Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 42, première phrase

Après les mots :

le consentement éclairé

insérer les mots :

, libre, spécifique, univoque

Cet amendement a été retiré.

Je mets aux voix l’article 13.

(Larticle 13 est adopté.)

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Article 13
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des données personnelles
Article 14 A (supprimé)

Article 13 ter

(Non modifié)

I. – (Non modifié)

II. – Les responsables des traitements de données à caractère personnel comportant la mention de la qualité de militaire disposent, lorsque cette mention n’est pas strictement nécessaire à l’une des finalités du traitement, d’un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi pour procéder à sa suppression ou à son remplacement par celle de la qualité d’agent public.

III. – (Non modifié)

IV. – Les III et IV de l’article 117 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale sont abrogés. – (Adopté.)

Chapitre V

Dispositions particulières relatives aux droits des personnes concernées

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Article 13 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des données personnelles
Demande de renvoi à la commission

Article 14 A

(Supprimé)

Demande de renvoi à la commission de l’article 14

Article 14 A (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des données personnelles
Article 14

Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Ouzoulias, Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, d’une motion n° 1 rectifié.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission l’article 14 du projet de loi relatif à la protection des données personnelles (n° 425, 2017-2018).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour deux minutes trente, un orateur d’opinion contraire, pour deux minutes trente également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la motion.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux en préambule remercier fortement Sophie Joissains, notre rapporteur, de ses propos de ce matin, lesquels étaient empreints d’un sens républicain qui honore la Haute Assemblée.

Madame la rapporteur, la demande de renvoi à la commission est destinée à vous aider dans votre argumentation et à vous apporter, si vous le souhaitez, en commission, des éléments techniques et un peu longs à exposer, mais qui me paraissent déterminants et qui vont tout à fait dans votre sens.

L’article 14 porte sur ce qu’on a appelé les algorithmes locaux. De quoi s’agit-il ? Il s’agit de traitements informatisés automatiques mis en place dans les universités à partir des données collectées par Parcoursup. Ce corpus peut être soumis à différents traitements multiples sur lesquels nous désirons vivement, et je le souhaite comme vous, que la plus grande transparence soit faite.

Il nous semble en effet, et c’est ce qui remonte du terrain, que certains critères ne correspondent pas à l’esprit de la loi, notamment le recours systématique à des tirages aléatoires, au tirage au sort. L’acharnement du Gouvernement à ne pas vouloir de transparence sur ces algorithmes locaux est destiné à cacher quelque chose qui commence à être avéré, c’est-à-dire le recours systématique au tirage au sort dans ces algorithmes mis au point au petit bonheur la chance par chacune des universités.

J’aimerais, pour conclure, vous citer le propos de la rapporteur à l’Assemblée nationale : « Le Sénat a eu une position conservatrice peu compréhensible, visant à restreindre considérablement, et souvent en contradiction avec le règlement européen, le recours à ces outils d’aide à la décision. »

Oui, le Sénat est conservateur, conservateur des libertés individuelles, et nous y tenons.

Mme la présidente. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sophie Joissains, rapporteur. Le renvoi à la commission est difficile. Néanmoins, nous partageons totalement sur le fond les arguments de notre collègue Pierre Ouzoulias et de certains des membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’article 14 est, effectivement, d’une importance tout à fait considérable. Pour la première fois dans notre droit, il ouvre la voie à l’automatisation complète des décisions individuelles prises par l’administration.

Je n’ai pas ménagé mes efforts pour convaincre nos collègues députés de la nécessité de trouver une rédaction de cet article protectrice des droits et libertés des citoyens. Le texte du Gouvernement ne comportait presque aucun garde-fou, et ceux qu’a ajoutés l’Assemblée nationale m’ont paru très insuffisants.

Hélas, ces efforts ont été vains, car l’Assemblée nationale s’est pliée à la volonté du Gouvernement.

Il en va de même du problème particulier de Parcoursup : les députés se sont contentés d’une demande de rapport au Comité éthique et scientifique chargé de superviser Parcoursup.

Tout cela est désolant. Le rôle du Parlement n’est pas de demander des rapports, en même temps qu’il ouvre grand la voie à des dérives qu’il prétend dénoncer. Le rôle du Parlement est de fixer des normes et, en l’occurrence, d’obliger l’administration à respecter les droits des citoyens.

Pour ce qui concerne Parcoursup, je suis d’autant plus étonnée de voir le Gouvernement et l’Assemblée nationale rester sourds aux préoccupations exprimées par le Sénat que deux éléments nouveaux sont apparus depuis la première lecture.

D’une part, dans sa délibération du 22 mars 2018 sur Parcoursup, la CNIL a relevé que la dérogation dont bénéficie Parcoursup aux règles de transparence prévues par le code des relations entre le public et l’administration était sans effet, puisque la loi Informatique et libertés et le règlement européen lui-même comportent des règles similaires. Selon la CNIL, « les établissements d’enseignement supérieur qui recourraient à un traitement algorithmique pour examiner les candidatures qui leur sont soumises devront également fournir l’ensemble des éléments permettant de comprendre la logique qui sous-tend cet algorithme. »

D’autre part, le Président de la République, dans son allocution du 28 mars 2018 au Collège de France sur l’intelligence artificielle, a clairement pris position pour la transparence dans l’usage des algorithmes, y compris pour l’accès à l’université. Il a d’ailleurs émis le souhait que des décisions ne soient jamais entièrement déléguées à un algorithme, ce qui va directement à l’encontre des dispositions prévues à cet article – il faut bien le dire.

Pour le Président de la République, « la clé est de mettre partout de la transparence publique sur les algorithmes, rendre les algorithmes publics, s’assurer qu’ils sont utilisés en transparence, traquer leurs biais, ne pas leur confier le monopole de la décision, s’engager à les enrichir ou les compléter par la décision humaine. » C’est ce que le Sénat avait prévu.

Le chef de l’État poursuivait ainsi : « Cette transparence, elle suppose une interaction permanente entre l’intelligence artificielle et l’humain et les choix qui seront faits, elle suppose des débats permanents, des corrections, elle suppose à partir du moment où on va mettre l’entrée à l’université, l’entrée dans une profession ou une formation derrière un algorithme, la nécessité de rendre plus démocratique cet algorithme et donc de s’assurer de sa loyauté, de s’assurer de sa transparence complète et qu’il puisse y avoir un débat sur ces règles sinon nous déléguons à l’algorithme le choix entre des priorités démocratiques. »

Voilà d’excellents principes, qui restent lettre morte dans ce texte qui sera bientôt voté par l’Assemblée nationale.

Dans ce contexte, nous avons appris à la lecture du journal Le Monde que l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche avait produit, à l’intention de la ministre de l’enseignement supérieur, une note de suivi particulièrement alarmiste.

Dans cette note, l’Inspection générale aurait mis en garde contre un dispositif qui pose des difficultés philosophiques ou techniques liées à l’examen des candidatures. Elle aurait souligné que les établissements sont encore loin d’être prêts à examiner et à sélectionner les dossiers qui vont leur être soumis, que les critères appliqués varient d’une université à l’autre et sont parfois dénués de fondement légal. Bref, elle aurait déploré le manque d’accompagnement – c’est un minimum – du ministère.

Cela étant, à regret, je sollicite le retrait de cette motion de renvoi à la commission. Et la commission demande au Gouvernement de communiquer au Sénat cette note d’inspection, car nous ne pouvons pas légiférer à l’aveugle.

Mme la présidente. Madame la rapporteur, la procédure de la motion de renvoi à la commission d’un article du texte étant peu commune, j’ai fait preuve de beaucoup de souplesse par rapport au temps qui vous était accordé pour donner l’avis de la commission. Il me semblait en effet important que le Sénat dispose de l’ensemble de vos explications.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Ouzoulias, vous demandez le renvoi à la commission de l’article 14 pour pouvoir apprécier le rapport de l’Inspection générale auquel vous faites allusion.

Nous parlons d’une loi et de l’article L.612-3 du code de l’éducation, loi qui a été votée par le Parlement de manière démocratique, comme toute loi, et vous avez eu, madame la rapporteur, l’occasion de nous le rappeler ce matin.

Je veux en outre souligner que le Gouvernement est extrêmement respectueux du bicamérisme, dans la manière dont il fonctionne sous la Ve République et tel que l’ensemble des articles de la Constitution l’a organisé – l’article 45 de la Constitution existe et s’impose à nous tous.

Par ailleurs, au-delà des institutions, le Gouvernement est également extrêmement respectueux des femmes et des hommes qui composent nos deux assemblées. À titre personnel, je suis toujours très attentive, mesdames, messieurs les sénateurs, à tout ce que vous pouvez formuler – remarques, critiques, apports –, et vous pourrez observer que, à l’image de mes collègues ministres, j’essaie toujours de prendre appui sur les propositions susceptibles d’améliorer un texte en cours de discussion.

Le bicamérisme, c’est aussi le compromis, et nous y sommes très attachés, dans le respect, je le répète, des règles constitutionnelles.

J’en viens aux propos que vous venez de tenir, monsieur le sénateur Ouzoulias, en soutien de la motion de renvoi à la commission, et au document de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, l’IGAENR, que Mme la rapporteur a évoqué en réponse à votre intervention. Il s’agissait non d’un document officiel stabilisé, mais d’un document interne de travail. Il faut non pas en préciser le contenu – je ne l’ai personnellement pas lu – mais souligner qu’il constituait, lors de sa diffusion à la suite d’une fuite dans la presse au mois de février dernier, un point d’étape.

Je le rappelle, l’IGAENR assure une mission de suivi de Parcoursup et, au-delà, de l’ensemble de la réforme du premier cycle ; cette mission se poursuit encore aujourd’hui. À ce stade, il n’y aurait donc pas de sens à diffuser un rapport purement interne, mais daté. Le chef de service de l’Inspection générale s’est d’ailleurs clairement prononcé sur la divulgation de ces travaux ; ceux-ci avaient fait, à ses yeux, l’objet d’une déformation.

En revanche, il me semble tout à fait naturel que la représentation nationale puisse mener ses missions de contrôle et d’évaluation dans les meilleures conditions, et cela me paraît tout aussi évident pour le sujet qui nous occupe aujourd’hui. Dans ce cadre, il paraîtrait tout à fait normal et envisageable que la commission des lois, éventuellement accompagnée de la commission de la culture, procède aux auditions qu’elle jugerait utiles. Les responsables de l’Inspection générale, je puis vous l’affirmer, se tiennent à la disposition du Sénat, si vous le jugez nécessaire, pour fournir une information complète sur ces sujets et pour répondre à toutes vos questions.

Sur le fond, vous avez aussi évoqué, madame la rapporteur et, indirectement, monsieur Ouzoulias, un manque de garantie quant au contrôle effectué sur ces algorithmes. À cet égard, on a créé le Comité éthique et scientifique, mentionné à l’article L. 612-3 du code de l’éducation, objet de nos échanges aujourd’hui. Cette disposition a d’ailleurs été introduite au travers d’un amendement sénatorial…

M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait, j’avais voté pour !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … – cela prouve d’ailleurs que le Gouvernement est à l’écoute du Sénat –, déposé par le groupe Union Centriste, qui souhaitait ancrer dans la loi la mission de contrôle de ce comité. L’Assemblée nationale a renforcé cette disposition en demandant à cette instance de rendre un rapport annuel sur les garanties de transparence de la procédure nationale de préinscription dans le premier cycle de l’enseignement supérieur.

On peut voir là l’expression d’une divergence entre l’Assemblée nationale et le Sénat, mais ce n’est pas mon cas. Il s’agit au contraire, selon moi, de l’amplification par l’Assemblée nationale d’une disposition adoptée par le Sénat.

Là encore, les commissions permanentes sont libres d’auditionner qui elles veulent, et le Gouvernement est très clair sur ce point, comme il l’a été à l’Assemblée nationale pour le Comité éthique et scientifique.

Sur le fondement de ces éléments, et en indiquant de nouveau que le Gouvernement et son administration se tiennent à votre disposition pour vous fournir les renseignements que vous souhaiteriez connaître, je vous suggère de retirer cette motion.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Mme la rapporteur a exprimé avec suffisamment de précision la position de la commission pour que je ne renouvelle pas l’exposé très précis qu’elle nous a présenté précédemment.

Je veux dire à quel point nous partageons les préoccupations que manifeste le texte de la motion de renvoi à la commission. Notre seul objectif est de renforcer la protection de nos concitoyens vis-à-vis de traitements qui peuvent engager le destin de nombre d’entre eux, s’agissant de l’inscription à l’université. Il n’est pas acceptable que les paramètres des algorithmes mis en œuvre restent cachés.

Nous avons été sensibles aux informations de presse indiquant l’existence d’un rapport circonstancié de nature à confirmer nos inquiétudes.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Si je vous ai bien comprise, madame la garde des sceaux, vous nous indiquez qu’il s’agit en réalité d’un document intermédiaire de travail qui est déjà dépassé. Je suis bien obligé de me contenter de vos assurances, mais vous savez à quel point le Sénat est attaché au renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement.

M. Pierre Ouzoulias. Absolument !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je crois d’ailleurs que ce renforcement figure parmi les intentions exprimées par le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès, le 3 juillet dernier ; c’est un objectif auquel il attache lui-même de l’importance.

M. Pierre Ouzoulias. Nous aussi !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est la raison pour laquelle nous attendons davantage de transparence de la part du Gouvernement.

Cela dit, je suis prêt à saisir l’offre que vous nous avez faite de convoquer les responsables de l’Inspection qui ont approfondi ce dossier. Toutefois, je dois vous le dire, si leurs explications s’avéraient insuffisantes, nous reviendrions vers le Gouvernement pour, cette fois, non pas demander, mais exiger une information plus complète du Parlement. Je vous remercie par avance d’y être attentive.

Moyennant le débat que nous avons eu, d’une part, et dans la mesure où le texte adopté par la commission des lois fait droit aux préoccupations de notre collègue, d’autre part, je confirme la demande de retrait de la motion, tout en précisant que la commission des lois voterait contre la motion si tel n’était pas le cas.

Mme la présidente. Monsieur Ouzoulias, la motion n° 1 rectifié est-elle maintenue ?

M. Pierre Ouzoulias. La Haute Assemblée agit de façon unanime dans la défense de valeurs qui la touchent, notamment de la liberté individuelle. C’est un point important.

J’ai entendu les paroles fortes du président de la commission des lois qui exigera d’obtenir – je lui fais entièrement confiance pour cela – les éclaircissements que le Gouvernement ne nous donnerait pas.

Pour préserver cette unanimité, je retire ma motion, madame la présidente. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La motion n° 1 rectifié est retirée.

Nous poursuivons l’examen du texte de la commission.

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection des données personnelles
Article 14 bis A

Article 14

I. – L’article 10 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 10. – Aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d’une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de la personnalité de cette personne.

« Aucune décision produisant des effets juridiques à l’égard d’une personne ou l’affectant de manière significative ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, y compris le profilage, à l’exception :

« 1° Des cas mentionnés aux a et c du 2 de l’article 22 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité, sous les réserves mentionnées au 3 du même article 22 et à condition que l’intéressé en soit informé par le responsable de traitement et que les règles définissant le traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre lui soient communiquées à sa demande, sous réserve des secrets protégés par la loi ;

« 2° Des décisions administratives individuelles fondées sur un traitement automatisé de données à caractère personnel dont l’objet est d’appliquer strictement des dispositions légales ou réglementaires à des faits dont la matérialité et la qualification juridique sont établies sur un autre fondement que ledit traitement, à condition que celui-ci ne porte pas sur des données mentionnées au I de l’article 8 de la présente loi et que l’intéressé puisse exprimer son point de vue et contester la décision ;

« 3° (Supprimé)

« Par dérogation au 2° du présent article, aucune décision par laquelle l’administration se prononce sur un recours administratif mentionné au titre Ier du livre IV du code des relations entre le public et l’administration ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données à caractère personnel. »

II. – Au premier alinéa de l’article L. 311-3-1 du code des relations entre le public et l’administration, après le mot : « comporte », sont insérés les mots : « , à peine de nullité, ».

III. – Le dernier alinéa du I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation est supprimé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’article.

Mme Esther Benbassa. Je veux revenir sur le sujet des algorithmes, tout en suivant l’avis du président de la commission – si l’on est satisfait, il n’y a effectivement pas lieu de discuter davantage. Avant cela, je veux d’abord rendre hommage à Mme la rapporteur, qui a fait le nécessaire pour que cet article soit révisé comme il se devait.

La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, que le Gouvernement a soumise au Parlement, est contradictoire avec mon éthique d’enseignant, puisqu’elle consacre le secret des délibérations. Au travers de ce principe, la loi donne aux établissements d’enseignement supérieur la possibilité de ne pas dévoiler les algorithmes locaux mis au point pour assurer la cohérence entre le profil du candidat et les prérequis de la formation demandée.

C’est donc dans l’opacité la plus totale que, dans quelques mois, les étudiants de France recevront leur affectation ou se verront refuser l’accès dans l’enseignement supérieur. Il n’y aura plus la mention « oui, mais » ; le document dont parlait le président de la commission – je ne sais pas s’il s’agit d’un rapport – indique en effet que les étudiants ne pourront recevoir que deux réponses : oui ou non.

Cette mesure, que confirme l’article 14 du projet de loi que nous examinons de nouveau, dans la version transmise par l’Assemblée nationale, est d’une injustice totale. Elle fait d’ailleurs l’objet de nombreuses contestations au sein des mouvements sociaux estudiantins, qui s’élèvent aujourd’hui contre l’exécutif – je reviens d’une manifestation où un certain nombre de groupes d’étudiants défilaient.

Cette mesure n’est pas seulement injuste, elle est également illégale, puisqu’elle ferait exception à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui impose une information inconditionnelle des administrés dont les données sont traitées par un système algorithmique. Cela nous met en porte-à-faux vis-à-vis du droit et des attentes des étudiants, qui contestent avec vigueur le fonctionnement de Parcoursup. Cet article ne peut donc rester en l’état.

J’ajoute que, en tant que professeur d’université – pardon de me mettre en avant –, je refuse l’opacité à laquelle mène Parcoursup. Si je l’acceptais, je trahirais la confiance de mes étudiants.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cela n’empêche bien sûr pas de prôner la formation des plus faibles d’entre eux, de demander des moyens pour mieux les accueillir, d’accepter plus d’étudiants dans certaines formations sélectives, ni de mieux les former. (Mme la rapporteur applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’article.

M. Marc Laménie. Je respecte la motion de mes collègues qui a été défendue avec beaucoup de conviction ; des arguments très honorables concernant les études supérieures ont été avancés.

Le temps passe vite ; nous aussi avons été étudiants, mais nous vivons aujourd’hui dans une autre époque ; le monde va très vite… Autrefois, cela fonctionnait de façon artisanale ; maintenant c’est très différent. Cette question des données personnelles est extrêmement sensible. Les interventions de chacun au cours de la discussion générale, ce matin, m’ont beaucoup appris et m’ont conduit à m’interroger ; je pense en particulier aux propos de Mme la rapporteur, qui s’est exprimée avec beaucoup de sincérité et de conviction.

Nous devons protéger la notion de confiance, cela a été rappelé. Le président de la commission, Philippe Bas, l’a souligné, les commissions permanentes de la Haute Assemblée ont un rôle important d’écoute, de dialogue et d’ouverture lors des auditions, notamment la commission des lois.

Mme la garde des sceaux a insisté sur le respect du bicamérisme, auquel nous sommes tous attachés. L’écoute du Parlement, en particulier de la Haute Assemblée, qui accomplit un important travail de l’ombre, est fondamentale. Ce travail devra toujours être connu, reconnu, comme il l’est aujourd’hui. Je veux souligner à cet égard la qualité du travail de la commission des lois.

Ainsi, tout en respectant cette motion, je suivrai l’avis de la commission des lois.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote sur l’article.

M. Pierre Ouzoulias. Je veux vous répondre en trois points essentiels, madame la garde des sceaux.

Tout d’abord, lors de la discussion en première lecture, votre collègue, le secrétaire d’État chargé du numérique, avait pris, au nom du Gouvernement, l’engagement ferme que tous les dossiers feraient l’objet d’un examen individuel. La pratique, aujourd’hui avérée, nous montre que c’est faux ; il existe des traitements informatiques. J’aurais aimé que votre collègue, qui partageait votre banc, soit présent avec vous, pour qu’on puisse lui rappeler ses engagements. Malheureusement, il vous a un peu abandonnée…

Ensuite, de quoi parle-t-on quand on parle d’algorithmes locaux ? Je ne vous en donnerai qu’un exemple, celui du traitement permettant de pondérer les notes de contrôle continu en fonction du rang de classement des lycées. Il faut que les lycéens sachent que, s’ils sont dans un lycée du bas du classement, ils n’auront aucune chance d’accéder à une filière sous tension de l’université. Alors que l’on sait pertinemment que, compte tenu de son lycée d’origine, un gamin qui fait de gros efforts toute l’année pour avoir de bonnes notes ne pourra pas atteindre une filière sous tension, la moindre des choses, c’est de le lui dire, de le lui expliquer !

Enfin, je finirai mon propos en vous faisant remarquer que, bien évidemment, je connais le Comité éthique et scientifique. Figurez-vous que je l’ai saisi, voilà trois semaines, pour lui demander son avis sur le statut juridique et scientifique, mathématique, de ces algorithmes locaux. J’attends toujours la réponse… (Mme la rapporteur applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne reprends la parole que pour quelques instants, pour revenir sur des propos que M. Ouzoulias a tenus, non dans son explication de vote sur l’article, mais dans sa défense de la motion. Vous évoquiez, monsieur le sénateur, « l’acharnement du Gouvernement à ne pas vouloir de transparence sur ces algorithmes locaux ». Je veux rebondir sur le mot « acharnement », car ce n’est pas du tout, vraiment pas du tout, j’y insiste, l’objectif du Gouvernement. La transparence des algorithmes, y compris locaux, est assurée par le II de l’article 612-3 du code de l’éducation nationale, tel qu’il a été adopté par le Parlement.

En outre, le dispositif de protection du secret des délibérations ne fait pas obstacle à cette transparence. Lorsque ces traitements locaux sont utilisés comme outils d’aide à la décision – le Gouvernement a toujours affirmé, ce n’est pas une découverte, ce n’est pas caché, qu’il y a un algorithme national et des algorithmes locaux, qui peuvent être utilisés comme outils d’aide à la décision –, il doit toujours y avoir une intervention humaine pour prendre la décision. Cela a toujours été dit.