M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement vise en fait à revenir sur l’excellent amendement de M. Karoutchi qui a été adopté par la commission la semaine dernière. Je ne m’étendrai pas davantage sur cette disposition, puisque M. Karoutchi l’a en quelque sorte défendue par anticipation tout à l’heure.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. L’amendement que vient d’évoquer M. le rapporteur a été introduit à la demande de la présidente du STIF, qui souhaite se donner la possibilité d’anticiper l’ouverture à la concurrence pour la ligne E. Mais je note qu’il est inscrit dans le texte non pas que l’ouverture à la concurrence interviendra en 2025, mais que le STIF pourrait décider, à partir de 2025, d’ouvrir la ligne à la concurrence. Pour ma part, je fais confiance au STIF pour fixer le bon calendrier d’ouverture à la concurrence.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Je partage le questionnement de nos collègues sur cette modification de l’article adoptée en commission.

Je me suis beaucoup interrogé sur le pourquoi de ces nombreuses dérogations très techniques prévues en Île-de-France, où le réseau connaît, il est vrai, une situation tout à fait particulière de saturation. L’application nuancée de ces dérogations anticipe les bouleversements qui affecteront le réseau francilien du fait des travaux du Grand Paris Express et d’autres opérations en cours. Elle vise, si j’ai bien compris, à tenir compte de l’immense fragilité de ce réseau saturé.

Le miracle, s’il en existe, est que le réseau francilien réussisse à fonctionner, en particulier au cœur de Paris, avec un trafic aussi dense. Si la RATP parvient à exporter ses technologies, c’est parce que de nombreux observateurs étrangers s’étonnent qu’un réseau aussi fragile puisse absorber un débit de voyageurs extrêmement important.

Je partage l’insatisfaction des habitants de l’Île-de-France et mesure les nombreux désagréments qu’ils subissent. J’invite souvent mes collègues agriculteurs qui ne comprennent pas bien les attendus de ce débat à faire l’expérience physique d’un déplacement dans le RER B ou le RER C à l’heure de pointe. L’agriculteur que je suis considère que les animaux transportés en bétaillère sont mieux traités…

M. Pierre Ouzoulias. C’est juste !

M. Olivier Jacquin. Je vous prie d’excuser le côté caricatural de mon propos, mais la situation actuelle me paraît assez étonnante, pour ne pas dire incroyable.

Au vu de cette fragilité, je pense que la proposition qui a été faite, si elle est adoptée, risque d’amener des désagréments bien plus importants que ce que l’on imagine.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. J’entends bien l’argument selon lequel des retards sont à craindre, comme pour toutes les autres lignes. C’est pour cette raison que nous écrivons : « à partir de 2025 ». Je vous rassure : exceptionnellement, pour le moment, sur la ligne E, il n’y a pas de retard… Je reconnais que c’est assez rare en Île-de-France ! Théoriquement, la livraison devrait intervenir au printemps 2024. La mention « à partir de 2025 » laisse donc du temps.

Autre élément de nature à rassurer nos collègues, les travaux sont en cours en Seine-et-Marne pour faire en sorte que les difficultés actuelles sur cette ligne soient résorbées dans les deux années à venir.

Enfin, il n’a jamais été question que la station Haussmann-Saint-Lazare soit le terminus.

M. Fabien Gay. En somme, tout va bien !

M. Roger Karoutchi. Je ne parle pas de miracle ni de rêve. M. Jacquin invite les agriculteurs à emprunter, pour voir, les lignes B ou C du RER ; il est bien aimable de vouloir ainsi discréditer Paris à tout jamais ! (Sourires.)

Bref, on avance. Si la ligne est terminée en 2024, ce qui devrait être le cas, je ne vois pas ce qui s’oppose à l’ouverture d’une telle possibilité d’expérimentation à partir de 2025. Tout le monde cherche des solutions financières. En matière d’investissements, je l’ai dit vingt fois devant le STIF, et je le disais déjà avant que celui-ci ne soit créé, l’État s’est désengagé pour financer les TGV au point que, en Île-de-France, on n’avait même plus le retour d’amortissement du matériel ! La responsabilité est partagée ; gauche et droite confondues, tout le monde a dit à l’Île-de-France de se débrouiller, la clientèle du réseau de transport étant de toute façon captive. Il faut sortir de cette situation !

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Mon explication de vote vaudra pour le présent amendement et pour l’article 2 bis.

Je représente un département qui ne fait pas partie de la région parisienne. Néanmoins, il faut être solidaire, eu égard à la densité de la population en Île-de-France et à la demande sans cesse croissante en matière de transports, malgré les investissements réalisés par la SNCF, la RATP, les collectivités territoriales ou le STIF.

Par expérience, je mesure les contraintes qui pèsent sur les usagers. Le personnel s’efforce certes de faire au mieux, mais vient un moment où il faut trouver les bonnes solutions. Tout a un coût, on le sait, mais c’est aussi la sécurité de l’ensemble des usagers et des personnels qui est en jeu.

Je voterai dans le sens préconisé par le rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. On assiste à un miracle : un service public est en souffrance, à cause notamment d’un manque d’investissements, et, grâce à l’ouverture au privé, tous les problèmes vont être réglés, comme par un coup de baguette magique !

M. Roger Karoutchi. On n’a jamais dit ça !

Mme Laurence Cohen. Le débat ne devrait pas être à ce point caricatural ! Il faut investir pour assurer un service public de qualité, en renforçant les entreprises publiques que sont la RATP et la SNCF. Je m’en tiendrai là, mais notre désaccord subsiste.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.

(Larticle 2 bis est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures cinquante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quatorze heures cinquante, sous la présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann.)

PRÉSIDENCE DE Mme Marie-Noëlle Lienemann

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire.

Organisation des travaux

Article 2 bis
Dossier législatif : projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire
Article 2 ter

Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, il nous reste 141 amendements à examiner sur ce texte. Je vous propose d’ouvrir la soirée, qui était éventuelle, et la nuit, pour achever l’examen des articles.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 2 ter.

Organisation des travaux
Dossier législatif : projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire
Article additionnel après l'article 2 ter -  Amendement n° 169 rectifié

Article 2 ter

La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifiée :

1° L’article L. 2121-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2121-1. – L’État est l’autorité organisatrice compétente pour l’organisation des services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt national et les services de transport routier effectués, le cas échéant, en substitution de ces services ferroviaires. » ;

1° bis (nouveau) Après l’article L. 2121-1, il est inséré un article L. 2121-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2121-1-1. – Pour répondre aux besoins d’aménagement du territoire et préserver des dessertes directes sans correspondance, l’État conclut des contrats de service public pour l’exploitation de services de transport ferroviaire de personnes pouvant inclure des services à grande vitesse. Les services faisant l’objet du contrat peuvent comprendre des services couvrant leurs coûts et des services ne couvrant pas leurs coûts. » ;

2° L’article L. 2121-3 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La région est l’autorité organisatrice compétente pour l’organisation des services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional. À ce titre, elle est chargée de l’organisation : » ;

b) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Des services publics de transport ferroviaire de voyageurs effectués sur son ressort territorial ou desservant son territoire ; »

c) (Supprimé)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Ainsi que vous l’avez indiqué, madame la présidente, nous n’avons examiné que 104 amendements, et il en reste 141. J’attire donc l’attention de nos collègues sur le fait que, même en ouvrant la nuit, il nous faudra aller plus vite si nous voulons achever la discussion des articles.

L’article 2 ter est un article important, qui correspond véritablement à l’ADN du Sénat. Le même dispositif figurait dans la proposition de loi que Louis Nègre et moi-même avions déposée. M. le rapporteur a souhaité le réintroduire dans le projet de loi.

Nous ne sommes pas de ceux qui considèrent que l’ouverture à la concurrence est une mauvaise chose ou qu’elle nous est imposée par Bruxelles ; nous sommes de ceux qui pensent qu’elle est une bonne chose, à la fois pour l’usager-client, pour le ferroviaire et pour la SNCF ; soumise à la concurrence, cette dernière sera obligée de se mobiliser.

Cependant, l’ouverture à la concurrence ne doit pas se traduire par une dégradation de la qualité du service, notamment de la qualité des dessertes. Autrement dit, nous ne voulons pas que l’open access conduise à ce que certaines lignes ne soient demain plus desservies en totalité et que des passagers doivent changer de train pour arriver à destination. Par exemple, il ne faudrait pas que le TGV Paris-Chambéry s’arrête demain à Lyon, le tronçon Lyon-Chambéry n’étant pas rentable. Nous sommes vigilants sur ce point.

Pour parer à ce risque, le Gouvernement, suivant l’avis de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, a proposé un système de péages incitatifs, mais nous pensons que ce dispositif ne sera pas suffisant. Le président de l’ARAFER a indiqué devant notre commission être également de cet avis.

C’est la raison pour laquelle notre commission a réintroduit dans ce texte, sur l’initiative de M. le rapporteur, que je remercie, les contrats de service public, qui imposeront au Gouvernement d’assurer une bonne desserte de tous les territoires lorsque l’on constatera que certaines villes ne sont plus desservies via le système d’open access, malgré la régulation que les péages incitatifs sont censés permettre.

Je tenais à insister sur ce point. Le Sénat a vraiment eu à cœur d’améliorer le volet social du texte, mais aussi celui qui est relatif à l’aménagement du territoire. Cet article est très important de ce point de vue. Je m’étonne d’ailleurs qu’un amendement de suppression ait été déposé, car son dispositif va tout de même dans le bon sens.

Mme la présidente. L’amendement n° 54, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président de la commission, encore une fois, nous ne sommes pas d’accord…

Réaliser quelques économies d’échelle au prix d’un démantèlement de l’exploitation ferroviaire entre de multiples compagnies concurrentes ne nous convient pas. Au demeurant, notre pays a déjà fait l’expérience de services ferroviaires privés. En 1837, alors que les chemins de fer commençaient à se développer en France, le grand poète Alphonse de Lamartine, qui n’était pas qu’un romantique échevelé, soulignait la nécessité pour l’État de s’en occuper exclusivement afin d’en écarter « toutes les corporations industrielles et financières », qualifiées par l’auteur du Lac de « tyrannie à mille têtes […], meilleure forme que l’oppression ait jamais pu prendre pour écraser les individus et les intérêts généraux ». Ne l’oublions pas, le réseau de l’État s’est développé en tant que réponse pertinente à l’incapacité du privé à faire face à ses obligations de service public.

L’article 2 ter vise à définir, à côté des services librement exploités, des services conventionnés dotés d’autorités organisatrices, que ce soit l’État ou les régions. Nous ne croyons pas en un système où se côtoient un service régulé et un service strictement concurrentiel. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Madame Assassi, j’ai bien compris que vous étiez opposée à l’ouverture à la concurrence. Mais, en l’occurrence, l’article 2 ter réaffirme le rôle de l’État comme autorité organisatrice compétente pour l’organisation des services de transport ferroviaire d’intérêt national, la possibilité de conclure des contrats de service public pour exploiter des services d’intérêt national et le rôle des régions comme autorités organisatrices des services régionaux. Je ne vois pas ce qui peut vous poser problème.

Je vous suggère donc de retirer cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. Madame Assassi, l’amendement n° 54 est-il maintenu ?

Mme Éliane Assassi. Non, je vais le retirer, madame la présidente. Cet amendement m’aura permis de citer Alphonse de Lamartine… (Sourires.)

Mme la présidente. L’amendement n° 54 est retiré.

L’amendement n° 97, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

et les services de transport routier effectués, le cas échéant, en substitution de ces services ferroviaires

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 2 ter, « les services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt national et les services de transport routier effectués, le cas échéant, en substitution de ces services ferroviaires » sont assurés par les entreprises ayant conclu avec l’État, autorité organisatrice, un contrat de service public.

Peu importe le type de contrat conclu entre l’État et l’autorité organisatrice des services de transport routier : nous sommes opposés à ce que les services de transport ferroviaire d’intérêt national puissent être assurés durablement par des autocars. C’est pourquoi nous demandons, par cet amendement, la suppression d’une telle mention.

Je ne reviendrai pas sur l’argumentaire, déjà bien rodé, démontrant l’intérêt de privilégier le transport ferroviaire plutôt que les autocars, que ce soit pour des raisons environnementales, de diminution des risques d’accident ou encore de confort des usagers, sans parler de l’accessibilité.

Je rappelle simplement que les transports sont le plus gros contributeur – 29 % du total – aux émissions de gaz à effet de serre, le transport routier représentant 95 % de cette contribution.

Dès lors, pourquoi s’entêter à promouvoir le transport routier, en remplacement du transport ferroviaire ou en combinaison avec celui-ci ? Nous ne comprenons toujours pas sur quels arguments le Gouvernement se fonde pour continuer dans cette voie, si ce n’est, une fois encore, celui, purement idéologique, selon lequel il faut toujours plus de concurrence pour alimenter toujours plus le marché !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la possibilité pour l’État de conventionner des services routiers effectués en substitution de services ferroviaires.

Certes, je comprends et partage les réserves des auteurs de l’amendement sur le report des services ferroviaires sur la route, mais il y a des cas où le recours au transport routier est plus pertinent, y compris d’un point de vue écologique. Par exemple, une vieille micheline qui crache tout ce qu’elle peut sera toujours plus polluante qu’un car moderne.

Aussi la commission a-t-elle considéré qu’il fallait laisser des marges de manœuvre à l’État dans ce domaine.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je voudrais préciser que cette possibilité existe déjà pour les autorités organisatrices régionales. Il s’agit par exemple de pouvoir assurer la continuité du service public en recourant à des offres routières quand on est amené à faire des travaux sur une ligne ; vous connaissez les grandes ambitions qui sont les nôtres en matière de rénovation de notre réseau ferroviaire.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Gontard, l’amendement n° 97 est-il maintenu ?

M. Guillaume Gontard. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Pour ma part, je soutiens cet amendement.

On voit trop souvent, et de longue date, substituer des autocars au service ferroviaire. Autrefois, même en période de travaux, les trains ou les autorails continuaient de circuler.

Mme Fabienne Keller. Pas sur le ballast…

M. Marc Laménie. On parvenait toujours à trouver une solution. Aujourd’hui, dans ces situations, on remplace les trains par des autocars, avec pour conséquence un allongement des temps de transport. Nous connaissons beaucoup d’exemples de cet ordre. C’est tout de même dommage !

Par cohérence avec les convictions qui sont les miennes, je voterai cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.

Mme Fabienne Keller. Je partage la préoccupation de M. Gontard : il faut faire circuler des trains plutôt que des cars chaque fois que c’est possible !

M. Gérard Cornu, rapporteur. Certes…

Mme Fabienne Keller. En Alsace, sur beaucoup de lignes, ce sont les trains à horaire tardif qui sont remplacés par des cars. Je ne doute pas que le nouveau statut permettra plus de souplesse en termes d’horaires et d’organisation, et ainsi de mieux assurer le service ferroviaire, plutôt que de recourir à des cars. La réforme globale qui est engagée, notamment la mise en œuvre de la convention collective, permettra de maintenir davantage de trains.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Nous sommes, je crois, tous d’accord pour dire que les cars ne remplaceront jamais les trains du point de vue de la qualité de service.

Actuellement, plus aucun train ne circule sur la ligne Grenoble-Gap, pour cause de grève. (Mme la ministre sesclaffe.) C’est aussi le cas entre les périodes de grève, madame la ministre ! Peut-être est-ce le premier pas vers une fermeture ? En tout état de cause, quand des cars ont été affrétés, des personnes en fauteuil roulant et des cyclistes se sont mobilisés, ne pouvant accéder à ce mode de transport. Le car n’offre absolument pas la même qualité de service que le train.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Et donc, on ne fait plus de travaux…

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 160, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 10

Après les mots :

ressort territorial ou

insérer les mots :

, dans le respect de l’équilibre économique des services de transport ferroviaire de voyageurs librement organisés existants,

II. – Alinéa 11

Rétablir le c dans la rédaction suivante :

c) Après le 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la région envisage de créer un nouveau service public ferroviaire de transport de voyageurs se prolongeant en dehors de son ressort territorial, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières peut rendre, sur demande d’une entreprise assurant un service de transport ferroviaire de voyageurs librement organisé, un avis sur l’incidence de ce nouveau service sur l’équilibre économique de celui que cette entreprise exploite. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il s’agit d’articuler au mieux les services conventionnés et les services librement organisés.

Il est prévu de permettre aux régions de conventionner des services au-delà de leurs frontières, mais il faut veiller à ce que ces services ne remettent pas en cause l’équilibre économique de services librement organisés, car les modèles économiques des opérateurs peuvent être fragiles. C’est une règle de protection symétrique de celle qui existe pour les services conventionnés, à cette différence notable près que l’avis qui pourra être demandé à l’ARAFER ne sera qu’indicatif. Cet avis aura l’intérêt d’éclairer la région sur les conséquences de son projet, par exemple dans le cas où une offre conventionnée supplémentaire se traduirait par une diminution de l’offre de services librement organisés, au rebours de l’objectif visé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir une disposition que nous avons supprimée en commission : l’interdiction faite aux régions de conventionner des services au-delà de leur ressort territorial s’ils portent atteinte à l’équilibre économique des services commerciaux.

Il faut tout d’abord relever que la logique d’une telle disposition est complètement inverse de celle du droit européen. Celui-ci vise au contraire à préserver l’équilibre économique des services conventionnés par rapport aux services commerciaux dans le cadre du libre accès au réseau.

En outre, la mesure semble inutile. Dans le contexte financier actuel, les régions n’auront pas d’intérêt à subventionner des services effectuant des liaisons identiques à celles qui sont assurées par des services commerciaux qui sont rentables sans subvention. Cela va de soi ! Lorsque des services sont conventionnés, c’est pour pallier les carences de l’offre commerciale. D’ailleurs, il faut le relever, le projet de loi ne soumet pas l’État, en tant qu’autorité organisatrice, à la même contrainte !

En revanche, une telle disposition pourrait limiter les possibilités des régions de conclure des contrats de service public incluant des services rentables et des services non rentables. Or cela n’est pas souhaitable, dans la mesure où ce mécanisme permet de garantir des dessertes directes sans correspondance, ce à quoi nous sommes très attachés.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. M. le rapporteur a été très précis sur les responsabilités des régions. Dans certaines régions, l’existence d’une liaison directe peut être déterminante pour obtenir l’implantation d’entreprises importantes. Il faut donner les mêmes chances à toutes les régions, qui sont désormais des collectivités de grande étendue, parfois plus peuplées que certains États membres de l’Union européenne. Dans cette perspective, je pense qu’il faut suivre l’avis de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.

M. Ladislas Poniatowski. Madame la ministre, j’aimerais avoir votre avis sur les arguments de M. le rapporteur, qui m’ont moi aussi convaincu.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Ces dispositions ne contredisent pas la directive, elles la complètent.

Je comprends très bien que des régions veuillent conventionner des services au-delà de leur ressort territorial. C’est même ce qui est prévu dans le texte. Il s’agit de prévoir la possibilité de demander un avis simple à l’ARAFER, pour éclairer la région désireuse de conventionner sur les conséquences que ce conventionnement pourrait avoir sur d’autres services. Il ne s’agit en aucun cas de l’empêcher de conclure cette convention. Les régions désireuses de s’engager dans cette voie cherchent bien entendu à avoir le meilleur service, au moindre coût pour la collectivité. Dans cet esprit, l’ARAFER, qui a accès aux comptes de toutes les entreprises, est en mesure d’apporter un éclairage précieux aux régions.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je suis tenté de suivre M. le rapporteur.

Madame la ministre, le périmètre des régions a changé, et le maillage territorial des lignes ne recoupe pas forcément les frontières des régions administratives, anciennes ou nouvelles. Nous sommes dans une nouvelle configuration territoriale. Il importe de pouvoir assurer des liaisons interrégionales à moindre coût. Les barrières administratives coûtent souvent cher aux usagers, et surtout obèrent la performance économique du transport ferroviaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Cornu, rapporteur. Je ne veux pas polémiquer avec Mme la ministre, mais j’ai le sentiment que l’avis en question représente tout de même plus qu’un simple « éclairage ». En effet, le texte de l’amendement fait référence au « respect de l’équilibre économique des services de transport ferroviaire de voyageurs ».

En outre, j’ai tendance à faire confiance aux régions et aux élus locaux.

Je confirme donc l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 160.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 139 rectifié bis est présenté par MM. Longeot et Gremillet.

L’amendement n° 198 rectifié est présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 2121-4, il est inséré un article L. 2121-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2121-4-1. – Lorsqu’une région conclut un contrat de service public avec une entreprise offrant un service de voyageurs librement organisé pour qu’elle adapte les conditions d’exploitation du service dans son territoire ou qu’elle autorise la montée à bord de voyageurs régionaux, elle peut saisir l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières pour avis sur le contrat de service public. Cet avis a pour objet de vérifier que les conditions financières du contrat correspondent bien au coût imputable aux modifications de services demandées par la région ou aux voyageurs additionnels montant à bord. »

II. – À partir du 25 décembre 2023, à la première phrase de l’article L. 2121-4-1 du code des transports, après la première occurrence du mot : « public », sont insérés les mots : « dans les conditions prévues à l’article L. 2121-14 ».

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 139 rectifié bis.