Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.

M. Bernard Cazeau. L’article 1er du présent projet de loi est important parce qu’il pose les bases de l’ensemble des dispositions d’actualisation de la programmation militaire pour la période 2019-2025.

On peut se féliciter que le texte conforte nos armées, notre modèle de défense, et que les moyens soient en cohérence avec les préconisations de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale d’octobre 2017 sur la prospective et la sécurité nationale.

Pour la première fois, la loi de programmation militaire est étalée sur une durée de sept ans, contre six auparavant. Cet allongement donne un triple signal aux acteurs, publics comme privés, de la défense : la prévisibilité, sans laquelle aucun investissement n’est possible, la continuité, pour éviter les rustines comptables, et la crédibilité des décisions publiques, garante de l’efficacité.

Le prolongement d’un an permet de faire entrer l’armée dans un cercle vertueux : pas d’économies de crédits sans justifications et la volonté d’aller, si nécessaire, vers l’arbitrage pour éviter facilité ou complaisance.

En définitive, c’est le meilleur moyen pour imposer la confiance dans les décisions publiques qu’appellent de leurs vœux tous nos partenaires internationaux.

La future loi de programmation militaire nous permettra, à cet égard, de réaliser des investissements lourds, afin de permettre à notre armée de mieux accomplir ses différentes missions. Outre l’amélioration des conditions de vie de nos soldats, qui est une exigence morale, nous serons en mesure de nous confronter aux défis impromptus et aux nouveaux périls qui doivent nous amener à une plus grande liberté stratégique sur le terrain.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 3

Article 2 et rapport annexé (réservés)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, l’article 2 et le rapport annexé sont réservés jusqu’à la fin du texte de la commission.

Article 2 et rapport annexé (réservés)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Article 4

Article 3

Conformément à la trajectoire de programmation militaire pour la période 2019-2025, les ressources budgétaires de la mission « Défense », hors charges de pensions et à périmètre constant, évolueront comme suit entre 2019 et 2023 :

 

(En milliards deuros courants)

2019

2020

2021

2022

2023

Total

2019-2023

Crédits de paiement de la mission « Défense »

35,9

37,6

39,3

41,0

44,0

197,8

Les crédits budgétaires pour 2024 et 2025 seront précisés à la suite d’arbitrages complémentaires dans le cadre des actualisations prévues à l’article 6, prenant en compte la situation macroéconomique à la date de l’actualisation ainsi que l’objectif de porter l’effort national de défense à 2 % du produit intérieur brut en 2025.

Ces ressources ne comprennent pas l’éventuel financement d’un service national universel : celui-ci aura un financement ad hoc qui ne viendra en rien impacter la loi de programmation militaire.

Ces crédits budgétaires seront complétés, sur la durée de la programmation, par un retour de l’intégralité du produit des cessions immobilières du ministère ainsi que des redevances domaniales ou des loyers provenant des concessions ou autorisations de toute nature consenties sur les biens immobiliers affectés au ministère.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.

M. Bernard Cazeau. L’article 3 est un double signal, adressé, en premier lieu, aux adversaires de la France et à nos alliés et, en second lieu, aux armées, qui, après toutes les désillusions des dernières années, s’interrogent et, parfois, doutent.

Il fixe les orientations de la politique de défense et les moyens militaires entre 2019-2025 en visant l’objectif des 2 % du PIB en 2025 – pensions militaires comprises –, découpés en deux tranches : une hausse de 1,7 milliard d’euros par an entre 2019 et 2022, puis de 3 milliards en 2023. Au total, le budget de l’armée sera de 295 milliards d’euros en 2025, couverts de manière ferme jusqu’en 2023, contre 234 milliards d’euros en 2018.

Pour substantielle qu’elle soit, cette ambition n’est ni excessive ni démesurée. Elle correspond à une nécessité. Cet article traduit le passage d’une démarche de réaction à une stratégie d’anticipation.

Cet effort vise d’abord, bien entendu, à sécuriser les crédits et les recrutements nécessaires à l’application des engagements du Gouvernement.

Pour trouver leur pleine efficacité, ces mesures tendent ensuite à restaurer la disponibilité de nos matériels. C’est la moindre des obligations de l’État de donner en permanence à notre armée les moyens de remplir ses missions à une période déterminée.

Nous dresserons alors, en 2021, un premier bilan d’exécution, qui nous permettra également de définir plus précisément les réalisations de la deuxième période de mise en œuvre de la loi de programmation. Qui sait, en effet – vous l’avez dit, madame la ministre –, quel sera le PIB de la France en 2025 ? Pas la peine de tirer des plans sur la comète !

Mme la présidente. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume et MM. P. Laurent, Ouzoulias, Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les crédits budgétaires votés à compter de 2021 seront fixés à raison de l’atteinte des objectifs définis à l’article 2.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet amendement, qui porte sur l’article 3, est également lié à l’article 2, lequel a été réservé. Il vise à situer l’effort budgétaire en matière de défense sous la pleine responsabilité du Parlement.

Vous avez évoqué, madame la ministre, la mission de contrôle et de vigilance du Parlement, et vous avez rappelé que le texte que nous examinons était un projet de loi de programmation, et non pas un projet de loi de finances pour l’armée.

La réalité comptable de l’exécution du budget de la défense est marquée par des dérapages, qui ont été relevés par la Cour des comptes. Comme on pouvait s’y attendre, ils ont pour origine les déploiements de nos forces armées sur des théâtres d’opérations extérieures et leur mobilisation en soutien de l’opération Sentinelle, dans le cadre de l’état d’urgence, dispositif qui semble appelé à connaître quelques prolongements, maintenant que les prescriptions de la loi de 1955 sont devenues la règle ordinaire du droit…

Pour l’exécution 2016, selon la Cour des comptes, les crédits de la mission sont passés de 31,83 milliards d’euros hors pensions – les crédits dévolus à cet effet sont, soulignons-le, de 7,83 milliards d’euros – à 33,44 milliards d’euros par le jeu des ouvertures de crédits, des fonds de concours, des reports et transferts de crédits les plus divers. Cela représente tout de même une progression de plus de 5 % par rapport aux crédits initiaux, largement imputable aux opérations extérieures et aux missions intérieures – vous y avez fait écho, madame la ministre, en conclusion de la discussion générale.

La Cour des comptes met en question, faut-il le souligner ?, l’absolue sincérité du décompte du couple OPEX-missions intérieures.

Dans ce contexte, rappelons tout de même que, pour l’année 2018, nous avons des crédits ouverts pour 34,2 milliards d’euros, c’est-à-dire 760 millions de plus que la dépense officiellement atteinte en 2016.

Nous verrons d’ailleurs prochainement si le montant des dépenses fixé pour 2017, soit 32,44 milliards d’euros – 1 milliard de moins que pour l’exercice 2016 –, a finalement été respecté. Ayons en tête les nombreuses opérations dans lesquelles notre pays est engagé – Mali, Syrie, Centrafrique, Afghanistan, la présence de nos forces dans le golfe Persique et aux alentours de la mer Rouge – et qui sont sûrement, à mon avis, à la base de dépenses imprévues.

Programmer les dépenses militaires peut avoir son utilité, personne n’en doute dans cette enceinte, notamment quand il s’agit pour certains fournisseurs de concevoir un plan de charge et de programmer certains coûts de recherche et développement.

L’adoption de cet amendement serait un signe de confiance envoyé au Parlement, lequel doit suivre l’évolution des crédits budgétaires alloués.

Je le répète, il s’agit d’un projet de loi de programmation, et non d’un projet de loi de finances de l’armée. Nous voulons cependant, par cet amendement, réaffirmer le rôle du Parlement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. L’amendement n° 63 rectifié tend à poser le principe selon lequel les crédits seront accordés si les objectifs fixés à l’article 2 du projet de loi sont atteints.

Autant dire qu’il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 3, qui porte pourtant sur ce point important qu’est la trajectoire financière de la loi de programmation militaire, laquelle est en quelque sorte vidée de sa substance.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 63 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 109, présenté par M. Todeschini, Mme Conway-Mouret, MM. Kanner, Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

constant

insérer les mots :

et hors dépenses liées au service national universel

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Cet amendement a été déposé une nouvelle fois, afin d’insister de nouveau, en séance publique, sur le financement du service national universel.

Vous avez réaffirmé, madame la ministre, les propos que le Président de la République a tenus lors de la présentation de ses vœux aux armées.

Nous aurons d’autres occasions de discuter du financement du SNU, mais affirmer et réaffirmer par écrit dans ce projet de loi de programmation militaire que ce financement n’obèrera pas les crédits de nos armées ne peut que rassurer la commission, laquelle est là, comme l’a dit le président Cambon, pour vous aider.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. L’intention des auteurs de cet amendement est tout à fait positive. Nous avons rappelé, dans le cadre de nos interventions, combien nous étions attachés au principe que le futur SNU ne trouve pas son financement au sein de la loi de programmation militaire.

Je considère néanmoins que cet amendement est d’ores et déjà satisfait.

Vous le savez, mes chers collègues, un pan entier d’amendements a été adopté en commission. C’est du reste le texte de la commission que nous examinons. Or, dans son alinéa 4, l’amendement que nous avons fait voter à l’article 3 précise : « Ces ressources ne comprennent pas l’éventuel financement d’un service national universel : celui-ci aura un financement ad hoc qui ne viendra en rien impacter la loi de programmation militaire. »

M. Robert del Picchia. C’est clair !

M. Christian Cambon, rapporteur. Nous reprenons, en cela, exactement les termes employés par le Président de la République lors de ses vœux aux armées le 19 janvier 2018, et je donne acte à Mme la ministre de l’engagement qu’elle a pris publiquement devant notre assemblée.

Monsieur Todeschini, je vous prie de retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable, puisque cet amendement est satisfait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Comme je l’ai rappelé il y a un instant, le SNU fera l’objet d’un financement ad hoc.

Par ailleurs, l’article 3 du présent texte précise très clairement que les ressources budgétaires de la mission « Défense » s’entendent à périmètre constant. Ce faisceau d’indices indique que les moyens prévus dans le cadre de ce projet de loi de programmation militaire n’ont pas vocation à être recyclés pour le SNU.

L’amendement partant cependant d’une bonne intention, je ne m’y oppose pas, mais m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Monsieur Todeschini, l’amendement n° 109 est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la présidente, compte tenu de l’intervention du président Cambon, je retire cet amendement. Je savais qu’il allait dans le sens du texte de la commission, mais mon groupe souhaitait s’exprimer sur ce point devant Mme la ministre.

Mme la présidente. L’amendement n° 109 est retiré.

L’amendement n° 110, présenté par M. Vaugrenard, Mme Conway-Mouret, MM. Kanner, Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Todeschini, Vallini et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En milliards d’euros courants)

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Total

2019-2025

Crédits budgétaires de la mission « Défense »

36,4

38,6

40,8

43

45,2

47,6

50

301,6

La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. En visant une augmentation annuelle sensiblement supérieure aux montants figurant dans la loi de programmation militaire entre 2019 à 2023, cet amendement opère un lissage sur l’ensemble de la période 2019-2025 et évite, en répartissant l’effort plus durablement, la très forte augmentation envisagée pour les années 2023, 2024 et 2025, que l’on appelle communément la « bosse budgétaire ».

Cette nouvelle répartition des crédits permet de concrétiser l’engagement dans la durée, et donc d’éviter les hypothèques qui pèseraient notamment sur le programme 146 relatif aux équipements. C’est en quelque sorte un aménagement de vigilance.

Nous pensons en effet qu’un lissage des crédits, avec des augmentations plus importantes chaque année, constituerait un moyen plus sûr et plus pérenne de voir les objectifs de défense respectés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cambon, rapporteur. Sur le fond, cet amendement rejoint tout à fait les préoccupations que nous avons exprimées à de nombreuses reprises sur la trajectoire et le lissage de la loi de programmation militaire. J’ai dit moi-même, dans mon intervention, que nous aurions pu « ne pas rater la […] marche » de 2018, avec les 850 millions d’euros qui ont été supprimés, ce dont chacun se souvient.

Sur la forme, il nous paraît néanmoins que la procédure prévue dans cet amendement cumule les inconvénients.

D’une part, nous irions directement à l’affrontement avec nos collègues députés, alors que nous souhaitons au contraire, au cours de la commission mixte paritaire, trouver un consensus sur ce sujet. En effet, l’Assemblée nationale rectifierait immédiatement le tir et reprendrait la trajectoire du Gouvernement.

Par ailleurs, face à ce qui a été posé par le Gouvernement et aux raisons qu’il a invoquées, l’enjeu est justement pour nous de veiller à ce qu’il s’en tienne à cette trajectoire, dont j’ai dit combien elle nous semblait sujette à caution.

Plutôt que de reformater entièrement la loi de programmation militaire, il est préférable d’accompagner, au travers des différents exercices budgétaires dont nous aurons à connaître, la trajectoire choisie par le Gouvernement qui est un chemin semé d’embûches ; faisant cela, nous le prendrons au mot.

Je demande à nos collègues qui se sont exprimés, à juste titre, dans l’hémicycle sur notre volonté et notre déception communes, de bien vouloir retirer leur amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Florence Parly, ministre. Je veux tout d’abord rappeler que la programmation qui figure à l’article 3 du présent projet de loi de programmation militaire respecte scrupuleusement, pour la période 2019-2022, la loi de programmation des finances publiques, un cadre que vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous avez adopté cette dernière.

Dans ce contexte, il n’était pas possible, indépendamment de l’impératif de souveraineté qui est le nôtre en matière de défense, de remettre en cause notre souveraineté financière. En effet, la loi de programmation des finances publiques vise elle-même un autre objectif, qui n’est pas 2 % du PIB pour l’effort de défense, mais la limitation des déficits publics à 3 % maximum, quel que soit le cycle conjoncturel dans lequel on se place.

La programmation que vous avez sous les yeux concilie l’objectif des 2 % du PIB consacrés à l’effort de défense en 2025 et le principe, qui doit tous nous animer, en vertu duquel notre pays doit respecter scrupuleusement les engagements pris dans le cadre de l’Union européenne.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je veux enfin rappeler, car c’est la deuxième fois que, avec malice, le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées y fait référence, que, non, nous n’avons pas « raté la première marche ». En effet, malgré l’annulation de 850 millions d’euros, nous avons respecté l’exécution budgétaire 2017.

Mme la présidente. Monsieur Vaugrenard, l’amendement n° 110 est-il maintenu ?

M. Yannick Vaugrenard. Non, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 110 est retiré.

Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4 bis (nouveau)

Article 4

La provision annuelle au titre des opérations extérieures et des missions intérieures, qui ne comprend pas les crédits de masse salariale inscrits en loi de finances au titre des missions intérieures, évoluera comme suit :

(En millions deuros courants)

2019

2020

2021

2022

2023

850

1 100

1 100

1 100

1 100

En gestion, les surcoûts nets, hors crédits de masse salariale inscrits en loi de finances au titre des missions intérieures et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette provision font l’objet d’un financement interministériel. La participation de la mission « Défense » à ce financement interministériel ne peut excéder la proportion qu’elle représente dans le budget général de l’État. Si le montant des surcoûts nets ainsi défini est inférieur à la provision, l’excédent constaté est maintenu au profit du budget des armées.

Les opérations extérieures et les missions intérieures en cours font chaque année, au plus tard le 30 juin, l’objet d’une information au Parlement. À ce titre, le Gouvernement communique aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan opérationnel et financier relatif à ces opérations extérieures et missions intérieures.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.

M. Bernard Cazeau. La France s’est engagée, depuis 2008, dans de nombreuses OPEX. Cet engagement s’inscrit dans un contexte international qui fait peser une responsabilité particulière sur la France, en tant que membre du Conseil de sécurité de l’ONU, au nom des valeurs qu’elle porte, de son histoire, de ses intérêts, du maintien de son influence et des impératifs de sa sécurité.

Depuis 2011, des opérations majeures en termes de durée et d’intensité ont été menées simultanément : opération Serval au Mali entre 2013 et 2014, à laquelle ont succédé les opérations Barkhane, toujours en cours, Sangaris en République centrafricaine de 2013 à 2016, et Chammal en Syrie et en Irak, également en cours.

Ce niveau d’engagement inédit mérite une attention particulière. En effet, le montant de la provision s’est avéré régulièrement en décalage avec l’évaluation finale des OPEX. Depuis dix ans, le montant des surcoûts OPEX n’a jamais été inférieur à 850 millions d’euros et dépasse 1 milliard d’euros depuis 2013.

Force est de constater que la difficulté à fermer des théâtres d’opérations ainsi que la croissance des risques et menaces dans nos zones d’intérêt conduisent à une augmentation tendancielle du coût des OPEX et, par conséquent, à un décalage croissant avec une dotation initiale.

Pour autant, le présent projet de loi ne vise pas à remettre en cause le principe du montant de la provision qui a fait l’objet d’un arbitrage d’ensemble sur la programmation.

À cet égard, la provision, portée de 450 millions à 650 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2018, et qui atteindra 1,1 milliard d’euros en 2020, permet de redonner à la mission « Défense » les moyens de son action et de son ambition, tout en améliorant la sincérité.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, sur l’article.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article évoque, dans son alinéa 4, le contrôle parlementaire sur les opérations extérieures et les missions intérieures, lequel nous semble devoir être renforcé pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, vous l’avez dit, madame la ministre, la nature de la guerre a changé. Le réel enjeu des conflits contemporains est de connaître non pas leur début, mais leur fin. La question centrale qui se pose est celle-ci : quand un conflit est-il terminé ? Il suffit de penser à la deuxième guerre américaine en Irak ou à notre intervention actuelle au Sahel…

Il est donc nécessaire d’adapter notre droit à l’évolution des conflits. Je sais qu’une réflexion est en cours ; elle vise à combler une lacune de l’article 35 de la Constitution. Ce dernier oblige le Gouvernement à informer le Parlement, puis à soumettre à un vote la prolongation de cet engagement s’il dépasse quatre mois. Passé ce délai, il ne prévoit aucun bornage dans le temps. Cela avait d’ailleurs été rappelé dans un rapport sénatorial en 2016 par nos collègues Gilbert Roger et Jean-Marie Bockel. La future réforme constitutionnelle nous donnera l’occasion de nous saisir de cette question.

François Pillet l’évoque d’ailleurs dans le projet de réforme qu’il a soutenu sur proposition du président Cambon ; il souhaite subordonner la prolongation d’une OPEX à une autorisation régulière en organisant un débat suivi d’un vote.

Le groupe socialiste et républicain désire aller plus loin. Dans le cadre du projet de réforme constitutionnelle, nous avons formulé une double proposition : rendre obligatoire l’organisation d’un débat suivi d’un vote tous les ans sur les opérations extérieures et organiser un débat au Parlement à la fin de chaque OPEX décidée par le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin, sur l’article.

M. Cédric Perrin. Madame la ministre, avec cet article, nous abordons une série de points qui sont liés dans leur esprit. Notre commission a œuvré, à la quasi-unanimité, à sanctuariser les crédits de la défense.

Nous l’avons très longuement évoqué au cours de la discussion générale, il ne sera pas aisé de tenir la trajectoire que vous proposez. Si Bercy pratique ensuite une régulation budgétaire plus ou moins brutale – plutôt plus que moins d’ailleurs ! –, ce sera carrément chose impossible.

Ma collègue Hélène Conway-Mouret et moi-même avons proposé à la commission de protéger vos crédits contre ces aléas qui désorganisent la politique d’investissement de votre ministère. C’est pourquoi nous avons inséré dans le texte plusieurs éléments en ce sens, dont deux sur lesquels vous entendez revenir à cet article : la prise en compte du coût de l’usure des matériels dans le calcul du coût des OPEX, le plafonnement de la participation de votre ministère au financement interministériel du surcoût des OPEX.

Nous regrettons vivement, madame la ministre, que la position du Gouvernement soit hostile à nos apports. Naturellement, nous ne sommes pas dans le secret des décisions interministérielles, mais nous soupçonnons fortement que le point de vue de Bercy a forgé la position du Gouvernement.

Les enjeux de ce texte dépassent pourtant ceux de l’orthodoxie budgétaire et j’émets le souhait que votre ministère puisse peser en ce sens dans les arbitrages budgétaires à venir. C’est toute la question de la crédibilité de la loi de programmation militaire. Si aujourd’hui Bercy commence déjà à nous faire des misères, imaginez ce qu’il va se passer à la fin de chaque année civile !

M. Michel Savin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons avec cet article la question essentielle des opérations extérieures et des missions intérieures.

Madame la ministre, je dois dire que nous avons beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi le Gouvernement souhaite revenir sur les éléments de sécurisation du budget des armées que notre commission a introduits à cet article.

Mon collègue Cédric Perrin, rapporteur comme moi du programme 146, et moi-même avons eu à cœur de mettre les chances de votre côté et du côté de nos armées, face à des logiques de régulation budgétaire à court terme qui peuvent être particulièrement défavorables aux moyens de la défense, lesquels s’inscrivent, eux, dans le long terme.

Il est de la responsabilité et du rôle du Sénat de dépasser ces logiques budgétaires court-termistes. Nous nous attendions à ce que vous soyez à nos côtés dans ce combat.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 64 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume et MM. P. Laurent, Ouzoulias, Savoldelli et Watrin est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 3

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, il s’agit – je le reconnais – d’un amendement très politique, lié à des choix stratégiques d’opérations de notre politique de défense.

Non, mon cher collègue Cazeau, toutes les opérations extérieures ne sont pas sous le commandement de l’ONU ! Vous connaissez la position de mon groupe sur ces questions. Je ne développerai pas davantage, mais on trouverait certainement, en dépit de notre divergence de fond, des points de convergence sur le bilan de notre intervention en Libye. Pour reprendre l’expression de Mme la ministre, sur ces résultats, nous assisterons ici à des balancements !

En cohérence avec mes propos précédents, nous nous interrogeons sur l’inscription d’une provision destinée au financement des OPEX et des missions intérieures.

Le premier argument contre cette provision, c’est bien entendu le fait qu’il s’agisse de la seule situation d’exception militaire, puisqu’aucune autre mission budgétaire ne peut bénéficier d’une telle situation.

Ce point mérite d’être débattu. En effet, le principe est discutable d’autant que, en l’état actuel des choses, la provision s’avérera insuffisante, si tant est que nous soyons mis en situation d’intervenir à la hauteur de ce que nous avons connu au Mali, en Libye, en Syrie – je ne citerai pas plus d’exemples.

Nous nous sommes tout de même retrouvés, mes chers collègues, au plus fort de cet interventionnisme, avec pas moins de 33 000 hommes et femmes de troupe, officiers et sous-officiers en état d’alerte et d’intervention. C’est considérable ! À chaque fois, un décret d’avance, gagé sur des annulations et redéploiements de crédits d’autres missions budgétaires, est venu combler l’effet budgétaire de cette externalisation de nos troupes.

Nous sommes donc face à une autorisation donnée pour le premier milliard d’euros, avant que nous puissions constater une forme de primauté des dépenses militaires sur toutes les autres, puisque l’affectation des ressources interministérielles resterait acquise au ministère de la défense.

En quelque sorte, place Balard, pour la révision des services votés, on repassera… alors qu’on aurait sûrement eu beaucoup à faire du point de vue des 4,2 milliards d’euros de redevance que nous devrions acquitter à Opale Défense pour disposer de l’Hexagone Balard.

Cela relève du débat politique, mais à entendre les dernières interventions provenant de ma gauche – je le dis avec humour et un peu d’insolence ! –, on peut se demander si les solutions sont uniquement militaires.