M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en prie, ma chère collègue ! (Sourires.)

Mme Françoise Laborde. … il considère que ce texte ne sert à rien. Je serais tentée de lui répondre que c’est l’article 54 qui a fait la preuve de son inutilité ! De fait, celui-ci prévoit la remise d’un rapport rendu avec plus d’un an et demi de retard et demande au Gouvernement de légiférer sans que cette disposition ait de valeur normative. En le supprimant, nous faisons donc œuvre utile.

Avec cette proposition de loi, nous avons souhaité faire entendre un message simple : les métropoles ne doivent pas se faire sans les communes, ni contre les communes. (Mme Michèle Vullien acquiesce.) Or les échos des négociations et tractations en cours dans les cinq métropoles de taille européenne sont de nature à inquiéter, car les communes sont mises hors-jeu.

Nous pensons que la force de l’intercommunalité est de reposer, comme l’indique le sigle « EPCI », sur la coopération. Nous sommes nombreux à estimer aussi que la situation n’est pas mûre pour une évolution du mode de scrutin et que nos métropoles ont besoin de stabilité pour grandir et assumer pleinement leurs compétences.

Mme la ministre nous a annoncé que nous serons amenés à débattre d’un projet de loi prévoyant la transformation de cinq à huit métropoles en collectivités à statut particulier, en rupture avec le modèle de la coopération intercommunale. Nous aurons donc l’occasion d’en reparler. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi relative à l’élection des conseillers métropolitains.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, l’autre, du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 82 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 256
Contre 81

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'élection des conseillers métropolitains
 

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Quelles perspectives pour les études de médecine ?

Débat organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, sur le thème : « Quelles perspectives pour les études de médecine ? »

Madame la ministre des solidarités et de la santé, mes chers collègues, ce débat s’inscrit dans un espace réservé, qui s’achèvera précisément à vingt heures vingt et une, heure à laquelle je serai contrainte de lever la séance. Je ne puis donc garantir à chacun des orateurs inscrits qu’il pourra prendre la parole, même si chacun réduit son temps d’intervention, dans la mesure où le temps restant est particulièrement limité.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

L’orateur du groupe qui a demandé ce débat disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

Dans le débat, la parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai bien compris que le temps était contraint ; je m’efforcerai donc à la célérité, tout en essayant de bien me faire comprendre.

Les problématiques touchant à la médecine, à la répartition territoriale des praticiens et à l’avenir de notre système de santé prennent une place croissante dans nos travaux et dans la société. La santé est devenue l’une des toutes premières préoccupations des Français.

Le groupe du RDSE, toujours sensible aux questions de santé publique et de maillage territorial, a souhaité mettre à l’ordre du jour ce débat, qui nous permet de prendre une part active à la concertation sur la réforme des études médicales lancée en mars dernier par le Gouvernement.

La formation des médecins et les ressources humaines sont un pilier essentiel de la transformation de notre système de santé. Celle-ci intervient dans un contexte de grandes difficultés d’accès aux soins et d’une certaine désaffection des praticiens, associés à un profond malaise des étudiants.

Confrontés à un double carcan – le numerus clausus en fin de première année et les épreuves classantes nationales, ou ECN, en fin de deuxième cycle – les étudiants en santé sont soumis à des conditions de vie dégradées, comme l’a souligné dans son rapport le professeur Diot, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé.

Une vaste enquête sur la santé mentale des jeunes médecins, menée l’année dernière par l’Association nationale des étudiants en médecine de France, le confirme : plus des deux tiers des carabins présentent des symptômes anxieux, un tiers des symptômes dépressifs et un quart des idées suicidaires, avec des passages à l’acte malheureusement trop fréquents. La moitié des étudiants en médecine ont déjà songé à arrêter leur cursus. Ces résultats sont accablants !

Quelques pistes peuvent expliquer ce malaise : un cursus excessivement sélectif ; une charge de travail très lourde, avec une réglementation européenne sur les quarante-huit heures hebdomadaires et le repos de sécurité qui n’est, hélas, pas toujours respectée ; la confrontation à la maladie et à la mort ; une trop grande responsabilisation d’étudiants pas toujours bien préparés ; des conduites de management inappropriées, avec encore des situations de harcèlement, de pression, voire de sexisme.

Ce malaise doit être entendu. Si de telles conditions de vie et d’apprentissage pouvaient jusqu’ici être tolérées, aujourd’hui, la situation n’est plus acceptable. Nous saluons donc les engagements pris avant-hier par les ministres de la santé et de l’enseignement supérieur, en réponse au rapport sur la qualité de vie des étudiants en santé réalisé par le docteur Donata Marra.

Le débat sur la réforme des premier et deuxième cycles se concentre sur le numerus clausus, les ECN et les contenus pédagogiques.

Le numerus clausus, défini comme un outil de régulation, montre ses limites et doit, à de nombreux titres, être repensé.

Il est d’abord inefficace en ce qui concerne la répartition des médecins sur les territoires. Ensuite, son inertie est grande. De plus, il est contourné par l’arrivée de médecins étrangers ou de médecins français ayant réalisé leurs études à l’étranger. Enfin, il entraîne un taux d’échec sans alternative qui n’est pas acceptable. Après deux tentatives, en effet, nombre d’étudiants se retrouvent sans rien. On ne peut se satisfaire d’un tel gâchis.

La nécessité de revoir en profondeur la première année commune des études de santé, la PACES, et le numerus clausus est reconnue par la plupart des acteurs, et nous souscrivons à ce point de vue. Toutefois, considérer que la suppression du numerus clausus résoudrait à elle seule les difficultés d’accès aux soins serait une erreur. En effet, le nombre de médecins n’a jamais été aussi élevé : ils sont aujourd’hui 215 000, soit 92 % de plus qu’en 1979.

Supprimer le redoublement en première année et favoriser les alternatives dans un parcours LMD apparaissent comme des solutions intéressantes pour diversifier les profils et éviter le gâchis de la PACES.

À la fin du deuxième cycle, l’orientation des futurs médecins est conditionnée par le classement aux ECN. Leur choix, parfois contraint par ce résultat, les engage dans l’exercice d’une spécialité tout au long de leur carrière, sans réelles possibilités de réorientation. La transformation des diplômes d’études spécialisées complémentaires, dits « DESC », en médecine gériatrique, phlébologie, allergologie ou médecine d’urgence en diplômes d’études spécialisées a renforcé cette rigidité.

Après le fiasco des ECN en 2017, le président de la Conférence des doyens de médecine a préconisé leur suppression sous leur forme actuelle, pour privilégier le contrôle continu avec une modulation régionale adaptée aux besoins des territoires et aux capacités de formation des universités.

En ce qui concerne le contenu pédagogique, une plus grande professionnalisation dès le deuxième cycle, une plus grande porosité entre les différentes spécialités et des passerelles au cours des études et de la carrière sont également à envisager.

En ce sens, la réforme des études de santé offre une belle occasion de former les étudiants aux nouvelles pratiques et répondre aux enjeux de la médecine d’aujourd’hui.

Cela suppose de mettre l’accent, le plus tôt possible, sur le travail en équipe. À cet égard, l’une des premières solutions est l’« universitarisation » des formations de santé : ensemble, sur les bancs de l’université, les étudiants pourront apprendre à coopérer, notamment dans le cadre de temps de formation communs.

Un autre souhait des professionnels de santé est d’inciter les étudiants à effectuer plus de stages d’externat, dès le deuxième cycle, en dehors des CHU, dans les hôpitaux périphériques, en maison et pôle de santé, dans le privé comme dans le public et pour toutes les spécialités.

De fait, la formation encore trop « hospitalo-centrée » et « CHU-centrée » biaise les orientations professionnelles des jeunes médecins. Ces stages leur permettront de mieux appréhender la pratique de la médecine ambulatoire et de mieux connaître les professionnels de santé qui interagissent autour du patient. À n’en pas douter, ils favoriseront les installations futures sur les territoires.

Nous saluons les mesures prises en ce sens dans la réforme du troisième cycle, mais un effort considérable reste à faire sur nos territoires en tension en direction des maîtres de stage universitaires, sans quoi les bonnes intentions ne pourront pas se concrétiser.

Le médecin de demain, c’est aussi celui qui sait tirer profit des avancées technologiques. Les formations doivent intégrer de nouveaux outils tels que l’« e-santé » et les apports de l’intelligence artificielle. Il est indispensable que la France, qui se veut à la pointe dans ce domaine, laisse toute sa place à l’innovation, que celle-ci soit technologique ou organisationnelle, dès les études médicales.

Par ailleurs, il paraît indispensable de mieux former les jeunes à la gestion administrative de leur futur travail, car leur impréparation peut être un frein à l’installation.

Pour finir, j’aborderai la question des origines sociales et territoriales des étudiants en médecine. D’après une étude, quatre étudiants sur dix de la PACES 2013-2014 venaient de milieux favorisés, ce qui place les études de santé parmi les formations les plus clivées socialement. La même étude a montré qu’un enfant de cadre avait 2,5 fois plus de chances qu’un enfant d’ouvrier d’intégrer une deuxième année.

Ce manque de diversité, difficilement acceptable pour les élus de la République, a, de plus, des conséquences majeures sur l’installation des jeunes praticiens une fois leur diplôme obtenu.

Dans ce domaine, des expérimentations intéressantes se déroulent sur notre territoire. Ainsi, dans le Centre-Val de Loire, le parcours « Ambition PACES » vise à susciter des vocations chez des élèves de quatorze lycées ruraux : professeurs et étudiants en médecine proposent un « tutorat santé », en faisant le pari qu’une partie de ces futurs médecins s’installeront sur leur territoire d’origine. Le bénéfice est double, puisque ce dispositif renforce l’égalité des chances.

L’inégalité d’accès aux soins nous interpelle tous, et la réforme des études médicales doit répondre à cet enjeu. Devant l’urgence de la situation, certains pensent que la coercition pourrait être une solution. À titre personnel, je ne partage pas cet avis.

Des erreurs d’aménagement du territoire ont été commises : trente années d’un numerus clausus mal régulé et, surtout, un manque d’anticipation de la transformation de notre société ont abouti à la situation que nous connaissons. Les incitations financières, nous l’avons vu, ont également leurs limites.

Les nouvelles générations de médecins cherchent avant tout un projet pluriprofessionnel, compatible avec un projet familial, sur un territoire où ils se sentent bien. Les collectivités territoriales ont à cet égard tout leur rôle à jouer dans l’accompagnement de cette réforme, par exemple par le soutien aux maisons de santé pluriprofessionnelles ou aux maisons des internes, projets expérimentaux engagés sur mon territoire.

Je conclurai en mettant en débat trois propositions qui ont émergé au cours de nos auditions.

Tout d’abord, il conviendrait de créer un service civil permettant à des étudiants en fin de cursus, sur la base du volontariat, de renforcer la présence médicale dans les territoires sous-dotés. Neuf organisations de médecins, d’internes et d’étudiants vont dans ce sens, en invoquant la solidarité intergénérationnelle.

Ensuite, des médecins assistants territoriaux pourraient être créés, à l’image de ce qui se fait déjà à l’hôpital.

Enfin, il faudrait généraliser, sur les territoires en difficulté, les postes de médecins adjoints, occupés par des étudiants en cours de troisième cycle.

Madame la ministre, mes chers collègues, le sujet est vaste, mais les ressources ne manquent pas. Pour améliorer la prise en charge de nos concitoyens, la qualité de vie de nos praticiens et le système de santé publique dans sa globalité, une refonte des formations en santé, avec une attention particulière portée aux étudiants, nous paraît inévitable.

Des expérimentations locales existent, qui sont source d’espoir. Nous attendons notamment de la grande concertation qui débute qu’elle en fasse le recensement exhaustif et l’évaluation, afin d’aboutir à une refonte des études médicales adaptée aux grands enjeux de notre système de santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les évolutions à apporter aux études de santé, particulièrement aujourd’hui aux études de médecine, ont été au cœur des échanges et préoccupations de Frédérique Vidal et moi-même dès notre arrivée aux responsabilités, l’été dernier.

Elles devront prendre en compte les enjeux d’orientation et de réussite des étudiants, de qualité de la formation, de prospective des métiers de demain et de régulation démographique des professions de santé, dans la perspective de répondre aux besoins de la population.

Nous avons souhaité, dès le début du quinquennat, revoir l’approche de l’accès aux soins sur le territoire, en agissant dès la formation des futurs professionnels de santé. C’est pourquoi le Premier ministre et moi-même avons présenté, dès le mois d’octobre dernier, un vaste plan d’action pour l’accès territorial aux soins, qui constitue l’un des axes de la stratégie nationale de santé.

Ce plan vise à permettre à chaque citoyen d’avoir accès à une médecine de qualité, quel que soit l’endroit où il vit. Il comporte un panel de solutions adaptables à chaque contexte local, car la réponse aux difficultés démographiques n’est pas unique. Il est aussi porteur d’un changement de paradigme, car l’installation de professionnels de santé ne constitue pas la seule action à envisager : tous les leviers de nature à projeter du temps médical dans les territoires et les zones en tension sont à mobiliser.

Certaines mesures du plan – vous les avez évoquées, madame Guillotin – visent spécifiquement la formation des futurs médecins, particulièrement le déploiement des stages en ville.

La découverte de la médecine en cabinet, en maison ou en centre de santé au cours du cursus est en effet un élément essentiel à la préparation du projet professionnel de nos futurs médecins. Or, comme vous l’avez fait observer et comme chacun en fait le constat, leur formation est encore marquée par un très fort « hospitalo-centrisme ».

Il convient donc d’augmenter le nombre de maîtres de stage et d’améliorer l’organisation des stages. C’est pourquoi nous avons proposé que la rémunération des maîtres de stage soit bonifiée pour les médecins installés en zone sous-dense : 300 euros supplémentaires par mois, en plus des honoraires de base de 600 euros. Des réflexions sont également en cours afin de faciliter les procédures d’agrément des maîtres de stage.

Par ailleurs, il est essentiel que les étudiants puissent être formés dans des lieux d’exercice plus proches de leur exercice futur. Pour permettre ce déploiement des étudiants dans les territoires, une prime à destination des internes qui choisissent d’effectuer un stage ambulatoire en zone sous-dense va être créée : d’un montant de 200 euros par mois, elle sera destinée aux internes qui ne se verront pas proposer par une collectivité territoriale une solution d’hébergement ou une aide à l’hébergement de proximité.

Je souhaite que puisse être étendue aux zones sous-denses la possibilité de donner le statut de médecin adjoint aux étudiants en médecine remplissant les conditions pour obtenir une licence de remplacement.

Cette possibilité, que vous avez mentionnée, madame Guillotin, était jusqu’à présent limitée aux cas d’afflux exceptionnels de population. Elle permettra de renforcer le temps médical disponible dans des zones identifiées comme prioritaires, en même temps qu’elle permettra à de futurs médecins de s’aguerrir à un certain type d’exercices et, pour certains, de poser les bases de leur projet professionnel.

Reste que la répartition des professionnels sur le territoire, si elle est un enjeu essentiel, ne doit pas être le seul objectif d’une réforme des formations de santé. La réflexion sur les études de médecine doit porter dans le même temps sur le numerus clausus, la première année commune, la PACES, et les épreuves classantes nationales. C’est un changement de vision qui doit être opéré.

La réflexion sur le numerus clausus doit être approfondie. Même s’il a été doublé en quinze ans – nous formons aujourd’hui 8 000 médecins, contre 3 500 dans les années 1990 –, celui-ci présente aujourd’hui des limites, que nous reconnaissons.

Je pense en particulier au contournement européen, avec la reconnaissance automatique des diplômes des médecins formés au sein de l’Union européenne. Je pense aussi au gâchis humain suscité par le concours de la première année, ainsi qu’à la hiérarchisation et la stigmatisation des professionnels de santé aux dépens du développement d’un esprit de coopération et de collaboration.

Une réflexion a été lancée dans le cadre de la transformation du système de santé ; elle sera sans tabou. De premières propositions nous seront remises, à Frédérique Vidal et à moi-même, à la fin du mois de mai prochain.

La première année commune des études de santé doit aussi être réformée, en lien avec les expérimentations d’alternatives lancées par la loi de juillet 2013.

La mise en place de la PACES, en 2009, répondait à la volonté de faire face aux conséquences des échecs des candidats. Aujourd’hui, le constat est fait que la PACES n’atteint pas cet objectif et qu’il est nécessaire de la faire évoluer.

Les expérimentations lancées visent à répondre à deux objectifs prioritaires : diversifier les profils des étudiants accédant à ces filières ; permettre aux étudiants non admis dans ces filières de poursuivre leurs études en capitalisant sur leur année ou leurs deux années de PACES, sans avoir nécessairement à se réinscrire en première année dans un autre cursus.

Les expérimentations de ce type ont besoin de temps pour que l’on puisse en mesurer pleinement les effets et les évaluer de façon complète, avant de décider ou non leur généralisation. C’est pourquoi la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants prévoit la prolongation de l’expérimentation jusqu’à la fin de l’année universitaire 2021-2022.

Toutes ces expérimentations feront l’objet d’une évaluation que le Gouvernement présentera au Parlement, et nous en tirerons les conséquences qui s’imposent.

Le modèle de réforme du deuxième cycle des études de santé doit être repensé, pour permettre de sortir des écueils créés par les épreuves classantes nationales. Ces épreuves de fin de sixième année ont en effet montré leurs limites, et il nous faut repenser le second cycle des études de médecine dans son ensemble.

Nous avons confié au professeur Jean-Luc Dubois Randé et au docteur Quentin Hennion-Imbault une mission pour analyser les options possibles. Ils ont remis leurs propositions à fin du mois de décembre dernier. Elles nécessitent un approfondissement, tant certaines sont restructurantes.

La proposition la plus marquante est la fin des ECN, qui sont insuffisamment discriminantes, favorisent l’apprentissage théorique et, surtout, ne permettent pas l’appariement entre la compétence et la spécialité.

J’ai demandé que ces propositions, qui s’inscrivent dans la continuité de la réforme du troisième cycle des études de médecine, fassent l’objet d’une grande concertation, lancée en mars dernier et qui doit se conclure à l’automne. Ces travaux devront permettre aux formations de donner les clefs nécessaires aux professionnels pour s’adapter aux enjeux du système de santé de demain.

La réforme du troisième cycle des études médicales, soit l’internat, avait été rendue nécessaire par l’évolution de la médecine, l’émergence de nouveaux savoirs et pratiques et l’évolution des spécialités. Cette réforme, réalisée en 2016, est porteuse d’avancées pédagogiques concernant l’évolution des pratiques médicales et des outils pédagogiques mobilisables. Elle est toujours en phase de déploiement et fait l’objet d’un suivi approfondi des services du ministère.

Enfin, j’en viens à la question préoccupante du bien-être des étudiants en santé, une question que vous avez également soulevée, madame Guillotin.

En 2016, le Conseil national de l’ordre des médecins a publié une enquête réalisée auprès des étudiants et jeunes médecins : elle faisait apparaître que 14 % d’entre eux avaient déjà nourri des idées suicidaires. En 2017, les études menées par les syndicats et les fédérations d’étudiants en médecine et en soins infirmiers ont mis l’accent sur des situations de maltraitance. Aujourd’hui, il apparaît que, en moyenne, deux tiers des étudiants souffrent d’anxiété ; vous avez donné le chiffre, madame la sénatrice, et je n’y reviens pas.

Frédérique Vidal et moi-même avons donc confié, en juillet dernier, une mission au docteur Donata Marra sur la qualité de vie au travail des étudiants en santé, dans un contexte où les enquêtes et témoignages se multipliaient. Ce rapport met en avant le caractère multifactoriel et complexe de ce mal-être, qui tient aux évolutions de la société – changements culturels, place du numérique, réseaux sociaux, entre autres – et à celles de l’exercice professionnel, ainsi qu’aux tensions, à la pression et au temps de travail.

Pour améliorer la situation, il faudra agir collectivement sur quinze leviers identifiés, auxquels correspondent les quinze engagements que nous avons pris.

Tout d’abord, nous prendrons des mesures immédiates de soutien et d’intervention, en réaffirmant le refus des pratiques inacceptables et en saisissant au besoin les instances disciplinaires. Nous créerons aussi dans toutes les facultés une structure d’accompagnement et nous améliorerons les conditions de travail dans le cadre des stages, par la généralisation des conventions d’accueil des étudiants dans les établissements de santé.

Nous poursuivrons également la transformation globale des études de santé, en particulier en repensant les cursus pour les centrer sur les compétences à acquérir et sortir d’une logique de compétition.

Enfin, nous assurerons des passerelles de sortie avec validation des acquis pour tous les étudiants en santé.

Ces chantiers, déjà engagés, doivent maintenant s’articuler les uns avec les autres pour former une évolution cohérente de la formation des médecins de demain, dans une logique plus vaste et de plus longue haleine : celle de la transformation du système de santé. Alors que ce système est en pleine mutation, nous devons nous emparer de ces enjeux et penser les métiers de demain. Frédérique Vidal et moi-même piloterons conjointement cette transformation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les futurs professionnels de santé sont une richesse pour notre pays. Nous devons leur offrir les conditions d’étude qu’ils méritent. Ensemble, nous pouvons agir afin d’adapter les formations et d’anticiper les besoins de demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen et du groupe Union Centriste.)

Débat interactif

Mme la présidente. Mes chers collègues, madame la ministre, je rappelle que chaque orateur dispose au maximum de deux minutes, y compris la réplique, avec une réponse du Gouvernement également pour un maximum de deux minutes. Je serai intransigeante sur le respect de ces temps de parole.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. Madame la ministre, l’objectif des études de médecine est par définition de former de bons médecins au service de la santé de tous nos concitoyens, et ce sur tous les territoires sans exception.

La qualité de la formation en France est reconnue, même si des évolutions sont bien sûr nécessaires, comme notre collègue Véronique Guillotin l’a rappelé.

Mais si la compétence des médecins n’est pas en cause, une autre partie du contrat n’est pas remplie aujourd’hui : tous nos concitoyens ne bénéficient pas d’un égal accès aux soins. La situation devient même intenable dans certains territoires qui sont aujourd’hui au bord de la rupture par manque de médecins.

Autre problème, le cumul des difficultés dans ces territoires. Près de 20 % des personnes qui vivent dans une commune sous-dotée en médecins généralistes sont éloignées de plus de trente minutes d’un service des urgences. Et la situation est encore plus alarmante s’agissant de l’accès aux médecins spécialistes !

Madame la ministre, ne faudrait-il pas mieux prendre en compte cette réalité lors de la formation des futurs médecins ? Ne faudrait-il pas mieux les informer et les sensibiliser à ces enjeux, favoriser les stages dans les zones sous-dotées, les inciter à s’y installer ou, pourquoi pas, leur proposer une forme de service civique dans ces zones sous-dotées à l’issue de leurs études ?

Ne serait-il pas envisageable également de mieux intégrer dans les enseignements l’exercice coordonné entre les différents professionnels de santé pour une meilleure prise en charge des patients, notamment dans les zones rurales au travers des maisons de santé ?

Enfin, je ne voudrais pas terminer mon propos sans vous redire que, face au décrochage de certains territoires, tant dans l’offre de médecine libérale que dans celle des établissements de santé, il est urgent de prendre des mesures énergiques, de très court terme, qui permettent de stopper la spirale de la désertification médicale et d’offrir aux habitants de ces territoires le service de soins qu’ils sont en droit d’attendre ! (Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Hervé Maurey et plusieurs sénateurs du groupe du RDSE applaudissent.)