Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Comme pour l’amendement précédent, on perd l’objectif. On passe d’un diagnostic, qui me semble indispensable dans la perspective de la préparation des prochains contrats de plan, à un état des lignes les moins circulées en vue d’établir une classification. La rédaction actuelle rend mieux compte de la nécessité d’un état des lieux.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. Je suis cosignataire de cet amendement et je ne comprends pas trop ce que veut dire Mme la ministre…

Chers collègues du groupe CRCE, il s’agit d’un service public. Or je ne vous entends pas beaucoup parler des usagers !

Mme Éliane Assassi. C’est que vous n’étiez pas là !

Mme Laure Darcos. Si, j’ai été très présente.

Face à ce genre de problème, on doit pouvoir consulter les usagers, comme je l’ai vu faire dans certaines régions, en Bretagne ou dans le grand Sud-Ouest. Qui mieux que les usagers peut savoir quand il faut des trains ?

C’est pourquoi il convient, sans bien évidemment leur faire porter tout le poids financier, d’associer les régions et les départements à cette démarche. Il faut également faire participer les municipalités. L’idée est que les usagers soient les premiers à pouvoir dire à quel moment ils ont besoin de trains en termes de saisonnalité et de fréquence. L’amendement de ma collègue Fabienne Keller me semble donc permettre plus de démocratie, en promouvant la concertation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.

Mme Fabienne Keller. Madame la ministre, l’idée est de ne pas mettre en chapeau l’état physique qui, dans la première rédaction était le point d’entrée unique, et d’établir une classification en fonction de plusieurs facteurs, afin de préparer la décision et de pouvoir rendre prioritaire la planification des remises à niveau des lignes. L’état de la ligne, bien sûr, est l’un des critères, mais il y en a d’autres, comme le niveau d’utilisation et sa contribution à l’aménagement du territoire.

Enfin, je veux dire à mes collègues du groupe CRCE que nous partageons leur préoccupation d’investir dans ces petites lignes. Vous savez que l’État, à travers SNCF Réseau, continue à investir, mais pas suffisamment ; nous avons déjà eu mardi dernier un débat sur ce sujet.

Mme Fabienne Keller. Mme la ministre nous a alors d’ailleurs donné des assurances fortes.

M. Fabien Gay. Nous voilà rassurés ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 128 rectifié ter est présenté par Mme Berthet, MM. Brisson, Mouiller, Chaize, Perrin et Raison, Mmes Imbert et Lassarade, MM. Vogel, Savary, D. Laurent, Sido, Bansard et Charon, Mmes Estrosi Sassone et Gruny, MM. L. Hervé, Daubresse, Mizzon, Bonne, Poniatowski et Savin, Mmes Lamure et Férat, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lefèvre et H. Leroy, Mmes Deroche et Delmont-Koropoulis et M. Pellevat.

L’amendement n° 167 rectifié bis est présenté par M. Bonhomme, Mmes Bruguière et Micouleau, MM. Paccaud et Courtial, Mmes Di Folco, de Cidrac, Duranton, Lanfranchi Dorgal, Morhet-Richaud et Lopez, MM. Dennemont, Duplomb, Revet, Pierre et Bouchet, Mme Puissat et MM. Grosdidier, Husson et Pointereau.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par les mots :

et en tenant compte des variations saisonnières de fréquentation

La parole est à M. Michel Raison, pour présenter l’amendement n° 128 rectifié ter.

M. Michel Raison. Cet amendement vise certaines lignes du réseau ferré national qui sont considérées comme peu rentables, mais qui traversent des zones touristiques très fréquentées en hiver ou en été, comme des zones de montagnes, des zones thermales, etc.

Il s’agit ici de rappeler que le facteur saisonnier devra absolument être pris en compte lors de la rédaction du rapport gouvernemental. Nous défendrons tout à l’heure un autre amendement, sur le même thème, visant les gares.

Mme la présidente. L’amendement n° 167 rectifié bis n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 128 rectifié ter ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement vise à prendre en compte les variations saisonnières de fréquentation dans l’étude sur les petites lignes. C’est un ajout intéressant, car l’enjeu est important pour certains territoires qui connaissent des variations fortes au cours de l’année, en particulier pour des raisons touristiques. Cet amendement est complémentaire à l’amendement de Mme Keller que nous venons d’adopter.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 128 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 112, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ce rapport analyse également le coût d’une remise à niveau de ces infrastructures et émet des préconisations pour permettre la continuité de leur exploitation afin de garantir le droit à la mobilité pour tous.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Il est tout à fait pertinent qu’un rapport soit présenté pour analyser l’état du réseau et des circulations sur les lignes les moins fréquentées.

Néanmoins, le rapport ne doit pas se limiter à cela, selon nous. Il devrait intégrer un volet portant sur le coût d’une remise à niveau des infrastructures et des préconisations pour permettre l’utilisation prolongée de ces lignes. Sans cela, le rapport risque de ne nous inviter qu’à la fermeture de certaines lignes peu fréquentées.

Or il n’existe pas de « petites lignes » ; les lignes du réseau secondaire sont des lignes du quotidien. La problématique du ferroviaire est celle non pas de la quantité, mais de la qualité de l’offre de transports et de la nécessité écologique. Tous nos citoyens sont dépendants du rail. Il faut par conséquent travailler à préserver toutes les lignes et à assurer un service de qualité. Il est d’ailleurs évident qu’une remise à niveau de ces lignes entraînerait une augmentation de leur fréquentation.

En ne s’interrogeant pas sur ces deux points, le rapport demandé risque d’occulter la problématique du droit à la mobilité pour tous. Il nous semble donc indispensable qu’il aborde la question de la mise à niveau des infrastructures et formule des propositions pour une exploitation prolongée des lignes du réseau secondaire, afin d’améliorer leur fréquentation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Le rapport Spinetta n’était clairement pas intéressant sur cet aspect. Il nous faudra savoir de quoi nous parlons lorsque nous examinerons le texte sur les mobilités. Il y a en effet de tout dans les lignes 7 à 9, puisqu’elles ont été pensées en fonction du tonnage. Certaines petites lignes qui entrent dans la classification 7 à 9 se révèlent des grandes lignes, quand d’autres sont réellement des petites lignes.

C’est pour cette raison qu’a été demandée une évaluation. Il serait intéressant d’en connaître les résultats, même juste avant le débat sur le projet de loi sur les mobilités. Or j’ai cru comprendre que ce texte arriverait très vite. J’ai donc peur que l’évaluation ne puisse être faite avant sa présentation. C’est bien dommage, mais c’est ainsi.

Cet amendement vise à compléter l’étude sur les petites lignes par des préconisations pour chaque ligne.

L’objectif de l’étude prévue à l’article 3 quater est de faire un diagnostic de la situation actuelle des lignes.

Il paraît à la fois difficile et peu pertinent de définir des préconisations ligne par ligne dans le délai imparti, dès lors qu’il s’agit davantage d’un travail à mener par les pouvoirs publics à partir de ce rapport, notamment dans le cadre de la future génération de contrats de plan État-région, les CPER, s’agissant des investissements. L’évaluation sera très intéressante au regard des CPER.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Vous avez dit, monsieur le sénateur Gay, que la réforme conduirait à l’abandon des petites lignes. Je veux redire, très solennellement et fermement, qu’il n’en est rien. Dès le départ, le Gouvernement a dit qu’il ne suivrait pas les préconisations du rapport Spinetta sur ce point.

Ce sont bien les décennies de sous-investissement que l’on a connues qui expliquent l’état de ces lignes, que je considère, comme vous, essentielles pour beaucoup de nos concitoyens.

Je tiens aussi à réagir sur un autre de vos propos : l’État n’a absolument pas intérêt à se décharger sur les régions. Dans les « contrats de plan État-région », que vous avez cités, il y a le mot « État ». Cela signifie que l’État accompagne les régions dans le cadre de ces contrats de plan.

Je veux souligner et rappeler l’effort sans précédent que le Gouvernement propose en faveur du ferroviaire. Il est prévu, au-delà de l’effort exceptionnel de 3,6 milliards d’euros par an, une augmentation supplémentaire de 200 millions d’euros à l’horizon de 2022, puis la reprise dans le courant du quinquennat de 35 milliards d’euros de dette.

Il s’agit réellement d’un effort historique en faveur du transport ferroviaire.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Si je lis bien l’amendement, je comprends qu’il vise à compléter l’état des lieux par une information qui évalue le coût de remise à niveau. C’est une précision extrêmement utile, sur laquelle il ne me semble pas avoir entendu de réponse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 112.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié sexies, présenté par MM. Malhuret, Fouché et Laménie, Mme Goy-Chavent, MM. Piednoir et Babary, Mme Bruguière, MM. L. Hervé et Gremillet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Delcros, Savin et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :

Compléter ainsi cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Une attention particulière est portée aux lignes qui font l’objet de retards, de ralentissements de parcours et de suppressions de train récurrents.

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. La qualité du service pour l’usager du ferroviaire, c’est avant tout l’arrivée des trains à l’heure. Selon une étude de 60 millions de consommateurs d’avril 2018, pas moins de 16 millions de voyageurs TGV ont subi un retard en 2017. Certaines lignes du réseau ferré font constamment l’objet de problèmes récurrents en termes de retards, d’annulations ou de ralentissements anormaux de parcours des trains.

Selon un rapport de l’ARAFER de novembre 2017, en 2016, 11 % des trains des voyageurs sont arrivés en moyenne avec un retard d’au moins six minutes. Pour les voyageurs, cela représente 2 milliards de minutes perdues chaque année. Pour l’État, c’est une perte économique de 1,5 milliard d’euros par an.

Afin d’identifier au mieux la source de ces problèmes, il conviendrait que le Parlement puisse disposer d’éléments susceptibles d’apporter des correctifs et d’informer utilement les usagers des lignes en question. Cet amendement vise donc à étendre la portée du rapport prévu à l’article 3 quater aux lignes subissant des retards, des ralentissements et des suppressions de train récurrents.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le périmètre de l’étude aux lignes faisant l’objet de retards, de ralentissements de parcours et de suppressions de train récurrents.

Il risque d’affaiblir la cohérence de l’étude demandée, en visant un périmètre excessivement large. Par ailleurs, je rappelle que les questions de qualité de service peuvent être traitées par les comités de suivi des dessertes.

Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable. En effet, cela reviendrait à « tuer » l’étude.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Guerriau, l’amendement n° 9 rectifié sexies est-il maintenu ?

M. Joël Guerriau. Non, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié sexies est retiré.

L’amendement n° 142 rectifié quinquies, présenté par Mmes Lienemann, Préville et Meunier, M. Tissot, Mme G. Jourda, MM. P. Joly, Jomier, Courteau, Tourenne et Duran, Mme Bonnefoy, MM. Temal et M. Bourquin, Mmes Taillé-Polian et Monier, M. Assouline, Mme Rossignol et M. Todeschini, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

En fonction des éléments du rapport, si une autorité propose la fermeture d’une de ces lignes, elle ne peut se faire qu’avec l’avis conforme du Parlement. En cas d’opposition du Parlement à la fermeture de la ligne concernée, il revient à l’État de définir les conditions du financement de son entretien et de son exploitation.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour nous comme pour nombre de sénateurs, la question des petites lignes est essentielle, tout comme celle du maintien du service public sur l’ensemble du territoire. Il y va en effet de l’égalité républicaine. Il est vrai que nous avons accumulé beaucoup de retard en la matière : de nombreuses lignes ont été fermées et nombreuses aussi sont les lignes qui ne fonctionnent pas correctement.

Il n’y a pas de « petites lignes ». Toutes les lignes qui sont aujourd’hui considérées comme peu fréquentées ne sont pas condamnées à demeurer durablement dans cette situation ou à être fermées.

Je prends un exemple : nos collègues de Nouvelle-Aquitaine ont investi fortement sur la ligne Limoges-Bordeaux, laquelle était qualifiée dans le rapport Spinetta de ligne en perdition et pas rentable. Grâce à un investissement portant, à la fois, sur la régularité, la qualité et le confort, cette ligne a retrouvé une fréquentation correcte (M. Philippe Dallier sexclame.), ce qui la rend visiblement très utile.

Partant de cette réalité, nous craignons les effets de la stratégie mise en œuvre, qui vise à dire que les petites lignes seront conservées tout en laissant aux régions la responsabilité de leur gestion. En effet, celles-ci n’ont pas toujours les moyens d’assurer l’ensemble des besoins.

Nous craignons que les régions, faute de pouvoir mobiliser tous les moyens nécessaires, ne se retrouvent en difficulté et soient obligées de faire des choix, qui correspondront au moindre mal, mais qui ne permettront pas d’assurer la qualité de l’égalité républicaine. C’est pourquoi nous préconisons qu’« en fonction des éléments du rapport, si une autorité propose la fermeture d’une de ces lignes, elle ne peut se faire qu’avec l’avis conforme du Parlement. En cas d’opposition du Parlement à la fermeture de la ligne concernée, il revient à l’État de définir les conditions du financement de son entretien et de son exploitation.

M. Philippe Dallier. On ne va pas voter une loi à chaque fois ! Autant interdire les fermetures, ce sera plus simple !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’objectif visé est qu’il n’y ait pas de fermeture des petites lignes. (Mme la ministre rit.) Vous pouvez toujours rire, madame la ministre…

Il s’agit de permettre au Parlement de soutenir les collectivités qui, au regard de leurs moyens, ne pourraient pas assurer l’égalité républicaine s’agissant de ces petites lignes. (M. Roger Karoutchi lève les bras au ciel.) Cela obligera tout le monde à prendre ses responsabilités. Car des contrats de plan, madame la ministre, j’en ai vu depuis que je suis élue autant qu’un évêque peut en bénir (M. Philippe Dallier sesclaffe.), et peu ont été réellement appliqués ! Les trois quarts ne le sont jamais. Alors pour ce qui est des grandes promesses sur les contrats de plan qui vont sauver les petites lignes, j’attends de voir !

Il y a là un véritable verrou, le Parlement peut s’opposer à la fermeture de ces lignes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Je pense, madame la présidente, que vous vous en doutez…

Le fait que les parlementaires ne puissent plus cumuler leurs fonctions avec un mandat local a peut-être donné naissance à cet amendement… Certains qui ont perdu leur mandat local se disent qu’après tout, le Parlement pourrait émettre un avis conforme sur tous les problèmes locaux !

Cet amendement vise à doter le Parlement d’un pouvoir d’avis conforme sur la fermeture d’une petite ligne, qui aurait été identifiée via l’étude prévue à l’article 3 quater. Rien que cela !

Le Parlement n’a pas à s’immiscer dans la gestion des questions locales et ne dispose pas, par ailleurs, des moyens nécessaires à l’examen de tels dossiers.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. C’est effectivement une innovation forte dans le fonctionnement de nos institutions ! (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Républicains.)

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il s’agit pour le Parlement d’émettre un avis conforme sur la décision d’une collectivité locale.

M. Philippe Dallier. C’est une mise sous tutelle !

Mme Élisabeth Borne, ministre. À défaut, l’amendement prévoit de renvoyer à une décision de l’État.

Je ne suis pas certaine que cela clarifie les responsabilités, ni que cela fasse progresser le dossier du ferroviaire.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai été élue suffisamment longtemps pour savoir qu’il est très important de sauvegarder l’autonomie des collectivités…

Je ne vois pas pourquoi, au cas où une collectivité invoquerait un argument fondé, qui ne serait pas un manque de moyens, le Parlement ne pourrait pas voter un avis conforme.

Il s’agit de garantir un équilibre entre l’intérêt général et les moyens dont disposent les collectivités locales.

Jusqu’à présent, les petites lignes étaient largement financées par d’autres sources que celles qui émanent des collectivités locales. Désormais, vous dites que si ces collectivités, en l’occurrence les régions, ne peuvent pas faire face financièrement à l’entretien de ces lignes, cela relève de leur seule responsabilité !

Le Parlement peut entendre une collectivité locale qui estime qu’une ligne n’est pas utile, ou évoque un possible mode de transport alternatif. Nous verrons ainsi à l’occasion de la loi sur les mobilités que, dans certains cas, le car électrique, par exemple, peut être plus opportun qu’une ligne de train peu rentable… Mais il n’y a actuellement pas de verrou permettant à une collectivité qui manque de moyens de maintenir une petite ligne.

Vous verrez que, in fine, il y aura une baisse massive des petites lignes dans ce pays !

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je n’avais pas compris que la réforme constitutionnelle prévue nous donnerait des pouvoirs aussi considérables ! (Rires.) J’avais plutôt le sentiment, madame la ministre, que le Gouvernement envisageait de les réduire quelque peu.

Madame Lienemann, je partage votre passion républicaine. Or celle-ci tend à devenir, en tout cas dans cet amendement, totalement contradictoire.

Vous voulez donner au Parlement le pouvoir de refuser un vote exprimé par des élus régionaux. Vous dites par conséquent que les régions sont, si je puis dire, sous la tutelle du Parlement, ce qui est de toute façon totalement contraire à la Constitution.

Il y a le pouvoir exécutif, le pouvoir réglementaire et le pouvoir législatif.

Le pouvoir législatif du Parlement ne consiste pas à donner un avis conforme, ou non, sur la décision d’une région de fermer une ligne, aussi petite et intéressante soit-elle.

Je ne sais d’ailleurs pas quel ministre, dans ce cas, devra venir nous voir avec sa petite liste pour nous dire qu’il faut fermer telle ligne et nous demander de donner un avis conforme… Sur quelles bases ? Sur quel rapport ? Sur quel texte ?… (Mme Éliane Assassi et M. Philippe Dallier sexclament.)

Je comprends l’idée selon laquelle il faut une unité de la République. Mais, en l’occurrence, cette proposition est inconstitutionnelle et ne relève pas des pouvoirs du Parlement. Sauf si la réforme à venir, madame la ministre, devait nous donner autant de pouvoirs, auquel cas, rassurez-vous, il faudra autant de sénateurs qu’aujourd’hui ! (Sourires.)

Par ailleurs, cet amendement n’est pas conforme au respect que nous devons aux électeurs et aux citoyens. Ceux qui ont élu un conseil régional, quelle que soit la tendance politique de celui-ci, ne peuvent pas se dire que le Parlement n’a rien à faire des décisions prises par ce conseil. À quel titre et de quel droit ? C’est la négation du suffrage universel, y compris dans les régions.

Oui à l’unité de la République, non à l’uniformité de la République sous le contrôle du Parlement, qui n’a pas à l’exercer dans ce cas.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je peux comprendre cet amendement, qui n’a rien de scandaleux.

Les parlementaires de chaque département concerné par de telles fermetures de lignes sont en général associés aux discussions par les représentants de l’État. J’ai plusieurs exemples en tête…

On peut aussi prendre l’exemple d’autres services publics, comme les bureaux de poste ou les trésoreries, à la fermeture desquelles nous avons assisté dans nos départements.

Nous défendons bien nos trésoreries ! Certes, l’impact n’est pas tout à fait le même et il s’agit d’une autre administration… Nous connaissons aussi des exemples de fermeture d’écoles et de classes.

Cela relève-t-il du pouvoir du Parlement ? Cela relève en tout cas de celui des élus, pour des raisons de proximité.

L’amendement a le mérite de soutenir les lignes dites « secondaires » ou « omnibus », que je défends depuis très longtemps.

Sur le rapport, il est intéressant de disposer d’un état des lieux physique des travaux à réaliser, pour combler une méconnaissance qui existe malheureusement. Quant à ce qui se rapporte à la proximité, cela relève des régions.

Pour ma part, je possède un atlas de toutes les lignes qui date de 2013. Depuis lors, des tronçons de lignes ont été fermés, sans que l’on ait toujours été au courant. Puis vient l’échelon national…

Vous avez le mérite de présenter cet amendement, madame Lienemann. Pour la circonstance, et si vous le maintenez, je le voterai.

M. Philippe Dallier. Cela fait sourire !

M. Marc Laménie. Cela fait sourire, soit, mais chacun a le droit de s’exprimer !

M. Roger Karoutchi. Non, cela ne me fait même pas sourire ; c’est grotesque !

M. Marc Laménie. Chacun doit agir, à un moment donné, en son âme et conscience.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Il y a tout de même un paradoxe absolu : nous tous ici, au Sénat, sur toutes les travées, nous plaidons pour les collectivités territoriales et pour leur autonomie de décision.

Nous plaidons certes pour sauvegarder leurs moyens, mais également pour leur laisser la responsabilité sur leurs propres compétences. Et là, tout d’un coup, au détour d’un amendement, on va redonner le pouvoir au Parlement. On n’a d’ailleurs pas bien compris sous quelle forme. Peut-être va-t-on réunir le Congrès à Versailles chaque fois qu’une ligne va fermer ? (Mme Fabienne Keller rit.) À 200 000 euros la séance, on ne fera pas beaucoup d’économies !

Franchement, mes chers collègues. Il y a des moments où je me dis que l’on passe un temps infini à discuter de choses évidentes. J’ai du mal à comprendre l’objet de cet amendement ! (Mme Laure Darcos applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Vous riez à propos de la question posée par Mme Lienemann ? Après avoir pris connaissance du rapport Spinetta, qui traitait les petites lignes de la façon que l’on sait, je pense que l’on peut avoir un peu plus de retenue !

M. Gérard Cornu, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

M. Olivier Jacquin. Sur les petites lignes, les propositions de M. Spinetta n’étaient pas vraiment crédibles. Et le Premier ministre s’est exprimé de manière extrêmement forte – beaucoup trop, d’ailleurs – sur ce rapport qui était totalement infondé.

Certes, un avis conforme, c’est très lourd. Mais la question que pose Mme Lienemann concerne – c’est ainsi que je l’entends – la juste répartition des moyens des régions. Certaines auront les moyens de financer le maintien de petites lignes, quand d’autres, et c’est l’inquiétude qui est exprimée, n’auront pas d’autre choix que de les fermer. Le regard du Parlement permettrait de vérifier que la décentralisation est possible, c’est-à-dire que chaque collectivité locale a les moyens d’assumer ses choix.

M. Gérard Cornu, rapporteur. Mais pas d’avis conforme !

M. Philippe Dallier. C’est absurde ! Si ce n’est pas de l’article 40…

M. Olivier Jacquin. Ce questionnement n’est pas inintéressant. L’amendement mériterait sans doute d’être quelque peu réécrit, mais la question de fond qu’il pose ne saurait être balayée d’un revers de main.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

M. Michel Raison. Je comprends l’amendement de Mme Lienemann, mais je voudrais donner un autre exemple, celui de La Poste, évoquée par notre collègue Marc Laménie.

Grâce aux commissions départementales, lesquelles existent toujours et réunissent des élus autour d’une table, on a tout de même réussi à maintenir quasiment tous les points de contact de La Poste, que ce soit en banlieue ou dans le milieu rural. Si l’on avait délégué cette compétence au Parlement,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, le Parlement intervient après !

M. Michel Raison. … il y en aurait eu moitié moins !

Je partage l’avis du rapporteur. Je souhaite, moi aussi, que de nombreux services soient maintenus dans nos territoires un peu difficiles. Mais ne déléguons pas au Parlement !