M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. Ce projet de loi, qui veut diminuer le pouvoir de l’ABF, me fait penser à la réforme constitutionnelle, que nous allons prochainement examiner, qui entend diminuer les pouvoirs du Parlement. Eh bien, j’espère que, dans quelques mois, nous trouverons également des dispositions intelligentes.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Je rappelle que cet alinéa concerne le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou les abords des monuments historiques. J’en profite pour faire remarquer que ces périmètres de la carte communale ou territoriale ne tombent pas du ciel : ce sont deux documents élaborés par la municipalité et l’ABF. Cela signifie que pour acter l’un de ces deux documents faisant appel à l’avis de l’ABF, le conseil municipal doit l’accepter. Le maire y est donc associé dès le départ.

Je retiens la suggestion qui vient d’être faite : ajouter à ce moment-là les points de difficultés qui feraient qu’un jour l’ABF puisse émettre un avis favorable, compte tenu de ce que je viens de dire.

Personnellement, je vous invite à voter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 391 et 471 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 782 n’a plus d’objet.

Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 392 est présenté par M. Leleux, au nom de la commission de la culture.

L’amendement n° 472 rectifié bis est présenté par Mmes Férat et Morin-Desailly, M. Longeot, Mmes Gatel, de la Provôté et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° 530 rectifié ter est présenté par MM. Houpert, Guerriau et de Nicolaÿ, Mme M. Mercier, MM. Laménie et Chasseing et Mme Keller.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéas 2 et 12 à 20

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 5, première phrase

Supprimer les mots :

, sous réserve de l’article L. 632-2-1,

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 392

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement est sans doute le plus délicat de cette soirée ; j’espère que nous n’y passerons pas trois heures.

M. le président. Nous lèverons la séance avant, monsieur le rapporteur pour avis ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Il vise à empêcher que seul un avis simple de l’ABF puisse être requis dans certains cas.

D’une part, les dérogations au principe de l’avis conforme de l’ABF ne sont pas forcément justifiées au regard du faible nombre d’avis conformes défavorables rendus par les ABF, soit 6,6 %.

D’autre part, ces dérogations, même limitées à seulement quatre cas, pourraient déjà se traduire par des dégradations importantes pour notre patrimoine, pourtant si précieux pour nos territoires.

En effet, il ne s’agit pas de cas anodins : les dérogations pour faciliter les opérations de lutte contre l’habitat indigne, insalubre ou en péril touchent au fondement même des politiques patrimoniales telles qu’elles sont conçues depuis plus de cinquante ans, puisque l’objectif de la loi Malraux était justement d’empêcher la destruction d’immeubles très dégradés dans des zones présentant un caractère historique ou esthétique.

La dérogation pour les opérations de l’ANAH pourrait être potentiellement dévastatrice : elles sont nombreuses dans les espaces protégés, y compris dans les zones qui peuvent être considérées comme des joyaux de notre pays. Je veux parler des sites inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, dont trente-neuf sont concernés par le plan de gestion aux termes duquel l’État français a souscrit des engagements de protection.

J’ajoute que l’avis simple privera l’ABF de leviers pour entrer en négociation avec les porteurs de projet afin de trouver la solution la plus équilibrée possible compte tenu des différents intérêts en présence.

Rappelons que les procédures de délimitation du périmètre intelligent des abords ou d’élaboration des documents de protection des sites patrimoniaux remarquables font systématiquement intervenir l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme pour accord, au début.

Dès lors, il apparaît que, si une certaine souplesse devait être permise avec certains immeubles, c’est au moment de la délimitation du périmètre des abords et de l’élaboration du document de protection de sites patrimoniaux remarquables que le dialogue se noue naturellement entre le maire et l’ABF, occasion d’identifier lesdits immeubles qui pourraient en faire l’objet.

En aucun cas il ne faut remettre en cause l’avis conforme, qui est un instrument de protection nationale de notre patrimoine sur tout le territoire. (M. Jean-Pierre Sueur et Mme Françoise Gatel applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 472 rectifié bis.

Mme Françoise Férat. Cet amendement a été parfaitement défendu.

Si vous me le permettez, je voudrais à cet instant vous faire part de mon ressenti.

J’ai eu l’honneur d’être la rapporteur, en juillet 2016, de la loi LCAP. Je ne vous cache pas que, lors des auditions que nous avons alors menées, le sujet des ABF a été largement abordé, et les débats que nous avons ce soir, nous les avons eus évidemment à ce moment. Mais la loi a été votée à la quasi-unanimité de notre hémicycle et d’ailleurs, monsieur le ministre, vous étiez présent et j’ai apprécié les échanges que nous avons eus ensemble.

Mes chers collègues, je me pose la question : que nous arrive-t-il ce soir ? Depuis cette date, au fil de certains textes, l’envie de « détricoter » l’équilibre auquel nous étions parvenus ne cesse de se manifester. Allons-nous nous déjuger, alors que tous, ici, vous avez voté cette loi ?

Je ne prône pas l’angélisme, évidemment, je connais des situations qui peuvent être difficiles, mais elles sont minoritaires, quelques cas seulement. Maire pendant vingt-cinq ans, j’ai rencontré plusieurs ABF, n’en doutez pas, et j’ai dû montrer que j’étais déterminée sur les sujets dont nous avions à débattre.

Cette expérience me permet d’affirmer que l’ABF est un conseil et un soutien pour les élus et, parfois, pour les pétitionnaires.

Monsieur le ministre, à ce moment me vient à l’esprit une question. Nous avons débattu tout l’après-midi sur la loi Littoral, et il n’a nullement été question de prévoir des dérogations. Or, ce soir, tout semble plus facile, les dérogations semblent devoir être acceptées autant que faire se peut. De grâce, monsieur le ministre, les élus de proximité dialoguent en permanence avec les ABF, que ce soit pour l’élaboration des documents, en amont des décisions d’urbanisme, pour confronter les points de vue patrimoniaux, techniques et de développement territorial dans la délimitation des périmètres. Chaque ABF a sa personnalité, chaque maire ou président d’EPCI a une sensibilité certaine sur le patrimoine, mais tous ont un objectif commun.

En outre, il n’y a aucune suspicion entre les uns et les autres : il existe une complémentarité entre le projet de l’élu et le soutien de l’ABF.

On oublie un mot dans cette affaire : le mot confiance, celle qui règne entre les uns et les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour présenter l’amendement n° 530 rectifié ter.

M. Alain Houpert. Il a été admirablement défendu par nos collègues.

Pendant toutes ces discussions s’est manifestée une opposition entre la passion et la raison. Je citerai une phrase de l’apôtre de la raison, Descartes, qui disait que « les plus belles villes sont celles qui ont été dessinées par un seul architecte plutôt que par les hasards et les caprices du temps ».

M. le président. Les trois amendements suivants sont également identiques.

L’amendement n° 67 rectifié bis est présenté par MM. Houpert et Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Cuypers, de Nicolaÿ, Guerriau, Longeot, Morisset et Schmitz, Mmes Bruguière et L. Darcos, MM. Laménie et Bansard et Mmes Renaud-Garabedian et Keller.

L’amendement n° 152 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 706 rectifié quater est présenté par Mmes de Cidrac et Micouleau, MM. Milon et Laugier, Mmes Perrot, Bories, Lassarade et Lanfranchi Dorgal, M. Gilles, Mme Vullien et M. Hugonet.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéa 5, première phrase

Supprimer les mots :

, sous réserve de l’article L. 632-2-1,

II. - Alinéas 12 à 18

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Alain Houpert, pour présenter l’amendement n° 67 rectifié bis.

M. Alain Houpert. Si l’accès au numérique sur l’ensemble du territoire constitue une priorité, la conservation du patrimoine architectural de nos centres-villes ne doit pas être sacrifiée.

L’avis de l’architecte des Bâtiments de France est indispensable avant d’autoriser « l’installation d’antennes relais de radiotéléphonie mobile, de leur système d’accroche au sol et de leurs locaux et installations techniques » sur des monuments historiques ou à leurs abords.

De même, l’avis conforme de l’ABF est tout autant nécessaire dans les cas de déclarations de péril et d’insalubrité, compte tenu de l’impact que peut avoir une démolition sur l’identité et le patrimoine d’une commune.

Dans les sites protégés, les décisions des ABF sont généralement peu contestées – 1 % des cas, comme l’a rappelé Mme Darcos – et ne sont donc pas un obstacle au bon déroulement des procédures d’autorisation d’urbanisme. Au contraire, elles participent à la revitalisation des centres-villes et à la conservation du patrimoine bâti, vecteur du développement touristique.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 152.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement, comme les précédents, a pour objet de supprimer toutes les dérogations permettant de contourner les avis conformes des architectes des Bâtiments de France.

Il est impensable de menacer ainsi notre patrimoine architectural. Si l’aménagement numérique de l’ensemble du territoire constitue une priorité, la richesse et la qualité de nos centres-villes historiques ne doivent pas être sacrifiées. Par conséquent, il n’est pas concevable d’autoriser l’installation d’antennes relais particulièrement peu esthétiques sur des monuments historiques ou à leurs abords sans l’accord de l’ABF.

Il en est de même concernant les déclarations de péril et d’insalubrité : il n’est pas envisageable de démolir un bâtiment au caractère patrimonial avéré sans accord de l’ABF.

L’argument d’efficacité économique ne tient pas. La vitalité de nos villes moyennes est indissociable de leur attractivité touristique. En préservant nos centres-villes historiques de projets peu respectueux, l’ABF joue un rôle essentiel dans leur revitalisation et dans celle des villes moyennes.

Notons enfin le caractère nul et non avenu de ce dispositif. Cécile Cukierman en a parlé  : les décisions des ABF ne sont quasiment pas contestées. Les élus ont bien compris l’intérêt de cet avis conforme. Ainsi, le ministère de la culture précise que sur 400 000 dossiers instruits chaque année par les ABF, moins d’une centaine ont fait l’objet d’un recours administratif.

Il n’est donc ni nécessaire ni opportun de vouloir court-circuiter les ABF.

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour présenter l’amendement n° 706 rectifié quater.

Mme Marta de Cidrac. Cet amendement identique à celui de mes collègues a déjà été bien défendu. Je rappelle juste que les ABF et les élus ne sont pas en opposition : ils peuvent parfaitement travailler main dans la main.

En outre, comme l’ont dit d’autres collègues avant moi, les ABF peuvent être de merveilleux garde-fous et protègent souvent nos élus dans les territoires et notre patrimoine, objectif commun à tous.

M. le président. L’amendement n° 1036 rectifié, présenté par MM. Guillaume, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Gold, Mme Guillotin et MM. Léonhardt, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Remplacer les mots :

est, sous réserve de l’article L. 632-2-1, subordonnée à l’accord de l’architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées

par les mots :

et à l’article L. 621-32 est donnée après avis simple et motivé de l’Architecte des Bâtiments de France

II. – Alinéa 6

Remplacer le mot :

accord

par les mots :

avis simple et motivé

III. – Alinéas 12 à 18

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Il n’y a pas, d’un côté, la passion et, de l’autre, la raison ; il n’y a pas, d’un côté, ceux qui voudraient faire des ABF l’alpha et l’oméga de l’urbanisme de nos villes et, de l’autre, ceux qui voudraient les supprimer. Ce n’est absolument pas l’objet du débat.

M. Laurent Duplomb. Exactement !

M. Didier Guillaume. Nous avons passé des heures cet après-midi à envisager des dérogations à la loi Littoral. Mais une loi est faite pour être modifiée, au bout d’un an, au bout de deux ans, peu importe.

Mme Catherine Morin-Desailly. Et la stabilité juridique ?

M. Didier Guillaume. Comme le disait excellemment M. Daunis cet après-midi, si l’on s’aperçoit, en toute objectivité, que des choses doivent évoluer, eh bien faisons-les évoluer ! Les positions des uns et des autres sont parfaitement respectables.

En quoi le fait de prévoir un avis simple de l’ABF menacerait-il nos centres-villes, remettrait-il en cause notre urbanisme, défigurerait-il nos villes ? Ce sont des mots qu’ont utilisés certains dans leurs argumentations.

Vous l’aurez compris, cet amendement est un amendement d’appel sur lequel, je n’ai aucun doute à ce sujet, et la commission et le Gouvernement émettront un avis défavorable. Mais c’est une question de principe sur laquelle nous avons débattu au sein de notre groupe.

Je n’ai aucun problème avec l’architecte des Bâtiments de France de mon département. Aucun ! Mais je ne vois pas au nom de quoi il ne serait pas possible de prévoir systématiquement, de la part de l’ABF, un avis simple, argumenté, motivé, rendu public auprès de tous, à charge pour le maire et les conseillers municipaux de prendre ensuite leurs responsabilités. Est-ce un crime de lèse-majesté que de dire cela ? Est-ce s’attaquer à notre histoire patrimoniale que de dire cela ? Est-ce mettre en cause tout ce qui s’est passé au cours de ces cinquante dernières années ? Non !

J’ai entendu les références à des périodes passées. Mais enfin, il y a cinquante ans, tout était à construire dans notre pays. Évidemment, cela aurait pu se faire en l’absence de toute règle, dans n’importe quelles conditions. Aujourd’hui, il y a tellement de règles, tellement de carcans, tellement de normes qu’un maire n’a guère la possibilité de se livrer à quelque dénaturation que ce soit.

Et franchement, si l’on veut développer le numérique, il existe une multitude de possibilités pour installer des antennes qui ne ressemblent pas à des antennes ! J’en ai érigé une dans ma ville à côté d’un bâtiment classé, avec l’accord de l’architecte des Bâtiments de France. (Alors ! sur les travées du groupe Union Centriste.)

Je veux simplement que, par principe, nous fassions confiance aux élus locaux.

Toujours est-il que je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 1036 rectifié est retiré.

Les amendements nos 393 et 474 rectifié sont identiques.

L’amendement n° 393 est présenté par M. Leleux, au nom de la commission de la culture.

L’amendement n° 474 rectifié est présenté par Mmes Férat, Morin-Desailly, Gatel et de la Provôté, MM. Détraigne et Longeot, Mme Vullien, MM. Lafon, Janssens et Bonnecarrère, Mmes Billon et Létard et MM. Moga et Delcros.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Tout avis défavorable de l’architecte des Bâtiments de France rendu dans le cadre de la procédure prévue au présent alinéa comporte une mention informative sur les possibilités de recours à son encontre et les modalités de celui-ci.

II. - Alinéa 8 et 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 393.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement de clarification rédactionnelle vise à préciser que les avis conformes défavorables de l’ABF qui sont envoyés au maire comportent une mention informative sur les possibilités de recours, informant celui-ci des modalités selon lesquelles peut être exercé ce droit.

Un grand nombre de maires n’étant pas encore informés de cette faculté de recours qui leur est offerte, il faut qu’ils le soient pleinement.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 474 rectifié.

Mme Françoise Férat. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 601, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme M. Filleul, M. Daunis, Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 12 à 18

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement de suppression de l’article 15.

S’agissant de l’installation des antennes de téléphonie mobile, il faut savoir que les opérateurs sollicitent l’ABF presque systématiquement – d’ailleurs, un accord est intervenu entre l’ANABF et Orange. Les refus de l’ABF sont très rares.

De plus, spontanément, les opérateurs recherchent des emplacements plutôt éloignés des espaces bâtis du fait de l’augmentation de l’opposition des habitants face aux risques électromagnétiques. Certains propriétaires forment même des recours du fait de la perte de valeur de leur propriété à la suite d’une implantation d’une antenne près de celle-ci. De nombreux jugements ont été rendus en la matière.

Je ne m’attarderai pas dans une discussion stérile entre les types de travaux qui pourraient justifier d’un avis simple pour des raisons sociales, économiques ou patrimoniales. Le champ dérogatoire envisagé par cet article me semble assez important pour que l’on s’inquiète de cette brèche ouverte, de plus en plus grande, dans ce texte. En effet, un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 15 que nous allons bientôt examiner prévoit d’ajouter d’autres possibilités de dérogations. Et comme nous le disons depuis le début, si l’on commence à entrouvrir la porte, de nombreuses autres dérogations seront accordées.

M. le président. L’amendement n° 1010 rectifié, présenté par MM. Labbé et Dantec, Mme N. Delattre, M. Guérini et Mme Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Cet amendement prévoit également de maintenir l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France en ce qui concerne l’installation d’antennes relais, au sein des périmètres relevant de sa compétence. Le développement du haut débit est un objectif qui ne doit pas mettre à mal une politique ambitieuse de protection du patrimoine.

M. le président. L’amendement n° 411, présenté par M. Bascher, n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Sur les amendements nos 392, 472 rectifié bis, 530 rectifié ter, 67 rectifié bis, 152 et 706 rectifié quater, la commission émet un avis défavorable, car les modalités d’avis simple qui ont été introduites par le projet de loi à l’Assemblée nationale sont proportionnées, dans la mesure où elles sont bien circonscrites à deux cas que nous avons largement exposés : l’habitat indigne et la couverture numérique.

De plus, les mécanismes additionnels qui ont été ajoutés dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, visant en particulier à encourager le dialogue entre les maires et l’ABF, vont dans le bon sens.

Enfin, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, les maires pourront toujours s’appuyer sur l’expertise et les conseils des ABF. Ils disposeront librement et en connaissance de cause, sur ces projets nécessaires au développement économique et démographique de leur commune, de cette expertise et de ces conseils, en particulier en milieu rural, dans les centres-villes et les centres-bourgs.

La commission émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 393 et 474 rectifié.

Elle est en revanche défavorable à l’amendement nos 1010 rectifié, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Permettez-moi de formuler quelques observations pour répondre à Mme Férat. Ce texte prévoit deux dérogations. Sur la loi Littoral, nous avons accepté des dérogations mineures. (Mme Cécile Cukierman sexclame.) Absolument : je les ai qualifiées d’adaptations mineures. Honnêtement, je n’ai pas ressenti totalement, sur la loi Littoral, le même appétit de préservation du patrimoine.

Il peut donc y avoir deux poids, deux mesures en fonction des opinions, ce qui est tout à fait logique.

M. Patrick Chaize. Exactement !

M. Jacques Mézard, ministre. C’est la stricte réalité. Il y a patrimoine et patrimoine…

Je tenais à le dire, car nous avons voulu, avec M. le secrétaire d’État, trouver des solutions qui ne bouleversaient pas les choses, mais permettaient un équilibre par rapport à l’objectif fondamental qui est le nôtre dans ce dossier. Je remercie à cet égard Mme le rapporteur d’avoir redit que nos propositions étaient équilibrées.

Je le répéterai jusqu’au terme de ce débat, il n’était pas question de supprimer les ABF ni la nécessité, pour les maires, d’obtenir des avis sur la préservation du patrimoine. Il s’agissait simplement, sur ces deux points, de passer de l’avis conforme à l’avis simple, ce qui me paraît tout à fait équilibré.

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. J’ai écouté tous les débats qui ont eu lieu cet après-midi sur les herbes folles du Mont-Saint-Michel, les moutons de pré-salé, les éoliennes, etc. J’entends en effet des positions très contradictoires, monsieur le ministre.

Je sais que notre assemblée est souveraine. Malgré tout, peut-on penser que le Gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale aient introduit ces deux mesures dans le but manifeste d’empêcher la sauvegarde d’un patrimoine auquel nous tenons tous, de ne pas protéger les bâtiments en péril qui méritent protection, de défigurer notre pays ?

Dans le même temps, j’entends chaque année aux assemblées des maires, tel ou tel élu intervenir devant M. le préfet pour témoigner de son incompréhension totale face à des ABF dont les avis sont variables en fonction des personnes ou du temps, parfois pour des choses insignifiantes.

Comment croire que le Gouvernement ait voulu remettre en cause le rôle des élus ? Il s’agit simplement, sur deux points bien précis, dont l’internet de demain, sur lesquels nous intervenons régulièrement les uns et les autres, d’assouplir quelques normes dans cette assemblée. Or vous vous insurgez précisément contre le trop-plein de normes et de contraintes, contre le pouvoir excessif de l’État, contre le manque de confiance envers les élus.

C’est la raison pour laquelle je voterai, avec Didier Guillaume et un certain nombre de nos collègues, contre l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Tout d’abord, monsieur Patriat, c’est vrai que je ne fais pas confiance à la majorité de l’Assemblée nationale. (Mme Catherine Conconne applaudit.) Donc, ce n’est pas parce qu’elle a décidé quelque chose que je vais la suivre.

Ensuite, monsieur le ministre, vous nous dites qu’il n’est pas du tout question de remettre en cause les ABF. Or le débat que nous avons ici ce soir est révélateur de ce qui se passe dans notre pays et, je l’ai dit, des relations qu’entretiennent notamment les élus locaux avec les ABF. Ces relations sont parfois tendues ou difficiles, d’un côté comme de l’autre, pour les diverses raisons qui ont été évoquées.

Néanmoins, revenir sur la question de l’avis conforme – même si cela ne porte que sur deux exceptions, diront certains – donne le sentiment que, finalement, sur ces questions, on pourrait s’adapter. Puis, année après année, les possibilités d’exceptions passeraient de deux à trois, de trois à quatre, puis de quatre à cinq.

Puisqu’un scrutin public est imminent, notre groupe votera ces différents amendements. L’enjeu n’est pas de remettre en question la confiance envers les élus… (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Richard. Vous l’avez démontré.

Mme Cécile Cukierman. Je le réaffirme, je le dis très fort, je peux même le crier…

M. Jacques Grosperrin. Vous criez tout le temps…

Mme Cécile Cukierman. Cette question est compliquée et nous y sommes confrontés au quotidien.

Au travers du débat de ce soir et au-delà de l’issue du vote sur les amendements, je vous interpelle très sérieusement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, sur le véritable débat dans notre pays, qui porte sur les moyens de préserver notre patrimoine. Quels fonctionnaires va-t-on mandater pour aider les élus locaux dans le cadre d’une loi de décentralisation ?

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, il ne s’agit pas de refaire une loi Malraux qui répondait, à l’époque, à l’absence de décentralisation. La préservation du patrimoine demain dans notre pays ne peut pas être simplement le « loto Bern » qui profite seulement à quelques-uns. Il y a là un véritable enjeu de société qui méritera de nouvelles discussions.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. J’évoquerai juste un argument juridique. Parmi les exceptions que vous prévoyez, je l’ai dit tout à l’heure, mais je n’ai pas eu le temps de finir ma démonstration, figurent notamment les immeubles à usage d’habitation déclarés insalubres par le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, le CODERST, qui peut demander au préfet la démolition de l’immeuble sur des critères liés uniquement à la santé.

Imaginez le conflit de législation où le préfet aurait à arbitrer une divergence entre l’avis de conservation de l’ABF et l’avis de démolition du CODERST rendu sur des critères liés uniquement à la santé.

Dans le système actuel, les élus sont impliqués dans le recours par le biais de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture dans laquelle ils siègent. Or le dispositif que vous nous demandez de voter entraîne un paradoxe, puisque les élus seront privés de tout avis, la totalité du pouvoir discrétionnaire étant donnée au préfet de département. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)