Mmes Esther Benbassa et Jacqueline Gourault, ministre. Non !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je le rappelle pour être parfaitement clair, d’après les indications qui nous ont été fournies par les services eux-mêmes, la durée moyenne de rétention est actuellement de 4 jours. Elle peut donc être inférieure, je l’ai dit, mais aussi parfois supérieure, ce qu’a souligné Mme Hazan dans son récent rapport.

C’est la raison pour laquelle la commission des lois a proposé un encadrement du dispositif, pour éviter d’aller trop loin sans complètement l’interdire. Ce délai de 5 jours est prévu pour garantir les droits de chacun.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Faute d’une interdiction totale, qui n’a pu être votée ce matin, et compte tenu du risque d’adoption du texte de la commission, qui ferait passer, sur la proposition du Gouvernement, le délai de rétention de 45 à 90 jours, il est tout de même préférable, à observer le rythme d’augmentation des placements d’enfants en CRA – 172 en 2016, 304 en 2017, et encore plus cette année –, d’accepter tout ce qui permet un encadrement minimal de la procédure.

Préférant le texte de la commission à rien du tout, nous sommes malheureusement conduits à voter contre la suppression de l’article 15 quater.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je le redis, le délai de 5 jours dans le cas où il est nécessaire de planifier un nouveau vol est extrêmement court. Bien évidemment, il faut tenir compte du délai imposé par la CEDH, qui est de 18 jours et que jamais nous ne dépasserons. Mais je rappelle qu’aujourd’hui les durées de rétention sont très brèves, de l’ordre de 36 heures.

Le Gouvernement n’a pas l’intention de se livrer avec la Haute Assemblée à une bataille de chiffres, mais il souhaite, pour que tout soit bien clair, insister sur son objectif de disposer de moyens efficaces pour renvoyer les personnes dans leur pays. À cet égard, sur le plan matériel et des nécessités en termes de réorganisation des plans de vol, le délai de 5 jours nous semble véritablement très court.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame la ministre, la commission des lois est coopérative. Elle a conscience des enjeux que représente l’éloignement des étrangers, y compris des étrangers qui vivent en France, en famille, de manière irrégulière. Aussi bien avons-nous permis, par la disposition adoptée en commission, que ces familles soient retenues jusqu’à 5 jours en centre de rétention.

Mais la réponse que vous nous apportez ne peut nous satisfaire, car elle est tirée des seules nécessités de l’action administrative, dans un contexte marqué par l’existence de vingt-quatre centres de rétention, dont aucun n’offre des conditions acceptables pour la rétention des familles.

Le Gouvernement, nous avez-vous dit, va consacrer des crédits à la modernisation de ces centres. J’ai fait un rapide calcul : les crédits que vous mobilisez représentent un tout petit peu plus de 60 000 euros par centre. Cette somme, je peux fort bien me la représenter, surtout lorsque j’ai à faire des travaux dans ma maison. Compte tenu du doublement de la durée de rétention, ces crédits sont d’ores et déjà consommés en totalité.

Pour améliorer la qualité de l’accueil des familles, pour ne pas les exposer à la violence d’un certain nombre d’étrangers sans titre présents dans ces centres de rétention, vous ne vous donnez pas vous-même les moyens qui nous permettraient d’être convaincus de la nécessité de prolonger la durée de rétention.

Nous sommes dans la position de devoir faire la balance entre deux aspects qui paraissent disproportionnés : l’éloignement des familles, nécessaire quand elles sont en situation irrégulière, mais aussi notre devoir d’humanité à l’égard des enfants. J’ai été très sensible à ce qui a été dit. Nous partageons tous cette idée qu’il n’est pas digne de notre République et de notre État de droit de prolonger le séjour d’enfants qui sont, par hypothèse, innocents, même quand ils sont instrumentalisés par leurs parents pour prolonger leur séjour en France. Il n’est pas concevable d’exposer des enfants à de telles conditions de vie, qui, outre qu’elles sont matériellement défavorables, les exposent aussi à la violence.

Madame la ministre, je vous le dis tout net, le Sénat ne peut accéder à votre demande pressante d’annuler cette disposition, somme toute bien modérée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce débat est aussi intéressant qu’important. Cher président de la commission des lois, permettez-moi de vous rappeler que, sur les dix-sept centres de rétention situés en France métropolitaine, cinq accueillent actuellement des familles avec enfants. Le calcul que vous nous avez présenté n’était donc pas exact. Les chiffres que j’ai annoncés sont ceux de cette année et nous allons, bien sûr, apporter des fonds supplémentaires pour l’année prochaine.

Vous êtes nombreux ici, sur différentes travées, à avoir, comme le Gouvernement, déposé un amendement de suppression de cet article, même si nos motivations divergent. Je n’ai aucun doute sur le fait que personne, dans cet hémicycle, n’est indifférent à ce sujet de la rétention des enfants mineurs avec leur famille. Nous le savons tous, il faut améliorer les conditions de vie dans ces centres, étant entendu que l’objectif politique est de rendre effective toute obligation de quitter le territoire français. Nous y sommes très sensibles.

À titre personnel, je suis très favorable à toutes les mesures propres à empêcher la séparation des enfants d’avec leurs parents. Je le dis haut et fort. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas améliorer les conditions de rétention dans les CRA.

Monsieur le président de la commission des lois, je connais l’issue du vote sur ces amendements : nous allons être battus. Mais je tenais à ce que le débat aille à son terme, afin que chacun puisse exprimer son attachement à voir ce sujet traité le plus humainement et le plus généreusement possible.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Il est tout à fait possible de faire montre d’humanité sans allonger exagérément le propos. Il me semble simplement que la position retenue par la commission, que je n’avais pas suivie pendant le débat de commission, manque une partie de son objectif.

En effet, comme l’a dit le président Bas à plusieurs reprises, il faut aussi que les mécanismes de reconduite puissent être efficaces. Mme la ministre nous indique que le plafonnement du délai à 5 jours conduirait, en réalité, à annuler un certain nombre d’opérations de reconduite à la frontière et, donc, à des remises pures et simples en liberté.

Puisque le débat porte sur la fixation d’une durée maximale et non d’une durée courante, la commission serait plus conforme à son objectif en adoptant une durée de 10 ou 12 jours. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas son texte.

M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques de suppression nos 26 rectifié bis et 423, dont les objets diffèrent, bien évidemment.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, ces amendements, bien qu’identiques, n’ont pas du tout les mêmes motivations. Il est regrettable de devoir les mettre aux voix ensemble !

M. le président. Madame Assassi, le vote porte sur les amendements, pas sur leur objet. C’est la procédure.

Je mets donc aux voix les amendements identiques nos 26 rectifié bis et 423.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 532 rectifié, présenté par M. Arnell, Mme Costes, MM. Requier, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall, est ainsi libellé :

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

deux

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Dans le cadre de la préparation de ce débat, il m’avait semblé utile d’insister sur la question de la durée du placement en rétention. Il faut donc voir cet amendement, non pas comme une forme de persistance ou d’entêtement, mais plutôt comme une volonté forte de sensibilisation. Après avoir écouté les uns et les autres et en tant que premier signataire de cet amendement, je pense pouvoir raisonnablement le retirer.

Je vous demanderai simplement, monsieur le rapporteur, de bien avoir à l’esprit qu’un délai de 5 jours est pour nous quelque peu exagéré. Madame la ministre, puisque vous avez la volonté de réduire les délais et de mieux traiter les demandes, puissiez-vous prendre en considération cet aspect du problème, tant il importe de limiter le plus possible la possibilité de garder des enfants accompagnés en rétention administrative.

Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 532 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote sur l’article.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je souhaite apporter quelques explications, car, sur cet article, je ne voterai sans doute pas comme mes collègues du groupe socialiste et républicain.

La mesure que le Sénat s’apprête, sauf coup de théâtre, à voter est un signe de renoncement terrible. Pendant des années, à gauche et aussi, pour certains, à droite – la proposition de M. Buffet en est la preuve –, nous avons tenté d’endiguer ce phénomène absolument odieux qu’est la rétention des enfants.

Au fil des années, nous avons produit des circulaires à cette fin, et nous sommes parvenus à réduire le nombre d’enfants concernés à quelques dizaines par an.

Or, aujourd’hui, nous en venons à considérer la restriction à 5 jours, proposée par M. le rapporteur et adoptée en commission, comme un progrès pour les droits des enfants, au regard de ce que propose le Gouvernement (Mme Esther Benbassa acquiesce.) – et c’est vrai !

Nous nous trouvons donc dans une situation très paradoxale : au fond, nous transigeons sur le principe selon lequel ces enfants ne doivent jamais être placés en rétention. Nous concédons un moindre mal. Voilà pourquoi cet article est, finalement, la traduction de notre renoncement.

Pour ma part, je m’abstiendrai et, comme vous tous, sans doute, je serai traversée de sentiments contradictoires. Finalement, on souhaite que le délai de 5 jours soit accepté, car il est « moins pire » qu’un autre. Mais on se dit aussi que l’on n’a pas été capable de faire autrement ; que l’on n’a pas été capable d’empêcher cette rétention. (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Catherine Conconne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l’article.

M. Jacques Bigot. Cette explication de vote n’entrera pas en contradiction avec celle de Mme de la Gontrie.

Face aux difficultés en présence, le Gouvernement veut garder sa liberté d’agir. Mais, de son côté, le Parlement doit pouvoir poser des principes et faire valoir ses exigences.

On peut entendre la difficulté que soulève ce délai de quelques jours. M. Arnell a proposé un délai de 2 jours ; comme l’a expliqué M. Bas, la limitation à 5 jours est un strict maximum.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je n’ai qu’un vœu : c’est que, lors de la commission mixte paritaire, sur ce point au moins, vous ne transigiez pas.

M. Roger Karoutchi. Il y a aussi l’Assemblée nationale !

M. Jacques Bigot. Cette exigence doit être posée comme un principe. On a déjà beaucoup reculé quant aux conditions de rétention des mineurs : en la matière, nous ne devons céder sous aucun prétexte. C’est la raison pour laquelle, afin de vous encourager, je voterai cet article.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tout d’abord, je tiens à remercier M. Bigot de l’effort qu’il accomplit, et je suis même tenté d’étendre ces remerciements à Mme de la Gontrie, qui, comme elle l’a annoncé, va s’abstenir sur cet article.

Chers collègues, j’ai bien entendu les propos tenus par les membres du groupe auquel vous appartenez, et je souhaite également saluer le réveil de la conscience socialiste.

En effet, la dernière fois que j’ai vu des membres de votre famille politique défendre l’interdiction de la rétention des enfants, c’était le 14 mars 2012, dans une lettre adressée aux associations par le candidat François Hollande. Ce dernier annonçait que, s’il était élu, dès le mois de mai 2012, plus un seul enfant d’immigré clandestin ne serait retenu, avec ses parents, en centre de rétention.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Donnez les chiffres !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Puis, pendant cinq ans, nous avons connu un long silence. Ce silence est devenu particulièrement assourdissant lorsque nous avons examiné les textes relatifs à l’entrée et au séjour des étrangers, en 2015 et en 2016.

Le temps a passé, et vous renouez avec vos engagements,…

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Et vous, que faites-vous ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … avec votre esprit altruiste, votre esprit de générosité, en faveur des enfants de familles d’étrangers en situation irrégulière. Cela méritait d’être souligné.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’article.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président de la commission, vos propos sont tout de même un peu perfides… Nous n’avons peut-être pas manifesté, au cours des années passées, cet altruisme dont vous parlez : mais vous auriez pu le reprendre à votre compte.

M. Jean-Yves Leconte. Lors de la discussion de la réforme du CESEDA, en 2016, je n’ai effectivement pas été suivi par mon groupe. Mais plusieurs dizaines de sénateurs socialistes ont tout de même cosigné mon amendement, et vous ne nous avez pas aidés !

Oui, il y a eu des évolutions. Oui, certaines promesses n’ont peut-être pas été complètement mises en œuvre. Mais la conscience était toujours là. La volonté de combattre était toujours présente.

Nous restons dans cette logique et, faute d’une interdiction complète, nous acceptons aujourd’hui ce que vous proposez : un petit progrès est toujours bon à prendre, même si nous aurions préféré l’affirmation d’un principe absolu.

M. le président. Mes chers collègues, afin que chacune et chacun d’entre vous puisse s’organiser, je vous signale que, ce soir, la séance sera levée à vingt heures trente.

Mme Laurence Cohen. Très bien !

M. le président. Pour ce qui concerne nos travaux de lundi prochain, les précisions nécessaires vous seront apportées à la reprise de cet après-midi. Il s’agit de l’ordre du jour du Gouvernement, c’est donc à lui de demander cette séance supplémentaire. Toutefois, puisque nous levons la séance, ce soir, à vingt heures trente,…

M. Roger Karoutchi. À vingt heures, ce serait encore mieux…

M. le président. … nous devons impérativement siéger lundi.

Ces précisions étant apportées, je mets aux voix l’article 15 quater.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 168 :

Nombre de votants 332
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l’adoption 272
Contre 35

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 15 quater (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Discussion générale

3

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, l’inscription à l’ordre du jour du lundi 25 juin, l’après-midi et le soir, de la suite de l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

Acte est donné de cette demande.

En conséquence, l’ordre du jour du lundi 25 juin 2018 s’établira comme suit :

À quatorze heures trente et le soir :

– Suite du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

4

Mises au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Madame la présidente, notre collègue Bernard Delcros souhaite modifier son vote pour certains scrutins publics intervenus lors de l’examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

Au titre du scrutin n° 151, il souhaitait voter contre ; au titre du scrutin n° 155, il souhaitait voter pour ; par cohérence, au titre du scrutin n° 156, il souhaitait voter contre ; enfin, au titre du scrutin n° 157, il souhaitait voter contre.

Mme la présidente. Acte vous est donné de ces mises au point, ma chère collègue. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Madame la présidente, au titre du scrutin public n° 168, sur l’article 15 quater du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, je souhaite être comptabilisé comme n’ayant pas pris part au vote, étant donné que je présidais alors la séance.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la présidente, pour ma part, au titre du scrutin public n° 168, sur l’article 15 quater du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, je souhaitais m’abstenir.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

5

Article 15 quater (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article 16 (début)

Immigration, droit d’asile et intégration

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, au chapitre III.

Titre II (suite)

RENFORCER L’EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

Chapitre III

La mise en œuvre des mesures d’éloignement

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article 16 (interruption de la discussion)

Article 16

(nouveau). – À la seconde phrase du premier alinéa du III de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « cinq jours ».

II. – Le titre V du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° A L’article L. 551-1 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) Au I, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « cinq jours » ;

a) Le même I est complété par les mots : « , en prenant en compte son état de vulnérabilité » ;

b) À la première phrase du premier alinéa du II, les mots : « , sur la base d’une évaluation individuelle prenant en compte l’état de vulnérabilité de l’intéressé » sont supprimés ;

c) Il est ajouté un IV ainsi rédigé :

« IV. – Le placement en rétention des personnes en situation de handicap moteur, cognitif ou psychique ainsi que les conditions d’accompagnement dont elles peuvent bénéficier ou non sont prises en compte dans la détermination de la durée de cette mesure. » ;

1° Le deuxième alinéa de l’article L. 551-2 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « délai », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « du fait qu’il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil et d’un médecin ainsi que de communiquer avec son consulat et avec toute personne de son choix » ;

b) La deuxième phrase est supprimée ;

2° L’article L. 552-1 est ainsi modifié :

a) Les deux premières phrases sont ainsi rédigées :

« Le juge des libertés et de la détention est saisi dans les cinq jours suivant la notification du placement en rétention aux fins de prolongation de la rétention au-delà de cette durée. Il statue avant l’expiration du sixième jour de rétention par ordonnance au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situe le lieu de placement en rétention de l’étranger, sauf exception prévue par voie réglementaire, après audition du représentant de l’administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l’intéressé ou de son conseil, s’il en a un. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Il informe sans délai et par tous moyens du sens de sa décision le tribunal administratif saisi, le cas échéant, par l’étranger d’un recours dirigé contre la mesure d’éloignement qui le vise. » ;

2° bis (nouveau) À l’article L. 552-3, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « cinq jours » ;

2° ter (nouveau) Le même article L. 552-3 est complété par les mots : « et pour une nouvelle période d’une durée maximale de quarante jours » ;

3° À la seconde phrase de l’article L. 552-4, les six occurrences des mots : « en vigueur » et les mots : « dont il n’a pas été relevé, » sont supprimés ;

4° À la deuxième phrase de l’article L. 552-5, le mot : « lieu » est remplacé par les mots : « local affecté à son habitation principale » ;

5° À la seconde phrase de l’article L. 552-6 et à la troisième phrase de l’article L. 552-10, le mot : « six » est remplacé par le mot : « dix » ;

6° Le même article L. 552-6 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Durant cette période, l’étranger peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter. » ;

7° L’article L. 552-7 est ainsi modifié :

a) Les premier à troisième alinéas sont supprimés ;

ab) (nouveau) Au quatrième alinéa, les mots : « Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, » sont supprimés ;

b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Avant l’expiration de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 552-3, le juge compétent peut, à titre exceptionnel, être à nouveau saisi lorsque, dans les quinze derniers jours, l’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement ou présenté, dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement, une demande de protection contre l’éloignement au titre du 10° de l’article L. 511-4 ou du 5° de l’article L. 521-3 ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 551-3 et L. 556-1 ou lorsque la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge des libertés et de la détention ait statué. Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues aux articles L. 552-1 et L. 552-2. S’il ordonne la prolongation de la rétention, la prolongation court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quarante-cinq jours. » ;

8° À la première phrase de l’article L. 552-12, les mots : « à laquelle l’étranger dûment informé dans une langue qu’il comprend ne s’est pas opposé » sont supprimés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à son arrivée au Sénat, cet article contenait une mesure ubuesque : l’allongement de la durée maximale du temps de rétention administrative.

Rappelons historiquement que, en 1993, Charles Pasqua a porté ce nombre maximal de jours de 7 à 10 ; que Nicolas Sarkozy l’a augmenté à 32 jours en 2003, avant que Brice Hortefeux ne parachève ce travail de durcissement inique de la rétention des étrangers en portant ce nombre à 45 en 2011.

Dans la version initiale du texte, le ministre d’État, Gérard Collomb, accomplissait l’exploit outrancier de doubler la durée maximale de rétention, en la portant à 90 jours, et ce sans la moindre justification légitime.

Alors que la durée moyenne effective de rétention est actuellement de 12,7 jours, selon le rapport de la Contrôleur général des lieux de privation de liberté, notre collègue François-Noël Buffet, rapporteur de ce texte, constatant l’inutilité de l’allongement, a décidé, à raison, de maintenir le chiffre déjà bien trop élevé de 45 jours.

Cet article reste malgré tout problématique, par les autres dispositions qu’il contient. Je pense notamment à la possibilité, pour les préfectures, de placer en rétention un étranger soumis au règlement de Dublin refusant de donner ses empreintes, les altérant volontairement ou dissimulant des éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale et de ses demandes antérieures d’asile.

Mes chers collègues, la manière dont sont traités ceux que l’on appelle les « dublinés » n’est pas acceptable. Les demandeurs d’asile ne sont pas en situation irrégulière, ils exercent un droit fondamental que nous devons leur garantir. Les faire sans cesse passer pour des escrocs et des criminels ne fera pas oublier le manque de courage de ceux qui ne veulent réformer ni les accords du Touquet ni le règlement de Dublin.