au-delà de l’avis de sagesse que vous avez émis, nous attendons à présent du Gouvernement qu’il prenne clairement position avant l’échéance du 1er janvier 2019 posée par la loi MAPTAM, en faisant sienne cette proposition du groupe du RDSE, dans le respect des communes et de leurs représentants, sans faire appel à des scenarii alambiqués qui mettraient en danger nos communes. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Jean-Marie Mizzon, Pierre-Yves Collombat et François Grosdidier applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au fond, cette proposition de loi nous invite simplement à constater le caractère mort-né d’un texte. C’est toujours triste, certes…

Pour ma part, je souhaitais vivement un accord en CMP sur la loi MAPTAM, pour des raisons que tout le monde comprend. Mais reconnaissons qu’il s’agissait sur ce point politique d’un accord bancal, pour dire les choses gentiment.

Premièrement, il était formellement contraire aux usages constitutionnels, puisqu’il enjoignait au Gouvernement de déposer un projet de loi dans un sens donné.

Deuxièmement, il était fondé sur une terminologie inexacte. Il faisait référence au suffrage universel direct, mais l’élection se déroule d’ores et déjà au suffrage universel direct. Nous devrions plutôt parler, à propos de cette idée mort-née, de suffrage supra-communal, ce qui est différent.

L’injonction adressée au Gouvernement n’était en outre pas réaliste en termes de délais. Il était demandé que le Gouvernement prenne position avant le 30 juin 2015. En réalité, celui-ci ne l’a fait qu’en janvier 2017, au moyen d’un rapport constatant que ce suffrage supra-communal, que l’on appelle à tort suffrage universel direct, se heurtait à des impossibilités constitutionnelles.

Je voudrais toutefois aller plus loin. Pour moi, l’idée même de cette double élection est contradictoire. En effet, il est illusoire de penser que l’on puisse se passer d’une relation systématique, organisée entre la métropole et ses communes, y compris avec un niveau d’intégration urbaine important. Une telle idée ne relève pas du sens commun.

Nous formons une assemblée élue au suffrage indirect, mais nous connaissons tout de même un peu les électeurs de ce pays. Or, contrairement à ce que nous lisons parfois dans des articles rédigés à la va-vite, nous savons que la volonté de conserver le cadre communal n’est pas une lubie de quelques dizaines de milliers d’élus épris de fauteuils. C’est le souhait profond des citoyens de ce pays, qui ont parfaitement compris que le niveau communal représentait l’espace démocratique essentiel, le lieu de la participation et du contact direct entre l’élu et l’électeur.

L’idée du scrutin supra-communal est donc contradictoire. Elle ne pourrait être satisfaite qu’à travers un système qui transformerait l’intercommunalité en collectivité, avec une série de conséquences fâcheuses, notamment une grande rigidité dans la répartition des compétences entre la collectivité-métropole et les collectivités-communes. J’espère d’ailleurs qu’on ne rencontrera pas, à terme, ces problèmes dans l’expérience lyonnaise.

Le principe de base de l’intercommunalité, depuis son invention il y a 128 ans, c’est une délégation des compétences dans les deux sens. Il existe une certaine flexibilité – celle-ci est d’ailleurs insuffisante, selon moi, car les gouvernements successifs ont un peu trop écouté l’une des directions du ministère de l’intérieur… – et une possibilité d’évolution dans la relation administrative entre les communes et l’intercommunalité. Si l’on crée une intercommunalité qui devient une collectivité pour elle-même, cette fluidité n’existe plus.

Le Gouvernement que vous représentez aujourd’hui nous appelle à la sagesse, madame la ministre. J’apprécie beaucoup, même si nous sommes là pour cela, en principe… (Sourires.) Il me semble toutefois que vous pourrez aller un peu plus loin dans la suite du débat, notamment si celui-ci se poursuit à l’Assemblée nationale.

Sur ce sujet, j’ai entendu deux choses simples de la bouche du Président de la République. Elles montrent que, malgré sa relative inexpérience – à laquelle, il l’a dit lui-même, il essaye de remédier (Sourires.) – il connaît assez bien le tissu territorial de ce pays.

Premièrement, il n’a pas l’intention de proposer une nouvelle grande réorganisation territoriale, préférant amortir celles qui ont eu lieu.

Deuxièmement, les éventuelles adaptations spécifiques à la situation des métropoles devront être volontaires. Et ce n’est pas un hasard s’il a parlé de six ou de huit métropoles, et non de vingt-deux.

Sur la base de ces deux prises de position, il me semble que le Gouvernement pourrait progresser encore un peu et se prononcer clairement en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – MM. Abdallah Hassani et Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud.

M. Mathieu Darnaud. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, si notre collègue Jean-Pierre Sueur voit dans ce texte une précaution inutile, je lui trouve pour ma part une double vertu : réaffirmer la place de la commune dans le concert des métropoles et jeter un regard objectif sur la situation actuelle des métropoles.

Je remercie notre collègue Mireille Jouve de son initiative, qui nous permet d’anticiper sur une question qui devrait venir en débat assez rapidement.

Je remercie également Mme la rapporteur d’avoir rappelé le travail que nous avons effectué, au sein de la commission des lois, sur l’évaluation des textes de réforme territoriale, et plus particulièrement sur la situation actuelle des métropoles.

Aujourd’hui, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas un modèle de métropole, mais plusieurs. Avant d’imaginer un mode de scrutin qui s’appliquerait à l’ensemble des métropoles, il est donc bon de se demander comment uniformiser les différentes métropoles. Rappelons qu’à la première vague de métropoles créées grâce à la loi MAPTAM ont succédé les débats sur le statut de Paris et l’aménagement métropolitain, et qu’un seul article du texte traitait de la création de sept nouvelles métropoles. Rien que cela !

Les Français et les élus réclament une pause. Ils ne souhaitent pas de nouveau big bang territorial. Il est temps pour nous de porter un regard lucide sur la situation des métropoles et d’essayer, autant que possible, de leur donner une cohérence.

Soyons lucides également sur la tendance à prendre comme point de comparaison la métropole de Lyon, qui dispose d’un statut particulier. Pour une collectivité à part entière, il n’est pas anormal de prévoir un tel mode de scrutin.

Madame la ministre, vous avez rappelé à juste titre les difficultés techniques de mise en place du scrutin au suffrage universel. Il est nécessaire aussi de poser la question du lien entre départements et métropoles, au moins pour les principales d’entre elles.

Tous ces sujets nécessitent que l’on parle avant tout de ce que sont aujourd’hui les métropoles, sans vouloir instaurer à tout prix ce mode de scrutin dont nous avions fort heureusement réussi à reporter le déploiement de 2017 à 2019. Voilà pour la réflexion sur la forme.

Sur le fond, je suis certain que la véritable vertu de ce débat sera d’éclairer les réflexions du Gouvernement sur cette question ô combien importante de l’avenir de la commune – Pierre-Yves Collombat et d’autres l’ont souligné avant moi.

À n’en pas douter, le mode de scrutin que nous mettrions en place serait, demain ou après-demain, généralisé à toutes les formes d’intercommunalités. Nous sommes une majorité ici à le refuser, car nous avons la conviction profonde que la commune est la cellule de base de la démocratie française et la porte d’entrée vers l’intercommunalité, laquelle doit rester un espace de projets et de mutualisation.

Oui, nous réaffirmons notre attachement à la commune. Au moment où nos concitoyens nous demandent de soutenir cet échelon, auquel ils sont attachés, car il est gage de proximité et de lien social, ne soyons pas tentés de lui tourner le dos. Si l’on en juge par la participation aux scrutins municipaux, la commune reste finalement la collectivité la plus chère au cœur de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, nous voterons ce texte avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme Mireille Jouve. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, comme l’a dit tout à l’heure Jean-Pierre Sueur, le groupe socialiste et républicain ne votera pas cette proposition de loi, dont l’utilité est très relative.

L’article 54 de la loi MAPTAM, fruit d’un compromis entre le Sénat et l’Assemblée nationale qui avait été suggéré à l’époque par notre collègue René Vandierendonck, rapporteur du texte, est lui aussi d’une utilité relative – Alain Richard a eu raison de le souligner.

Effectivement, pour le Sénat, il n’était pas question d’avaliser une élection au suffrage universel direct, tandis qu’à l’Assemblée nationale, le groupe écologiste, dont était membre François de Rugy, l’actuel président de l’Assemblée nationale, souhaitait une élection au suffrage universel direct dans les métropoles. Vous le voyez, madame la ministre, la sagesse ne sera peut-être pas la même au Palais-Bourbon…

Grâce à un amendement du Gouvernement, un compromis complexe a finalement été dégagé, qui envisageait deux collèges, l’un composé de représentants des communes directement élus par les maires, l’autre formé de représentants élus au suffrage universel direct. Il prévoyait aussi un rapport du Gouvernement pour éclairer sur l’organisation de la future élection.

Entre-temps, grâce au texte sur le Grand Paris, le principe de cette loi a été reporté à 2019, mais rien ne dit que le Gouvernement déposera finalement un projet de loi ou que les députés déposeront une proposition de loi.

Il résulte surtout de nos débats d’aujourd’hui une volonté de sanctuariser le fléchage pour les métropoles, sachant que, pour les autres intercommunalités, le fléchage est acquis et personne ne le remet en cause.

M. Pierre-Yves Collombat. Pour l’instant ! Pour l’instant !

M. Jacques Bigot. Ne s’agit-il pas finalement d’une régression par rapport à la loi MAPTAM et l’idée des métropoles ?

Je ne sais pas si le Sénat est composé de Girondins ou de Jacobins, mais, depuis la Révolution française, c’est toujours le même débat et, malheureusement, les Girondins se trompent parfois.

Nous sommes tous très attachés à l’organisation communale. J’ai moi-même été le maire d’une commune appartenant à une communauté urbaine devenue aujourd’hui l’eurométropole de Strasbourg, ainsi que le premier président de cette communauté urbaine à ne pas être maire de Strasbourg.

Les communes doivent être défendues. En même temps, elles se défendent mieux lorsqu’elles sont dans des intercommunalités renforcées, notamment face à État à qui l’on reproche aujourd’hui de prendre trop de décisions. Lors des questions d’actualité, il y a toujours un sénateur pour reprocher au Premier ministre d’imposer une charge supplémentaire pour les communes !

Dans ce contexte, l’idée est de donner l’occasion à de grandes agglomérations de se rassembler et de défendre une vraie stratégie d’aménagement du territoire et de développement économique.

Il est nécessaire d’avoir sur ce point un vrai débat de fond avec nos concitoyens. Objectivement, contrairement à ce que prétend Mme Delattre, il n’y a pas de discussions sur l’intercommunalité au moment de l’élection municipale.

Je le disais quand j’étais président de la communauté urbaine de Strasbourg : les métropoles sont aux communes ce que l’Europe est aux États. Quand la voirie est brillamment refaite, on remercie M. le maire. Quand il y a des trous dans la chaussée, c’est la faute de la métropole. (Exclamations.)

Mme Sylvie Goy-Chavent. Certainement pas en milieu rural !

M. Jean-Noël Guérini. Non, c’est toujours la faute du maire !

M. Jacques Bigot. Un jour – je ne sais pas quand –, la réalité nous conduira à trouver un autre système. Ce ne sera peut-être pas en 2019, ce ne sera peut-être pas pour les élections de 2020 – les consciences ne sont pas mûres dans l’ensemble des métropoles –, mais, un jour, cela viendra.

Dans ces conditions, n’est-il pas préférable de conserver l’article 54, plutôt que de vouloir figer le compromis accepté lors de la loi MAPTAM ?

M. Pierre-Yves Collombat. Persévérer dans l’erreur est diabolique !

M. Jacques Bigot. Le groupe socialiste votera donc contre cette proposition dépourvue de sens, sauf à ce que le Gouvernement ait l’intention de nous surprendre en proposant, sous la houlette du président de l’Assemblée nationale, un texte instaurant le suffrage universel direct pour 2020.

C’est sans doute la crainte que nourrissent certains de nos collègues, notamment après avoir entendu les propos de députés La République En Marche élus sur le territoire de la métropole d’Aix-Marseille. Quoi qu’il en soit, ce sujet méritera incontestablement d’autres réflexions. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

M. Joël Guerriau. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui présente l’avantage de ménager une pause dans les réformes de l’organisation territoriale, pause qui est souhaitée par les élus locaux – et c’est le rôle du Sénat d’être à l’écoute de ces derniers.

Selon le droit en vigueur, les conseillers métropolitains sont désignés à l’occasion des élections municipales, soit par le système du fléchage dans les communes de 1 000 habitants et plus, soit selon l’ordre du tableau du conseil municipal dans les communes de moins de 1 000 habitants.

Ce mode de désignation permet de respecter les principes fondamentaux qui régissent la composition des conseils communautaires, comme la participation de toutes les communes membres ou la représentation des citoyens sur des bases essentiellement démographiques.

Par ailleurs, grâce au système de fléchage, plus de 95 % des conseillers métropolitains sont d’ores et déjà élus au suffrage universel direct.

La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, est source d’ambiguïté. En effet, son article 54 a créé l’incertitude en demandant au législateur de définir, avant le 1er janvier 2019, les modalités de l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct.

Le rapport remis par le Gouvernement trois ans après l’adoption de cette loi dégage trois pistes de réflexion.

Le premier scénario prévoit la coexistence de deux collèges distincts au sein d’un même conseil métropolitain.

Dans le deuxième scénario du Gouvernement, les conseillers métropolitains resteraient élus dans des circonscriptions communales, mais les élections municipales et métropolitaines seraient dissociées.

Enfin, le troisième scénario apparaît proche du scrutin existant pour les conseils régionaux : le conseil métropolitain serait élu à la représentation proportionnelle avec une prime majoritaire, dans une circonscription unique, mais avec des sections électorales communales. Que d’ambiguïté !

Madame la ministre, mes chers collègues, au système actuel d’élection des conseillers métropolitains, je préférais pour ma part le précédent, qui laissait la souplesse aux conseils municipaux de désigner de nouveaux représentants au sein des conseils communautaires en cours de mandat.

Par exemple, un maire nouvellement élu est dans l’impossibilité de siéger au conseil communautaire dans la mesure où il ne figurait pas dans le fléchage. Nous devons trouver une solution pour pallier cet inconvénient. J’ai été maire durant vingt-deux, ainsi que conseiller communautaire, et la souplesse de l’ancien système nous avait par exemple permis de remplacer facilement un adjoint souffrant de la maladie d’Alzheimer. Aujourd’hui, le fléchage de la désignation des conseillers communautaires rend les choses plus complexes.

Le système actuel présente toutefois deux avantages. D’une part, il écarte le risque d’assimiler les métropoles intercommunales à des collectivités territoriales. D’autre part, il conforte le principe selon lequel la commune est, et doit rester, la cellule de base de la démocratie locale. Pour répondre à mon collègue Jacques Bigot, je pense que le maire sera toujours le premier interpellé en cas de problème de voirie !

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Joël Guerriau. Aussi, considérant que le texte qui nous est soumis aujourd’hui a le mérite d’apporter une stabilité attendue, les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires approuvent l’abrogation de l’article 54 de la loi MAPTAM et voteront avec enthousiasme en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, à ce stade de nos échanges, beaucoup a déjà été dit.

Si supprimer l’article 54 de la loi MAPTAM est effectivement avant tout un acte symbolique, celui-ci n’en a pas moins le mérite de rouvrir le débat sur les métropoles et l’élection des conseillers métropolitains.

Je remarque tout d’abord que les métropoles sont de nature très diverse. Comment comparer les onze métropoles de droit commun correspondant à des EPCI à fiscalité propre de 400 000 habitants dans une aire urbaine de 650 000 habitants – les trois dernières, Montpellier, Rouen et Nancy, sont nées de la volonté des ensembles intercommunaux préexistants – à la collectivité territoriale au statut particulier de Lyon, aux deux métropoles à statut particulier du Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence, ou encore aux sept dernières métropoles de taille plus modeste créées le 1er janvier 2018 ?

Le débat sur les mécanismes de désignation des conseillers métropolitains doit, me semble-t-il, tenir compte de cette différence fondamentale. Ainsi, Lyon, devenu une vraie collectivité territoriale, ne peut être traité de la même manière que les jeunes métropoles qui ont vu le jour en 2018.

Sophie Joissains nous a décrit le fonctionnement, voire les dysfonctionnements, de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. En tant qu’élue de la métropole du Grand Paris au titre de mon mandat à Boulogne-Billancourt et dans l’établissement public territorial Grand Paris Seine Ouest, je vous parlerai de la métropole du Grand Paris.

Je le rappelle, cette « métropole » a été bâtie contre l’avis des maires et des élus locaux, qui se sont prononcés à deux reprises contre les textes MAPTAM et NOTRe au sein de la mission de préfiguration du Grand Paris : à plus de 75 % en octobre 2013 et à 94 % en octobre 2014.

J’ai bien entendu les propos d’Alain Richard, qui, reprenant les intentions du Président de la République, a évoqué des évolutions volontaires pour six ou sept grandes métropoles.

Aujourd’hui, évoquer la métropole du Grand Paris, c’est faire une sorte de « voyage en Absurdie », sur le plan institutionnel comme sur le plan financier. Elle n’exerce pas de véritables compétences opérationnelles, mais suscite 3,4 milliards d’euros de flux financiers, pour un budget primitif pour 2018 de 29,3 millions d’euros après retraitement des flux entre la métropole et les communes, soit moins de 4,3 euros par habitant pour fonctionner. L’épargne brute de cet ensemble de plus de 7 millions d’habitants est de seulement 5 millions d’euros.

Cela pourrait prêter à sourire si nous n’étions pas dans un contexte de crise, avec une baisse de l’investissement local « sans précédent », selon un récent rapport du groupe BPCE… Faute de projet, la métropole du Grand Paris a investi seulement 16 millions d’euros en 2017. Les territoires, qui ont dû transférer une partie de leur fiscalité économique à la métropole, auraient su mobiliser utilement la croissance de la CVAE du territoire francilien au bénéfice de l’économie nationale. Privés de leurs moyens financiers, ils ont dû geler des investissements programmés et proches des citoyens.

En l’état, une élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains du Grand Paris, détachée des communes, serait une catastrophe, sauf à vouloir en faire une sorte de « super-département » intercalé entre les blocs communaux et la région. Une nouvelle couche supplémentaire à un millefeuille déjà bien indigeste…

Madame la ministre, alors sénatrice du Loir-et-Cher, vous aviez justement fait remarquer, dans le cadre de l’examen d’un amendement déposé lors de la seconde lecture de la loi MAPTAM, qu’élire les conseillers métropolitains au suffrage universel direct reviendrait, de fait, à créer une nouvelle collectivité territoriale.

Par ailleurs, quelle cohérence y aurait-il à définir aujourd’hui les modalités d’élection d’élus dont on ne connaît toujours pas les attributions dans les prochaines années ?

Le Président de la République, qui a déjà repoussé à plusieurs reprises ses annonces sur la réforme du Grand Paris, prendra-t-il conscience que, tant qu’il ne se sera pas prononcé, l’incertitude et le flou institutionnel continueront de régner, rendant impossible toute action et toute gestion saine de nos collectivités ?

Le mode d’élection actuel des conseillers métropolitains par fléchage permet de maintenir un lien de proximité entre les citoyens, les élus locaux et leurs représentants au sein de l’échelon métropolitain. Pour être efficace, la construction des métropoles doit se faire au service des communes qui la composent, et non contre celles-ci.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Mireille Jouve. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Forissier.

M. Michel Forissier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour parler de métropoles, des projets ambitieux ayant pour but de moderniser les territoires et d’assurer leur développement économique. Ce nouveau concept marque des points, mais il rencontre aussi des problèmes dans son application au quotidien.

La loi MAPTAM, promulguée le 27 janvier 2014, peine quelque peu à trouver sa conclusion, puisque son article 54 demande en quelque sorte une nouvelle rédaction législative.

Mme la ministre a choisi de faire appel à la sagesse de notre assemblée, le Gouvernement ayant sans doute quelques difficultés à appréhender cette situation nouvelle, qui soulève des problèmes différents sur chaque territoire.

Notre collègue Mathieu Darnaud, rapporteur de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale de la commission des lois, a identifié un problème important de démocratie locale. En effet, la gouvernance métropolitaine ne doit pas être dissociée de la représentation communale, qui reste l’interlocuteur direct des administrés.

Or l’article 54 de la loi MAPTAM pourrait appauvrir les relations territoriales et amplifier les concurrences institutionnelles. Dans l’intérêt des habitants, il faut préserver l’équilibre structurel des collaborations horizontales qui existent actuellement entre les communes membres et les métropoles.

Conseiller métropolitain lyonnais, je suis attaché à une action publique plus efficace, plus rapide et plus cohérente pour la vie quotidienne de nos territoires.

Adopter des modes de désignation séparés aurait pour conséquence, il est vrai, dans les métropoles qui n’en ont pas l’obligation, de créer des situations peu cohérentes, où la majorité municipale ne serait pas représentée, alors que l’opposition municipale le serait. Dans ce cas, comment trancher ? Qui représenterait la commune ? Ce serait très ambigu.

Découpler les mandats ne serait pas non plus une solution, car la commune n’aurait plus de prise sur la décision et ne pourrait même pas donner un avis sur des travaux réalisés sur son territoire.

À l’occasion de ce débat, avec mes trois collègues sénateurs Les Républicains et apparentés du Rhône, François-Noël Buffet, Élisabeth Lamure et Catherine Di Folco, j’avais déposé un amendement qui n’a pas été retenu compte tenu de son rapport éloigné avec le texte en discussion. Nous voulions engager le débat sur les relations entre la métropole de Lyon, les maires et les conseils municipaux dans la nouvelle donne de 2020.

Si la métropole lyonnaise est une collectivité territoriale, c’est principalement parce qu’elle exerce les compétences du département. Dans ce cas, il est absolument indispensable de discuter en priorité d’un statut de maire métropolitain. En effet, l’élu qui a du poids sur un territoire, celui qui est connu et reconnu, c’est, aujourd’hui encore, le maire. Au sein d’un ensemble métropolitain, les maires doivent donc être les représentants de la métropole.

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est logique !

M. Michel Forissier. C’est pourquoi, à nos yeux, ils doivent pouvoir recevoir des délégations de cette dernière.

Ces délégations doivent être fixées dans le cadre du pacte de cohérence métropolitain qui est rédigé à chaque début de mandat, et les dispositions en question doivent être garanties par la loi. Les discussions que nous allons engager avec le Gouvernement doivent permettre de leur donner un cadre clairement défini.

M. Michel Forissier. Selon moi, la métropole est une belle collectivité, et elle doit perdurer. Mais si, demain, le maire n’est plus crédible, qui défendra les valeurs de la République dans les territoires les plus fragiles de nos métropoles ?

Mme Françoise Laborde. Tout à fait !

M. Michel Forissier. Il faut mettre un terme à cette situation : le maire doit trouver sa place dans ce cadre, car les communes métropolitaines ne sauraient être réduites à des mairies d’arrondissement ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Christine Lavarde l’a relevé il y a quelques instants : au fond, l’article 54 de la loi MAPTAM est symbolique.

Dès lors, je signale à Mireille Jouve, auteur de cette proposition de loi, que la suppression de cet article est elle-même assez symbolique ; le fait est que sa portée normative n’est pas évidente.

Toutefois, avec ce présent texte, un travail utile a été accompli pour la clarté des prochaines élections municipales. (Mme Mireille Jouve acquiesce.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tout à fait !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ces dispositions permettront peut-être de prévenir la multiplication des interrogations et de limiter les angoisses, notamment en évitant la diffusion de fausses nouvelles.

Avec la suppression de l’article 54, la situation sera claire, et ce sera parfait ainsi ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à l’élection des conseillers métropolitains

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'élection des conseillers métropolitains
Article additionnel après l'article unique - Amendements n° 1 et n° 2

Article unique

L’article 54 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles est abrogé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, sur l’article unique.

M. Jean-Pierre Grand. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette initiative parlementaire de nos collègues du groupe du RDSE ouvre le débat sur l’élection des conseillers métropolitains.

Le 1er janvier 2015, l’agglomération de Montpellier a cédé la place à une métropole. Cette expérience m’autorise aujourd’hui à porter ici, au Sénat, le témoignage d’un EPCI qui fonctionnait parfaitement jusqu’à sa transformation.

Pour ma part, j’avais appelé de mes vœux cette évolution, dès lors que le gouvernement précédent nous garantissait une transformation en métropole librement consentie par les communes, et non effectuée via un simple décret, une dotation financière spécifique pour les nouvelles métropoles et un mode de représentation des communes qui restait directement lié au résultat de l’élection municipale dans chaque commune.

Mon expérience de trente-cinq ans d’une intercommunalité urbaine me conduit, aujourd’hui, à dresser ce constat : trois ans après sa création, la métropole de Montpellier est devenue un boulet pour nos communes.

L’exercice des compétences transférées, comme celles, particulièrement sensibles, de la voirie et de l’espace public, devenues métropolitaines, pour ne citer que celles-là, ne répond plus aux impératifs de planification, de proximité, de réactivité et d’exécution qui étaient respectés jusque-là par nos communes.

Il convient également d’évoquer les tensions exercées sur l’épargne des communes de la métropole. Ces difficultés sont liées à l’imputation en section de fonctionnement de dépenses d’investissement à travers l’attribution de compensations. Bien sûr, une loi est censée résoudre les problèmes dont il s’agit : encore faut-il que les élus qui sont majoritaires au sein de la métropole, et qui, en conséquence, président cette dernière, acceptent de l’appliquer !

Le passage à la métropole a déstabilisé le fonctionnement de nos communes, mais ce sont les maires qui, en 2020, devront rendre des comptes à leur population. Aussi, chacun comprendra que je souscrive à l’objet de cet article unique.

J’avais déposé un amendement identique lors de l’examen, en novembre dernier, de la proposition de loi relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections. Toutefois, cet amendement avait alors été déclaré irrecevable.

Dans son rapport de janvier 2017, le précédent gouvernement constatait l’absence de consensus politique en la matière. Il semblait néanmoins privilégier l’hypothèse d’une assemblée élue dans le cadre d’une circonscription unique dotée de sections électorales.

Ce mode de scrutin pose un problème majeur quant au respect de la démocratie. À titre d’exemple, dans les sections communales ne comportant qu’un seul siège, un candidat issu d’une liste arrivée en tête à l’échelle de la métropole pourrait être élu dans sa section communale, en application de la prime majoritaire, alors que, dans cette même commune, la liste arrivée en tête n’aurait pas de représentant.

Dans les communes disposant de peu de représentants, un par exemple – nombreuses sont celles qui se trouvent dans ce cas ! –, le conseiller métropolitain élu selon ce mode de scrutin…

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Grand. … pourrait ne plus être le maire, mais un conseiller de l’opposition, voire une personne extérieure au conseil municipal. Or la logique de l’intercommunalité veut que le conseiller métropolitain soit un représentant de sa commune, issu de la liste qui a gagné les élections, et non d’une liste rejetée par les électeurs.

Un tel mode de scrutin modifierait donc totalement la nature et l’esprit de l’intercommunalité, laquelle deviendrait, de fait, une nouvelle collectivité territoriale de plein exercice. Cette évolution consacrerait la disparition de l’échelon communal sur le territoire de la métropole, ce que, naturellement, nous ne souhaitons pas ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, sur l’article unique.

M. Arnaud Bazin. Je ne reviendrai pas sur les conséquences de l’élection au suffrage universel supracommunal des conseillers métropolitains pour les communes : les précédents orateurs les ont abondamment développées, et, bien sûr, j’insiste moi aussi sur la nécessité de préserver l’entité communale, première brique de la République.

Pour ma part, j’entends attirer l’attention sur la menace qu’un tel changement représente pour l’existence des départements. La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, a tenté de les faire disparaître ; les baisses inouïes de dotations décidées pendant le précédent quinquennat les ont rudement malmenés ; enfin, la perte programmée de toute autonomie financière à la suite de la disparition de la taxe d’habitation, inexorablement suivie de la part départementale de la taxe sur le foncier bâti, n’est autre qu’une pierre tombale dans leur jardin…

Ce sont pourtant les départements qui assurent la nécessaire solidarité. Je pense non seulement à celle qu’ils exercent envers les plus faibles, mais aussi à celle qu’ils garantissent, dans leur ressort, entre les communes riches et les communes défavorisées.

Si les métropoles se saisissaient des compétences départementales dans leurs territoires, qu’adviendrait-il du reste ? L’espace départemental non métropolitain, cet arrière-pays vital pour les habitants des métropoles, serait abandonné à lui-même, sans ressources en proportion de ses besoins. Il ne serait plus que l’ultra-périphérie de la France périphérique ! Il suffit d’écouter le président du conseil départemental du Rhône pour s’en convaincre.

L’élection des conseillers métropolitains au suffrage supracommunal s’inscrit aussi dans cette funeste direction. C’est pourquoi je voterai le présent article et, plus largement, l’ensemble de cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Forissier, sur l’article unique.

M. Michel Forissier. Mes chers collègues, je tiens à compléter ma précédente intervention par l’argument suivant : il est nécessaire de dresser le bilan des métropoles créées à ce jour. En effet, avant d’aller plus loin, il faut solidifier cette assise métropolitaine.

Au sein de la métropole lyonnaise, nous sommes convenus que ce premier mandat était un mandat de construction. Parmi les expérimentations menées, il faudra tenir compte de ce qui, au cours de cette période, a plus ou moins bien fonctionné.

Madame la ministre, je ne détaillerai pas ce soir les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés. Toutefois, j’insiste : aujourd’hui, la priorité, c’est bel et bien de dresser ces bilans. Parmi les graves problèmes auxquels fait face la métropole lyonnaise figure l’absence de représentation des maires de nombreuses communes pour le prochain mandat. Pour représenter toutes ces localités, le conseil métropolitain devrait compter 700 ou 800 conseillers, ce qui est impensable !

À mes yeux, cette proposition de loi va dans le bon sens : c’est pourquoi je la voterai avec conviction. Je suis heureux d’appartenir au Sénat et de voir que, en son sein, une large majorité défend les communes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l’article unique.

Mme Samia Ghali. Mes chers collègues, je soutiens cette proposition de loi ; je dirais même que je la fais mienne.

Il s’agit là d’un combat que j’ai déjà mené dans cet hémicycle, que ce soit avec Mireille Jouve ou avec Sophie Joissains, il y a quelques années déjà. Aujourd’hui, nous reprenons notre lutte. Nous avons un peu l’impression de revivre l’histoire !

Je souscris pleinement aux propos qu’ont tenus les orateurs successifs ; mais, pour éviter les redites, je vais m’efforcer d’aller à l’essentiel.

Madame la ministre, vous avez déclaré que vous étiez favorable à l’abrogation de l’article 54 de la loi MAPTAM. Toutefois, s’agit-il de votre opinion personnelle ou bien de la position du Gouvernement ? Car cela change tout !

Mme Françoise Laborde. Ce genre de questions n’est pas indispensable…

Mme Samia Ghali. En outre, vous avez relevé que la presse, notamment La Provence, à Marseille, avait publié certains propos à ce sujet. Mais à qui la faute ? D’une certaine manière, votre responsabilité est pour partie en jeu, madame la ministre. En effet, pour évoquer cette question, vous avez réuni quelques parlementaires, soigneusement triés au préalable. C’est donc cela, la République ?

Mme Sylvie Goy-Chavent. Mme la ministre respecte tous les élus !

Mme Samia Ghali. Toutes les tendances politiques sont représentées dans cet hémicycle, et chacun s’exprime avec ses propres nuances d’opinion.

On constate que, sur l’ensemble des travées, la question des métropoles suscite bien des questions et des angoisses, et ces dernières sont précisément entretenues par les réunions de couloirs, auxquelles certains sont conviés et dont d’autres sont exclus. Si La Provence a fait paraître l’article en question, c’est parce que tels ou tels députés de votre majorité ont tenu un certain nombre de propos au cours de ces réunions, madame la ministre.

Quid des maires ? Quid de la fusion du département avec la métropole ? Quid du pays d’Arles ? Ce dernier figure-t-il ou non au sein de la métropole ? Voilà tant de questions que se posent les habitants de la métropole d’Aix-Marseille-Provence.

Je l’ai dit et répété, notamment dans cet hémicycle : on a créé une métropole sans lui donner les moyens suffisants pour agir. Une métropole ne peut être efficace que si elle dispose de l’aide nécessaire de l’État. Sinon, elle ne peut ni se construire ni fonctionner et, en l’occurrence, elle ne fonctionne pas vraiment ! (Mmes Mireille Jouve et Michèle Vullien, ainsi que M. Pierre-Yves Collombat, applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Grosdidier, sur l’article unique. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Mes chers collègues, la commune est la cellule de base de la République. Elle est le premier lieu d’expression de la démocratie, de recueil de la demande sociale, de décision et d’exécution pour apporter des solutions aux problèmes concrets des habitants. Elle est non seulement le repaire des citoyens, au sens de refuge, mais aussi leur repère, c’est-à-dire une marque leur permettant de se situer et de s’orienter.

Parce que les communes ne sont pas toujours à l’échelle suffisante pour régler toutes les questions locales, nous avons institué l’intercommunalité, des syndicats de communes aux EPCI d’aujourd’hui, de la communauté de communes à la métropole.

Aujourd’hui, si les intercommunalités fonctionnent bien, c’est parce qu’elles procèdent des communes. Cette symbiose avec les communes membres est la condition sine qua non du bon fonctionnement des EPCI. En conséquence, il faut que les communes soient entendues, que les maires portent la voix de leur commune dans l’intercommunalité et, souvent, que l’exécutif de cette dernière cultive une forme de collégialité avec les maires.

Cet impératif vaut non seulement pour la métropole, mais aussi pour la communauté de communes, et même au-delà : plus l’EPCI gère des compétences du quotidien, plus cette écoute et cette proximité sont nécessaires.

Un tel équilibre repose sur une condition fondamentale : l’élection des conseillers métropolitains dans la circonscription communale.

Le mode de scrutin direct est déjà assuré par le fléchage, par ces bulletins de vote « deux en un » que nous avions imaginés pour nous conformer au principe constitutionnel tout en restant dans la circonscription communale et en maintenant le lien entre l’exécutif municipal et la représentation de la commune dans l’EPCI.

Si certains défendent, au sein des métropoles, le scrutin direct pour toutes les communes, même celles qui comptent moins de 1 000 habitants, ce n’est pas réellement pour élargir le scrutin direct, car seule une part infinitésimale d’habitants serait concernée. C’est pour imposer la circonscription métropolitaine et, partant, pour effacer la commune.

Toutes les communes ne seraient plus représentées, et même si tel était le cas, elles pourraient être représentées par des élus opposés ou extérieurs à la municipalité. C’est d’autant plus grave que les métropoles ont davantage de compétences obligatoires, notamment en matière d’urbanisme.

Les maires devraient ainsi mettre en œuvre des plans locaux d’urbanisme, ou PLU, sur lesquels ils n’auraient rien eu à dire, puisqu’ils ne siégeraient pas au conseil métropolitain !

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. François Grosdidier. Dès lors, celui qui aurait le pouvoir n’aurait pas de comptes à rendre, et celui qui aurait encore des comptes à rendre n’aurait plus de pouvoir. On aboutirait donc à un véritable déni de démocratie.

Voilà pourquoi l’élection des conseillers métropolitains à l’échelle communale est la condition de survie des communes. En dépendent la vivacité de la démocratie locale et le bon fonctionnement de nos métropoles.

Il est temps de stabiliser la situation des communes au sein des métropoles, afin que les métropoles et les communes puissent travailler sereinement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, sur l’article unique.

M. Michel Savin. Mon discours sera quelque peu différent de celui de mes collègues.

La métropole est un établissement public de coopération intercommunale. Il est donc évident que les communes doivent y être représentées et pouvoir s’y exprimer. Néanmoins, la méthode d’élection actuelle des conseillers métropolitains, pour la très grande majorité par fléchage, n’est pas satisfaisante : qui pourrait dire le contraire ?

Aussi, nous devons tirer parti de ce débat. Le statu quo ne va pas dans le sens de l’histoire, bien au contraire. Aujourd’hui, les communes transfèrent de plus en plus de compétences aux métropoles : développement économique, mobilité, voirie, déchets, urbanisme, environnement, culture, sport, et j’en passe bien d’autres.

Les décisions prises par les conseillers métropolitains ont, chaque jour, des conséquences sur la vie des citoyens. Demain, nous serons appelés à débattre de la réforme de la fiscalité locale, qui est bel et bien nécessaire.

Dans le même temps, nous refusons de transférer le débat politique à l’échelon intercommunal. Il s’agit pourtant d’une exigence démocratique : que les citoyens puissent se saisir et se prononcer sur un projet politique clair défendu, par les élus, à l’échelle des métropoles.

Combien d’exemples existe-t-il, à travers la France, de maires qui se font élire grâce à de belles promesses et qui, une fois qu’ils siègent à la métropole, adoptent des décisions tout autres ? Ces élus doivent clarifier leurs positions, et seul le cadre métropolitain permettra d’accomplir cet effort. Il faut mettre un terme à ce qui, à mon sens, s’apparente à de l’hypocrisie.

Madame la ministre, vous avez parlé d’un défaut de clarté. Pour ma part, je pointe un manque de courage. La coopération intercommunale doit se faire avec les citoyens, et non sans eux.

Vous avez également relevé qu’il fallait garantir la place et le rôle du maire dans la construction de la métropole. Je vous rappelle que, en vertu de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, le bureau de l’EPCI « est composé du président, d’un ou plusieurs vice-présidents et, éventuellement, d’un ou plusieurs autres membres. »

Or il arrive aujourd’hui que plusieurs maires de la même sensibilité politique sont exclus du bureau de la métropole. Ils sont donc écartés de certaines décisions qui engagent les financements métropolitains : voilà comment fonctionnent certaines métropoles !

C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement tendant à instaurer un nouveau mode de scrutin mixte. Ce système permettrait au moins aux habitants des métropoles de débattre des projets métropolitains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart, sur l’article unique.

M. Michel Vaspart. Les orateurs successifs ont déjà avancé de nombreux arguments. Pour ma part, j’y ajouterai simplement quelques observations.

Chaque fois qu’une grande réforme est engagée, on nous promet qu’elle sera cantonnée dans un cadre très précis. En l’occurrence, on nous garantit que les dispositions ne porteront que sur l’élection des conseillers métropolitains. Mais prenons garde à ne pas mettre le doigt dans l’engrenage !

Aujourd’hui, il s’agit des conseillers métropolitains ; demain, on étendra ce mode de scrutin aux élus des communautés d’agglomération ; et, après-demain, viendront les communautés de communes. En laissant, aujourd’hui, cette évolution s’engager, on signe la mort de l’échelon communal, auquel nous sommes particulièrement attachés. Je le souligne à mon tour : la commune est la cellule de base de la démocratie française, et nous devons en être fiers !

J’ajoute que, pour la plupart, les élus communaux sont des bénévoles et sont des garants du lien social. Voilà pourquoi l’échelon communal est essentiel.

Dès lors, l’intercommunalité doit être l’émanation de la commune. Il faut éviter toute ambiguïté à ce propos, et je remercie Mme la ministre de s’être exprimée si clairement, sur ce sujet, lors de sa seconde intervention.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !

M. Michel Vaspart. J’ai le sentiment que le Gouvernement défendra la position du Sénat, qui, je le rappelle, assure la représentation des territoires.

Bien entendu, je voterai cette proposition de loi, et avec enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, sur l’article unique.

M. Philippe Dominati. Madame la ministre, même si vous avez relevé qu’il s’agissait là d’un débat symbolique, je tiens à vous faire part de mes observations au sujet du Grand Paris.

Il y a plus de deux mille ans, les Grecs ont fondé l’actuelle ville de Marseille. En 2018, le Sénat débat des métropoles ; et, alors que bien des pays de par le monde disposent de structures de cette nature, nous ne savons manifestement pas en créer sur notre territoire. À l’évidence, nous ne savons même pas ce dont il s’agit…

Si j’ai bien lu le dictionnaire, la métropole est une ville mère, donc une commune ; et une commune importante, au cœur d’une aire urbaine.

Au sujet du Grand Paris, le Président de la République a fait beaucoup d’annonces. Mais, mois après mois, les décisions sont reportées. Contrairement à ce qui a pu être affirmé, aucune concertation n’est engagée. Rien n’est fait, et les retards s’accumulent.

Voilà pourquoi je souhaite savoir ce que le Gouvernement compte faire à ce propos. J’espère que vous nous répondrez sans botter en touche, madame la ministre, comme vous l’avez fait à propos de l’article 54 de la loi MAPTAM.

J’ajoute, à l’instar de Mme Lavarde, que l’on ne saurait superposer les structures : aussi suis-je favorable à la suppression de ces entités intermédiaires que sont les quatre départements du cœur de l’agglomération parisienne. La métropole du Grand Paris l’impose.

Gardons-nous également d’une vision trop large, assimilant, par exemple, la métropole à la région d’Île-de-France tout entière. Un tel choix n’aurait pas de sens, car la région n’est pas une ville.

Le statut de métropole doit s’appuyer sur une entité urbaine bien définie. À cet égard, le Gouvernement doit adapter ses projets, formuler des propositions et organiser une concertation. C’est précisément ce qu’il ne fait pas actuellement ! (Mme Michèle Vullien et M. Michel Savin applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je n’entrerai pas dans les nombreux débats qui viennent d’être évoqués, et sur lesquels je pourrai revenir le cas échéant.

Je tiens simplement à répondre brièvement à Mme Samia Ghali. Madame la sénatrice, j’ai l’habitude de recevoir les parlementaires qui me demandent rendez-vous, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.

Mme Samia Ghali. Dont acte !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Et j’en témoigne !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je tiens donc à vous dire que vos propos, à cet égard, m’ont paru très inélégants.

Mme Samia Ghali. Dans ce cas, je vous prie de m’en excuser !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je puis vous recevoir quand vous le souhaitez : il vous suffit de demander un rendez-vous.

Mme Samia Ghali. Nous allons faire cette demande, madame la ministre, il n’y a pas de souci !

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 8 rectifié quater, présenté par M. Savin, Mmes Micouleau et Gatel, M. Henno, Mmes Lherbier et Billon, M. P. Dominati, Mmes Boulay-Espéronnier, Goy-Chavent et Garriaud-Maylam, M. Kern et Mmes Bories et Lanfranchi Dorgal, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - Le titre V du livre Ier du code électoral est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 273-6 et à l’article L. 273-11, les mots : « des communautés urbaines et des métropoles » sont remplacés par les mots : « et des communautés urbaines » ;

2° Est ajouté un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Dispositions spéciales à l’élection des conseillers métropolitains

« Art. L. 273-13. - Les conseillers métropolitains sont élus de la manière suivante :

« 1° Deux tiers sont élus en application des articles L. 273-6 à L. 273-9 et L. 273-11 du présent code ;

« 2° Un tiers est élu dans une circonscription métropolitaine unique, en application des règles prévues par l’article L. 262 à L. 269 et par dérogation au I de l’article L. 273-5.

« Par dérogation aux articles L. 255-2 et L. 263, si un même candidat est élu en application du 1° et du 2° du présent article, est également désigné conseiller métropolitain le candidat de même sexe venant immédiatement après le dernier élu sur la liste de candidats dans la circonscription métropolitaine unique.

« Art. L. 273-14. - Lorsque le siège d’un conseiller métropolitain devient vacant, pour quelque cause que ce soit, il est pourvu :

« 1° Dans les conditions fixées par les articles L. 273-10 ou L. 273-12 du présent code pour les conseillers métropolitains élus en application du 1° de l’article L. 273-13 ;

« 2° Par le candidat de même sexe venant immédiatement après le dernier élu sur la liste de candidats dans la circonscription métropolitaine unique pour les conseillers métropolitains désignés en application du 2° du même article L. 273-13. Si le candidat appelé à siéger a déjà été élu conseiller métropolitain en application du 1° dudit article L. 273-13, le siège est pourvu par le candidat de même sexe venant immédiatement après lui sur la liste de candidats dans la circonscription métropolitaine unique.

« Lorsque le présent 2° ne peut plus être appliqué, le siège demeure vacant jusqu’au prochain renouvellement du conseil métropolitain. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur à l’occasion des prochaines élections municipales et communautaires.

La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Madame la ministre, pour ce qui concerne les conseillers métropolitains, votre gouvernement est censé nous présenter un nouveau mode de scrutin avant le 1er janvier 2019.

Pour ma part, je propose un dispositif innovant. Cette solution n’était pas envisagée dans le rapport publié, par le précédent gouvernement, en février 2019 ; il s’agit de garantir la représentation des communes dans les conseils métropolitains et de mieux associer les citoyens.

Je souligne que cet amendement ne tend pas à modifier le nombre de conseillers métropolitains. Concrètement, deux tiers d’entre eux seraient élus, comme aujourd’hui, par fléchage ou selon l’ordre du tableau du conseil municipal, ce qui garantirait la représentation de chaque commune au sein du conseil métropolitain.

Le tiers restant serait élu au suffrage universel direct dans le cadre d’une circonscription métropolitaine unique, ce qui permettrait aux citoyens de s’exprimer quant aux projets métropolitains et d’en débattre, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Ce scrutin serait régi par les mêmes règles que les élections municipales dans les communes de 1 000 habitants et plus. Je précise que nous avons modélisé ces dispositions, et qu’elles fonctionnent parfaitement.

En 2014, lors des dernières élections municipales, les candidats en lice ne pouvaient répondre quant aux intentions métropolitaines, même s’ils étaient fléchés pour siéger au conseil métropolitain. Avec ce nouveau mode de scrutin, nous aurions enfin l’assurance d’un débat clair.

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Amiel, Karam et Hassani, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Au premier alinéa de l’article 54 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, l’année « 2019 » est remplacée par l’année : « 2021 ».

La parole est à M. Abdallah Hassani.

M. Abdallah Hassani. Mes chers collègues, M. Amiel étant souffrant, j’assume la responsabilité de présenter cet amendement.

La loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain a, par son article 78, repoussé au 1er janvier 2019 l’adoption d’une loi définissant le cadre applicable à l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct.

Cet amendement tend à reporter du 1er janvier 2019 au 1er janvier 2021 la date butoir pour l’adoption d’une loi destinée à fixer les modalités concrètes d’organisation des conseillers métropolitains. Ce faisant, le prochain renouvellement des conseils municipaux s’organiserait selon le mode d’élection actuel.

Au regard des crispations suscitées par la pérennisation d’un scrutin distinct de celui qui désigne les élus municipaux, les dispositions de cet amendement s’inscrivent dans une démarche constructive.

Alors que s’amorce la réflexion quant au rapprochement des échelons départemental et métropolitain, il paraît opportun de reporter la modification du mode d’élection des représentants désignés au sein de métropoles à l’époque de la construction du nouveau projet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Les dispositions de l’amendement n° 8 rectifié quater traduisent, à l’évidence, la recherche d’un compromis. À cet égard, elles méritent d’être saluées. Le dispositif proposé permet de préserver la place des communes au sein des métropoles tout en prévoyant l’élection directe d’une partie des conseillers métropolitains.

Toutefois, malgré l’effort accompli, ce système soulève quelques difficultés : un tel mode de scrutin serait extrêmement complexe. Au total, les élus d’une même assemblée seraient élus de trois manières différentes, ce qui compromettrait la lisibilité et l’intelligibilité du dispositif.

J’ajoute que cet amendement tend à modifier le mode de scrutin, alors même que les élus locaux attendent une pause dans la réforme. De leur côté, les métropoles interrogées se sont majoritairement prononcées en faveur du statu quo.

Pour l’ensemble de ces raisons, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

L’amendement n° 9 rectifié, quant à lui, tend à repousser l’échéance fixée, en la matière, au 1er janvier 2021. Son adoption ne ferait donc que reporter les questions soulevées. L’article 54 de la loi MAPTAM invitant simplement le Parlement à légiférer, il me semble préférable de l’abroger plutôt que de voter un simple report.

Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les dispositions de l’amendement n° 8 rectifié quater soulèvent deux difficultés majeures.

Premièrement, en réduisant le nombre de conseillers métropolitains élus par fléchage, l’on renforcerait encore davantage le poids des petites communes.

En effet, un siège par commune serait garanti. Or il n’est pas certain que, dans toutes les métropoles, la réduction d’un tiers des conseillers ainsi désignés respecte les bornes fixées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je vous rappelle la règle fixée : les sièges doivent être répartis sur une base essentiellement démographique.

M. Pierre Ouzoulias. Et qu’allez-vous faire pour les sièges de sénateurs ?…

M. Jean-Pierre Sueur. Très bonne remarque, monsieur Ouzoulias !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Deuxièmement, la possibilité offerte à un candidat de se présenter deux fois lors d’un même scrutin peut sembler assez peu opportune. En effet, en favorisant ces candidatures multiples, l’on empêche, dans une certaine mesure, le renouvellement de la classe politique de notre pays.

Monsieur Savin, au-delà de ces dispositions stricto sensu, nous ne souhaitons pas ouvrir de si vastes débats à l’occasion de l’examen du présent texte. Je tenais simplement à vous répondre de manière complète.

J’en viens à l’amendement n° 9 rectifié. Monsieur Hassani, vous soulignez à juste titre que la réflexion relative au devenir institutionnel de certaines métropoles a été engagée par le Gouvernement, à la demande d’un certain nombre d’entre elles.

Je répète ce que j’ai pu dire à ce propos lors de la discussion générale, notamment à l’intention des sénatrices et des sénateurs qui n’étaient pas présents au début du débat : l’accès de collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, impose de résoudre la question du régime électoral applicable à ces collectivités de plein exercice. À ce titre, on retrouve en un sens les questions soulevées par l’amendement de M. Savin.

En effet, s’il s’en remet à la sagesse du Sénat quant à cette proposition de loi, le Gouvernement ne renonce pas pour autant à toute évolution du régime électoral des métropoles, bien au contraire. On a pu l’observer pour ce qui concerne la métropole de Lyon, dont le cas a été évoqué : des évolutions institutionnelles pourraient conférer à certaines métropoles la qualité de collectivités à statut particulier.

Pour être parfaitement claire, tant que le régime restera celui de l’EPCI, le système du fléchage, que les orateurs successifs ont, pour la plupart, défendu, sera maintenu ; mais, si les métropoles acquièrent le statut de collectivité à statut particulier, le système électoral devra nécessairement être revu. C’est aussi simple que cela !

Voilà pourquoi je demande le retrait de ces deux amendements. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, peut-être est-il permis, dans ce débat, d’avoir le souci de la simplicité, mais de n’être point simpliste. Je refuse pour ma part de choisir entre deux positions !

Premièrement, nous aimons les communes, nous y sommes attachés et nous ne voulons pas qu’elles cessent de vivre.

Deuxièmement, il y a un problème évident de rapport à la démocratie dans les métropoles et dans les grandes agglomérations. Lors du débat municipal, on ne parle pas suffisamment des enjeux liés à la métropole, qui a des pouvoirs énormes par rapport à ceux des communes.

M. Jean-Pierre Grand. La métropole a pris les compétences des communes !

M. Jean-Pierre Sueur. Je salue donc l’effort de M. Savin, qui tente de trouver une solution – nous savons tous qu’il le faudra.

Mon groupe s’abstiendra sur l’amendement n° 8 rectifié quater pour des raisons essentiellement techniques. Nous ne voulons pas prendre position, en particulier sur la création de deux collèges comprenant respectivement deux tiers et un tiers des conseillers métropolitains. Je rappelle qu’un certain nombre d’entre nous avait soutenu la position d’un précédent gouvernement, qui avait proposé la création de deux collèges comprenant le même nombre de conseillers métropolitains.

Nous savons qu’il faudra évoluer, et je souhaite que l’on accepte cette évolution, tout en respectant les communes. Vous avez raison, monsieur Savin, c’est le sens de l’histoire.

Les compétences des communes ne sont pas celles de la métropole. Les responsabilités de chacune doivent s’articuler. On vit très bien dans sa commune, et en même temps de nombreux grands projets sont portés par la métropole. Il est normal que les élus mais aussi les citoyens en débattent.

De grâce, ne soyons pas simplistes ! Il serait vain d’opposer les adeptes de la commune et ceux de la métropole. Je tiens à le redire avec force, sinon nous voterons en vertu d’arguments complètement rituels.

Au reste, mes chers collègues, vous ne voterez rien ! Certes, l’article 54 de la loi MAPTAM sera supprimé.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Sueur. Toutefois, le Gouvernement de la République – Mme Gourault le sait bien – pourra toujours déposer un projet de loi quand il le souhaitera.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. L’amendement présenté par M. Savin est certes intéressant, je ne le nie pas, mais, par souci de simplicité, ou peut-être par simplisme, comme l’a dit notre collègue Jean-Pierre Sueur (Sourires.), notre groupe demeure favorable à la rédaction initiale de l’article unique.

Mme la rapporteur a demandé le retrait de cet amendement en expliquant que le double collège ne faciliterait pas la compréhension des élections municipales. Le mode de désignation proposé présente en effet plusieurs inconvénients, à commencer par le manque de lisibilité du mode de scrutin pour les citoyens. Je ne suis pas certaine que la création d’un double collège, avec la possibilité donnée aux candidats de s’inscrire sur les deux listes, simplifierait les choses.

Par ailleurs, ce mode de scrutin ne contribuera pas à améliorer la gouvernabilité des métropoles.

Enfin, le mode de désignation proposé pose la question de la légitimité des conseillers métropolitains élus selon deux modalités différentes.

Notre groupe votera contre cet amendement.

Quant à l’amendement présenté par M. Amiel, si c’est reculer pour mieux sauter et n’apporter aucune modification, autant maintenir l’échéance à 2019 ! (Mme Mireille Jouve applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Tout le monde sait que le fonctionnement des grandes intercommunalités pose des problèmes de démocratie.

Les présidents des plus grandes intercommunalités sont d’ailleurs rarement issus de communes petites ou modestes, la plupart d’entre eux étant issus de la commune-centre ou d’un groupe de communes, qui mobilise de fait le pouvoir avec son administration – pour ne pas dire sa bureaucratie.

La seule question relative au mode de scrutin actuel est toutefois la suivante : avez-vous une meilleure proposition ? Est-ce que la création de deux collèges améliorera la situation ? Que nenni ! Est-ce que renforcer encore, par le mode de scrutin, le poids des communs centres et des plus grosses communes permettra de développer la démocratie ? Pas du tout !

Est-ce que la modification des modalités d’élection, aujourd’hui des conseillers, et demain du président de la métropole, permettra de parler davantage des communes ? On parlera davantage de la métropole, mais il y aura beaucoup moins de gens pour aller voter – c’est absolument certain –, et, à terme, la commune disparaîtra.

Mon cher collègue Sueur, il n’est pas simpliste de relever un manque de rigueur. Vous êtes en pleine contradiction, car soit on est favorable à un système qui fait de l’intercommunalité une coopérative de communes, comme le disait Jean-Pierre Chevènement, soit on ne l’est pas.

Vous avez tout à fait le droit de penser que l’histoire va dans ce sens. Pour notre part, nous n’en sommes pas persuadés, et nous ferons tout pour nous y opposer. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Je le rappelle, notre débat porte sur une seule question : faut-il, ou non, maintenir le mandat qui a été donné au Gouvernement par la loi de 2014 de nous proposer un projet de loi sur l’élection des délégués métropolitains avant 2019 ? La proposition de loi de Mireille Jouve vise à retirer ce mandat au Gouvernement, qui ne réclame pas de le conserver.

Il y a donc un large accord sur ce qu’il convient de faire. Le mérite de la discussion que nous menons sur le texte dont vous êtes l’auteur, chère Mireille Jouve, est d’apporter une clarification nécessaire sur les intentions du Gouvernement. Nous sommes nombreux dans l’hémicycle à considérer que cette clarification était utile et à en remercier Mme Gourault, qui s’est exprimée au nom du Gouvernement.

Il serait toutefois probablement excessif de penser que la question de la désignation des membres des conseils métropolitains est définitivement réglée et qu’il ne sera pas nécessaire d’y revenir.

Si certains, comme notre collègue Michel Savin, ont pris un peu d’avance dans la réflexion, nous n’en sommes pas tous au même degré de maturité dans notre analyse des problèmes. (Mme Mireille Jouve et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent.)

Le présent débat montre que la question n’est pas si simple et qu’elle ne se pose pas dans les mêmes termes dans toutes les métropoles, dont certaines portent d’ailleurs ce nom alors qu’elles ne sont pas de vraies métropoles, le projet de loi que nous avons examiné l’année dernière ayant encore ajouté à la confusion.

Quoi qu’il en soit, à chaque jour suffisant sa peine, tenons-nous en à l’objet de la présente proposition de loi, et peut-être que, dans les années à venir, la réflexion pourra de nouveau avancer. (Mme Mireille Jouve et M. Philippe Dominati applaudissent.)

Mme la présidente. Monsieur Savin, l’amendement n° 8 rectifié quater est-il maintenu ?

M. Michel Savin. Mme la rapporteur a parlé de scrutin complexe.

Lors des prochaines élections législatives, il faudra expliquer à nos concitoyens que certains députés seront élus dans des circonscriptions, tandis que d’autres seront élus à la proportionnelle, et cela tout en prenant en compte la moyenne nationale des plus ou moins 20 %. Tout cela est d’une simplicité déconcertante ! (Sourires.)

En revanche, un débat au plus près des citoyens au niveau des communes et des métropoles serait trop complexe ! Attention aux propos qui sont tenus, mes chers collègues.

Par ailleurs, si je comprends bien le débat – plusieurs collègues partagent mon constat, même si nous ne sommes pas majoritaires –, rien ne va, mais nous ne changeons rien.

Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur Hassani, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?

M. Abdallah Hassani. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié quater.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique.

(Larticle unique est adopté.)

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'élection des conseillers métropolitains
Article additionnel après l'article unique - Amendements n° 3, n° 6, n° 4 et n° 5

Articles additionnels après l’article unique

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au II de l’article L. 237-1 du code électoral, les mots : « ou de ses communes membres » sont supprimés.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 2.

Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 2, également présenté par M. Grand, et ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 239 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, tout élu ayant été amené à démissionner de son mandat de conseiller communautaire à la suite de l’un des cas d’incompatibilité prévus au II de l’article L. 237-1 qui ne se trouve plus dans la situation d’incompatibilité ayant conduit à cette démission, durant le temps d’exercice du mandat pour lequel il a démissionné, retrouve automatiquement son mandat de conseiller communautaire. L’élu concerné doit manifester son souhait de retrouver son mandat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au président de l’établissement public de coopération intercommunale. La personne l’ayant remplacé dans ses fonctions de conseiller communautaire est considérée démissionnaire d’office. »

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Grand. La loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux a rendu incompatible le mandat de conseiller communautaire avec un emploi salarié au sein d’une des communes membres.

Or le mandat de conseiller municipal au sein d’une des communes membres n’est, lui, pas incompatible avec un emploi salarié au sein de l’intercommunalité. Il s’agit là d’une inégalité flagrante ne reposant sur aucune considération d’intérêt général.

Je vous propose donc d’y mettre fin en votant l’amendement n° 1. Ce dernier avait d’ailleurs été adopté par le Sénat le 8 mars 2016 lors de l’examen de la proposition de loi visant à augmenter de deux candidats remplaçants la liste des candidats au conseil municipal.

En repli, l’amendement n° 2 tend à prévoir un mécanisme permettant à l’élu de retrouver son mandat de conseiller communautaire dès que cesse l’incompatibilité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ces deux amendements déposés par notre collègue Jean-Pierre Grand ont pour objet non pas les métropoles au sens strict, mais l’intercommunalité, donc indirectement les métropoles, qui sont, celle de Lyon exceptée naturellement, des établissements publics de coopération intercommunale. Il ne s’agit donc pas de cavaliers législatifs, contrairement à l’amendement présenté par nos collègues Michel Forissier et François-Noël Buffet.

Leur auteur pose de vraies questions, dont il est bon de débattre, car elles renvoient à des difficultés rencontrées concrètement dans les métropoles.

Comme nous l’avons déjà souligné aujourd’hui, la commission souhaite toutefois centrer le débat sur l’article 54 de la loi MAPTAM. Il lui semble donc difficile d’intégrer des dispositions relatives à l’incompatibilité entre l’exercice d’un emploi salarié au sein d’un EPCI et l’exercice d’un mandat de conseiller communautaire.

En l’absence d’une évaluation réelle des enjeux de telles dispositions, il semble donc préférable d’attendre les conclusions du groupe de travail sur le statut de l’élu local qu’anime la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale de la commission des lois qui abordera le sujet de manière plus globale.

La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 1. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

L’amendement n° 2 tend à introduire des dispositions encore plus complexes que l’amendement précédent. La commission demande donc également son retrait, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Grand, vous posez une vraie question. Les incompatibilités sont différentes selon les niveaux de fonction et de responsabilité au sein des communes ou des intercommunalités.

Le sujet est important et mérite une réflexion approfondie. Il me semble donc souhaitable que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que j’ai eu l’honneur de présider, et qui m’a reçue récemment pour une table ronde, poursuive le travail déjà engagé avec l’aide du Gouvernement, en particulier du ministère de l’intérieur.

Il serait donc sage de retirer ces amendements.

Mme la présidente. Monsieur Grand, les amendements nos 1 et 2 sont-ils maintenus ?

M. Jean-Pierre Grand. Les explications de Mme la rapporteur et de Mme la ministre me satisfont.

Par ailleurs, madame la ministre, un certain nombre des fonctionnaires concernés auront pris leur retraite entre-temps. Ce problème pouvant être réglé assez vite, je me permettrai de vous en saisir par écrit.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. D’accord !

M. Jean-Pierre Grand. En attendant, je retire ces deux amendements, madame la présidente.

Article additionnel après l'article unique - Amendements n° 1 et n° 2
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'élection des conseillers métropolitains
Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente. Les amendements nos 1 et 2 sont retirés.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 3, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le mot : « délégués », la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : « élus par les conseils municipaux des communes membres. »

II. – Le code électoral est ainsi modifié :

1° L’article L. 273-6 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « élus », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « par les conseils municipaux des communes membres, au scrutin proportionnel à la plus forte moyenne. Les listes des candidats aux sièges de conseiller communautaire sont composées alternativement de candidats de chaque sexe. » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

2° Les articles L. 273-7, L. 273-8, L. 273-9 et L. 273-10 sont abrogés ;

3° Après le mot : « sont », la fin de l’article L. 273-11 est ainsi rédigée : « élus par les conseils municipaux des communes intéressées parmi leurs membres, au scrutin secret à la majorité absolue. Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour et l’élection a lieu à la majorité relative. En cas d’égalité des suffrages, le plus jeune est déclaré élu. » ;

4° L’article L. 273-12 est abrogé.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Lors des élections municipales et communautaires de mars 2014, les conseillers communautaires ont été élus pour la première fois par fléchage sur les listes de candidats au conseil municipal dans les communes de plus de 1 000 habitants.

Les principaux objectifs de la réforme de 2013 étaient de renforcer la parité, d’améliorer la légitimité démocratique des intercommunalités et de rendre leur fonctionnement plus lisible pour les citoyens.

Si le premier objectif a été atteint, les deux autres ne le sont pas. En effet, le système byzantin de fléchage ne trouve aucun écho chez les électeurs et peut parfois même complexifier la gestion municipale.

Les aléas de la vie municipale font qu’un conseiller communautaire, élu par fléchage, peut quitter la majorité municipale en cours du mandat. La commune peut alors être représentée par un ex-élu de sa majorité, celui-ci se pouvant même se voir confier des responsabilités dans l’exécutif intercommunal.

Afin de maintenir une stabilité municipale, cet amendement d’appel vise à rétablir la désignation des conseillers communautaires par le conseil municipal.

À Montpellier, un conseiller de la majorité municipale s’étant fâché avec le maire, le président de la métropole de Montpellier a destitué le maire de ses fonctions de vice-président et a mis son opposant à sa place. La démocratie est bafouée !

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 2° du I de l’article L. 273-9 du code électoral est abrogé.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Pour les communes de plus de 1 000 habitants, la loi du 17 mai 2013 a fixé de nombreuses règles pour la présentation de la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire.

La complexité de ces règles de présentation prive les candidats de toute souplesse dans l’élaboration de leur liste. Aussi, il est proposé de supprimer l’obligation de faire figurer les candidats dans l’ordre de présentation dans lequel ils apparaissent sur la liste des candidats au conseil municipal tout en maintenant celle de choisir les candidats au conseil communautaire au sein des trois premiers cinquièmes de la liste des candidats au conseil municipal.

Le maire organise sa liste en fonction des compétences qu’il souhaite déléguer, en particulier à ses adjoints, mais il serait absurde que l’un de ses adjoints siège au conseil communautaire si la métropole n’exerce pas la compétence qui lui a été déléguée.

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l’article L. 273-10 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation, dans les communes disposant d’un nombre de conseillers inférieur au dixième de l’effectif total du conseil communautaire, le conseil municipal peut désigner de nouveaux conseillers communautaires à la majorité des quatre cinquièmes en respectant la répartition du nombre de sièges et le sexe des candidats établis entre les listes lors de la précédente élection. »

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Mes chers collègues, si la Haute Assemblée décide de ne pas revenir sur le système de fléchage pour l’élection des conseillers communautaires, je vous propose d’instaurer une clause de rendez-vous permettant aux communes disposant d’un nombre de conseillers inférieur au dixième de l’effectif total du conseil communautaire de procéder à la désignation de nouveaux conseillers au cours du mandat.

Cette nouvelle désignation devra bien sûr respecter la répartition du nombre de sièges et la répartition selon le sexe des candidats établies entre les listes lors de la précédente élection. Encore une fois, il s’agit de répondre aux aléas de la vie municipale et d’en renforcer la stabilité.

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le mot : « sont », la fin de l’article L. 273-11 du code électoral est ainsi rédigée : « élus par les conseils municipaux des communes intéressées parmi leurs membres, au scrutin secret à la majorité absolue. Si, après deux tours de scrutin, aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour et l’élection a lieu à la majorité relative. En cas d’égalité des suffrages, le plus jeune est déclaré élu. »

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Les communes de moins de 1 000 habitants soumises au scrutin majoritaire doivent désigner les conseillers communautaires dans l’ordre du tableau – le maire, les adjoints puis les conseillers municipaux.

Or cette contrainte n’a pas de réelle justification. En effet, il n’existe aucun lien entre la composition d’un exécutif municipal et les compétences de l’intercommunalité. Durant mon mandat de maire de presque trente-cinq ans, mes trois premiers adjoints successifs étaient délégués à l’action sociale.

Selon quel principe un maire devrait-il définir l’ordre de ses adjoints et leurs compétences en fonction de l’intercommunalité ? Au contraire, pour une plus grande souplesse, il conviendrait de reconduire les anciennes modalités en laissant au conseil municipal le soin de les désigner lors de son installation.

Madame la ministre, je ne résiste pas au plaisir de rappeler que vous aviez défendu, sans succès à l’époque, un amendement similaire en mars 2013 lors de la deuxième lecture du projet de loi relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers intercommunaux et des conseillers départementaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Comme je l’ai déjà dit, les questions soulevées par notre collègue Jean-Pierre Grand renvoient à de vraies difficultés rencontrées sur le terrain. Elles méritent toutefois une évaluation plus approfondie dans le cadre de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale, qui a pour rapporteur Mathieu Darnaud.

L’amendement n° 3 vise à supprimer le fléchage pour la désignation des conseillers communautaires dans les communes de plus de 1 000 habitants. Ce système, qui est le moins mauvais, a notamment permis de garantir la parité et d’augmenter très largement – je ne puis que m’en féliciter –, la place des femmes au sein des conseils municipaux et des conseils communautaires. L’élection des conseillers au suffrage universel direct par fléchage est un mode de scrutin désormais connu de nos concitoyens, qui présente un certain nombre de qualités.

L’amendement n° 6 vise à supprimer l’obligation, pour la liste du candidat au conseil communautaire, de suivre l’ordre de présentation de la liste des candidats au conseil municipal. Il me semble important de conserver un lien entre le conseil municipal et le conseil communautaire, ne serait-ce que pour en garantir la lisibilité pour les électeurs.

L’amendement n° 4 vise à déroger au fléchage pour le remplacement d’un conseil communautaire dans les communes qui disposent d’un nombre de conseillers communautaires inférieur au dixième de l’effectif du conseil municipal. Un tel dispositif me semble complexe à mettre en œuvre. Je crains par ailleurs qu’il n’ait pour effet de créer un effet de seuil au sein d’un même EPCI.

L’amendement n° 5 tend à prévoir que les communes de moins de 1 000 habitants soumises au suffrage universel puissent déroger à la règle de désignation des conseillers communautaires en fonction de l’ordre du tableau du conseil municipal. Or cette règle ne pose pas vraiment de problème.

Pour ces raisons, la commission sollicite le retrait de ces quatre amendements. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le sénateur, cher Jean-Pierre Grand, cette proposition de loi vise à ne pas toucher à la loi électorale.

Or vos amendements tendent précisément à la modifier… Je vais donc vous demander de les retirer, ce sera beaucoup plus simple ! (Sourires.)

Mme la présidente. Monsieur Grand, les amendements nos 3, 6, 4 et 5 sont-ils maintenus ?

M. Jean-Pierre Grand. Mme la ministre a un don de persuasion assez exceptionnel, parfaitement complété par celui de Mme la rapporteur ! (Sourires.)

Madame la ministre, ce débat était nécessaire, parce qu’il nous a permis de vous montrer notre attachement à nos collectivités et à l’intercommunalité en EPCI et non pas en collectivité de plein exercice. Aujourd’hui court une rumeur selon laquelle nos métropoles vont devenir des collectivités de plein exercice. Si vous pouviez nous rassurer sur ce point et faire passer le message que nous y sommes farouchement opposés, je crois que nous n’aurons pas perdu de temps.

En tout cas, je retire les quatre amendements, madame la présidente.

Mme la présidente. Les amendements nos 3, 6, 4 et 5 sont retirés.

Article additionnel après l'article unique - Amendements n° 3, n° 6, n° 4 et n° 5
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'élection des conseillers métropolitains
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé de la proposition de loi

Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :

Remplacer le mot :

métropolitains

par le mot :

communautaires

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.

Vote sur l’ensemble

Intitulé de la proposition de loi
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'élection des conseillers métropolitains
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Cette proposition de loi de Mireille Jouve nous confronte à deux conceptions de l’avenir de nos communes.

Selon la première conception, les délégués communautaires doivent être élus au suffrage universel direct. Dans les grandes agglomérations et les communautés de communes, les petites communes seront aspirées et, dans certains cas, elles n’auront plus de délégués au conseil communautaire. Cette conception n’est pas raisonnable à mon sens, mais elle demeure défendable.

Selon la seconde conception, que je soutiens, chaque commune doit avoir un représentant au conseil communautaire. Il faut donc pouvoir continuer à flécher les candidats au conseil communautaire. C’est l’objet de la proposition de loi de Mireille Jouve. Celle-ci vise les métropoles, mais je crois qu’il s’agit d’une option de fond, qui pourrait concerner d’autres échelons.

Comme Pierre-Yves Collombat l’a dit tout à l’heure, chacune des deux conceptions est défendable. La position de mon groupe est toutefois de défendre les communes en général et le monde rural en particulier.

J’ai cosigné cette proposition de loi, et il va de soi que je la voterai.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Tout d’abord, les arguments contre l’adoption de cette proposition de loi sont extrêmement faibles. On nous dit que l’actuel mode de scrutin n’est pas satisfaisant. Certes, mais en connaissez-vous un autre qui permette de satisfaire l’ensemble des critères et des contraintes rappelés tout à l’heure par Mme la ministre ? Non !

Le principal avantage du mode de scrutin proposé est qu’il sauve l’intercommunalité et permet de ne pas créer une autre entité.

On nous rétorque ensuite que le Gouvernement pourra revenir sur cette proposition de loi. Mais n’est-ce pas le destin de toute proposition de loi, et même de tous nos amendements, que le Gouvernement peut faire abroger s’il le souhaite ? Faudrait-il que l’on ne dépose plus de proposition de loi ?

L’adoption de cette proposition de loi est effectivement une décision symbolique, mais le symbole compte, surtout en la matière. C’est aussi l’affirmation d’une position, d’une volonté du Sénat, et c’est pour cela que, bien que ne doutant aucunement de l’issue d’un vote à main levée, j’ai demandé un vote par scrutin public. Chacun prendra ses responsabilités !

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour explication de vote.

Mme Michèle Vullien. Je souhaite donner une explication de vote en qualité d’ancienne deuxième vice-présidente de la métropole de Lyon, en charge précisément de la mise en place de cette nouvelle entité.

Je puis témoigner du bien-fondé de la construction métropolitaine, qui a été le mariage de l’humain et l’urbain et qui a supprimé une couche du millefeuille administratif.

En revanche, je puis également témoigner du refus par les élus métropolitains du mode de scrutin prévu en 2020, qui va priver certaines communes d’une représentation au conseil de la métropole de Lyon, voire les conduire à être représentées par un opposant au maire. Nous redoutons cette situation, qui a été pointée par certains collègues dans le débat et qui se profile, hélas.

C’est un déni flagrant de l’échelon de proximité, cet échelon privilégié par nos concitoyens, cet échelon qui est rassurant pour l’habitant qui a tout à perdre s’il est livré au bon vouloir de la technostructure. On voit d’ailleurs poindre à l’horizon la disparition pure et simple de la commune – certains collègues ne s’y sont pas trompés.

Nous alertons depuis plus de quatre ans sur les conséquences néfastes pour les communes et leurs habitants.

La métropole de Lyon devait servir de modèle aux autres métropoles françaises. Or que se passe-t-il ? Aujourd’hui, les métropoles demandent l’abrogation de l’article 54 de la loi MAPTAM, car elles rejettent ce mode électoral ubuesque ! Elles sont dans le vrai, et je ne puis qu’être d’accord avec cette vision. Aussi voterai-je la proposition de loi, en lançant un cri d’alarme pour l’avenir : nous risquons bien de voir disparaître l’échelon communal au profit d’une technostructure très éloignée des besoins réels du citoyen !

Il est clair que le mode électoral de la métropole de Lyon devra également être revu, peut-être avec des collèges distincts. Mais nous en reparlerons. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. L’examen de cette proposition de loi a démontré, s’il en était besoin, que l’avenir des métropoles suscite débats et intérêt.

Lucides, nous nourrissons un espoir mesuré de voir ce texte repris et adopté par les députés. Néanmoins, nous pouvons nous féliciter de la suppression de l’article 54 de la loi MAPTAM. Elle nous permet, comme Mme la rapporteur l’a souligné, de sortir de l’ambiguïté et de l’impasse. En effet, aucun des scénarios avancés pour remplacer le système actuel n’est satisfaisant.

Notre collègue Jean-Pierre Sueur a expliqué qu’il ne voterait pas la proposition de loi. Si j’osais résumer sa pensée,…

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en prie, ma chère collègue ! (Sourires.)

Mme Françoise Laborde. … il considère que ce texte ne sert à rien. Je serais tentée de lui répondre que c’est l’article 54 qui a fait la preuve de son inutilité ! De fait, celui-ci prévoit la remise d’un rapport rendu avec plus d’un an et demi de retard et demande au Gouvernement de légiférer sans que cette disposition ait de valeur normative. En le supprimant, nous faisons donc œuvre utile.

Avec cette proposition de loi, nous avons souhaité faire entendre un message simple : les métropoles ne doivent pas se faire sans les communes, ni contre les communes. (Mme Michèle Vullien acquiesce.) Or les échos des négociations et tractations en cours dans les cinq métropoles de taille européenne sont de nature à inquiéter, car les communes sont mises hors-jeu.

Nous pensons que la force de l’intercommunalité est de reposer, comme l’indique le sigle « EPCI », sur la coopération. Nous sommes nombreux à estimer aussi que la situation n’est pas mûre pour une évolution du mode de scrutin et que nos métropoles ont besoin de stabilité pour grandir et assumer pleinement leurs compétences.

Mme la ministre nous a annoncé que nous serons amenés à débattre d’un projet de loi prévoyant la transformation de cinq à huit métropoles en collectivités à statut particulier, en rupture avec le modèle de la coopération intercommunale. Nous aurons donc l’occasion d’en reparler. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi relative à l’élection des conseillers métropolitains.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, l’autre, du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 82 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 256
Contre 81

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'élection des conseillers métropolitains
 

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Quelles perspectives pour les études de médecine ?

Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : « Quelles perspectives pour les études de médecine ? »

Madame la ministre des solidarités et de la santé, mes chers collègues, ce débat s’inscrit dans un espace réservé, qui s’achèvera précisément à vingt heures vingt et une, heure à laquelle je serai contrainte de lever la séance. Je ne puis donc garantir à chacun des orateurs inscrits qu’il pourra prendre la parole, même si chacun réduit son temps d’intervention, dans la mesure où le temps restant est particulièrement limité.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

L’orateur du groupe qui a demandé ce débat disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

Dans le débat, la parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai bien compris que le temps était contraint ; je m’efforcerai donc à la célérité, tout en essayant de bien me faire comprendre.

Les problématiques touchant à la médecine, à la répartition territoriale des praticiens et à l’avenir de notre système de santé prennent une place croissante dans nos travaux et dans la société. La santé est devenue l’une des toutes premières préoccupations des Français.

Le groupe du RDSE, toujours sensible aux questions de santé publique et de maillage territorial, a souhaité mettre à l’ordre du jour ce débat, qui nous permet de prendre une part active à la concertation sur la réforme des études médicales lancée en mars dernier par le Gouvernement.

La formation des médecins et les ressources humaines sont un pilier essentiel de la transformation de notre système de santé. Celle-ci intervient dans un contexte de grandes difficultés d’accès aux soins et d’une certaine désaffection des praticiens, associés à un profond malaise des étudiants.

Confrontés à un double carcan – le numerus clausus en fin de première année et les épreuves classantes nationales, ou ECN, en fin de deuxième cycle – les étudiants en santé sont soumis à des conditions de vie dégradées, comme l’a souligné dans son rapport le professeur Diot, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé.

Une vaste enquête sur la santé mentale des jeunes médecins, menée l’année dernière par l’Association nationale des étudiants en médecine de France, le confirme : plus des deux tiers des carabins présentent des symptômes anxieux, un tiers des symptômes dépressifs et un quart des idées suicidaires, avec des passages à l’acte malheureusement trop fréquents. La moitié des étudiants en médecine ont déjà songé à arrêter leur cursus. Ces résultats sont accablants !

Quelques pistes peuvent expliquer ce malaise : un cursus excessivement sélectif ; une charge de travail très lourde, avec une réglementation européenne sur les quarante-huit heures hebdomadaires et le repos de sécurité qui n’est, hélas, pas toujours respectée ; la confrontation à la maladie et à la mort ; une trop grande responsabilisation d’étudiants pas toujours bien préparés ; des conduites de management inappropriées, avec encore des situations de harcèlement, de pression, voire de sexisme.

Ce malaise doit être entendu. Si de telles conditions de vie et d’apprentissage pouvaient jusqu’ici être tolérées, aujourd’hui, la situation n’est plus acceptable. Nous saluons donc les engagements pris avant-hier par les ministres de la santé et de l’enseignement supérieur, en réponse au rapport sur la qualité de vie des étudiants en santé réalisé par le docteur Donata Marra.

Le débat sur la réforme des premier et deuxième cycles se concentre sur le numerus clausus, les ECN et les contenus pédagogiques.

Le numerus clausus, défini comme un outil de régulation, montre ses limites et doit, à de nombreux titres, être repensé.

Il est d’abord inefficace en ce qui concerne la répartition des médecins sur les territoires. Ensuite, son inertie est grande. De plus, il est contourné par l’arrivée de médecins étrangers ou de médecins français ayant réalisé leurs études à l’étranger. Enfin, il entraîne un taux d’échec sans alternative qui n’est pas acceptable. Après deux tentatives, en effet, nombre d’étudiants se retrouvent sans rien. On ne peut se satisfaire d’un tel gâchis.

La nécessité de revoir en profondeur la première année commune des études de santé, la PACES, et le numerus clausus est reconnue par la plupart des acteurs, et nous souscrivons à ce point de vue. Toutefois, considérer que la suppression du numerus clausus résoudrait à elle seule les difficultés d’accès aux soins serait une erreur. En effet, le nombre de médecins n’a jamais été aussi élevé : ils sont aujourd’hui 215 000, soit 92 % de plus qu’en 1979.

Supprimer le redoublement en première année et favoriser les alternatives dans un parcours LMD apparaissent comme des solutions intéressantes pour diversifier les profils et éviter le gâchis de la PACES.

À la fin du deuxième cycle, l’orientation des futurs médecins est conditionnée par le classement aux ECN. Leur choix, parfois contraint par ce résultat, les engage dans l’exercice d’une spécialité tout au long de leur carrière, sans réelles possibilités de réorientation. La transformation des diplômes d’études spécialisées complémentaires, dits « DESC », en médecine gériatrique, phlébologie, allergologie ou médecine d’urgence en diplômes d’études spécialisées a renforcé cette rigidité.

Après le fiasco des ECN en 2017, le président de la Conférence des doyens de médecine a préconisé leur suppression sous leur forme actuelle, pour privilégier le contrôle continu avec une modulation régionale adaptée aux besoins des territoires et aux capacités de formation des universités.

En ce qui concerne le contenu pédagogique, une plus grande professionnalisation dès le deuxième cycle, une plus grande porosité entre les différentes spécialités et des passerelles au cours des études et de la carrière sont également à envisager.

En ce sens, la réforme des études de santé offre une belle occasion de former les étudiants aux nouvelles pratiques et répondre aux enjeux de la médecine d’aujourd’hui.

Cela suppose de mettre l’accent, le plus tôt possible, sur le travail en équipe. À cet égard, l’une des premières solutions est l’« universitarisation » des formations de santé : ensemble, sur les bancs de l’université, les étudiants pourront apprendre à coopérer, notamment dans le cadre de temps de formation communs.

Un autre souhait des professionnels de santé est d’inciter les étudiants à effectuer plus de stages d’externat, dès le deuxième cycle, en dehors des CHU, dans les hôpitaux périphériques, en maison et pôle de santé, dans le privé comme dans le public et pour toutes les spécialités.

De fait, la formation encore trop « hospitalo-centrée » et « CHU-centrée » biaise les orientations professionnelles des jeunes médecins. Ces stages leur permettront de mieux appréhender la pratique de la médecine ambulatoire et de mieux connaître les professionnels de santé qui interagissent autour du patient. À n’en pas douter, ils favoriseront les installations futures sur les territoires.

Nous saluons les mesures prises en ce sens dans la réforme du troisième cycle, mais un effort considérable reste à faire sur nos territoires en tension en direction des maîtres de stage universitaires, sans quoi les bonnes intentions ne pourront pas se concrétiser.

Le médecin de demain, c’est aussi celui qui sait tirer profit des avancées technologiques. Les formations doivent intégrer de nouveaux outils tels que l’« e-santé » et les apports de l’intelligence artificielle. Il est indispensable que la France, qui se veut à la pointe dans ce domaine, laisse toute sa place à l’innovation, que celle-ci soit technologique ou organisationnelle, dès les études médicales.

Par ailleurs, il paraît indispensable de mieux former les jeunes à la gestion administrative de leur futur travail, car leur impréparation peut être un frein à l’installation.

Pour finir, j’aborderai la question des origines sociales et territoriales des étudiants en médecine. D’après une étude, quatre étudiants sur dix de la PACES 2013-2014 venaient de milieux favorisés, ce qui place les études de santé parmi les formations les plus clivées socialement. La même étude a montré qu’un enfant de cadre avait 2,5 fois plus de chances qu’un enfant d’ouvrier d’intégrer une deuxième année.

Ce manque de diversité, difficilement acceptable pour les élus de la République, a, de plus, des conséquences majeures sur l’installation des jeunes praticiens une fois leur diplôme obtenu.

Dans ce domaine, des expérimentations intéressantes se déroulent sur notre territoire. Ainsi, dans le Centre-Val de Loire, le parcours « Ambition PACES » vise à susciter des vocations chez des élèves de quatorze lycées ruraux : professeurs et étudiants en médecine proposent un « tutorat santé », en faisant le pari qu’une partie de ces futurs médecins s’installeront sur leur territoire d’origine. Le bénéfice est double, puisque ce dispositif renforce l’égalité des chances.

L’inégalité d’accès aux soins nous interpelle tous, et la réforme des études médicales doit répondre à cet enjeu. Devant l’urgence de la situation, certains pensent que la coercition pourrait être une solution. À titre personnel, je ne partage pas cet avis.

Des erreurs d’aménagement du territoire ont été commises : trente années d’un numerus clausus mal régulé et, surtout, un manque d’anticipation de la transformation de notre société ont abouti à la situation que nous connaissons. Les incitations financières, nous l’avons vu, ont également leurs limites.

Les nouvelles générations de médecins cherchent avant tout un projet pluriprofessionnel, compatible avec un projet familial, sur un territoire où ils se sentent bien. Les collectivités territoriales ont à cet égard tout leur rôle à jouer dans l’accompagnement de cette réforme, par exemple par le soutien aux maisons de santé pluriprofessionnelles ou aux maisons des internes, projets expérimentaux engagés sur mon territoire.

Je conclurai en mettant en débat trois propositions qui ont émergé au cours de nos auditions.

Tout d’abord, il conviendrait de créer un service civil permettant à des étudiants en fin de cursus, sur la base du volontariat, de renforcer la présence médicale dans les territoires sous-dotés. Neuf organisations de médecins, d’internes et d’étudiants vont dans ce sens, en invoquant la solidarité intergénérationnelle.

Ensuite, des médecins assistants territoriaux pourraient être créés, à l’image de ce qui se fait déjà à l’hôpital.

Enfin, il faudrait généraliser, sur les territoires en difficulté, les postes de médecins adjoints, occupés par des étudiants en cours de troisième cycle.

Madame la ministre, mes chers collègues, le sujet est vaste, mais les ressources ne manquent pas. Pour améliorer la prise en charge de nos concitoyens, la qualité de vie de nos praticiens et le système de santé publique dans sa globalité, une refonte des formations en santé, avec une attention particulière portée aux étudiants, nous paraît inévitable.

Des expérimentations locales existent, qui sont source d’espoir. Nous attendons notamment de la grande concertation qui débute qu’elle en fasse le recensement exhaustif et l’évaluation, afin d’aboutir à une refonte des études médicales adaptée aux grands enjeux de notre système de santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les évolutions à apporter aux études de santé, particulièrement aujourd’hui aux études de médecine, ont été au cœur des échanges et préoccupations de Frédérique Vidal et moi-même dès notre arrivée aux responsabilités, l’été dernier.

Elles devront prendre en compte les enjeux d’orientation et de réussite des étudiants, de qualité de la formation, de prospective des métiers de demain et de régulation démographique des professions de santé, dans la perspective de répondre aux besoins de la population.

Nous avons souhaité, dès le début du quinquennat, revoir l’approche de l’accès aux soins sur le territoire, en agissant dès la formation des futurs professionnels de santé. C’est pourquoi le Premier ministre et moi-même avons présenté, dès le mois d’octobre dernier, un vaste plan d’action pour l’accès territorial aux soins, qui constitue l’un des axes de la stratégie nationale de santé.

Ce plan vise à permettre à chaque citoyen d’avoir accès à une médecine de qualité, quel que soit l’endroit où il vit. Il comporte un panel de solutions adaptables à chaque contexte local, car la réponse aux difficultés démographiques n’est pas unique. Il est aussi porteur d’un changement de paradigme, car l’installation de professionnels de santé ne constitue pas la seule action à envisager : tous les leviers de nature à projeter du temps médical dans les territoires et les zones en tension sont à mobiliser.

Certaines mesures du plan – vous les avez évoquées, madame Guillotin – visent spécifiquement la formation des futurs médecins, particulièrement le déploiement des stages en ville.

La découverte de la médecine en cabinet, en maison ou en centre de santé au cours du cursus est en effet un élément essentiel à la préparation du projet professionnel de nos futurs médecins. Or, comme vous l’avez fait observer et comme chacun en fait le constat, leur formation est encore marquée par un très fort « hospitalo-centrisme ».

Il convient donc d’augmenter le nombre de maîtres de stage et d’améliorer l’organisation des stages. C’est pourquoi nous avons proposé que la rémunération des maîtres de stage soit bonifiée pour les médecins installés en zone sous-dense : 300 euros supplémentaires par mois, en plus des honoraires de base de 600 euros. Des réflexions sont également en cours afin de faciliter les procédures d’agrément des maîtres de stage.

Par ailleurs, il est essentiel que les étudiants puissent être formés dans des lieux d’exercice plus proches de leur exercice futur. Pour permettre ce déploiement des étudiants dans les territoires, une prime à destination des internes qui choisissent d’effectuer un stage ambulatoire en zone sous-dense va être créée : d’un montant de 200 euros par mois, elle sera destinée aux internes qui ne se verront pas proposer par une collectivité territoriale une solution d’hébergement ou une aide à l’hébergement de proximité.

Je souhaite que puisse être étendue aux zones sous-denses la possibilité de donner le statut de médecin adjoint aux étudiants en médecine remplissant les conditions pour obtenir une licence de remplacement.

Cette possibilité, que vous avez mentionnée, madame Guillotin, était jusqu’à présent limitée aux cas d’afflux exceptionnels de population. Elle permettra de renforcer le temps médical disponible dans des zones identifiées comme prioritaires, en même temps qu’elle permettra à de futurs médecins de s’aguerrir à un certain type d’exercices et, pour certains, de poser les bases de leur projet professionnel.

Reste que la répartition des professionnels sur le territoire, si elle est un enjeu essentiel, ne doit pas être le seul objectif d’une réforme des formations de santé. La réflexion sur les études de médecine doit porter dans le même temps sur le numerus clausus, la première année commune, la PACES, et les épreuves classantes nationales. C’est un changement de vision qui doit être opéré.

La réflexion sur le numerus clausus doit être approfondie. Même s’il a été doublé en quinze ans – nous formons aujourd’hui 8 000 médecins, contre 3 500 dans les années 1990 –, celui-ci présente aujourd’hui des limites, que nous reconnaissons.

Je pense en particulier au contournement européen, avec la reconnaissance automatique des diplômes des médecins formés au sein de l’Union européenne. Je pense aussi au gâchis humain suscité par le concours de la première année, ainsi qu’à la hiérarchisation et la stigmatisation des professionnels de santé aux dépens du développement d’un esprit de coopération et de collaboration.

Une réflexion a été lancée dans le cadre de la transformation du système de santé ; elle sera sans tabou. De premières propositions nous seront remises, à Frédérique Vidal et à moi-même, à la fin du mois de mai prochain.

La première année commune des études de santé doit aussi être réformée, en lien avec les expérimentations d’alternatives lancées par la loi de juillet 2013.

La mise en place de la PACES, en 2009, répondait à la volonté de faire face aux conséquences des échecs des candidats. Aujourd’hui, le constat est fait que la PACES n’atteint pas cet objectif et qu’il est nécessaire de la faire évoluer.

Les expérimentations lancées visent à répondre à deux objectifs prioritaires : diversifier les profils des étudiants accédant à ces filières ; permettre aux étudiants non admis dans ces filières de poursuivre leurs études en capitalisant sur leur année ou leurs deux années de PACES, sans avoir nécessairement à se réinscrire en première année dans un autre cursus.

Les expérimentations de ce type ont besoin de temps pour que l’on puisse en mesurer pleinement les effets et les évaluer de façon complète, avant de décider ou non leur généralisation. C’est pourquoi la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants prévoit la prolongation de l’expérimentation jusqu’à la fin de l’année universitaire 2021-2022.

Toutes ces expérimentations feront l’objet d’une évaluation que le Gouvernement présentera au Parlement, et nous en tirerons les conséquences qui s’imposent.

Le modèle de réforme du deuxième cycle des études de santé doit être repensé, pour permettre de sortir des écueils créés par les épreuves classantes nationales. Ces épreuves de fin de sixième année ont en effet montré leurs limites, et il nous faut repenser le second cycle des études de médecine dans son ensemble.

Nous avons confié au professeur Jean-Luc Dubois Randé et au docteur Quentin Hennion-Imbault une mission pour analyser les options possibles. Ils ont remis leurs propositions à fin du mois de décembre dernier. Elles nécessitent un approfondissement, tant certaines sont restructurantes.

La proposition la plus marquante est la fin des ECN, qui sont insuffisamment discriminantes, favorisent l’apprentissage théorique et, surtout, ne permettent pas l’appariement entre la compétence et la spécialité.

J’ai demandé que ces propositions, qui s’inscrivent dans la continuité de la réforme du troisième cycle des études de médecine, fassent l’objet d’une grande concertation, lancée en mars dernier et qui doit se conclure à l’automne. Ces travaux devront permettre aux formations de donner les clefs nécessaires aux professionnels pour s’adapter aux enjeux du système de santé de demain.

La réforme du troisième cycle des études médicales, soit l’internat, avait été rendue nécessaire par l’évolution de la médecine, l’émergence de nouveaux savoirs et pratiques et l’évolution des spécialités. Cette réforme, réalisée en 2016, est porteuse d’avancées pédagogiques concernant l’évolution des pratiques médicales et des outils pédagogiques mobilisables. Elle est toujours en phase de déploiement et fait l’objet d’un suivi approfondi des services du ministère.

Enfin, j’en viens à la question préoccupante du bien-être des étudiants en santé, une question que vous avez également soulevée, madame Guillotin.

En 2016, le Conseil national de l’ordre des médecins a publié une enquête réalisée auprès des étudiants et jeunes médecins : elle faisait apparaître que 14 % d’entre eux avaient déjà nourri des idées suicidaires. En 2017, les études menées par les syndicats et les fédérations d’étudiants en médecine et en soins infirmiers ont mis l’accent sur des situations de maltraitance. Aujourd’hui, il apparaît que, en moyenne, deux tiers des étudiants souffrent d’anxiété ; vous avez donné le chiffre, madame la sénatrice, et je n’y reviens pas.

Frédérique Vidal et moi-même avons donc confié, en juillet dernier, une mission au docteur Donata Marra sur la qualité de vie au travail des étudiants en santé, dans un contexte où les enquêtes et témoignages se multipliaient. Ce rapport met en avant le caractère multifactoriel et complexe de ce mal-être, qui tient aux évolutions de la société – changements culturels, place du numérique, réseaux sociaux, entre autres – et à celles de l’exercice professionnel, ainsi qu’aux tensions, à la pression et au temps de travail.

Pour améliorer la situation, il faudra agir collectivement sur quinze leviers identifiés, auxquels correspondent les quinze engagements que nous avons pris.

Tout d’abord, nous prendrons des mesures immédiates de soutien et d’intervention, en réaffirmant le refus des pratiques inacceptables et en saisissant au besoin les instances disciplinaires. Nous créerons aussi dans toutes les facultés une structure d’accompagnement et nous améliorerons les conditions de travail dans le cadre des stages, par la généralisation des conventions d’accueil des étudiants dans les établissements de santé.

Nous poursuivrons également la transformation globale des études de santé, en particulier en repensant les cursus pour les centrer sur les compétences à acquérir et sortir d’une logique de compétition.

Enfin, nous assurerons des passerelles de sortie avec validation des acquis pour tous les étudiants en santé.

Ces chantiers, déjà engagés, doivent maintenant s’articuler les uns avec les autres pour former une évolution cohérente de la formation des médecins de demain, dans une logique plus vaste et de plus longue haleine : celle de la transformation du système de santé. Alors que ce système est en pleine mutation, nous devons nous emparer de ces enjeux et penser les métiers de demain. Frédérique Vidal et moi-même piloterons conjointement cette transformation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les futurs professionnels de santé sont une richesse pour notre pays. Nous devons leur offrir les conditions d’étude qu’ils méritent. Ensemble, nous pouvons agir afin d’adapter les formations et d’anticiper les besoins de demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen et du groupe Union Centriste.)

Débat interactif

Mme la présidente. Mes chers collègues, madame la ministre, je rappelle que chaque orateur dispose au maximum de deux minutes, y compris la réplique, avec une réponse du Gouvernement également pour un maximum de deux minutes. Je serai intransigeante sur le respect de ces temps de parole.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. Madame la ministre, l’objectif des études de médecine est par définition de former de bons médecins au service de la santé de tous nos concitoyens, et ce sur tous les territoires sans exception.

La qualité de la formation en France est reconnue, même si des évolutions sont bien sûr nécessaires, comme notre collègue Véronique Guillotin l’a rappelé.

Mais si la compétence des médecins n’est pas en cause, une autre partie du contrat n’est pas remplie aujourd’hui : tous nos concitoyens ne bénéficient pas d’un égal accès aux soins. La situation devient même intenable dans certains territoires qui sont aujourd’hui au bord de la rupture par manque de médecins.

Autre problème, le cumul des difficultés dans ces territoires. Près de 20 % des personnes qui vivent dans une commune sous-dotée en médecins généralistes sont éloignées de plus de trente minutes d’un service des urgences. Et la situation est encore plus alarmante s’agissant de l’accès aux médecins spécialistes !

Madame la ministre, ne faudrait-il pas mieux prendre en compte cette réalité lors de la formation des futurs médecins ? Ne faudrait-il pas mieux les informer et les sensibiliser à ces enjeux, favoriser les stages dans les zones sous-dotées, les inciter à s’y installer ou, pourquoi pas, leur proposer une forme de service civique dans ces zones sous-dotées à l’issue de leurs études ?

Ne serait-il pas envisageable également de mieux intégrer dans les enseignements l’exercice coordonné entre les différents professionnels de santé pour une meilleure prise en charge des patients, notamment dans les zones rurales au travers des maisons de santé ?

Enfin, je ne voudrais pas terminer mon propos sans vous redire que, face au décrochage de certains territoires, tant dans l’offre de médecine libérale que dans celle des établissements de santé, il est urgent de prendre des mesures énergiques, de très court terme, qui permettent de stopper la spirale de la désertification médicale et d’offrir aux habitants de ces territoires le service de soins qu’ils sont en droit d’attendre ! (Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Hervé Maurey et plusieurs sénateurs du groupe du RDSE applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour deux minutes.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Delcros, vous avez pointé l’un des sujets dont j’ai fait une priorité lorsque je suis arrivée au ministère au mois de juillet dernier. Avec le Premier ministre, nous avons proposé dès le mois d’octobre un plan d’accès territorial aux soins où figurent les mesures que vous proposez, mesures que nous avons d’ailleurs déjà commencé à mettre en œuvre.

Il faut former des étudiants qui viennent des territoires. C’est pourquoi nous avons augmenté et allons continuer à augmenter le nombre des lieux, en dehors des facultés de médecine, où l’on peut passer le concours d’admission aux études de santé. Nous souhaitons accroître notre capacité à recruter des personnes qui ne viennent pas des grandes villes.

Le plan d’accès aux soins comporte quelques mesures spécifiques comme la hausse du nombre de lieux de stage hors hôpitaux, celle aussi du nombre de maîtres de stage à la fois dans les maisons de santé pluriprofessionnelles et dans les cabinets de médecine libérale habituelle. Nous souhaitons envoyer des externes, et pas seulement des internes, sur le terrain, afin qu’ils se forment à la médecine générale.

Je l’ai dit il y a quelques instants dans mon intervention liminaire, nous avons augmenté les rémunérations des maîtres de stage dans les zones sous-denses et allons accélérer leur formation. Il existe aussi une prime à destination des internes qui choisissent d’effectuer des stages ambulatoires en zone sous-dense.

Nous avons annoncé la création de 300 postes d’assistants partagés ambulatoires entre la ville et l’hôpital : en favorisant cet exercice mixte, nous avons décidé de donner davantage de temps médical à des villes qui se situent en zone sous-dotée.

Enfin, nous avons offert, dans les zones sous-denses, la possibilité de donner le statut de médecin adjoint à des étudiants en médecine remplissant les conditions pour obtenir une licence de remplacement. Cette disposition va dans le sens de ce que vous réclamiez.

Toutes ces mesures ont d’ores et déjà été engagées, mais il ne faut pas oublier qu’il est aussi indispensable de favoriser les coopérations interprofessionnelles, les délégations de tâches et de changer de paradigme. En tout cas, la découverte du territoire est un impératif pour nos professionnels de santé…

Mme la présidente. Merci, madame la ministre !

Mme Agnès Buzyn, ministre. Aussi avons-nous pris toutes les mesures nécessaires pour y parvenir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour deux minutes.

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la ministre, mes chers collègues, malgré les initiatives de tous les gouvernements successifs, malgré les aides à l’installation en vigueur, le problème perdure : 2,5 millions de Français vivent encore dans un désert médical en 2018.

La formation des étudiants en médecine, leur répartition géographique et le rôle des stages sont cruciaux, afin d’endiguer la baisse du nombre de médecins généralistes dans ces territoires. En effet, leur nombre a diminué de 10 % en dix ans selon l’ordre des médecins.

Les CHU demeurent les acteurs centraux de la formation médicale pratique, mais ils valorisent sans doute trop une médecine hospitalière hyperspécialisée, au détriment de la médecine générale. Il faut non seulement renforcer la formation des étudiants à cette médecine, qui permet de prendre en compte le malade dans sa globalité familiale, sociale, culturelle et environnementale, ce que les CHU ne permettent pas, mais aussi inciter les étudiants à redécouvrir les pratiques spécifiques aux territoires ruraux, qui peuvent répondre à leurs attentes, notamment dans les hôpitaux locaux.

À Buis-les-Baronnies dans la Drôme, une initiative intéressante a été mise en place : l’accueil des stagiaires par des médecins généralistes ayant reçu une formation spécifique de maître de stage s’est déroulé en lien avec l’hôpital local de la commune, hôpital qui loge à titre gracieux les stagiaires dont il attend en retour qu’ils accompagnent leur maître de stage lorsque celui-ci se rend dans l’établissement pour y suivre ses patients.

Toutefois, cette organisation rencontre des obstacles, car il est encore difficile de faire reconnaître aux doyens des facultés et à leur département de médecine générale que les hôpitaux locaux puissent devenir des terrains de stage « validant ». Peut-être faudrait-il assouplir ces règles car, au-delà de cette initiative, les hôpitaux locaux peuvent jouer un rôle essentiel qu’il convient de développer pour lutter contre les déserts médicaux.

Madame la ministre, pouvez-vous me faire part de votre avis sur la place que le Gouvernement souhaite donner aux hôpitaux locaux dans le cadre des études de médecine ? Comment comptez-vous aborder le problème du manque d’incitation des futurs médecins à s’installer dans les zones sous-denses, sachant que les mesures dévoilées en octobre dernier semblent malheureusement insuffisantes ? (M. Jean-Michel Houllegatte et Mme Sylvie Goy-Chavent applaudissent.)

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est une bonne question !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, ma réponse va se rapprocher de celle que je viens de faire à M. Delcros.

Nous développons beaucoup les capacités de formation des étudiants, que ceux-ci soient externes ou internes, dans des zones en dehors des CHU, mais, bien sûr, dans des hôpitaux locaux. Les postes d’assistants partagés ont été créés pour que le temps médical soit partagé entre les hôpitaux locaux et les zones sous-dotées : cette mesure est donc clairement destinée à renforcer la présence médicale dans ces hôpitaux locaux. Ces derniers vont devenir des lieux de formation au même titre que les maisons de santé pluriprofessionnelles ou la médecine libérale.

Nous allons élargir l’offre de stages, que ce soit pour les étudiants en formation durant le deuxième cycle ou pour les internes pendant le troisième cycle. Cette mesure est d’ores et déjà totalement actée dans la stratégie que le Premier ministre et moi-même avons présentée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali, pour deux minutes.

Mme Samia Ghali. Madame la ministre, cette semaine, le docteur Donata Marra rendait son rapport sur la qualité de vie des étudiants en santé au Gouvernement.

Au cœur du malaise des étudiants en médecine, le rapport pointe du doigt le temps de travail des internes. En 2014, le gouvernement de l’époque s’était déjà mis en conformité avec la jurisprudence européenne en abaissant la durée de travail des internes. Néanmoins, dans les faits, les étudiants travaillent régulièrement 90 heures par semaine. L’ordre national des médecins parle d’ailleurs de burn-out à un stade d’évolution sévère pour près de deux internes sur trois. Un sur cinq développerait même des tendances suicidaires.

Les risques psychosociaux auxquels ces jeunes sont confrontés s’expliquent aussi par les pressions qu’ils subissent lorsqu’ils tentent de revendiquer leurs droits. C’est donc à l’État de protéger ces apprentis médecins. Cette recommandation de notre collègue Véronique Guillotin ne doit pas rester un vœu pieux. Sans des mesures incitatives ou coercitives, les choses n’évolueront pas pour les internes.

À l’image de ce qui se pratique en Grande-Bretagne pour les internes ou en France pour les praticiens hospitaliers, la réforme doit prévoir des dispositifs qui régulent les heures supplémentaires effectuées au-delà de 48 heures de temps médical hebdomadaire. En d’autres termes, il est préférable de rémunérer ou de faire récupérer des heures supplémentaires au-delà des 48 heures de travail hebdomadaire, afin d’inciter les services à recruter de vrais médecins, mais aussi de lutter contre la surpopulation des étudiants au sein des services.

On pourrait imaginer la mise en place de contrôles inopinés, opérés par l’ARS, l’Agence régionale de santé, dans le but de s’assurer que les règles sont bien respectées. Ce contexte…

Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, ma chère collègue !

Mme Samia Ghali. Vous avez raison, madame la présidente. J’en resterai là, mais vous avez bien compris le sens de ma question ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Ghali, je tiens simplement à rappeler que les internes sont à la fois des étudiants de troisième cycle inscrits à l’université et des agents publics affectés dans un CHU de rattachement, et rémunérés par ce dernier. En tant qu’agents publics, ceux-ci sont régis par un statut inscrit dans le code de la santé publique, qui prévoit des mesures relatives à leurs droits et à leurs obligations.

Les dispositions qui leur sont applicables en matière de temps de travail sont donc adaptées à la spécificité de leur situation. Généralement, leur temps de travail est comptabilisé en demi-journées. Avant 2015, leurs obligations étaient fixées à onze demi-journées par semaine. Aujourd’hui, elles sont de dix demi-journées par semaine, huit semaines en stage et deux hors stage, dont une réalisée sous encadrement universitaire.

Effectivement, en 2016, les représentants des internes ont formulé le souhait que leur soit ouverte la possibilité d’effectuer du travail additionnel. Cette demande a été présentée comme un moyen de faire reconnaître le temps de travail effectivement réalisé lorsque les internes dépassent leurs obligations de service, et comme une possibilité pour les internes ayant choisi des spécialités qui impliquent une forte participation à la permanence des soins de ne pas voir leur temps de formation de jour et en stage réduit.

Cette possibilité est actuellement étudiée par les services de mon ministère. Les garanties et conditions qui seraient susceptibles de l’encadrer sont particulièrement importantes en raison de la sensibilité que nous accordons tous aux questions relatives à la qualité de vie au travail.

Je suis personnellement très attentive à l’évolution des discussions avec les internes. Aujourd’hui, nous avons alerté les hôpitaux sur la nécessité d’une très grande vigilance par rapport au repos de sécurité et au temps de travail effectif des internes en médecine.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour deux minutes.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la progression de la désertification médicale témoigne non seulement de la difficulté à freiner ce phénomène, mais surtout de l’inefficacité des différentes politiques et actions mises en place depuis deux décennies. C’est ce constat accablant que la commission du développement durable du Sénat faisait déjà en 2013,…

M. Jean-Claude Requier. … dans un rapport de notre collègue Hervé Maurey.

S’attachant aux causes de ces déserts médicaux, le rapport apportait des réponses pragmatiques dans l’intérêt des territoires et de leurs habitants. Certaines visaient justement à faire évoluer les études de médecine, sans grand résultat jusqu’à présent. Et la désertification médicale est toujours aussi prégnante dans nos campagnes !

Madame la ministre, comment redonner vie à notre ruralité qui refuse de mourir ? Nous savons bien que la réforme des études de médecine ne produira pas d’effets avant une dizaine d’années. Il est donc nécessaire de prendre dès maintenant des mesures transitoires d’urgence, comme le préconise le professeur Patrice Diot, doyen de la faculté de Tours.

C’est dans cet esprit que celui-ci devrait prochainement expérimenter la création d’un statut post-DES, sorte de service civil qui consisterait pour les étudiants à aller pendant deux ans – cette période est renouvelable une fois –, après leur thèse et leur soutenance de mémoire de spécialité, dans un territoire en souffrance. Ce dispositif devrait évidemment reposer sur le volontariat et être fortement encouragé par l’attribution de droits sociaux, comme ceux des assistants d’hôpitaux, par exemple.

Madame la ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment sur cette initiative, dernière chance d’obtenir une réponse concrète à une situation devenue dramatique ! (M. Joël Labbé et Mmes Françoise Laborde et Véronique Guillotin, ainsi que MM. Bernard Delcros, Hervé Maurey et Mme Sylvie Goy-Chavent applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Vous avez raison, monsieur le sénateur : nous observons effectivement une diminution de la démographie médicale, laquelle va se poursuivre jusqu’en 2025. On ne peut que constater que le phénomène n’a pas été anticipé. En effet, au-delà de la diminution du nombre de médecins, la façon d’exercer la médecine a changé.

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !

Mme Agnès Buzyn, ministre. Aujourd’hui, les médecins veulent davantage concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. (M. Bernard Delcros opine.)

Mme Agnès Buzyn, ministre. De plus, la profession s’est féminisée et les médecins souhaitent un exercice du métier différent et beaucoup plus collectif.

Nous sommes face à une réalité qui n’a pas été anticipée. C’est pourquoi j’ai proposé un plan d’accès aux soins qui vise à changer de paradigme. En effet, nous ne pourrons pas installer un médecin dans chaque commune. Nous avons impérativement besoin de mieux coordonner les professionnels de santé dans les territoires, avant tout pour faire face aux maladies chroniques.

Si la profession médicale a changé, les pathologies ont également changé. Face aux maladies chroniques, beaucoup de pratiques peuvent être déléguées entre professionnels de santé, que ce soit dans le cadre du suivi d’un diabète ou d’une hypertension artérielle. Le plan d’accès aux soins comporte des mesures très pratiques pour coordonner les exercices et favoriser la médecine en zone rurale.

J’ai rappelé dans mes précédentes réponses toutes les mesures que le Gouvernement a mises en œuvre pour encourager la découverte des zones sous-denses par les professionnels au cours de leur cursus. Nous avons créé, je l’ai dit, 300 postes d’assistants partagés ayant vocation à exercer en zone sous-dense pendant deux ans. Ces postes seront pourvus par de jeunes médecins.

S’agissant de la proposition que vous faites, monsieur le sénateur, je tiens quand même à rappeler que les médecins terminent leur cursus entre trente et trente-cinq ans et que votre proposition les obligerait à rallonger le service qu’ils rendent pendant encore deux ans. Cette mesure nécessite une longue période de réflexion et de concertation, compte tenu de l’effort supplémentaire que l’on imposerait ainsi aux médecins.

Je préfère que l’on réfléchisse aujourd’hui à une organisation territoriale, à la nécessaire coopération entre professionnels, à la télémédecine et à ce qu’elle peut apporter en termes de gain de temps médical. Le plan que nous avons présenté apportera des réponses pragmatiques aux territoires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour deux minutes.

Mme Chantal Deseyne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vais m’efforcer d’être brève. L’augmentation du numerus clausus national ne permet pas de répartir la hausse des étudiants de façon égale sur le territoire. Il y a davantage de médecins formés mais, en même temps, le rapport de la Cour des comptes l’a montré, des inégalités territoriales persistent en ce qui concerne le nombre de médecins formés par région.

La région Centre-Val de Loire paraît peu dotée en places de numerus clausus avec 15 places pour 100 000 habitants, contre 30 en Limousin, par exemple. Pourtant, avec ses 281 médecins pour 100 000 habitants en 2016, contre 421 en moyenne au niveau national, la région Centre-Val de Loire fait figure de désert médical.

Malgré la hausse générale du numerus clausus, il reste donc de fortes inégalités territoriales.

Le nouveau volet du pacte territoire-santé a permis de développer les stages des futurs médecins en cabinet de médecine générale et dans plusieurs spécialités médicales. Or aucune obligation n’existe sur la localisation de ces stages, notamment en zone peu dense.

Madame la ministre, je souhaiterais que se développe le statut du médecin adjoint, expérimenté avec succès en Eure-et-Loir. Je voudrais également savoir comment l’objectif de lutte contre les déserts médicaux pourrait être intégré dans le pacte territoire-santé ? Ne pourrait-on pas proposer des stages localisés dans les zones sous-denses ? En effet, ces stages pourraient peut-être aider à terme à l’installation de futurs médecins. (M. Jacques Grosperrin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous me parlez des stages en zone sous-dense. Comme je l’ai dit, nous essayons de développer de façon très proactive les stages en zone sous-dense en favorisant l’émergence de maîtres de stage notamment dans les maisons de santé pluriprofessionnelles, mais aussi dans les cabinets d’exercice libéral. Nous avons financé cette émergence de maîtres de stage.

Nous rencontrons un problème à propos du logement des étudiants : ces derniers renoncent parfois à s’installer en zone rurale ou sous-dense à cause de cela. Les communes devraient davantage s’organiser pour proposer des logements. Nous avons d’ailleurs longuement discuté de ce sujet avec les maires de France.

Aujourd’hui, le numerus clausus a augmenté, puisqu’il a presque doublé ces six dernières années : nous sommes aujourd’hui à 8 700 étudiants formés en médecine chaque année. Il est évident qu’ils ne peuvent pas tous être formés dans les CHU. Nous avons impérativement besoin de diversifier l’offre de stage. La proposition que vous faites est déjà mise en œuvre : les ARS sélectionnent les offres de stages avec les doyens. Nous les encourageons et essayons de faire en sorte qu’un maximum d’étudiants aient la possibilité de s’installer en proposant des aides pour l’hébergement, des aides notamment financières, qui sont prévues dans notre plan d’accès aux soins.

Tout est mis en œuvre pour diversifier et faciliter l’exercice de la médecine dans les zones sous-denses.

Mme la présidente. La parole est à M. Abdallah Hassani, pour deux minutes.

M. Abdallah Hassani. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le Président de la République a visité le CHU de Rouen ce matin, notre pays fait face à une modification certaine de la démographie de manière générale, et de la démographie médicale en particulier.

Un plan pour renforcer l’accès territorial aux soins a été annoncé. Je félicite le Gouvernement d’avoir pris en compte la réalité de la situation. Comme vous le savez, il faut dix ans pour faire un médecin. Les études sont longues, le métier difficile. Si, en plus, on dit à des jeunes gens qui veulent choisir les études médicales qu’à la fin ils se retrouveront face à des mesures coercitives, j’ai peur qu’on ne les décourage encore bien davantage.

La question du numerus clausus est sur la table depuis quelques années, comme si l’ouvrir largement était une panacée. Nous savons bien que l’université comme l’hôpital ne sont pas en mesure d’accueillir aujourd’hui massivement plus d’étudiants.

Ces études sont trop concentrées sur l’hôpital. Si les étudiants apprennent leur art en milieu hospitalier, ils n’ont bien souvent aucune idée de ce qu’ils verront et feront en ville.

Néanmoins, je ne peux aborder la question de l’hôpital sans évoquer l’ensemble du personnel hospitalier, qu’il soit soignant, technique ou administratif. Je voudrais lui rendre hommage en ces temps où l’on parle beaucoup de souffrance au travail.

Il apparaît presque ironique que la communauté médicale, qui est au premier rang de la prise en charge de cette souffrance, compte parmi les professions les plus touchées par le burn-out.

Une ouverture sur la médecine de ville, via des stages dès le deuxième cycle, serait nécessaire pour permettre aux futurs médecins de mieux se préparer.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos intentions dans le décloisonnement ville-hôpital, et ce dès la formation des soignants ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Hassani, nous souhaitons encourager et diversifier l’offre de stages dès le deuxième cycle des études médicales. Nous n’attendons même pas que les étudiants soient internes et offrons la possibilité à des externes de découvrir un exercice différent de la médecine.

D’ailleurs, j’en profite pour indiquer que nous avons mis en place avec Frédérique Vidal le service sanitaire : celui-ci a été lancé et sera opérationnel dès le mois de septembre prochain pour les 45 000 étudiants en santé, dont les 8 700 nouveaux médecins.

Cet exercice sanitaire va permettre aux jeunes médecins de faire de la prévention et de l’éducation à la santé dans différents endroits, notamment les collèges ou les lycées, mais surtout dans des zones où très peu de professionnels interviennent. Dès le service sanitaire, ces médecins découvriront des territoires dans lesquels ils ont peu l’habitude d’aller, et de nouveaux publics, si je puis dire. C’est une autre façon de faire découvrir le terrain.

Je l’ai rappelé, nous encourageons les médecins à devenir maîtres de stage ; nous créons 300 postes d’assistants partagés entre hôpitaux locaux et zones sous-denses, afin que ceux-ci exercent à mi-temps dans des cabinets libéraux ou dans des maisons de santé pluriprofessionnelles et découvrent la spécificité de l’exercice.

Nous mettons donc tout en œuvre dans ce domaine et agissons pour accroître la diversification des lieux de stage, afin de répondre à l’enjeu dont vous nous parliez, qui est de découvrir le vrai métier que feront ces médecins sur le terrain ! (M. Jean-Pierre Corbisez applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour deux minutes.

Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, toutes les interventions révèlent un paradoxe : d’un côté, les déserts médicaux s’étendent ; de l’autre côté, on observe un manque criant de personnels de santé, notamment de médecins. Ma question sera simple : vous nous avez dit que vous alliez réfléchir à modifier le numerus clausus. Le candidat Macron avait effectivement dit que celui-ci serait réformé. J’aimerais connaître la raison pour laquelle vous ne supprimez pas carrément le numerus clausus ?

M. Yves Daudigny. Question courte ! Bravo !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Cohen, j’ai eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, la suppression du numerus clausus n’est pas la réponse aux déserts médicaux aujourd’hui, car son effet est différé. Or nous formons d’ores et déjà 8 700 médecins par an, c’est-à-dire deux fois plus qu’il y a six ans.

Ces médecins vont sortir de leur formation dans une dizaine d’années : en 2025, la démographie médicale sera plus élevée qu’à l’heure actuelle. Si nous ouvrons le numerus clausus aujourd’hui, les médecins formés à partir de 2018 sortiront sur le marché, si je puis dire, en 2030-2035. Or nous savons qu’à ce moment-là le nombre de médecins sera beaucoup plus important qu’aujourd’hui.

La question que nous nous posons à propos du numerus clausus concerne plutôt le profil de compétences que nous souhaitons trouver chez les futurs médecins. Aujourd’hui, ce profil est assez normatif et fondé sur les matières scientifiques. Ne peut-on pas diversifier le profil des étudiants qui intègrent les études de médecine ?

Nous avons un travail à engager sur les besoins en termes de démographie médicale en 2035–2040, parce qu’un certain nombre de métiers vont évoluer, notamment tous les métiers de l’imagerie qui vont se transformer grâce à l’intelligence artificielle. Nous avons un véritable travail d’anticipation à réaliser pour éviter de nous retrouver exactement dans la même situation qu’aujourd’hui, c’est-à-dire dans une situation où l’on n’aurait pas anticipé les besoins de demain et où l’on répondrait pour demain aux questions qui se posent aujourd’hui, comme celle sur le manque de médecins, alors qu’en 2035 nous ne manquerons plus de médecins.

Si l’on doit s’interroger sur le numerus clausus, c’est plutôt sur les compétences requises et la formation que nous souhaitons pour nos futurs médecins, pas sur la démographie médicale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique. Vous disposez d’une minute et vingt-sept secondes, ma chère collègue.

Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je partage ce que vous venez de dire à propos des compétences et de la nécessaire diversification des profils. Il me semble par exemple qu’il faudrait renforcer la formation psychologique des médecins, et pas seulement leurs compétences scientifiques, qu’il faut par ailleurs évidemment maintenir.

Je pense quand même que la question du numerus clausus se pose. En effet, il y a encore trop d’étudiantes et d’étudiants qui échouent en première année. Je parle du numerus clausus pour les médecins, mais c’est vrai aussi pour d’autres professions, comme les orthophonistes.

Ensuite, il faut renforcer les maîtres de stage. Cela suppose donc de donner aussi davantage de moyens aux facultés. Si l’on veut plus de lieux de stage, il faudrait peut-être arrêter de fermer des hôpitaux et des services, comme c’est le cas notamment avec les groupements hospitaliers territoriaux.

Enfin, j’aimerais que l’on puisse aborder une question importante, à peine effleurée cet après-midi, celle du service sanitaire obligatoire. Vous avez raison, madame la ministre, il n’y a pas que le numerus clausus, il existe beaucoup de réponses pour tenter d’endiguer les difficultés liées au manque de médecins : le service sanitaire obligatoire en est une.

Je suis néanmoins soucieuse à ce sujet, parce que j’ai l’impression que l’on va demander à des jeunes de faire du bénévolat. Cela ne serait pas un bon moyen pour assurer la prévention. J’aimerais quelques éclaircissements sur cette question à l’occasion de vos réponses à d’autres interventions.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour deux minutes.

M. Hervé Maurey. Madame la ministre, vous avez fait part de votre souhait de réformer les études de médecine. Je ne peux que m’en réjouir puisque, dans notre rapport de 2013 Déserts médicaux : agir vraiment, nous préconisions déjà cette réforme.

Faisant le constat que l’on forme davantage de futurs praticiens hospitaliers que des médecins de ville – je rappelle que dès la troisième année de médecine les étudiants sont en quasi-permanence à l’hôpital –, nous proposions notamment de modifier les critères de sélection pour favoriser une plus grande mixité sociale et géographique, de diversifier l’enseignement en introduisant des matières favorisant l’installation en ambulatoire, que ce soit la gestion, la communication ou l’économie de la santé, et de rendre réellement obligatoire la réalisation d’un stage en médecine générale permettant de valider le deuxième cycle.

Ce rapport préconisait également de réformer les épreuves classantes nationales. Ce système où des QCM déterminent l’avenir des étudiants en termes de spécialisation et d’affectation géographique, sans prendre en compte leurs résultats aux examens antérieurs ou le bilan de leurs stages doit incontestablement être revu.

J’ajoute, mais vous le savez, madame la ministre, qu’un écart d’un dixième de point modifie parfois de plusieurs milliers de places le classement et, par là même, l’avenir des étudiants.

J’aimerais donc savoir si vous comptez revoir ce système. De même, si vous réduisez la présence des étudiants externes et internes dans les hôpitaux pour favoriser une meilleure connaissance de la médecine libérale, ce qui me semble souhaitable, comment fonctionneront les hôpitaux, sachant qu’ils bénéficient aujourd’hui de la présence en nombre d’étudiants à des coûts plus que modiques ? À titre d’exemple, un externe de troisième année perçoit environ 100 euros par mois pour un mi-temps. Comment l’hôpital pourrait-il fonctionner sans ces étudiants ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Maurey, vous m’alertez sur le fait que les étudiants en médecine servent aujourd’hui de main-d’œuvre à l’hôpital.

Il faut savoir que le nombre d’étudiants à former, qui s’élève à 8 700, alors que les hôpitaux étaient davantage habitués à des promotions de 4 000 étudiants par an, entraîne au contraire de très grosses difficultés dans les services.

Quand quinze ou seize externes arrivent dans un service, nous ne savons plus comment les former. En fait, les hôpitaux ont tout intérêt aujourd’hui à diversifier les lieux de stage. Je rappelle le chiffre : nous avons créé 500 nouveaux lieux de stage pour les internes en zone sous-dense dans le plan d’accès aux soins,…

Mme Agnès Buzyn, ministre. … en plus des 350 postes de maître de stage qui vont être financés en zone sous-dense dès cette année.

Nous diversifions les lieux de stage, parce que les hôpitaux n’ont plus aucun intérêt aujourd’hui à garder des promotions trop importantes en nombre. Même les médecins hospitaliers disent qu’ils ne peuvent plus consacrer le temps nécessaire à ce compagnonnage.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, pour deux minutes.

M. Joël Guerriau. Madame la ministre, je tiens, dans ce débat important, à revenir sur quelques constatations.

Tout d’abord, la densité des médecins libéraux, actuellement une des plus faibles d’Europe, devrait encore baisser de 30 % entre 2018 et 2028, pour rester inférieure de 18 %, en 2040, à ce qu’elle est aujourd’hui, avec, de surcroît, un déclin de l’exercice libéral au profit du salariat.

En outre, l’allongement de la durée de vie et l’augmentation de la population – 5 millions de Français seront âgés de plus de quatre-vingt-cinq ans en 2050 – rendront encore plus criant le manque de médecins.

Or ceux-ci doivent, selon moi, rester au centre du système de santé. Il n’est pas concevable de compenser le manque de médecins par le recours à des infirmiers ou des infirmières, qui sont, certes, leurs collaborateurs les plus précieux, indispensables pour suivre les patients et donner les alertes, mais qui ne sauraient en aucun cas se substituer à eux.

En conséquence, les études de médecine ne doivent pas rester figées. Elles doivent évoluer. Que pensez-vous, madame la ministre, d’une augmentation du numerus clausus non pas uniforme, mais réservée aux facultés établies sur des territoires évoluant en déserts médicaux, en tenant compte, aussi, de l’âge des médecins ? Cette augmentation de 10 % serait fléchée vers des étudiants qui souhaiteraient se mettre au service d’un territoire dans le besoin.

Autre idée, nous pourrions mettre en place des stages dès le passage de la deuxième à la troisième année, afin de permettre aux étudiants de se familiariser avec la médecine dans les maisons de santé pluridisciplinaires.

Nous pourrions également augmenter la durée des stages de quatrième et cinquième années, notamment en milieu rural, en la portant à dix semaines.

Le concours de l’internat pourrait être organisé par faculté, plutôt que via une épreuve classante nationale, avec une spécialité de médecine générale plus importante.

Nous pourrions accroître le nombre de maîtres de stage, en veillant à mieux les valoriser et les rémunérer.

Enfin, nous pourrions instaurer la possibilité de médecins salariés de médecine générale, travaillant en clinique ou à l’hôpital à temps partiel et en maison de santé pluridisciplinaire.

Telles sont les quelques suggestions pour l’amélioration des études de médecine que le groupe Les Indépendants voulait vous soumettre, madame la ministre.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je pense avoir déjà réagi sur un grand nombre des propositions que vous formulez, monsieur le sénateur, et beaucoup sont intégrées au plan d’accès aux soins.

S’agissant de la territorialisation,…

Mme Agnès Buzyn, ministre. … nous pensons qu’une telle démarche n’a pas de sens au moment de l’application du numerus clausus, c’est-à-dire lors de la première année des études de médecine. Il serait plus opportun de l’envisager dans le cadre des ECN, les épreuves classantes nationales, car un interne âgé d’une trentaine d’années a plus de chance de rester dans la région où il est formé qu’un étudiant de dix-huit ans, qui, certes, est recruté dans un territoire donné, mais risque ensuite d’effectuer son internat à l’autre bout de la France.

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est évident !

Mme Agnès Buzyn, ministre. C’est donc l’installation des internes dans les territoires où ils sont formés qu’il faut encourager.

L’organisation d’une ECN interrégionale constitue une hypothèse de travail, mais cela ne nous dispense pas d’une réflexion sur l’accompagnement, tout au long des études, vers des projets dans les territoires – j’en ai parlé précédemment.

En tout cas, et les études le montrent, les médecins ne retournent pas là où ils ont effectué leur PACES, première année commune aux études de santé. Ils ont plutôt tendance à s’installer dans le lieu de leur internat, et c’est donc l’ECN qui permet la régionalisation. (Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Jacques Grosperrin approuvent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour deux minutes.

M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme du troisième cycle des études de médecine, initiée à la suite du rapport des professeurs François Couraud et François-René Pruvot, avait pour objectif de résoudre les problèmes posés par l’internat : absence d’interdisciplinarité, insuffisance de lien entre les différents stages effectués par les internes ou encore manque de régulation des places en diplôme d’études spécialisées complémentaires, ou DESC.

Mise en œuvre à la rentrée 2017, la réforme restructure totalement l’organisation du troisième cycle. Elle a ainsi supprimé les DESC qui permettaient aux médecins de revendiquer une double spécialisation, ce qui n’est pas sans soulever quelques difficultés.

Je pense tout particulièrement à la médecine d’urgence.

Avant la réforme, un interne en diplôme d’études spécialisées – DES – de médecine générale pouvait passer un DESC de médecine d’urgence. Grâce à cela, il pouvait, à la fin de son internat, exercer aussi bien en qualité de médecin généraliste qu’en qualité de médecin urgentiste, ou bien exercer l’une des deux spécialités, puis l’autre au bout de quelques années. Aujourd’hui, ces passerelles ne sont plus possibles, la médecine d’urgence étant devenue une spécialité à part entière.

Si je peux comprendre que le système précédent ne permettait pas de savoir exactement combien d’internes en médecine générale exerceraient bien la médecine générale en fin d’études, et ainsi de répondre au mieux à la demande de soins sur le territoire, il ne me semble pas raisonnable de penser qu’un médecin urgentiste exercera ce métier toute sa vie. Selon une étude, la carrière de médecin urgentiste durerait en moyenne sept ans !

Madame la ministre, ne craignez-vous pas que les jeunes médecins qui souhaitent travailler seulement quelques années aux urgences ne finissent par choisir une autre spécialité ? Ne craignez-vous pas de perdre ainsi des vocations ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, vous posez une excellente question.

Il se trouve que le DESC de médecine d’urgence a été réclamé par les médecins urgentistes eux–mêmes, pour favoriser la reconnaissance de leur spécialité.

Nous avons d’ailleurs observé une très grande adhésion à cette spécialité. Ainsi, alors que nous avons augmenté le nombre de postes d’interne en médecine d’urgence – nous pouvons prévoir des évolutions par spécialité lorsque nous définissons le nombre de postes d’interne –, 100 % des postes proposés ont été pourvus, ce qui traduit bien son caractère attractif.

Par ailleurs, la loi de modernisation de notre système de santé a offert la possibilité à tous les médecins de changer de spécialité, c’est-à-dire d’accéder à un deuxième DES au cours de leur carrière. Cette mesure permet des reconversions, qui étaient inenvisageables par le passé ou, en tout cas, beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre.

Le décret du 12 avril 2017 relatif aux conditions d’accès des médecins en exercice au troisième cycle des études de médecine a précisé l’organisation du dispositif : celui-ci sera ouvert à tous les médecins à compter de la rentrée universitaire de 2021 et leur permettra d’accéder à une deuxième spécialité en cours de carrière.

Il me semble, monsieur le sénateur, que cela répond à votre interrogation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour deux minutes.

M. Jean-François Rapin. Madame la ministre, mon intervention portera sur le service sanitaire et sa mise en application pratique.

C’est en février que vous avez présenté ce dispositif, voulu par le Président de la République, qui s’appuyait lui-même sur un rapport établi par le professeur Loïc Vaillant.

Il s’agit d’un dispositif de prévention, qui s’inscrit dans le cadre beaucoup plus large de votre plan de prévention, et je dois reconnaître qu’au-delà de l’objectif consistant à soigner les patients avant qu’ils ne soient malades, il offrira aussi une expérience complémentaire à nos futurs médecins.

Si de nombreux dispositifs de prévention se sont soldés, à terme, par un échec, celui-ci est assez remarquable et nous pouvons par avance nous féliciter de ce qu’il deviendra.

Néanmoins, certaines questions se posent à nous et, peut-être aussi, aux représentants des facultés.

Premièrement, il n’est pas prévu, dans le cadre de ce dispositif, d’alourdir la charge des étudiants, qui, cela a été dit, est déjà importante. Dès lors, madame la ministre, que considère-t-on obsolète, aujourd’hui, dans les études médicales et susceptible d’être supprimé ?

Deuxièmement, peut-être faudra-t-il, toujours pour permettre la mise en place du dispositif, prévoir des stages hospitaliers en deuxième année de médecine, ce qui pose un problème de statut. En effet, si tel est le cas, les étudiants devront disposer du statut d’étudiants hospitaliers dès la deuxième année.

Troisièmement – et c’est un point important soulevé par les étudiants –, les frais de déplacement seront-ils remboursés ?

Quatrièmement, comment et quand comptez-vous évaluer l’efficacité de ce plan de prévention ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, le service sanitaire a été conçu pour atteindre deux objectifs principaux.

Le premier, c’est que nos étudiants intègrent complètement la prévention et l’éducation à la santé dans leur pratique. C’est effectivement ce qui manque aujourd’hui dans notre pays : les étudiants ne sont pas formés à la prévention, cette activité ayant toujours été laissée, dans une logique de fonctionnement en silo, à l’extérieur du système de soins.

Désormais, nous aurons non plus seulement des étudiants en médecine, mais des générations entières de professionnels de santé qui auront été formés à la prévention et auront appris à dispenser une éducation en santé, une compétence qu’ils conserveront durant toute leur vie professionnelle.

C’est donc le premier objectif, le second étant évidemment de proposer une éducation en santé au sein des collèges.

Il nous semble que nous avons pris toutes les précautions pour une complète intégration du dispositif dans la formation médicale. Celui-ci remplacera un stage et n’occupera pas plus de trois mois durant tout le cursus.

Trois temps sont prévus. Le premier sera un temps d’élaboration d’un projet pluridisciplinaire avec d’autres professionnels de santé. Les étudiants pourront alors s’outiller en vue de leur mission d’éducation à la santé sur le territoire dans lequel ils effectueront leur stage. Un troisième temps sera envisagé pour la restitution et l’évaluation. Il fera intervenir des formateurs et des médecins de santé publique, dont la fonction sera d’accompagner les étudiants dans la démarche.

Nous cadrons donc actuellement le dispositif, afin qu’il offre un temps de formation, à la fois, individuelle et collective. En effet, les étudiants apprendront à mener un travail conjoint entre tous les professionnels de santé : infirmiers, médecins, kinésithérapeutes, pharmaciens, etc.

Évidemment, ils seront totalement défrayés pour leur déplacement – un budget est déjà prévu – et les doyens seront chargés de réaliser un suivi de ce service sanitaire avant son déploiement sur l’ensemble des professionnels de santé. Aujourd’hui, il ne concerne que 6 professions de santé et 48 000 étudiants, mais nous devrions aller jusqu’à 50 000 étudiants formés, chaque année, à la prévention.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, pour deux minutes.

M. Antoine Karam. Madame la ministre, alors que près de 290 000 médecins sont inscrits à l’Ordre, leur répartition reste très inégale sur le territoire national.

Comme vous le savez, de par leur géographie, leur isolement et leur situation démographique, les outre-mer en général, et plus particulièrement la Guyane, sont extrêmement touchés par la désertification médicale.

La Guyane est l’un des départements français le moins favorisé pour les indicateurs de santé, ce qui lui confère une situation sanitaire fort préoccupante.

En effet, le sous-développement général en matière d’infrastructures et de professionnels de santé place le territoire en situation de crise chronique. Si des efforts sont faits, ils ne suffisent pas à rattraper le retard accumulé dans un contexte de forte croissance démographique.

Pour ces raisons, les études de médecine constituent un véritable enjeu de développement pour la Guyane.

Nous disposons bien d’une université de plein exercice depuis le 1er janvier 2015, mais seule la première année commune aux études de santé – PACES – y est dispensée, avec, toujours, un rattachement à l’université des Antilles. Le nombre d’enseignants est faible. Les cours se déroulent en visioconférence ou sur supports vidéo.

Force est de constater que les conditions actuelles de formation ne permettent pas de préparer davantage d’étudiants en PACES et, donc, de futurs médecins.

Pour rappel, la Guyane ne disposait que de douze places en médecine pour 2018.

Pourtant, et vous en conviendrez, le développement économique et social passe aussi bien par l’accompagnement vers la réussite de la jeunesse que par un accès aux soins de qualité.

Dans ce contexte, madame la ministre, comment faire des études de médecine un moyen d’action pour lutter plus efficacement contre la désertification médicale outre-mer ?

S’agissant de la Guyane, le Gouvernement est-il prêt à étudier sérieusement l’opportunité de créer une faculté de médecine de plein exercice, afin d’ouvrir le numerus clausus et de permettre à nos étudiants de poursuivre leur deuxième et troisième cycles sur le territoire guyanais ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je comprends évidemment la préoccupation exprimée, qui concerne la Guyane, mais aussi nombre d’autres territoires et départements d’outre-mer.

S’agissant de la Guyane, nous avons souhaité un renforcement des liens avec les services et les facultés des Antilles et nous allons poursuivre nos encouragements en ce sens.

Nous allons également favoriser l’accueil en stage d’étudiants de deuxième et de troisième cycle, ainsi que la présence d’assistants spécialistes dans les services hospitaliers de Guyane.

Ainsi, à l’occasion de la présentation de notre stratégie de prévention voilà dix jours, le Premier ministre et moi-même avons annoncé la création de 100 postes d’assistants dédiés aux outre-mer, notamment à la Guyane, qui sera prioritaire. Ces postes seront proposés pour des durées de six mois à deux ans, afin que leurs titulaires puissent découvrir le territoire et envisager, le cas échéant, de s’y installer.

La création d’une faculté de médecine nécessiterait la création d’un centre hospitalier universitaire, un CHU. Or, au vu des ressources hospitalo-universitaires actuelles, au vu des masses critiques de patients et de médecins, nous ne sommes pas en mesure, aujourd’hui, de mettre en place un nouveau CHU.

En revanche, nous travaillons au renforcement de l’attractivité du territoire, à travers cette annonce de création de postes d’assistants. C’est, pour nous, un moyen de lutter contre la désertification médicale.

Il est clair que nous devons aussi travailler sur les lieux de stage proposés aux étudiants à partir des facultés de médecine des Antilles.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour deux minutes.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cela a été dit, mais je le répète, la première année des études de médecine est une catastrophe humaine et pédagogique !

Il s’agit d’une année inhumaine, qui a des conséquences terribles sur la santé des étudiants et des étudiantes. Notons que 70 % d’entre eux souffrent de symptômes dépressifs et que la consommation d’anxiolytiques ou de drogues est très élevée.

Sous la pression de cette hypersélection, les étudiants et les étudiantes achètent très majoritairement les services d’officines privées, pour des montants élevés – de 4 000 à 5 000 euros. C’est une forme de sélection sociale, qui exclut encore plus les étudiants aux revenus les plus modestes.

L’essentiel des candidats à la PACES proviennent de la série S, à l’exclusion de quasiment toutes les autres. Pourtant, le taux d’échec atteint 80 %.

La récente loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, dite ORE,…

M. Jacques Grosperrin. Une bonne loi !

M. Pierre Ouzoulias. … a ignoré cet immense gâchis, alors même que, selon les explications données par le Gouvernement, son objectif était justement de mettre fin à cet échec et d’offrir aux étudiants les mêmes droits pour tous, indépendamment de l’origine sociale.

Cet apparent paradoxe m’oblige donc à vous demander, madame la ministre, si la forme d’organisation de la PACES – son mode de sélection, le recours à l’offre privée, le numerus clausus – n’est pas une anticipation de ce que seront les autres années universitaires après la mise en œuvre de la loi ORE.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je viens d’expliquer que nous allons travailler pour supprimer la PACES et le numerus clausus, que nous œuvrons à une diversification des profils et que nous cherchons à mettre un terme à la sélection effectivement assez inhumaine évoquée par vos soins.

D’ailleurs, de nombreux CHU ont mis en place des formations et des tutorats justement pour éviter que les étudiants ne s’inscrivent dans des formations privées. Cela s’est fait sur la base du volontariat et, en tant que professeur d’université, j’ai été de ceux qui formaient les étudiants de l’université de Paris-V à la PACES.

Votre propos va donc à l’encontre de tout ce que je viens d’annoncer en matière de diversification des profils ou encore de coup d’arrêt porté à ce concours butoir.

Aujourd’hui, des expérimentations sont en cours. La loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite ESR, avait ouvert la possibilité d’expérimenter des alternatives à l’accès aux études de médecine. Nous avons prolongé cette expérimentation jusqu’à la fin de l’année universitaire 2021 et favorisons le lancement de nouvelles expérimentations dans les facultés – quatre, me semble-t-il, seront engagées cette année.

Autrement dit, monsieur Ouzoulias, nous faisons exactement l’inverse de ce que vous décrivez !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique, en vingt-six secondes.

M. Pierre Ouzoulias. Pourquoi n’avons-nous rien fait dans le cadre de la loi que nous venons de voter, madame la ministre ? Si votre ambition était vraiment celle-là, nous aurions pu la concrétiser dans cette loi. Il n’en a rien été. C’est sans doute qu’un problème subsiste quelque part !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour deux minutes.

M. Yves Daudigny. J’aborderai très brièvement deux sujets.

Vous avez largement évoqué le premier, madame la ministre. Il s’agit des verrous réglementaires, administratifs ou financiers qui limitent, aujourd’hui, le nombre de terrains de stage.

Une suggestion à cet égard : pourquoi ne pas considérer que tout médecin généraliste exerçant dans une zone tendue pourrait être, dans le cadre d’une procédure très simplifiée, réputé maître de stage s’il en exprime la volonté ?

Le second sujet – les zones frontières – peut apparaître comme un point de détail ; il ne l’est pas pour les territoires concernés.

Je prendrai l’exemple de l’Aisne. Appartenant à la région des Hauts-de-France, ce département se situe à proximité de l’unité de formation et de recherche de médecine et du CHU de Reims, dans la région Grand Est.

L’obstacle, semble-t-il réglementaire, est réel pour les hôpitaux dans l’accueil des internes. C’est le cas de l’hôpital de Soissons, par exemple. Mais alors qu’il n’existe aucun texte réglementaire limitatif s’agissant de la médecine de ville, le handicap reste le même pour des étudiants géographiquement très proches, mais relevant d’une autre région administrative.

Comment, madame la ministre, pourrait-on apporter une solution à ces difficultés qui heurtent le bon sens ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Ayant été alerté par les représentants de plusieurs régions et par plusieurs maires, le Gouvernement a exploré ce problème. En fait, l’interrégionalité est tout à fait possible. Il dépend de la seule volonté des doyens et des agences régionales de santé de simplifier la vie des étudiants. Nous avons déjà proposé qu’une instruction soit donnée pour faciliter ces stages hors région, car – vous avez raison de le souligner, monsieur Daudigny – ces situations sont totalement aberrantes. Toutefois, je le répète, aucun obstacle administratif ne s’oppose à cette interrégionalité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour deux minutes.

Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer en quoi consistera la réforme envisagée de la PACES ? Il est question notamment de mettre fin au redoublement et de passer par une épreuve orale. Comment se déroulera l’année de transition ? Où en est l’évaluation de l’AlterPACES, solution qui permettra d’intégrer les études de médecine dans une temporalité un peu différente ?

Mme la présidente. Merci de votre concision, ma chère collègue !

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je ne peux pas présenter la réforme, puisque nous venons tout juste de lancer une mission sur le sujet. Celle-ci a été confiée au professeur Antoine Tesnière, vice-doyen de la faculté de Paris-V, à la député Stéphanie Rist, qui est praticien hospitalier, et à Isabelle Riom, interne en médecine générale.

Alors que la consultation s’engage, nous pouvons d’ores et déjà regarder un certain nombre d’expérimentations. En particulier, nous ne sommes pas encore en capacité d’évaluer l’expérimentation concernant la suppression du redoublement, mais nous pouvons déjà nous intéresser à ce qu’elle induit sur le terrain.

La mission a pour but d’avancer des propositions de diversification de l’entrée en PACES, mais l’idée est aussi qu’il n’y ait pas de sortie sèche de cette PACES et que les étudiants, notamment lorsqu’ils veulent arrêter leurs études de médecine en cours de route, aient à leur disposition un plus grand nombre de passerelles. Toutes les possibilités sont sur la table.

Je ne veux pas m’engager dès lors que les consultations ne font que débuter. Nous nous sommes donné jusqu’à la fin de l’année pour élaborer une réforme globale et cohérente de tout le cursus – numerus clausus, PACES, premier et deuxième cycles, ECN, etc. Notre but est de proposer un schéma pour ces études de médecine qui corresponde plus aux aspirations des étudiants et aux besoins de santé de notre population.

Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que le présent débat a été inscrit par la conférence des présidents dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe du RDSE, soit pour une durée de quatre heures.

Il est précisément vingt heures vingt et une, les quatre heures sont donc écoulées et je me vois dans l’obligation d’interrompre le débat. Je suis sincèrement désolée pour MM. Olivier Paccaud, Jacques Grosperrin et Bernard Bonne.

Il reviendra à la conférence des présidents d’inscrire éventuellement la suite de ce débat à l’ordre du jour d’une séance ultérieure.

7

Adoption des conclusions de la conférence des présidents

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents. Elles sont donc adoptées.

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 10 avril 2018 :

À quatorze heures trente :

Explications de vote puis vote sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017–157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence (procédure accélérée) (n° 334, 2017–2018) ;

Rapport de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois (n° 394, 2017–2018) ;

Texte de la commission (n° 395, 2017–2018).

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 314, 2017–2018) ;

Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois (n° 396, 2017–2018) ;

Texte de la commission (n° 397, 2017–2018).

À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.

À dix-sept heures quarante-cinq et le soir : suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (n° 314, 2017–2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-trois.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD

 

Erratum

au compte rendu intégral de la séance du 28 mars 2018

Sous le titre « Ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs »,

dans l’intervention de M. Daniel Gremillet,

page 3203, seconde colonne,

au début du quatrième paragraphe :

Lire : « Je suis élu d’un petit département, les Vosges, qui est l’un des départements les plus industrialisés par rapport à sa population ; ».