M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, pour deux minutes.

M. Nicolas Hulot, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Gontard, si je n’adhère pas à la première partie de votre intervention, je souscris tout au moins à la deuxième.

Je forme le vœu que ce levier fantastique qu’est le budget de la politique agricole commune permette une mutation en profondeur de notre modèle agricole et, pour le dire de manière schématique, de passer d’une agriculture intensive en pesticides et à faible taux d’emplois…

M. Jean Bizet. Caricature !

M. Nicolas Hulot, ministre dÉtat. … à une agriculture intensive en emplois et à faible taux de pesticides. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Joseph Castelli et Joël Labbé applaudissent également.)

Oui, la politique agricole commune est une des plus anciennes politiques européennes ! Elle est nécessaire. Mais, vous l’avez dit, elle doit être adaptée aux enjeux et au contexte du XXIe siècle. En ce moment même, Stéphane Travert est en train d’œuvrer dans cette perspective à l’Assemblée nationale.

Le premier axe – je pense que nous pouvons tous nous rejoindre sur ce point – est de retrouver et de construire une souveraineté alimentaire en France, notamment avec un plan de production de protéines végétales digne de ce nom. Il ne faut plus dépendre d’importations qui s’effectuent souvent, vous le savez bien, au détriment de la forêt amazonienne.

Je pense que la prochaine PAC doit nous permettre de nous émanciper de ces importations massives de protéines. Nous ne sommes évidemment pas fermés – bien au contraire ! – au commerce international. Mais nous ne pouvons pas sacrifier nos exigences sociales et environnementales. La PAC doit donc contribuer à reconstruire cette fameuse indépendance alimentaire.

Le deuxième axe de modernisation est la transformation de l’agriculture vers des modèles centrés, comme le demandent les consommateurs, sur la qualité, la réduction des pesticides et la protection de l’environnement. Ces services doivent être rémunérés ; ils doivent diversifier économiquement les revenus des agriculteurs.

Par conséquent, la PAC ne peut plus être centrée uniquement sur les rendements. La course au « toujours plus » détruit en effet les fondements même de l’agriculture, c’est-à-dire les sols et leur biodiversité, ainsi que l’eau. Les aides doivent être dorénavant centrées sur ce nouveau modèle, à la fois protecteur pour la planète et les consommateurs et plus rémunérateur pour les agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

droit d’asile et nouveau centre d’accueil à la villette

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ils étaient quelques centaines, et ils sont maintenant près de 2000 à s’entasser au bord d’un canal dans les rues de Paris. Ce sont des migrants : ce sont des hommes, des femmes et, parfois, des enfants. Nous pouvons tous partager le constat qu’ils fuient une violence : la violence de la guerre pour certains ; la violence de la pauvreté pour d’autres. Ils fuient la violence d’une vie qu’ils jugent sans avenir.

Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, notre politique migratoire ne peut pas s’exonérer du respect des droits fondamentaux. Ces personnes doivent être mises à l’abri.

Les élus du territoire, le maire d’arrondissement, la maire de Paris vous ont interpellé et vous ont adressé des propositions. Le Défenseur des droits s’est rendu sur place et a constaté des conditions de vie qu’il qualifie d’indignes. L’archevêque de Paris, Mgr Aupetit, est allé à la rencontre des migrants et a appelé à faire mieux ; il a parlé de « fraternité ».

Quand allez-vous répondre autrement que par le silence à ces différentes interpellations ? Veuillez s’il vous plaît nous dire ce que vous comptez faire pour mettre fin à la situation de ce campement indigne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Didier Rambaud et Joël Labbé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. David Assouline. Ce n’est pas Griveaux qui répond ? Ça aurait été bien, pourtant…

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Jomier, vous avez parlé d’« humanité ». Vous avez raison ; c’est également en ces termes que la question doit se poser.

Il est nécessaire de faire face à la situation. Certes, celle-ci est provisoire. Mais elle est extrêmement délicate pour les conditions de vie des femmes et des hommes – ce sont essentiellement des hommes sur cette zone –, ainsi que pour les riverains, les usagers et les habitants du quartier. Le centre d’accueil Dubois, qui visait à réguler le flux de demandeurs d’asile en attente d’hébergement, est fermé depuis le 31 mars 2018, dans l’attente de la mise en place d’un nouveau dispositif composé de plusieurs centres d’accueil et d’examen des situations, ou CAES, en Île-de-France.

L’objectif est d’orienter l’ensemble des personnes concernées vers ces centres d’accueil. Mais, vous l’avez dit, la période de transition est délicate. Il faut faire en sorte de pouvoir apporter le plus rapidement possible une réponse aux personnes, en fonction soit de leur profil pour les héberger soit des procédures dont elles relèvent pour les orienter vers les dispositifs adéquats.

Nous avons collectivement – il ne s’agit pas d’opposer l’État aux collectivités locales, en particulier à la Mairie de Paris – déployé des efforts très importants…

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat. … pour prendre en charge les nombreuses arrivées de migrants à Paris.

Des maraudes ont été organisées pour orienter 2 200 personnes vers les CAES depuis le début 2018. Ont été mis en place à Paris, depuis la fin du mois de mars, trois structures d’accueil de jour prioritairement dédiées à des hommes majeurs.

Cela doit permettre l’accueil inconditionnel, ainsi que l’information, l’orientation et la réorientation lorsque cela est nécessaire. Des navettes sont mises en place pour accompagner ces orientations ou réorientations chaque semaine si besoin est.

Il faut éviter toute naïveté – votre question n’en a pas fait preuve, monsieur le sénateur – à propos du campement de la Villette. Celui-ci est pour une large part occupé par des personnes qui refusent les mises à l’abri parce qu’elles veulent se soustraire à l’examen des situations administratives. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Esther Benbassa. C’est faux !

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat. C’est la réalité !

M. David Assouline. Venez le visiter avec moi !

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat. Dans le cas contraire, les personnes concernées pourraient utiliser les capacités d’orientation et d’accueil à leur disposition. Il y a même des minibus pour leur permettre de se déplacer. (Mme Esther Benbassa sexclame.)

M. le président. Il faut conclure.

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat. Vous le savez, il y a aujourd’hui des filières qui organisent des départs vers le Pas-de-Calais à partir de cette zone.

Si la Mairie de Paris souhaite l’évacuation, elle peut parfaitement la demander au juge. Et si le juge se prononce en ce sens, le Gouvernement mobilisera tous les moyens à sa disposition pour faire exécuter la décision de justice. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Mme Esther Benbassa proteste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.

M. Bernard Jomier. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais une évacuation n’est pas une réponse durable ; vous le savez !

Je crains que le défaut d’anticipation – vous avez rappelé que le centre de la Chapelle avait fermé au mois de mars, faute d’anticipation – ne masque des difficultés dans vos choix et un manque de clarté.

Mme Éliane Assassi. Un manque de volonté surtout !

M. Bernard Jomier. Je ne suis pas surpris qu’un tel manque de clarté sème le trouble jusqu’au cœur de la majorité parlementaire.

Vous proclamez des principes d’humanité et de fermeté. Or ce que nous voyons notamment avec le campement de la Villette, c’est qu’il y a en réalité l’indignité et le désordre !

Votre loi n’atteint pas le point d’équilibre. Elle ne répond pas aux exigences, qu’il s’agisse de respect des droits fondamentaux ou du principe selon lequel, en République, le Parlement définit dans la clarté la politique migratoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)

politique d’aménagement et d’équilibre des territoires

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question porte sur la politique d’aménagement et d’équilibre des territoires.

La semaine dernière, les trois principales associations d’élus locaux, représentant les régions, les départements et les communes, se sont exprimées conjointement pour dénoncer une « recentralisation du pays ».

M. Philippe Dallier. Elles ont bien raison !

M. Alain Fouché. Nous sommes extrêmement attachés au principe de libre administration des collectivités territoriales. Le plan Action cœur de ville et le futur plan d’action pour les hôpitaux sont des annonces positives.

Toutefois, au-delà de telles mesures, les élus locaux assistent impuissants à la fermeture d’écoles, à la suppression des contrats aidés, au déclassement des zones défavorisées, à la détresse agricole, à la désertification médicale… À cela s’ajoutent les menaces sur les petites lignes ferroviaires, ainsi que la dématérialisation des services publics, alors que le très haut débit n’est toujours pas dans nos campagnes. Tout cela intervient dans un contexte de baisse des dotations de l’État pour deux tiers des communes, soit 155 communes dans mon département.

Les élus locaux et nos habitants sont inquiets. Il devient urgent d’adopter une vision nouvelle pour la ruralité et de mettre plus de cohérence dans l’action publique. Sans école, sans hôpital, sans justice, sans mode de transport, sans service public, sans internet, nos territoires ne pourront pas rester attractifs. Il faut donc une réponse globale qui touche tous ces secteurs en même temps.

Il ne faut pas opposer le monde urbain au monde rural, mais tenir compte de l’équilibre des territoires et assurer l’égalité parfaite entre les citoyens.

Le Gouvernement ne peut qu’être conscient de l’importance de la décentralisation. Je souhaiterais donc connaître ses intentions, monsieur le ministre de la cohésion des territoires. Quelles mesures concrètes pour empêcher la dévitalisation des territoires ruraux et assurer une cohérence indispensable entre ces différentes politiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – MM. Éric Bocquet, Joël Labbé et Yves Bouloux applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Fouché, vous appartenez au groupe République et Territoires : c’est déjà tout un programme ! (Sourires.)

Vous avez très justement mis l’accent sur les difficultés que rencontrent un certain nombre des territoires de la République. Ils ne les vivent pas simplement depuis une dizaine de mois ; c’est le résultat – je l’ai déjà dit ici, et je le maintiens – de plusieurs décennies pendant lesquelles des fractures et des déséquilibres se sont malheureusement creusés au sein de la République française. Nous en sommes tous responsables et tous conscients.

Vous posez justement la question : comment pratiquer une politique de réparation ? Vous avez évoqué, et je vous en remercie, le plan Action cœur de ville, que je suis allé lancer à Châtellerault, dans votre département, où j’ai dressé un certain nombre de constats sur la situation qui s’est développée en plusieurs années.

Le Gouvernement a déjà pris un certain nombre de dispositions importantes. Vous avez mentionné le numérique. En l’occurrence, nous sommes allés vite et fort pour que les opérateurs tiennent leurs engagements sur la téléphonie ou internet. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, je connais les réalités comme vous ! Dans mon département, comme dans les vôtres, la téléphonie fixe va moins bien aujourd’hui qu’il y a plusieurs années ; c’est une réalité ! Nous avons pris des mesures fortes pour accélérer la desserte sur le numérique et sur la téléphonie mobile.

En matière de santé, le plan d’Agnès Buzyn représente également un progrès, y compris en termes d’aménagement du territoire.

Vous avez abordé les petites lignes. Je suis bien placé pour savoir que l’on peut être inquiet quand on a des petites lignes dans un département.

M. le président. Il faut conclure.

M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement a su répondre à cela, en distinguant la question de la restructuration de la SNCF de celle des petites lignes ; il l’a encore rappelé hier à Saint-Dié ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Joseph Castelli et Jean-Marc Gabouty, ainsi que Mme Françoise Laborde applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour la réplique, en sept secondes.

M. Alain Fouché. Monsieur Mézard, je me souviens que vous dénonciez effectivement les déséquilibres lorsque vous siégiez dans notre hémicycle.

Nous avons besoin d’une vision nouvelle de la ruralité, avec plus de cohérence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Pierre Louault applaudit également.)

accompagnatrices voilées en sortie scolaire

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Pemezec. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, quand on sait le combat que mènent les femmes musulmanes dans leurs pays pour s’émanciper, on ne peut pas éluder le débat sur le voile. Pour certains, il peut paraître futile ou inutile. Mais il prend tout son sens dans les quartiers où les gens sont exaspérés de voir le communautarisme se développer au quotidien, mettant à mal les valeurs qui fondent la République.

Dimanche soir, le Président de la République a été interrogé sur le port du voile des femmes accompagnant les sorties scolaires.

Le ministre de l’éducation nationale a déclaré que ces personnes accompagnatrices pouvaient être considérées comme des « collaborateurs bénévoles du service public » et ne devaient donc pas porter le voile.

Le Président de la République a défendu la position de son ministre de l’éducation nationale, mais il s’est réfugié derrière les décisions du Conseil d’État sur le sujet, qui sont à géométrie variable.

On peut d’ailleurs s’étonner que la loi ne soit pas plus précise. Cela éviterait aux magistrats de devoir l’interpréter à la place du législateur.

En tout cas, il faut modifier la loi pour que les collaborateurs bénévoles du service public ne portent pas le voile, y compris dans l’espace public.

Aujourd’hui, on est dans l’ambiguïté. On laisse les maires abandonnés face à des situations compliquées et à leurs conséquences néfastes. Et, surtout, cela attise les haines.

M. David Assouline. Vous n’arrêtez pas d’attiser les haines !

M. Philippe Pemezec. On abîme le « bien-vivre ».

Monsieur le ministre d’État, que comptez-vous faire pour mettre un terme à ces ambiguïtés et faire en sorte que, demain, le « bien-vivre » ait un vrai sens ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale. Monsieur le sénateur Philippe Pemezec, cette question est importante, puisqu’elle touche à la laïcité. Comme vous le savez, depuis que ce gouvernement est en place, nous avons fait déjà beaucoup de choses pour la laïcité à l’école. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je pense notamment à la création d’un Conseil des sages de la laïcité, précisément pour débattre de telles questions et disposer de réponses homogènes face aux différentes situations. Nous avons aussi mis en place des unités laïcité.

M. David Assouline. Cela existait déjà !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Elles sont désormais opérationnelles dans chaque rectorat. Il s’agit d’aider les établissements chaque fois qu’un problème de ce type survient et de veiller à une application homogène sur l’ensemble du territoire de ce qui est prescrit au sein de l’éducation nationale grâce au Conseil des sages.

Il s’agit donc d’un progrès très important. Vous en verrez les effets au fil du temps, selon les différents cas qui se présenteront. Je suis évidemment déterminé à faire respecter le principe de laïcité dans le système scolaire.

La question des mères voilées accompagnatrices scolaires n’est pas nouvelle. Elle est présente depuis un certain temps dans les débats. Vous le savez, le Conseil d’État a émis non pas un arrêt, mais un avis. Celui-ci, qui date de 2013, repose effectivement sur la notion de collaborateurs bénévoles du service public.

Le Président de la République l’a très bien rappelé dimanche soir à la télévision : soit ces personnes sont considérées comme collaborateurs bénévoles du service public, et elles ne doivent pas porter le voile, puisqu’elles ont les mêmes devoirs qu’un fonctionnaire ; soit elles ne sont pas considérées pas comme telles, et elles sont alors libres de le porter, comme tout usager du service public ou citoyen. Il s’agit donc d’un problème d’appréciation. Il est possible que cela soit tranché par le législateur ou la jurisprudence dans le futur.

En attendant, le Conseil d’État précise qu’un chef d’établissement peut recommander aux mères de ne pas porter le voile dans les sorties scolaires. Pour ma part, c’est ce que je recommande aux chefs d’établissement de recommander aux mamans accompagnatrices.

Au besoin, la situation peut être clarifiée par une nouvelle circulaire.

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Telle est la recommandation que j’ai formulée ; elle s’inscrit parfaitement dans le cadre de l’avis du Conseil d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

plans régionaux de santé

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Sylvie Vermeillet. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Madame la ministre, le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté a rendu un avis défavorable sur le projet régional de santé présenté par l’Agence régionale de santé, l’ARS. D’autres conseils régionaux s’apprêtent à faire de même. Ils seront suivis par des conseils départementaux, qui n’approuveront pas non plus vos projets.

À la fin du mois de février, dans la Nièvre, soixante-dix maires et adjoints ont remis leur démission pour protester contre la fermeture envisagée des urgences de nuit de Clamecy.

À Saint-Claude, dans le Jura, c’est un bassin de vie de 60 000 personnes qui est privé de maternité et de chirurgie, au mépris de la loi Montagne ; celle-ci prévoit de garantir un accès terrestre aux soins dans des délais de transports acceptables.

Madame la ministre, vos ARS amputent et stérilisent les territoires sans anesthésie.

Démotivation des élus locaux certes, mais également de nos pompiers qui doivent assurer des transports de blessés de plus en plus longs. Ils sont à saturation du fait des innombrables sorties relevant d’un service ambulancier. Les collectivités, financeurs des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, paient des coûts de prises en charge pendant que l’État fait des économies.

Les difficultés de gestion et d’organisation du système de santé ne datent pas de ce gouvernement, mais l’élaboration des projets régionaux de santé, les PRS, oui.

Les territoires ne peuvent pourtant pas se contenter de vous voir fermer maternités et hôpitaux en éloignant toujours plus le patient du traitement.

Madame la ministre, allez-vous réviser les PRS élaborés de manière unilatérale et aujourd’hui rejetés ? Sinon, à quoi bon les soumettre au vote des assemblées locales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Sylvie Vermeillet, je vais vous répondre, mais vous avez énoncé certaines contrevérités. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le ministère de la santé ne fait pas d’économies sur les territoires ; nous cherchons à les accompagner.

Aujourd’hui, lorsqu’une maternité fonctionne avec des « mercenaires », qui parfois ne sont pas présents, nous mettons en jeu la sécurité des patients. C’est le seul leitmotiv qui nous oblige quelquefois à fermer des structures, par manque de médecins disponibles sur le terrain.

Les postes ne sont pas pourvus, vous le savez. C’est vrai pour les urgences et pour les maternités. C’est donc non pas une question budgétaire, mais une question de démographie.

L’ARS cherche à accompagner les territoires dans un objectif de plus grande sécurité et de fluidité des parcours de soins. Le PRS de Bourgogne-Franche-Comté, votre région, qui est très étendue, peu peuplée et qui fait face à de très grandes difficultés démographiques, tient compte de ces enjeux.

Les PRS sont élaborés avec l’ensemble des professionnels de santé d’une région, et non par l’ARS. Ils ont donné lieu à dix-huit mois de travaux avec l’ensemble des parties prenantes – représentants des professionnels de santé, syndicats, établissements sanitaires et médico-sociaux, collectivités – et feront l’objet d’une évaluation par la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, la CRSA, c’est-à-dire par les usagers, le 26 avril prochain, laquelle conférence rendra un avis officiel. Cette instance, vous le savez, fédère l’ensemble des parties prenantes.

Je déplore que votre région n’ait pas voté le PRS. Je sais que le directeur général de l’ARS Bourgogne-Franche-Comté, Pierre Pribile, est tout à fait prêt à travailler de nouveau avec les collectivités.

Aujourd’hui, l’enjeu sur les territoires est aussi un enjeu de sécurité pour nos concitoyens. Je rappelle que notre objectif prioritaire est d’assurer la qualité des soins partout en France, et j’y veillerai. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme Marie Mercier. Non, pas partout en France !

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.

Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, vous êtes ici dans l’assemblée des territoires. Auriez-vous besoin d’un ORL pour nous entendre ? (Sourires.)

Comme pour les enseignants ou les policiers, prenez les moyens d’affecter les médecins là où il y en a besoin, parce que, fermer les hôpitaux, cela ne supprime pas les patients ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

lien entre l’emploi et les territoires

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.

M. Frédéric Marchand. Madame la ministre du travail, le combat pour l’emploi est la priorité affichée du Gouvernement, notamment pour les publics qui en sont le plus éloignés. Le 4 avril dernier, vous avez choisi le Nord et l’hébergeur internet OVH pour lancer le volet numérique du plan d’investissement dans les compétences.

L’objectif de ce plan est de consacrer 15 milliards d’euros à la formation de 1 million de jeunes peu qualifiés et de 1 million de demandeurs d’emploi de longue durée faiblement qualifiés, et de transformer en profondeur toute l’offre de formation. Les bénéficiaires seront à 80 % des personnes ne disposant pas du baccalauréat.

Nous ne pouvons que nous féliciter que le Gouvernement intensifie et accélère l’effort de formation professionnelle des plus vulnérables pour les protéger contre le manque de compétences ou l’obsolescence rapide de celles-ci dans un contexte de bouleversements incessants du marché du travail.

Vous l’avez répété dans le Nord, et nous partageons toutes et tous ici ce constat, personne n’est inemployable.

Agir efficacement contre le chômage, c’est d’abord et avant tout développer les compétences, et chacun peut être ainsi formé aux métiers du numérique. Un jeune décrocheur ou une employée au chômage peuvent devenir codeur ou web rédactrice, car le numérique ouvre les portes et les ouvre grand pour les jeunes et les demandeurs d’emploi, quel que soit leur niveau de qualification.

Lutter efficacement pour l’emploi, dans tous les secteurs, c’est l’affaire de tous : le Gouvernement, les régions, Pôle emploi, de nombreuses entreprises, en particulier les PME et TPE.

Toujours dans le Nord, le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, vous a présenté l’initiative Proch’Emploi, laquelle vise à aider les entreprises qui peinent à recruter à trouver plus rapidement leurs candidats à l’embauche. Cette initiative est née du constat que de nombreuses offres ne sont pas pourvues, alors que notre taux de chômage est très élevé.

On voit bien, madame la ministre, et le dispositif des emplois francs que vous avez lancé officiellement cette semaine en est une bonne illustration, la nécessité d’une mobilisation générale et de la recherche de solutions toujours plus pragmatiques.

Face à cette grande cause nationale, comment comptez-vous accompagner et encourager davantage encore le volontarisme des collectivités qui s’engagent résolument pour l’emploi ?

Mme Sophie Primas. Donnez-leur de l’argent !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, la politique de l’emploi est aujourd’hui surtout concentrée sur la « stratégie compétences » parce qu’il y a, vous le savez, une dynamique de création d’emplois, avec 268 000 créations nettes l’année dernière. Cette tendance se poursuit cette année, selon les estimations, par une hausse de 18 %.

Nous mettons aussi en œuvre une stratégie d’inclusion, car rien ne permet, mieux que le travail, l’inclusion, l’émancipation et la cohésion sociales.

Je sais que sur ces travées personne n’accepte cette situation injuste et dangereuse dans laquelle 1,3 million de nos jeunes n’ont pas de perspectives, ne se projettent pas, un habitant des quartiers prioritaires de la politique de la ville, à qualification ou expérience égales, a trois fois moins de chance de trouver un emploi qu’un autre et dans laquelle aussi le taux de chômage est de 18 % pour les personnes non qualifiées, alors qu’il est de 8,7 % pour les autres catégories de la population.

Face à cette situation, il y a les politiques d’État, et la mobilisation des partenaires sociaux, des entreprises.

Les politiques d’État se traduisent par le plan d’investissement dans les compétences que nous avons lancé, et qui sera mené en partenariat très étroit avec les régions, lesquelles ont une compétence clé en matière de formation des demandeurs d’emploi. Je peux vous dire que les régions, dans leur très grande majorité, m’ont confirmé qu’elles signeraient un accord visant à développer ces formations. Ainsi, 1 million de jeunes et 1 million de demandeurs d’emploi pourront accéder enfin aux compétences, qui sont la meilleure protection contre le chômage.

Il y a aussi les initiatives des collectivités territoriales. Pour réussir à mener à bien cette grande cause nationale de l’emploi, il faut que cela se fasse dans les deux sens.

Vous avez rappelé l’initiative prise par Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, avec Pôle emploi, consistant à aller au-devant des petites et moyennes entreprises qui ne trouvent pas preneurs pour les emplois qu’elles créent. C’est une bonne démarche, et c’est pourquoi nous l’avons lancée ensemble.