Mme Jocelyne Guidez. Le service militaire volontaire est un formidable tremplin républicain pour de nombreux jeunes en rupture avec l’école, le monde professionnel et, parfois même, avec la justice, qui ont donc décidé de se reprendre en main. Cet amendement vise à favoriser la réinsertion des jeunes ayant commis des faits relevant de la petite délinquance, par le biais d’un encadrement militaire volontaire. Il est d’ailleurs inspiré par les services des armées prenant en charge les jeunes déscolarisés.

« Donnez une chance à la chance, alors elle devient nécessité », écrivait André Regnier dans Les Infortunes de la raison. La mesure que je propose tend à accorder à ces jeunes non pas une réponse laxiste, mais bien cette seconde chance. Il s’agit d’un système incitatif, dès lors que ces jeunes volontaires bénéficieront d’une réduction du délai d’effacement de leur casier judiciaire, s’alignant sur la durée maximale du service, à savoir un an ou huit mois, au lieu de trois ou cinq ans.

Un tel dispositif est de nature à responsabiliser les jeunes délinquants en quête de réhabilitation du fait de la nature volontaire d’une inscription à ces types de service militaire. Par ailleurs, la nature de cet encadrement leur permet de renouer directement avec le respect de l’ordre et de la discipline, ainsi qu’avec le sens du dévouement envers le bien public.

Enfin, le but de ce service militaire étant de favoriser l’insertion professionnelle, cet encadrement a vocation à permettre à ces jeunes de se réinsérer durablement dans la société. En Île-de-France, ce sont près de 72 % des jeunes engagés au sein de ce service qui sont insérés professionnellement.

À travers cet amendement, j’entends ainsi consacrer un droit à l’oubli pour des jeunes ne demandant qu’à se reconstruire une vie digne et honorable, par le biais de l’effort et du travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La réhabilitation peut être définie comme le rétablissement du condamné dans son honneur et sa probité par l’effacement de la condamnation et de toutes les déchéances et les incapacités qui peuvent en résulter. Il existe actuellement deux modalités principales de réhabilitation : soit une réhabilitation de plein droit, qui a lieu après l’exécution de la peine principale ; soit une réhabilitation après une décision judiciaire.

Les auteurs de l’amendement envisagent de créer un nouveau cas de réhabilitation, évidemment au-delà de l’absence de nouvelles condamnations dans certains délais. En cas de condamnation unique à une peine de prison qui n’excède pas un an ou à une peine d’une autre nature que de l’emprisonnement, dès lors que l’intéressé n’est pas en état de récidive légale, ils proposent que la réhabilitation puisse être acquise si, après l’exécution de la peine, la personne concernée réalise un service militaire volontaire d’une durée de douze mois ou un service militaire adapté d’une durée de huit mois.

L’objectif de cet amendement est évidemment tout à fait compréhensible et mérite d’être souligné. Mais, en dehors des cas de réhabilitation judiciaire, qui permettent un contrôle du juge sur la sortie de la délinquance d’une personne condamnée, il me semble indispensable que s’écoule une certaine durée entre la condamnation d’une personne et l’effacement de toute incapacité ou déchéance. C’est une question de sécurité.

Par ailleurs, dans le dispositif de l’amendement, la sécurité ne paraît pas tout à fait acquise. La réforme proposée se trompe d’objet en touchant aux règles de réhabilitation légale, qui permettent l’effacement d’une condamnation du B2 du casier judiciaire. Les condamnations prononcées contre les mineurs ne figurent pas au B2, seulement accessible aux administrations ou à certains organismes privés.

Globalement, je suis donc défavorable à cet amendement, pour des raisons à la fois de sécurité et d’efficacité.

Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.

Mme Jocelyne Guidez. Je suis attachée à cet amendement, et ce pour une raison simple. Pour des petits délits, car c’est bien de cela qu’il s’agit, il est dommage, surtout que c’est plutôt demandé par l’armée, de ne pas tendre la main à ces jeunes désireux de faire des efforts.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 52 - Amendement n° 14 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Article 52 bis (nouveau)

Mme la présidente. L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par MM. Paccaud, Bizet, Bouchet, J.M. Boyer, Brisson, Calvet, Cambon, Chaize, Chatillon et Cuypers, Mme L. Darcos, M. Decool, Mmes Deroche, Deromedi, Duranton, F. Gerbaud et Gruny, MM. Guerriau, Houpert, Joyandet, Karoutchi, Kennel, Kern, Lagourgue, Laménie, Lefèvre, Leleux et H. Leroy, Mme Lherbier, MM. Longeot et Longuet, Mme Lopez, M. Maurey, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat et Pointereau, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, M. Sol, Mme Thomas et M. Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 52

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :

1° L’article 50 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Lorsque le bénéficiaire a été définitivement condamné pour un acte de nature terroriste, défini au chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal. » ;

2° L’article 51 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne bénéficiant de l’aide juridictionnelle a été condamnée sur le fondement du chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal, la juridiction saisie prononce le retrait total de l’aide juridictionnelle. »

La parole est à M. Olivier Paccaud.

M. Olivier Paccaud. Cet amendement vise à retirer l’aide juridictionnelle aux personnes condamnées pour acte de terrorisme.

Depuis mars 2012 et les attentats de Toulouse perpétrés par Mohammed Merah, la France a subi une quinzaine d’attentats, avec un bilan effroyable : plus de 240 morts, victimes de la folie et de la haine islamistes.

Dans la plupart des cas, les terroristes kamikazes y ont aussi laissé leur vie, et rares sont ceux qui ont pu être interpellés afin d’être jugés. C’est cependant le cas de Salah Abdeslam, seul rescapé du commando du 13 novembre 2015.

Si son procès est attendu, de nombreux Français ont appris avec stupéfaction que cet individu allait bénéficier de l’aide juridictionnelle pour payer sa défense.

Même s’il s’agit là d’un cas heureusement rare, nous ne pouvons que nous interroger sur le bien-fondé de l’exercice de ce droit pour les auteurs d’actes terroristes.

En effet, les actes terroristes ne sont pas des crimes et des délits comme les autres. À travers leurs victimes, les terroristes s’attaquent aussi et surtout à une société, à une civilisation et à une vision de l’humanité.

Nous sommes tous attachés à la notion d’État de droit. Mais, de même que la liberté d’expression n’autorise aucunement à dire ou à écrire n’importe quoi, le principe de l’aide juridictionnelle ne saurait être dévoyé.

En donnant corps, en 1972, à l’aide juridictionnelle, qui permet à tous les citoyens, quel que soit leur niveau social, d’avoir accès à une défense juridique, les législateurs avaient-ils imaginé que ce droit servirait un jour les intérêts d’un terroriste ? Il est permis d’en douter, surtout lorsque l’insolvabilité supposée de l’accusé est totalement contradictoire avec les moyens dont il a bénéficié pour échafauder ses projets meurtriers.

Aussi, par souci de défense des intérêts de la Nation et de la cohésion sociale, je vous propose, avec la quarantaine de cosignataires de cet amendement, de retirer le bénéfice de l’aide juridictionnelle aux auteurs d’actes terroristes ainsi qu’à leurs complices.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Cet amendement soulève un problème de principe et, parfois, on ne peut pas transiger avec les principes.

Nous sommes dans un système démocratique où les droits de la défense doivent être assurés, y compris pour l’auteur d’un crime abominable, quelle que soit notre opinion à son égard. C’est un principe incontestable, qui doit le rester selon nous.

En effet, si nous faisons droit à cette demande, pourquoi ne pas l’étendre demain aux agressions sexuelles ou aux crimes contre l’humanité ? La discussion peut s’étendre à l’infini.

Il faut donc accorder à celui qui doit se défendre la possibilité de le faire, en lui permettant de prendre un conseil, y compris au moyen de l’aide juridictionnelle. C’est le premier principe.

Mais il y a aussi un second principe. Si l’on peut prouver la solvabilité de celui qui comparaît, on peut soit ne pas accorder l’aide juridictionnelle, soit la récupérer a posteriori. Cette possibilité est peu utilisée, ce qui est regrettable. Il faudrait la mettre en œuvre plus régulièrement.

Je le redis donc aux nombreux collègues qui ont cosigné cet amendement : il y a des choses auxquelles on ne peut pas toucher, quelle que soit la gravité du crime commis. Je sais que l’attribution de l’aide juridictionnelle peut choquer dans ce cas,…

M. François-Noël Buffet, corapporteur. … mais on ne peut pas remettre en cause un droit fondamental.

En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je partage l’avis de M. le rapporteur.

Bien sûr, la situation que vous évoquez peut paraître extrêmement choquante, je le conçois aisément. Toutefois, c’est bien en réaffirmant de manière principielle les valeurs fondamentales auxquelles nous croyons que nous pourrons répondre à la barbarie résultant des actes auxquels vous vous référez, monsieur le sénateur.

C’est la raison pour laquelle je souhaiterais également que vous puissiez retirer cet amendement.

J’ajoute, sur un plan strictement juridique, qu’un tel amendement pourrait être considéré comme contraire à nos principes et valeurs constitutionnels, contraire au principe d’égalité, contraire au principe du droit à un recours juridictionnel effectif, contraire au principe de l’exercice des droits de la défense, et contraire aussi à l’ensemble des principes confirmés par la Cour européenne des droits de l’homme.

Ces raisons juridiques me semblent toutefois secondes dans notre discussion, et je rappellerai en priorité les valeurs qui fondent notre démocratie.

Mme la présidente. Monsieur Paccaud, retirez-vous l’amendement n° 75 rectifié bis ?

M. Olivier Paccaud. Je ne le retire en aucun cas, madame la présidente.

J’avancerai tout d’abord une raison juridique simple : le retrait de l’aide juridictionnelle est déjà prévu dans notre législation ; c’est rare, mais possible dans des cas bien définis.

Vous m’avez ensuite parlé de principes, monsieur le rapporteur, madame la ministre, et j’ai bien entendu vos arguments.

Je ne suis pas persuadé toutefois que le principe de base d’une société soit de défendre ceux qui souhaitent la détruire !

Je ne suis pas persuadé que répondre à la barbarie par un État de droit qui commence par nier la nécessité de se défendre soit ce qu’attendent nos concitoyens.

Une société doit avant tout reposer sur un pacte social, ce que l’on appelle le « contrat républicain ».

Ce qu’attendent avant tout nos concitoyens, c’est que la société les protège et que le Gouvernement soit là pour les défendre. Or comment un contribuable pourrait-il accepter que ceux qui menacent notre pays soient financièrement et juridiquement défendus par ce pays ?

Notre société n’a pas vocation à être masochiste, encore moins schizophrène. Aussi, je le répète, je ne retire pas mon amendement. (Mme Vivette Lopez applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Puisqu’il est question de principes, je rappellerai que nous sommes dans un État de droit.

Nos règles prévoient, notamment en matière criminelle, que l’accusé doit être assisté d’un avocat, auxiliaire de justice, lequel est le cas échéant commis d’office. On a d’ailleurs constaté, parfois, que certains terroristes ne voulaient même pas d’un avocat commis d’office.

Le mot « aide juridictionnelle » peut paraître choquant, en ce sens qu’on a l’impression que c’est une aide que l’on accorde à l’accusé. En réalité, le fonctionnement légitime de notre société veut que, dans un procès pénal, il y ait le procureur, les magistrats de la cour d’assises spéciale, composée uniquement de juges professionnels, et une défense, qui n’est pas là forcément pour soutenir l’action du terroriste, mais pour garantir l’équité du procès.

Supprimer l’aide juridictionnelle signifierait que les avocats commis d’office doivent travailler sans indemnité.

Il appartient le cas échéant à l’État de recouvrer ces sommes s’il est démontré que l’intéressé a de l’argent.

Il serait préférable, en effet, de ne pas parler d’aide juridictionnelle, mais plutôt de rétribution de l’auxiliaire de justice commis d’office – il faudra peut-être trouver un jour une formule pour rassurer nos concitoyens.

Un procès contre des terroristes coûte de toute façon très cher à l’État, si l’on prend en compte le temps d’instruction et de procédure, sans compter les moyens de sécurité qu’il faut déployer pour s’assurer du maintien en détention et des conditions de survie des auteurs présumés. Ce n’est pas l’indemnisation versée à l’avocat commis d’office qui va ruiner la France, bien au contraire !

Les criminels de guerre ont bien pu faire appel à un avocat, lors des procès de Munich ou d’ailleurs. Il s’agit des grands principes de notre droit et il faut les accepter.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Je me suis demandé si j’allais cosigner cet amendement. À la réflexion, je me suis rappelé le procès de Barbie à Lyon, de même que d’autres procès où les accusés avaient été défendus. La France ne peut pas renoncer à donner une défense à un accusé, même au plus horrible des personnages ou à celui qui a perpétré des crimes contre l’humanité.

Cette disposition serait en outre sans effet. Comme vient de le rappeler notre collègue, l’avocat commis d’office se rendra au prétoire, car c’est aussi pour lui une tribune – ne perdons pas cela de vue non plus.

Notre collègue a eu raison de soulever le problème et de souligner le caractère très choquant de cette aide. On pourrait sans doute, madame le garde des sceaux, changer l’expression écrite, trouver un autre terme. L’opinion publique ne comprendra pas quand on lui expliquera que l’avocat est payé par les contribuables.

Le devoir du parlementaire, c’est aussi d’expliquer aux Françaises et aux Français que si les plus grands criminels n’avaient pas accès à une défense, nous ne serions plus la France !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je tenais à soutenir cet amendement et à saluer l’initiative de M. Olivier Paccaud et d’autres collègues.

Je comprends les réponses de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Certes, nous sommes dans un État de droit et nous le respectons. Mais beaucoup de nos concitoyens ne le comprennent plus et nous, législateurs, nous nous demandons parfois à quoi nous servons. Nous n’avons aucune marge de manœuvre pour proposer quelque chose.

Notre collègue a rappelé les chiffres : 241 victimes innocentes des attentats. Mais on pourrait prendre aussi l’exemple des victimes de « prédateurs » ou de chauffards – même quand ils sont jugés, les peines sont souvent très limitées par rapport à la détresse des familles des victimes. Combien de piétons se font écraser ? Combien de délits de fuite ? Tout se recoupe !

Mme Éliane Assassi. Et après, on demandera le rétablissement de la peine de mort ?

M. Marc Laménie. Je peux comprendre votre réponse, monsieur le rapporteur, madame la ministre, mais je resterai cohérent et soutiendrai cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.

M. François Pillet. Je n’ai pas grand-chose à ajouter aux propos de nos collègues Jacques Bigot et Jean-Pierre Grand.

On ne peut pas soupçonner Jean-Pierre Grand d’être le complice de ceux qui veulent abattre la démocratie ou de ceux qui voudraient être trop généreux ou trop indulgents avec les terroristes.

Mais, de grâce, mes chers collègues, nous sommes dans un État de droit, dans un pays où le droit est empreint d’humanisme, mais aussi de quelque chose de céleste.

Ce serait donner une décoration supplémentaire aux terroristes que de leur retirer l’aide juridictionnelle.

Nous sommes au Sénat, nous avons un État de droit et des principes supérieurs à défendre.

Bien sûr, il est parfois difficile pour un élu de ne pas suivre la foule, mais son rôle est aussi, parfois, de guider le peuple.

Je vous en conjure, mes chers collègues, ne cédons pas ! Ce serait une très vilaine image au regard de tout ce qui s’est passé dans cette maison depuis des siècles. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains, ainsi que MM. Éric Jeansannetas et Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Luche. J’essaie d’être le plus pragmatique possible. L’État finance l’aide juridictionnelle avec la contribution de tous les Français, et je ne peux admettre que ceux qui nous traitent de mécréants soient défendus avec cet argent. (Mme Éliane Assassi sexclame.) C’est vraiment aller à contresens que de vouloir défendre des gens qui veulent anéantir nos familles et perturber le fonctionnement de notre société.

Nous ne pouvons pas tendre la joue pour recevoir de nouveaux coups. Même si j’ai conscience que d’aucuns pourraient être tentés, demain, d’élargir son champ, cette proposition me semble constituer un signe fort et il appartient, notamment aux juristes et aux avocats que compte notre assemblée, de réfléchir à la manière dont les avocats pourraient éventuellement être rémunérés pour leur action dans ce cadre.

Mais il me paraît très difficile d’expliquer aux Français que leur argent va servir à défendre des terroristes.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou, pour explication de vote.

M. Christophe Priou. Je voudrais vous faire part, mes chers collègues, d’une expérience personnelle.

Victime en 2000 d’un colis piégé lors d’un attentat politique perpétré par des militants d’extrême droite se réclamant d’une philosophie néonazie – cet attentat a fait deux victimes innocentes –, j’ai été partie civile au procès d’assises.

Deux fois cinq jours de procès d’assises, c’est extrêmement lourd, mais primordial pour que les familles de victimes puissent faire leur travail de deuil, que la vérité éclate et que la justice soit rendue. Je n’aurais jamais pu concevoir que les accusés, surtout l’accusé principal qui a été condamné deux fois à 27 ans de prison, ne soient pas défendus.

C’est effectivement l’honneur de notre démocratie de garantir ce droit fondamental à la défense. Si l’on créait aujourd’hui une brèche en la matière, le Parlement devrait vraisemblablement débattre dans quelque temps de la réhabilitation de la peine de mort, même si son interdiction a été inscrite de manière très forte dans la Constitution.

Je le dis avec émotion, j’ai vécu tout cela, et il est important que, au nom de la République française, qui a souvent servi de phare pour la démocratie à l’échelle du monde, nous puissions défendre ces droits fondamentaux. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Je ne dirais pas mieux que notre collègue !

Mme la présidente. La parole est à M. le corapporteur.

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Le témoignage de notre collègue Priou se suffit à lui-même.

Soyons clairs, les avocats des terroristes ne défendent pas leurs crimes, mais leur droit à être défendus. Comme l’a rappelé Jacques Bigot, l’aide judiciaire est destinée au conseil de ces personnes. Si l’on n’établit pas clairement cette distinction, on pourra ouvrir à l’infini des portes impossibles à refermer.

La force absolue d’un État de droit, qui permet la cohésion sociale globale que vous avez évoquée il y a quelques instants, repose sur le fait que chacun puisse avoir les moyens de se défendre, y compris le pire d’entre nous. C’est la seule garantie qui vaille dans un État de droit digne de ce nom.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. J’ai des scrupules, madame la présidente, à vous demander la parole après tant d’interventions de nos collègues, de notre rapporteur et de Mme la garde des sceaux, qui m’ont paru très convaincantes et pertinentes.

Je voudrais dire aux auteurs de cet amendement que tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable. La question ne devrait donc même pas se poser : nous ne pouvons pas punir quelqu’un en lui refusant un avocat pris en charge par l’aide juridictionnelle avant de savoir s’il est coupable. Et nous ne pouvons pas savoir s’il est coupable s’il n’a pas été défendu au cours d’un procès.

Supposons qu’une cour d’assises se réunisse. L’accusé, poursuivi pour complicité d’attentat terroriste, clame son innocence. Au cours du procès, coup de théâtre : il a été pris pour un autre… La cour d’assises est convaincue de son innocence et le relaxe.

L’accusé ayant été poursuivi pour un acte de terrorisme, il n’aurait pas eu droit à un avocat, selon cet amendement. Tant que le procès n’a pas eu lieu, la personne poursuivie est présumée innocente et doit pouvoir être défendue. La défense d’un accusé n’est pas une forme de complicité avec lui. Simplement, dans un État de droit, on ne peut pas mettre en prison, parfois à perpétuité, quelqu’un qui n’a pas été défendu. Et si cette personne n’a pas les moyens d’assurer sa défense, l’aide juridictionnelle doit évidemment être appliquée. Ce n’est pas faire preuve de complaisance à l’égard des terroristes que de rappeler cette règle fondamentale de notre État de droit.

M. Olivier Paccaud. Monsieur le président de la commission des lois, vous n’avez pas bien lu l’amendement…

Mme la présidente. Monsieur Paccaud, vous avez déjà exprimé les raisons pour lesquelles vous maintenez votre amendement, vous ne pouvez donc plus prendre la parole…

M. Olivier Paccaud. Je dois apporter une explication indispensable. Cet amendement prévoit en effet expressément que le retrait de l’aide juridictionnelle n’est pas possible avant jugement, ab initio – ce serait bien évidemment anticonstitutionnel. Le retrait de l’aide juridictionnelle ne peut intervenir qu’après la condamnation, vous avez raison.

Mme la présidente. Nous allons passer au vote…

M. Olivier Paccaud. Pour conclure, Je ne peux accepter qu’on nous fasse passer pour des antidémocrates. Je peux défendre ce type d’amendement et être démocrate. Je veux bien toutes les critiques du monde, mais me faire passer pour quelqu’un qui n’est pas un démocrate, non !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 75 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

TITRE V bis

ACCROÎTRE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES D’AIDE JURIDICTIONNELLE

(Division et intitulé nouveaux)

Article additionnel après l'article 52 - Amendement n° 75 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Article 52 ter (nouveau)

Article 52 bis (nouveau)

L’article 1635 bis Q du code général des impôts est ainsi rétabli :

« Art. 1635 bis Q. – I. – Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l’aide juridique de 20 à 50 € est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative.

« II. – La contribution pour l’aide juridique est exigible lors de l’introduction de l’instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance.

« III. – Toutefois, la contribution pour l’aide juridique n’est pas due :

« 1° Par les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ;

« 2° Par l’État ;

« 3° Pour les procédures introduites devant la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, devant le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention et le juge des tutelles ;

« 4° Pour les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaires ;

« 5° Pour les procédures introduites par les salariés devant un conseil de prud’hommes ;

« 6° Pour les recours introduits devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français ainsi qu’au droit d’asile ;

« 7° Pour la procédure mentionnée à l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;

« 8° Pour la procédure mentionnée à l’article 515-9 du code civil ;

« 9° Pour la procédure mentionnée à l’article L. 34 du code électoral ;

« 10° Pour les procédures de conciliation mentionnées à l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et celles déléguées par le juge, en vertu d’une disposition particulière, au conciliateur de justice.

« IV. – Lorsqu’une même instance donne lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, la contribution n’est due qu’au titre de la première des procédures intentées.

« V. – Lorsque l’instance est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique.

« Lorsque l’instance est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique.

« Les conséquences sur l’instance du défaut de paiement de la contribution pour l’aide juridique sont fixées par voie réglementaire.

« VI. – La contribution pour l’aide juridique est affectée au Conseil national des barreaux.

« VII. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »