M. Martial Bourquin. Absolument !

M. Pascal Savoldelli. Est-ce vraiment ça le nouveau monde, celui de l’innovation ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. L’abandon du principe d’accessibilité universelle dans le logement, que nous nous apprêtons à acter en renonçant aux 100 %, se fait au bénéfice d’un dispositif, qui, en fait, sur le plan réglementaire, va être très complexe, dont rien ne dit qu’il sera plus économe et qui signifie aux personnes en situation de handicap leur exclusion du principe d’égalité.

Les 100 % évoqués depuis le début du débat ne correspondent à rien, puisque, dans la réalité, cela équivaut à 40 % de logements accessibles. Descendre le seuil à 10 %, cela reviendrait donc à ne concerner que 4 % des logements, ce qui serait totalement insignifiant.

Imaginons que nous transposions cette politique aux autres domaines de l’accessibilité : les transports, les écoles, l’espace public. Ce serait une catastrophe absolue, un renoncement total.

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas comparable !

M. Bernard Jomier. Ce n’est pas qu’un idéal, c’est un principe d’inclusion et d’égalité que nous abandonnons pour un dispositif mal ficelé, flou quant à ses modalités d’application et qui, de fait, réduira l’accès au logement des personnes en situation de handicap.

Évidemment que le stock est important. Dans mon département, les bailleurs sociaux se sont vu fixer l’objectif d’atteindre 40 % de leurs logements existants accessibles à l’horizon de 2022. C’est un effort considérable, mais qui doit être entrepris autant que faire se peut. Voilà une démarche pragmatique, bien éloignée de celle qui consiste à abandonner ses principes.

Madame la rapporteur, je comprends tout à fait votre volonté de trouver un compromis. Mais un compromis avec qui, avec quel interlocuteur ?

M. Bernard Jomier. Par l’amendement n° 1117, que nous allons examiner dans quelques instants, le Gouvernement va proposer d’en revenir aux 10 %. Le Sénat va suivre la position dite de compromis de la commission et voter les 30 %. Il va donc rejeter l’amendement du Gouvernement, qui retournera à l’Assemblée nationale, laquelle confirmera sa position. Un compromis n’a de sens que s’il est passé avec son interlocuteur. En l’espèce, c’est un recul. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.

M. Christophe-André Frassa. Si Alain Houpert, Marc Laménie, quelques autres de nos collègues et moi-même avons déposé l’amendement n° 248 rectifié ter, c’était évidemment pour lancer un appel à destination de la commission.

J’ai entendu tous les éléments que nous a apportés Mme le rapporteur au nom de la commission et, surtout, sa volonté de trouver un juste milieu, ce qui est loin d’être évident, pour aider au mieux les personnes handicapées. Dans ces conditions, je n’allongerai pas le débat. Me ralliant à la position de la commission, je retire, au nom d’Alain Houpert et des autres cosignataires, notre amendement.

Mme Cécile Cukierman. Eh bien voilà…

M. le président. L’amendement n° 248 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, vous avez noté la bonne volonté qui s’exprime ici, au travers d’une proposition claire. Vous parlez de pragmatisme. Moi, je fais confiance à cette manière de concevoir l’évolution des logements, dans laquelle la personne handicapée est replacée au cœur du dispositif. Ce n’est pas aux problèmes d’urbanisme que nous nous intéressons d’abord, c’est à elle, à son handicap, à son évolution. Je rejoins là les propos de M. Yung.

Il y a un aspect qui n’a pas été abordé : la domotique. Or la domotique permet véritablement de rendre service à nos personnes âgées ou handicapées. Il faut prendre les mesures nécessaires au moment où les plans des logements sont élaborés, pour les adapter au mieux par le biais de la domotique : fermeture des volets, réglage du chauffage, etc. Voilà ce que c’est que le pragmatisme.

Effectivement, se pose la question du stock et du flux. C’est la raison pour laquelle Mme le rapporteur a proposé, au nom de la commission, au titre de ce même pragmatisme, le seuil de 30 % de logements adaptables. Au regard des dossiers traités par les maisons départementales des personnes handicapées, on compte en France un peu moins de 10 % de personnes handicapées. Sans compter les personnes âgées. Par conséquent, choisir un quota de 30 %, bien que je n’aime pas les quotas, me paraît relever d’une approche pragmatique et de bon sens.

Monsieur le ministre, je vous demande solennellement, avant que les amendements ne soient votés, de retirer le vôtre, de renoncer à revenir aux 10 %. Sinon, cela voudrait dire que le travail du Sénat ne sert à rien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Il y en a assez des postures politiciennes. De notre côté, nous travaillons comme des damnés, de jour comme de nuit, sur un certain nombre de textes, pour finalement nous apercevoir que nous ne sommes pas écoutés, pas suivis. Je vous le dis, vous allez vous planter si vous n’écoutez pas le bon sens du Parlement. Retirez votre amendement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. Je veux conforter le propos de notre collègue Valérie Létard. Ne perdons pas de vue l’objectif : demain, nous aurons besoin de davantage de logements adaptés, non seulement pour accueillir des personnes en situation de handicap, mais aussi pour tenir compte du vieillissement de la population et du nombre croissant de personnes âgées de plus en plus dépendantes.

Le seuil de 10 % n’est pas acceptable, car il est largement insuffisant, tant quantitativement que qualitativement. Il faut que la typologie des logements soit suffisamment variée pour répondre aux différents besoins, à ceux d’une personne seule, d’un couple, d’une personne âgée, d’une famille avec deux enfants dont l’un est handicapé. Le seuil de 30 % proposé par la commission est donc vraiment le minimum nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Le débat a évolué : alors que nous devions choisir entre le seuil de 10 % et de 30 %, nous voilà conduits à nous prononcer sur la suppression ou non de l’article 18. Notre groupe n’est pas favorable à cette suppression, par pragmatisme, comme l’a dit Mme la rapporteur.

J’ai apprécié les propos qu’a tenus M. Karoutchi. Au-delà de la question du seuil, ce qui compte, c’est de rappeler simplement la réalité. Aujourd’hui, qu’il est compliqué de faire du logement ! Et bien que nombre de logements soient adaptés aux personnes handicapées, peu sont utilisés.

Dans mon département, lorsque j’en étais le président, nous construisions 500 logements publics par an. Nous aurions pu en construire 550 ou 560 avec des normes quelque peu allégées. Si nous ne pouvons pas offrir des logements sociaux à toutes les personnes ayant peu de ressources, c’est par la faute d’un certain nombre de normes. C’est notamment le cas dans certains villages ou petites communes, de 1 000 à 2 000 habitants.

J’ai fait voter au Sénat une proposition de loi pour faciliter le stationnement des personnes handicapées. Elle a été adoptée à l’unanimité, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, contre l’avis, au départ, des associations de personnes handicapées. Celles-ci, sous le prétexte de prôner une société inclusive, refusaient de faire la différence entre les personnes handicapées et les autres. Au bout du compte, elles sont bien contentes qu’une telle possibilité ait été ouverte en termes d’accessibilité des parkings. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai la position du Gouvernement, car elle va vraiment dans le bon sens.

Aujourd’hui, certaines écoles, certains services publics ne sont pas accessibles, et on se débrouille !

L’objectif est de gérer le stock, qui constitue un vrai problème. Nous devons certes continuer à construire des logements, mais personne ne peut dire ici que la position du Gouvernement ou celle de la commission empêcherait quiconque d’avoir accès à un logement. Personne ! Ce serait une erreur, une posture. Aujourd’hui, tout le monde, y compris les personnes handicapées, a accès au logement. Certes, en matière de logement en général, nous devons faire mieux, aller plus vite.

Nous ignorons quel compromis sera trouvé, mais, pour notre part, nous ne voterons pas l’article 18 et nous soutiendrons l’amendement du Gouvernement. Nous verrons bien comment l’affaire se terminera…

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Julien Denormandie, secrétaire dÉtat. Je tiens tout d’abord à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de la qualité du débat. Je le répète, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui seraient les défenseurs de la cause du handicap et, de l’autre, ceux qui ne le seraient pas. Vos propos l’attestent.

J’insisterai ensuite sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement propose une telle mesure.

Madame Cukierman, cela n’a rien à avoir avec l’utilisation de la salle de bains. Ce n’est pas non plus, monsieur Bourquin, parce que nous souhaitons réduire les coûts, vraiment pas. Vous l’avez d’ailleurs très bien expliqué. C’est évidemment une question de normes, mais il y a une autre raison qui nous pousse à proposer cette mesure.

Selon le rapport de la Fondation Abbé-Pierre, plus de 2,5 millions de ménages sont en suroccupation, plus de 300 000 d’entre eux étant en suroccupation aggravée. Cela signifie qu’ils occupent des logements trop petits.

Nous essayons donc de concilier l’ensemble des problématiques : aller vers cette société de l’inclusion que nous appelons tous de nos vœux et trouver des solutions pour ces 2,5 millions de foyers. Je parle bien de foyers ! Cela signifie que près de 8 millions de nos concitoyens sont en situation de suroccupation. Les dispositions que nous portons visent justement à redonner des mètres carrés utiles, dès lors que cela est possible.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 154 et 557 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 18 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique
Discussion générale

4

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat. Chacun veillera, comme d’habitude, à respecter son temps de parole et à faire preuve de courtoisie.

victoire en coupe du monde et unité nationale

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

En tant que premier orateur, je tiens à adresser, au nom du groupe du RDSE, mes félicitations à l’équipe de France de football (Applaudissements.),

M. le président. J’y joins celles du Sénat tout entier !

M. Jean-Claude Requier. … non seulement pour sa victoire en Coupe du monde, mais aussi pour son état d’esprit exceptionnel.

En 1998, la France remportait à domicile son premier trophée mondial. C’était la victoire d’une équipe métissée, vite surnommée « black-blanc-beur ». Comme le notait le sociologue et ancien ministre Azouz Begag, chacun pouvait alors s’identifier à une histoire à travers un joueur : Zidane pour les personnes originaires d’Afrique du Nord, Karembeu pour les Kanaks, Djorkaeff pour les Arméniens, Henry pour les Antillais, Lizarazu pour les Basques.

Rien de tel en 2018 ! Nos champions n’ont qu’une expression à la bouche : « Vive la République, vive la France ! » (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.) Ils disent leur fierté d’être Français, chantent la Marseillaise jusque sur le perron de l’Élysée et refusent d’être renvoyés à leurs origines. Ainsi, quand le site Sporf associe dix-neuf joueurs au drapeau de leur pays d’origine, le défenseur Benjamin Mendy répond en accolant un seul et même drapeau à chacun, notre drapeau bleu-blanc-rouge.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. Quel magnifique symbole !

On ne peut que se féliciter de cette initiative, qui montre que cette équipe multicolore incarne et revendique avec éclat l’unité nationale et les valeurs de la République, à rebours de toute velléité identitaire. Barack Obama ne s’y est d’ailleurs pas trompé lorsqu’il a déclaré : « Regardez l’équipe de France qui vient de remporter la Coupe du monde. Tous ces gars ne ressemblent pas, selon moi, à des Gaulois, mais ils sont français. Ils sont français ! »

M. Bruno Sido. Quelle est la question ?

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le Premier ministre, une fois le soufflé de l’euphorie retombé, comment allons-nous tous continuer à faire vivre cette promesse de l’unité nationale que nos compatriotes ont découverte, ou redécouverte, avec ferveur ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. Merci pour ce message, cher collègue !

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Requier, permettez-moi à mon tour, au nom de l’ensemble des membres du Gouvernement, de dire la fierté et l’admiration qui ont été les nôtres devant le magnifique résultat obtenu par l’équipe de France de football à l’occasion de cette compétition.

Magnifique d’abord, parce que la victoire est belle. Magnifique ensuite, parce que, au-delà du résultat sportif, il y a eu, vous avez raison de le souligner, un état d’esprit, une joie, une fierté, une envie d’assumer ce que l’on est qui étaient parfaitement réjouissants. Cela a, je crois, suscité l’enthousiasme des Français, de ceux qui aiment traditionnellement le football, – c’est mon cas depuis longtemps –, mais aussi, au-delà, de ceux qui aiment la France. Ils ont vu dans cette équipe de jeunes gens, parfois très jeunes, quelque chose qui ressemblait à ce que nous voulons montrer de notre pays. Je m’associe donc à vos félicitations, monsieur le président Requier.

J’ajoute que cette victoire n’est pas seulement sportive. En tout cas, elle n’est pas neutre. C’est parce qu’elle n’est pas neutre qu’elle a suscité autant de réactions : certains dénigrant le caractère de cette équipe, d’autres, au contraire, le célébrant. Au fond, qu’on la critique ou qu’on la célèbre, on dit que cette équipe montre quelque chose de particulier de notre pays.

Vous avez cité le Président Obama, qui s’est exprimé à l’occasion du centième anniversaire de la naissance de Nelson Mandela. Ce n’était probablement pas neutre dans son esprit, et ce n’est clairement pas neutre dans le mien.

Au fond, ce qui est le plus notable dans cette victoire, c’est ce que les joueurs en disent eux-mêmes. Bien souvent, nous avons la tentation de faire dire aux sportifs, surtout lorsqu’ils sont victorieux, des choses qui nous arrangent. C’est là un travers humain, pour ne pas dire un travers politique. Aussi, le mieux est de nous contenter de répéter ce que les joueurs ont dit avec ardeur, avec enthousiasme, avec vigueur : vive la République et vive la France ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

M. Didier Guillaume. Très bonne réponse !

cabinet de la présidence de la république (I)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, nous avons appris qu’un proche collaborateur de M. Macron à l’Élysée, M. Alexandre Benalla, avait commis de graves violences, affublé d’un casque et d’un brassard de police, en marge d’une manifestation du 1er mai. Les faits étaient connus de sa hiérarchie, puisqu’il a été mis à pied quinze jours, avant d’être réintégré, ce qui est invraisemblable. De toute évidence, cet homme aurait dû être jugé et sanctionné.

M. Bruno Roger-Petit, porte-parole de M. Macron, a avancé ce matin une défense curieuse. Il a révélé que M. Benalla n’était pas seul, qu’il était accompagné d’un gendarme réserviste, M. Vincent Crase, employé de La République En Marche, selon la presse, et occasionnellement recruté par le service de sécurité de l’Élysée. Quelle était la mission de ces hommes ? Comment l’exécutif a-t-il pu tolérer que de tels actes ne soient sanctionnés que d’une simple mesure disciplinaire sans aucune portée ?

J’ai demandé l’audition en urgence de M. Collomb et de Mme Belloubet par la commission des lois du Sénat. Sont-ils prêts à venir dans les meilleurs délais ?

La commission d’enquête demandée par nos amis du groupe GDR et d’autres groupes à l’Assemblée nationale doit être mise en place pour que la vérité soit établie et pour qu’il soit mis un terme à l’intervention des barbouzes du nouveau monde (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) dans les mouvements sociaux.

Cette affaire d’État est grave. Elle symbolise la violence sociale mise en œuvre par votre gouvernement, sur directive du Président de la République. L’arrogance et le mépris affichés chaque semaine par le nouveau pouvoir mettent en péril l’équilibre social et le pacte républicain.

Ces faits ne sont pas anecdotiques. Il ne s’agit pas d’un faux pas. Ils sont l’expression d’une politique autoritaire, dont les excès doivent être dénoncés. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste. – M. Antoine Lefèvre applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente Assassi, les images sont particulièrement choquantes.

Il se trouve que j’ai un souvenir très précis des manifestations du 1er mai, lesquelles ont donné lieu à des regroupements de gens n’ayant évidemment rien à voir avec la mobilisation assez festive traditionnellement organisée à cette date par de grandes centrales syndicales. Ces groupes se sont livrés à de très nombreuses provocations et à de très nombreuses exactions près de la gare d’Austerlitz.

Vous le savez, j’ai toujours exprimé ma confiance et mon soutien aux forces de l’ordre, car je sais qu’elles œuvrent dans des conditions souvent très difficiles et qu’elles font face à des provocations souvent redoutables. C’est évidemment pour cette raison que je ne peux pas admettre que certains viennent, par leur comportement, jeter le doute sur l’intégrité et sur l’exemplarité de nos forces de l’ordre.

M. Cédric Perrin. Ce n’est pas le sujet !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Votre question appelle une réponse que je veux donner avec sang-froid, rigueur et transparence. Cette rigueur et cette transparence me conduisent à préciser plusieurs points.

Premièrement, il est clair que si l’individu que vous avez mentionné était présent aux côtés des forces de l’ordre le 1er mai, ce n’était en aucun cas dans le cadre d’une mission qui lui aurait été confiée. Il avait été autorisé à titre personnel à assister en tant qu’observateur aux opérations de maintien de l’ordre.

M. Bernard Jomier. Avec un brassard de police ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Deuxièmement, il est clair qu’il a outrepassé son statut d’observateur. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous dites à juste titre qu’il s’agit d’une question sérieuse. J’essaie donc d’y apporter des réponses sérieuses et précises. Je n’ai pas le sentiment de faire le pitre !

Je le répète, il a outrepassé son statut d’observateur.

Mme Catherine Troendlé. C’est grave !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. L’enquête permettra de dire pourquoi et comment ce statut d’observateur a pu être outrepassé.

Mme Catherine Troendlé. C’est minimiser ce qu’il s’est passé !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Troisièmement, il est clair qu’un comportement de ce type exigeait une réaction de la part de l’employeur de cet individu. C’est ce qu’il s’est passé.

M. Jean-Pierre Sueur. Et l’article 40 du code de procédure pénale ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Très rapidement, une sanction administrative a été prise. L’intéressé a été mis à pied durant quinze jours, sans traitement, à compter du 4 mai. C’est la raison pour laquelle je dis que la décision a été prise très rapidement.

Vous le savez, madame la présidente Assassi, une enquête préliminaire a été ouverte par le procureur de Paris.

M. Martial Bourquin. Aujourd’hui !

Mme Cécile Cukierman. Ce matin plus précisément !

M. Jean-Pierre Sueur. Non sans difficultés !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. De toute évidence, nous sommes déterminés, et j’insiste sur ce point, à faire en sorte que la procédure judiciaire engagée permette de faire toute la lumière sur cette affaire afin que nous puissions en tirer toutes les conclusions. Je le dis, parce que c’est naturel de le dire et parce que c’est ce que nous souhaitons.

L’affaire est désormais aux mains de la justice. Et c’est très bien ainsi ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Les faits sont connus depuis le 4 mai !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Un certain nombre de questions ne manqueront pas d’être posées. Nous souhaitons tous que cette enquête permette d’établir les faits précis et l’enchaînement des décisions qui ont été prises sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, excusez-moi de vous le dire, mais votre réponse n’est pas très convaincante. Surtout, elle confirme qu’il existe deux poids, deux mesures : les syndicalistes, eux, n’échappent pas à la justice, devant laquelle ils sont souvent poursuivis, et rapidement, alors qu’ils défendent leurs droits et leur outil de travail. Ainsi donc, ne serions-nous pas toutes et tous égaux devant la loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Bien sûr que si !

cabinet de la présidence de la république (II)

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Rémi Féraud. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et concerne ce qu’on appelle désormais l’affaire Alexandre Benalla.

Nous ne saurions nous contenter des périphrases et des euphémismes auxquels a eu recours le Premier ministre en répondant à l’instant à notre collègue Éliane Assassi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Nous avons besoin d’explications précises et non de propos qui laissent entendre que le Gouvernement se contente de se défausser sur l’enquête judiciaire.

Que faisait ce collaborateur du Président de la République aux côtés des forces de l’ordre, prétendument comme observateur, et accompagné, nous l’avons appris ce matin, d’un salarié de La République En Marche ?

Mme Catherine Troendlé. Bonne question !

M. Rémi Féraud. Qui l’a missionné pour cela ou lui en a donné l’autorisation ? Quelles consignes avaient reçues les policiers par rapport à la présence et aux actes d’Alexandre Benalla ?

Plus largement, y a-t-il eu d’autres faits de même nature depuis un an, lors d’autres manifestations ?

M. Rémi Féraud. Alors que le Premier ministre nous parlait à l’instant de transparence, pourquoi cette affaire, rendue publique hier par la presse, a-t-elle été dissimulée et qui a pris la décision de l’étouffer ?

M. Rachid Temal. Très bonne question !

M. Rémi Féraud. Qui peut accepter que, malgré des faits aussi graves, M. Benalla continue apparemment de travailler à l’Élysée ? (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Perrin. Bonne question !

M. Rémi Féraud. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de saisine immédiate du procureur de la République, en application de l’article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale, ce qui aurait été le minimum en cette affaire ? (Marques dapprobation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument, c’est la loi !

M. Rémi Féraud. Certes, le parquet vient d’ouvrir une enquête préliminaire, mais cela n’aurait pas eu lieu sans les informations du journal Le Monde. Voilà qui est très grave !

Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons donc la vérité sur cette affaire…

M. Rémi Féraud. … et, enfin, une réaction à la mesure de sa gravité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Rémi Féraud, comme l’a fait le Premier ministre, je tiens à condamner sans ambiguïté un acte inadmissible, qui, alors même qu’il ne procède pas de l’intervention des forces de l’ordre,…

M. Pierre Laurent. Il avait un brassard !