Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Dans la lignée du précédent, cet article fournit les outils nécessaires pour mettre en œuvre la stratégie de vente de logements sociaux imposée par le Gouvernement.

Ainsi, le présent article prévoit la création d’un nouveau type d’organisme d’HLM : la société de vente d’habitations à loyer modéré. Le fonctionnement de ce futur outil de vente reste, malgré les efforts de la commission, assez obscur et ses missions insuffisamment définies.

Par ailleurs, les bénéficiaires de ces ventes ont été élargis. Alors que le premier objectif de la vente du parc social a longtemps été la vente aux locataires, dans une volonté de favoriser les parcours résidentiels et l’accession sociale à la propriété, le présent article dénature totalement ce dispositif.

Ainsi, le parc le plus attractif qu’est le PLS, s’il est construit depuis plus de quinze ans, pourra être acquis par lot par toute personne morale, donc par un promoteur. Une telle disposition ouvre la voie à la mise en œuvre d’une grande braderie du parc social, alors même que près de 2 millions de personnes sont dans l’attente d’un logement social dans notre pays.

Nous avons évoqué hier les difficultés des organismes d’HLM, dont ce gouvernement est responsable, du fait, bien sûr, de la quasi-disparition des aides à la pierre et du mécanisme de réduction de loyer mis en place pour compenser la baisse des APL. Ces difficultés mettent les bailleurs dans une telle situation qu’ils n’auront pas d’autre solution pour reconstituer leurs fonds propres que de céder leur patrimoine. D’ailleurs, nous notons que le nombre d’autorisations de construction de logements sociaux s’est écroulé cette année.

Voici donc le deuxième étage de la fusée du dépérissement du parc social public, lancée pour laisser place au marché.

Alors que le Gouvernement – ses représentants l’ont redit hier – prétend s’attaquer à la rente, il dérégule par ce projet de loi le marché du logement : pour ce qui concerne le parc public, il pénalise les organismes de logement social ; quant au parc privé, il y supprime l’encadrement des loyers.

Bref, c’est une dérégulation totale. C’est une attaque violente, qui va nous conduire à une réduction du parc social et à son appauvrissement. C’est une vision du logement social réduit à une aide aux plus démunis, alors que la force du modèle HLM en France est d’être un système ouvert qui propose une vision généraliste du logement social : voilà ce que nous prônons !

Avec la vente de ce patrimoine, vous préparez les copropriétés dégradées de demain. C’est à nos yeux une politique irresponsable de votre part.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, vous avez indiqué à l’Assemblée nationale, le 2 juin dernier, que la vente de 40 000 logements sociaux par an permettra la construction de 100 000 à 120 000 logements sociaux. Ce ratio – un logement vendu pour trois construits –, qui sonne, au passage, comme une belle campagne de publicité, a été repris de nombreuses fois pour justifier la vente de notre parc de logements sociaux. J’ai donc recherché les sources de cet argument.

Selon l’étude d’impact du présent projet de loi, 2,4 millions de logements pourraient être créés grâce à la vente de 800 000 logements. En guise de source est cité le rapport d’information de 2013 des députés Christophe Caresche et Michel Piron, qui lui-même cite l’audition du 22 mai 2013 sur les aides à la construction de logements sociaux. Le même argument y est soutenu par le fait que la vente de 1 % du parc social, soit 40 000 logements, dégagerait quelque 2 milliards d’euros, permettant la construction de trois fois plus de logements neufs.

Or il se trouve que c’est exactement la phrase qu’a prononcée Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme sous la présidence de M. Sarkozy, qui cherchait ainsi à justifier les accords de 2007 qui fixaient un objectif identique à celui d’aujourd’hui, de 40 000 ventes par an. En plus de reprendre cet objectif, fondé à l’époque sur le nombre d’HLM restant à vendre au 31 décembre 2007, le Gouvernement reprend donc le même argument !

Or, lorsqu’on se penche sur cet argument vieux de onze ans et utilisé aujourd’hui pour justifier cet article 29, on s’aperçoit qu’il n’est issu ni d’une étude scientifique ni de statistiques sérieuses, mais d’une prévision très hypothétique.

Celle-ci reposait sur trois prérequis : que lesdites ventes génèrent 2 milliards d’euros – cela représente tout de même 50 000 euros de plus-value nette par logement –, que ces 2 milliards d’euros permettent l’octroi de 8 milliards d’euros de prêts à la construction par les banques, et surtout que la totalité de la plus-value effectuée par les sociétés de vente d’HLM soit réinvestie dans la construction.

Si l’on peut fortement douter que de tels prérequis soient satisfaits dans le futur – ils ne l’ont d’ailleurs pas été à l’époque –, ils sont surtout issus d’une autre décennie et totalement obsolètes : ni le marché du logement social ni les conditions d’octroi de prêts par les banques ne sont identiques à ceux de 2007.

Face à cette incertitude statistique, optons pour un principe de précaution, et préservons notre parc locatif social !

Mme la présidente. L’amendement n° 177, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Dans nos deux interventions sur l’article, nous avons expliqué pourquoi notre groupe demande la suppression de l’article 29.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Nous débattons de nouveau de la vente de logements sociaux, qui a déjà été largement évoquée lors de l’examen de l’article 28. Dès lors, je pense que le débat ne pourra qu’être renforcé si nous faisons tous montre de concision.

Sur cet amendement de suppression, nous avons tous dit que l’objectif de 40 000 logements sociaux vendus par an, que le Gouvernement juge ambitieux, nous semblait pleinement irréaliste. Pour autant, nous avons aussi réitéré que nous n’étions pas opposés à la vente de logements sociaux. C’est la raison pour laquelle la commission, plutôt que d’aller dans votre sens, mes chers collègues, et de supprimer l’article, a souhaité mieux encadrer ce dispositif.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Qu’il soit défavorable ne surprendra personne, puisque nous nous sommes longuement exprimés sur ce sujet. M. Gay a rappelé les travaux de M. Apparu. Pour ma part, comme je le répète constamment, je ne remets pas systématiquement en cause le travail accompli par nos prédécesseurs. Je ne le fais que dans certains cas (M. Xavier Iacovelli sexclame.), quand on m’explique qu’il faut faire l’inverse de ce qui a été fait.

Il ne me choque pas du tout que, sur certains sujets, on poursuive l’action qui a été menée par les prédécesseurs, quels qu’ils soient.

Si la commission juge notre objectif irréaliste, je pense quant à moi que, du fait des moyens et des instruments nouveaux que nous mettons en place, il est beaucoup plus réaliste que lorsque M. Apparu ou Mme Boutin le formulaient.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 177.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 565, présenté par Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer les mots :

et les mots : « à un prix inférieur à l’évaluation faite par France Domaine » sont supprimés

La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Cet article du projet de loi supprime l’avis des domaines sur le prix de vente des logements sociaux.

Je dois avouer que tous ceux qui, parmi nous, sont ou ont été élus locaux restent pantois devant une telle décision. L’évaluation des domaines sert de référence ; c’est un cadre et une garantie de transparence pour les locataires accédant à la propriété. Supprimer cette régulation, c’est s’exposer à la spéculation et donc à une hausse des prix que l’évaluation des domaines est justement censée contenir. Sans cette évaluation, tout va être permis ; au lieu d’ouvrir l’accession sociale à la propriété aux ménages modestes, on permet à la spéculation de se développer. Cette logique spéculative risque d’appauvrir rapidement les plus fragiles et de menacer dans ses fondements le droit au logement.

Notre amendement est simple : il s’agit de rétablir l’avis des domaines dans le cadre de la vente des logements à leurs occupants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement a pour objet de maintenir l’avis des domaines, que la commission a supprimé. Nous avons considéré que les bailleurs rencontrent de grandes difficultés pour obtenir cet avis, qui est obligatoire, mais qui leur laisse ensuite une grande latitude dans la fixation du prix. Vous savez en effet, mes chers collègues, que le prix fixé après cette évaluation peut lui être supérieur ou inférieur de 35 %.

Par conséquent, cette procédure nous a semblé constituer une contrainte trop importante au regard des garanties qu’elle apporte. Dans la nouvelle procédure, le prix fixé sera examiné par l’Agence nationale de contrôle du logement social, l’ANCOLS, dans le cadre de ses contrôles ; je pense que c’est largement suffisant.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Mme le rapporteur vient de rappeler que les prix seront toujours contrôlés, à l’évidence, par l’ANCOLS. J’ai pu me rendre compte, depuis que j’exerce ces responsabilités, que cette agence exerce un véritable contrôle : elle a infligé une série d’amendes en réponse aux errements, heureusement minoritaires, de quelques offices.

Certes, il paraît qu’il ne faudrait pas, au cours de ces débats, faire état de son expérience personnelle. Cela peut toutefois être intéressant. En outre, puisque, aux termes de la Constitution, le Sénat représente les collectivités territoriales, une expérience locale est forcément intéressante. Selon moi, la loi sur le non-cumul des mandats n’a d’ailleurs pas été un progrès démocratique (Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.),…

M. Marc-Philippe Daubresse. Je ne vous le fais pas dire !

M. Jacques Mézard, ministre. … et je ne changerai pas d’avis sur ce point. Je dois encore l’exprimer très fortement.

Par ailleurs, à en croire les auteurs de cet amendement, les bailleurs mettant en vente des logements feraient n’importe quoi, ce qui n’est pas le cas. À mes yeux, ils ont la capacité d’évaluer de manière juste la valeur de leurs immeubles, d’autant que leurs conseils d’administration sont représentatifs et qu’ils reçoivent de bons conseils, en particulier de leurs notaires.

En revanche, j’ai souvent eu recours à France Domaine, qui s’appelait autrefois le service des domaines, et ce n’était pas toujours merveilleux. Dès lors, il me semble que ce que nous proposons est raisonnable et contrôlé.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 565.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 1124, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 6

Remplacer la référence :

V

par la référence :

VI

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement vise à rectifier une erreur matérielle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1124.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 645, présenté par M. Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 7 à 15

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Le portage financier envisagé pour la vente de logements sociaux n’apporte aucune garantie pour une accession sécurisée à la propriété par les ménages les plus modestes. Il ne garantit pas non plus la bonne gestion et la pérennité du patrimoine concerné.

Ces choix, guidés par le seul souci de générer rapidement des fonds pour les organismes d’HLM, traduisent une vision à très court terme. Nous lançons l’alerte sur les risques engendrés par un accroissement du nombre de ventes mal encadrées et par la faible solvabilité des acquéreurs. Qui se soucie de l’avenir de ces futures copropriétés et du sort de leurs habitants ? Les politiques de vente massive du parc social menées ces dernières années en Europe n’ont eu pour effet que de dégrader la situation du logement social, notamment dans les métropoles.

D’autres solutions, en particulier au sein des regroupements qui sont mis en place, auraient pu être recherchées. Elles auraient permis d’éviter des montages qui ne sont pas à la hauteur des enjeux et vont irrémédiablement affaiblir le logement social en France.

Au travers de cet amendement, nous proposons donc de supprimer la création des sociétés de vente d’HLM.

Mme la présidente. L’amendement n° 1136, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’acte de cession des logements sociaux à la société de vente d’habitations à loyer modéré précise à peine de nullité les responsabilités respectives de l’acquéreur et du vendeur en matière de travaux relatifs aux logements sociaux vendus.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’obliger, à peine de nullité de l’acte de cession, l’organisme de logement social vendeur et la société de vente d’HLM à se mettre d’accord sur l’entité qui prendra à sa charge les différents travaux qui devraient être éventuellement réalisés dans les logements vendus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 645 ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’avis est défavorable. Nous avons estimé qu’il ne fallait pas supprimer les sociétés de vente d’HLM, comme le prévoit cet amendement ; nous avons préféré apporter des précisions quant à leur fonctionnement.

Je rappelle aussi que le recours à ces sociétés ne sera pas obligatoire : les organismes pourront toujours vendre directement leurs logements sans passer par une société de vente d’HLM. Simplement, s’ils n’arrivent pas à les vendre, une telle société pourra essayer de le faire à leur place.

Voilà pourquoi il est intéressant de maintenir ces nouveaux outils.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. Jacques Mézard, ministre. Concernant l’amendement n° 645, l’avis est défavorable. Je ne reprendrai pas notre argumentation, qui a déjà été largement exposée, sur l’intérêt de ces sociétés de vente d’HLM, qui sont d’ailleurs encadrées par la réglementation HLM, ce qui constitue une protection.

Sur l’amendement n° 1136, par définition, les travaux incombent au propriétaire. En cas de cession, le prix de vente prend en compte, très naturellement, l’état du bâtiment. La proposition de Mme le rapporteur serait donc inopérante.

Je comprends sa préoccupation : il s’agit d’éviter que le recours à une société de vente n’ait pour conséquence un sous-investissement sur le patrimoine avant la revente, et surtout en l’absence de revente rapide. Il me faut néanmoins rappeler que la société de vente devra déléguer la gestion du patrimoine acquis à un bailleur social ou à un syndic, et que le contrat entre la société de vente et son prestataire devra préciser les modalités de prise en charge et d’exécution des travaux nécessaires pour que le programme prévu par la société de vente soit effectivement mis en œuvre et exécuté, au besoin sous la surveillance du gestionnaire.

Je ne crois donc pas qu’il soit vraiment opportun d’ajouter une disposition, comme il est proposé au travers de cet amendement. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Sur cet article comme sur les précédents, il faut bien se souvenir que la vente d’HLM à des particuliers a toujours existé. C’est une bonne chose : cela permet de rénover et de renouveler le logement social. Cela s’est toujours fait dans le consensus, en recueillant l’avis des maires et des conseils municipaux.

En revanche, nous allons désormais avoir affaire à de la vente en bloc, impliquant des sociétés privées.

La vente en bloc, c’est une faute ! Tout d’abord, il ne faut jamais oublier que le logement social appartient aux Français. C’est leur patrimoine. Ce sont les Français qui ont financé la construction du logement social ; autoriser la vente de ce qui a été financé par nos compatriotes à des sociétés privées, de surcroît, comme cela a été dit précédemment, à des prix inférieurs à l’évaluation des domaines, et sans prévoir de clause de garantie antispéculative, c’est vraiment une faute.

Que se passera-t-il ? Quand il s’agira de quelques logements sociaux dans des beaux quartiers, ils se vendront pour un bon prix et tout se passera bien. En revanche, dans les quartiers les plus défavorisés, là où les produits proposés seront les moins attractifs, qui les achètera ? Personne, sinon des sociétés privées qui, parfois, seront elles-mêmes des marchands de sommeil, ou du moins revendront ces logements à la découpe à des marchands de sommeil qui exploiteront la misère humaine !

Ce procédé, tel qu’il est proposé, nous mène vers des dérives. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 645.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1136.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 507 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, MM. Antiste et Tourenne, Mme Conway-Mouret, MM. Todeschini et Duran et Mme Grelet-Certenais, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Après le mot :

ou

insérer les mots :

, aux seuls organismes d’habitations à loyer modéré et sociétés d’économie mixte agréées en application de l’article L. 481-1,

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Mes collègues, notamment les membres du groupe socialiste et républicain, ont évoqué les risques auxquels nous expose cet article.

Ces risques seront démultipliés dans les outre-mer. Nous avons en effet un territoire limité et peu d’opérateurs. Les ventes en bloc seront donc difficiles et les appétits du secteur privé ne manqueront pas, tout naturellement, de se déchaîner ; ces ventes seront utilisées pour des stratégies de spéculation patrimoniale. Ajoutons à cela la rentabilité des locations saisonnières, et on peut aisément imaginer ce qui pourra se produire.

Notre collègue Marie-Noëlle Lienemann a par ailleurs évoqué à demi-mot ce matin les marchands de sommeil. Je veux pour ma part le dire clairement : mon territoire subit une très forte pression migratoire. On sait ce qui peut advenir de ce fait.

L’amendement n° 507 rectifié vise donc à restreindre les cessions en bloc de logements sociaux aux seuls organismes de logement social et sociétés d’économie mixte. Il s’agit d’une mesure de cantonnement, pour employer un terme militaire, visant à éviter des stratégies de contournement et d’évitement.

Mme la présidente. L’amendement n° 509 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, MM. Tourenne et Antiste, Mmes Conway-Mouret et Ghali, MM. Todeschini et Duran et Mme Grelet-Certenais, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Après le mot :

ou

insérer les mots :

, aux seuls organismes d’habitations à loyer modéré et aux sociétés d’économie mixte agréées en application de l’article L. 481–1 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville visés à l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine,

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Dans le même esprit que l’amendement précédent, celui-ci vise à restreindre les ventes en bloc dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui sont des zones tendues où ces problèmes sont encore plus prégnants et crispants qu’ailleurs. Ces ventes ne pourront se faire qu’au profit des organismes de logement social ou des sociétés d’économie mixte, avant que des forces ou des tensions du marché n’orientent la vente vers des spéculateurs.

Mme la présidente. L’amendement n° 566, présenté par Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot et Lurel, Mme M. Filleul et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Après le mot :

ou

insérer les mots :

, aux seuls organismes d’habitations à loyer modéré,

La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Pour remplir son objectif de 40 000 logements sociaux vendus par an, le Gouvernement permet la vente d’immeubles de logement à des sociétés privées.

Ce choix politique n’est pas motivé par une ambitieuse politique d’accession sociale à la propriété, mais par la nécessité de permettre aux organismes d’HLM de générer rapidement des fonds. L’objectif est bien de compenser la baisse des ressources qui a été imposée aux organismes d’HLM et qui menace à très court terme l’équilibre économique des organismes.

Compte tenu de l’urgence, le Gouvernement autorise la cession en bloc de logements sociaux aux sociétés de vente d’HLM, mais également à des sociétés privées. Les organismes d’HLM vont en effet devoir vendre d’importants volumes de logements, et ce très rapidement. On connaît pourtant les risques associés à la vente de tels volumes de logements et à la privatisation du logement social.

Nous considérons pour notre part que tous les logements sociaux, quel que soit leur financement, doivent rester dans le parc HLM.

Notre amendement vise donc à prévoir que la vente en bloc ne peut se faire qu’au profit d’un organisme de logement social, et jamais au profit d’un investisseur privé.

Mme la présidente. L’amendement n° 508 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, MM. Tourenne et Antiste, Mme Ghali, MM. Todeschini et Duran et Mme Grelet-Certenais, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Après le mot :

ou

insérer les mots :

, aux seuls organismes d’habitations à loyer modéré dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville visés à l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine,

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. L’esprit de cet amendement est le même que celui des précédents, seul le périmètre change ; il est donc défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ces quatre amendements appellent une position globale de la commission, même si, comme l’a expliqué M. Lurel, ils diffèrent par leur périmètre – deux d’entre eux ne portent que sur les quartiers prioritaires de la ville – ou par les organismes visés – organismes d’HLM et sociétés d’économie mixte, ou seulement organismes d’HLM.

Les auteurs de ces amendements proposent de restreindre la vente en bloc aux seuls organismes d’HLM ou aux seuls organismes d’HLM et sociétés d’économie mixte. La vente en bloc entre organismes d’HLM est déjà permise aujourd’hui.

L’adoption de ces amendements rendrait donc inopérante la mesure proposée à cet article pour faciliter certaines cessions d’HLM. Cette possibilité reste quand même très limitée : elle ne concerne que les PLS de plus de quinze ans, soit environ 10 % du parc HLM.

Cette ouverture du dispositif de vente vise à permettre aux bailleurs sociaux de valoriser plus facilement leur patrimoine. Elle conduira par ailleurs à l’instauration progressive d’une plus grande mixité sociale dans les bâtiments concernés. J’ajoute que la vente en bloc est une condition essentielle du dispositif, car la vente à l’unité n’intéressera pas les acteurs institutionnels privés du logement.

Il faut cependant rappeler que nous avons mis en place un garde-fou, pour que les ventes en bloc ne se fassent pas n’importe comment : est requis l’avis conforme du maire. Ces conditions – restriction aux PLS de plus de quinze ans et avis conforme du maire requis – me convainquent qu’il n’y a pas de risque de dérives telles que vous l’imaginez. Nous nous inquiétons, nous aussi, d’une éventuelle financiarisation du logement, mais ce risque est ici évité.

En revanche, ce dispositif permettra de vendre plus de logements sociaux, y compris parmi ceux qui n’intéresseraient pas forcément les acteurs institutionnels. Le garde-fou principal reste à nos yeux l’avis conforme du maire, que nous avons bien évidemment maintenu dans ce dispositif.

L’avis de la commission sur ces quatre amendements est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. L’avis sera également défavorable sur ces quatre amendements.

Quant au risque de financiarisation, je pense pour ma part qu’il faut ici aussi repartir de ce qui existe déjà. Nous ne débattons pas de la vente en bloc de tous les logements sociaux. En effet, ce n’est pas du tout ce que prévoit cet article, qui n’offre cette possibilité, comme l’a très justement rappelé Mme le rapporteur, que dans le cas très précis des PLS de plus de quinze ans.

Par ailleurs, il est bien précisé dans notre texte que toutes les personnes vivant dans ces logements pourront y rester aussi longtemps qu’elles le souhaitent, dans la mesure où aucun agrément ne tombe au moment de la vente.

Ce système, de fait, existe déjà : aujourd’hui, il est tout à fait possible, pour un promoteur privé, de développer du PLS, et ce promoteur a déjà la possibilité de le vendre après quinze ans. En fait, nous offrons par ce texte aux offices d’HLM une possibilité dont les promoteurs privés disposent déjà dans le droit existant.

On est donc très loin d’une financiarisation du logement ! Il ne s’agit pas du tout de créer de nouveaux dispositifs incontrôlés ; nous ouvrons simplement aux offices d’HLM et aux ESH une possibilité qu’ont déjà des opérateurs privés.

Je présenterai mon second argument sous la forme d’une très gentille ironie : d’un côté, mesdames, messieurs les sénateurs, vous nous dites qu’il ne faut surtout pas adopter ce dispositif, parce que cela conduirait tout le monde à vendre ; or, de l’autre, vous ne cessez de nous répéter, depuis tout à l’heure, que les objectifs que Jacques Mézard et moi-même avons fixés sont beaucoup trop élevés et totalement irréalistes. Peut-être la vérité est-elle dans le juste milieu que prévoit d’ores et déjà le texte !