Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, on a envie de remettre au Gouvernement une médaille… (Marques détonnement.) Oui, la médaille du respect de l’écoute du Parlement. (Exclamations ironiques.)

Dans une médaille, il y a l’avers et le revers.

M. Gérald Darmanin, ministre. Il y a même le travers ! (Sourires.)

M. Jérôme Bascher. Commençons par l’avers, c’est-à-dire les éléments positifs.

On peut tout d’abord souligner que, une fois n’est pas coutume, la trajectoire macroéconomique a été raisonnable et sérieuse, quand bien même cela ne dépend pas seulement du Gouvernement. Ainsi, les recettes correspondent à ce qui était attendu. On peut également mettre l’accent sur l’exécution de la dépense. Nous n’avons pas de décret d’avance, car il n’y a pas eu, comme cela a pu être le cas par le passé, de sous-budgétisations évidentes, c’est-à-dire une non-sincérité des budgets.

Permettez-moi cependant, monsieur le ministre, une incise technique sur la dépense pilotable. Il s’agit là d’une nouveauté technique inventée par votre ministère que je trouve un peu légère : dire que l’on ne pilote pas les dépenses de retraite, via le compte d’affectation spéciale « Pensions » par exemple, est un petit mensonge.

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous, vous proposez de les diminuer !

M. Jérôme Bascher. Dire qu’il suffirait de réformer les retraites pour que cela soit pilotable ne suffit pas. Dans les dépenses pilotables, il y a les prélèvements sur recettes. Méfions-nous de cette pilotabilité à double commande !

Le fait que ce projet de loi de finances rectificative s’apparente à un décret d’avance fait également partie des points positifs. Je l’ai compris, monsieur le ministre, vous voulez faire plaisir à cette députée de la commission des lois de l’Assemblée nationale qui s’est demandé quand on voterait les décrets. Vous nous proposez donc aujourd’hui de voter un décret d’avance !

Le fait que ce projet de loi ne contienne pas d’articles fiscaux constitue un autre point positif. À ce stade, je suis toutefois obligé de parler du revers de la médaille, car ce n’est pas toujours forcément une bonne idée de ne pas prévoir de mesures fiscales, comme on s’en rend compte en ce moment dans les rues.

Il se trouve qu’une trajectoire a été adoptée pour la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques dans le projet de loi de finances de 2018. Il fallait corriger cette trajectoire et la hausse des taxes sur les carburants dans le projet de loi de finances rectificative. C’était logique. J’ai bien compris – j’ai entendu le Premier ministre le dire – que vous ne vouliez pas le faire, mais nous regrettons que, sur ce point, un engagement pluriannuel n’ait pas été pris dans le projet de loi de finances rectificative.

Le président Cambon et mon excellent collègue Dominique De Legge l’ont dit, l’encoche dans la loi de programmation militaire est une proposition illégale, car la loi votée doit s’appliquer. Vous proposez de rendre légal quelque chose qui ne l’est pas aujourd’hui. C’est un peu décevant.

Enfin, après l’avers et le revers de la médaille, il y a la tranche, à savoir le plafond d’emplois. Il est peut-être positif de supprimer 10 000 emplois, mais il aurait fallu présenter cette suppression directement au Parlement. À titre personnel, je l’aurais plutôt actée dans le projet de loi de finances pour 2019, au lieu de constater une sous-budgétisation des emplois. Il y a là un manque de sincérité.

Nous décernons donc à ce texte une médaille d’argent,…

M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n’est déjà pas mal !

M. Jérôme Bascher. … en espérant que la médaille d’or sera pour l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Discussion générale (suite)
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Discussion générale (suite)

9

Candidature à une commission

Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission des lois a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
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Article liminaire

Projet de loi de finances rectificative pour 2018

Suite de la discussion et rejet d’un projet de loi

Mme la présidente. Nous reprenons l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2018.

Nous passons à la discussion des articles.

projet de loi de finances rectificative pour 2018

Discussion générale (suite)
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Article 1er

Article liminaire

La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2018 s’établit comme suit :

 

(En points de produit intérieur brut)

Prévision 2018

Solde structurel (1)

-2,2

Solde conjoncturel (2)

-0,1

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

-0,2

Solde effectif (1 + 2 + 3)

-2,6 *

* Lécart entre le solde effectif et la somme de ses composantes sexplique par larrondi au dixième des différentes valeurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le Haut Conseil des finances publiques pointe une forme de stagnation du résultat des efforts accomplis et demandés à la grande majorité de nos compatriotes. Il écrit :

« Les recettes font l’objet d’ajustements à la hausse pour les droits de mutation à titre onéreux et pour les recettes non fiscales et à la baisse pour les droits de succession et de donation ainsi que pour l’impôt sur la fortune immobilière.

« Les recettes de TVA encaissées sur les neuf premiers mois de l’année sont en retrait par rapport à la prévision.

« Un rattrapage important est attendu par le Gouvernement d’ici à la fin d’année, en lien notamment avec le rebond prévu de la consommation des ménages et un rythme moins élevé des remboursements et dégrèvements qu’à la fin 2017.

« Le Haut Conseil considère que l’ampleur de ce rattrapage pourrait être plus modérée.

« La prévision des autres recettes est globalement en ligne avec les informations disponibles – encaissement des recettes fiscales, prévision de masse salariale de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

« Enfin, une incertitude forte porte, comme chaque année, sur le montant du dernier acompte d’impôt sur les sociétés. »

Le Haut Conseil estime également que la prévision de croissance retenue dans le collectif est trop optimiste. Une telle situation nous conduit, mes chers collègues, non à une conversion aux mérites du processus actuel d’analyse des documents budgétaires, mais à une conclusion simple.

La priorité accordée par le Gouvernement à l’allégement des obligations fiscales des entreprises et des particuliers les plus fortunés ne semble pas s’être traduite en termes de croissance et d’investissements, ces derniers étant annoncés en stagnation cette année.

Les recettes de TVA devraient-elles leur dynamisme à la pression sur le prix des matières premières due à la variation des cours, laquelle se traduit à la pompe à essence ou dans la cuve à mazout ? Je pense que vous avez la réponse à cette question !

Nous ne pouvons pas, de notre point de vue, améliorer durablement la situation des comptes publics si nous ne passons pas par une grande remise à plat de notre fiscalité, laquelle est nécessaire pour rétablir l’égalité et la justice fiscales, promouvoir l’efficacité économique et sociale de l’impôt et assurer son utilité.

Le gaspillage des ressources publiques, la fiscalisation de la sécurité sociale, dont nous avons débattu la semaine dernière, voilà exactement ce qu’il ne faut pas faire !

Vous avez entendu comme moi que le mouvement des « gilets jaunes » était l’occasion d’un débat populaire, au sein de la société, sur l’impôt sur la fortune. Cette question ne doit pas être envisagée seulement sous l’angle du populisme.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article liminaire.

(Larticle liminaire est adopté.)

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES AFFECTÉES

Article liminaire
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Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 1 rectifié

Article 1er

Pour l’année 2018, par dérogation au premier alinéa du II de l’article 49 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, le produit des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction est affecté au compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » dans la limite de 439,61 millions d’euros. Le produit affecté à la première section « Contrôle automatisé » s’élève à 269,61 millions d’euros. – (Adopté.)

Article 1er
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Article 2

Article additionnel après l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Panunzi et Pellevat, Mmes Bories et Garriaud-Maylam et MM. Charon et Castelli, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I – Le VI ter de l’article 199 terdecies-0 A du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, le taux est fixé à 45 % pour les versements effectués jusqu’au 31 décembre 2018. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi.

M. Jean-Jacques Panunzi. Le présent amendement vise à porter le taux du fonds d’investissement de proximité Corse, le FIP Corse, de 38 % à 45 %, afin de maintenir le différentiel actuel durant la hausse provisoire de l’année 2018.

Créés par la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique, les fonds d’investissement de proximité sont des véhicules qui doivent investir 70 % de leurs actifs pour renforcer les fonds propres ou quasi propres de PME non cotées, à tous les stades de leur développement.

En 2007, le législateur, constatant qu’aucun des FIP levés en quatre ans n’avait choisi d’investir en Corse, a créé le FIP Corse. Ce véhicule devait, grâce à un dispositif fiscal plus avantageux que sur le reste du territoire français, orienter l’épargne des Français et mettre enfin la Corse sur les routes de la finance.

Près de douze ans se sont écoulés, et nous pouvons, à la lumière des chiffres, considérer que ce dispositif s’est révélé fructueux, étant entendu que l’attractivité du FIP Corse repose sur son différentiel de vingt points par rapport aux FIP nationaux.

Les montants collectés, via une quinzaine de fonds gérés par cinq sociétés de gestion différentes, se montent aujourd’hui à près de 380 millions d’euros. On estime que les sociétés financées par les FIP Corse représentent 2 000 emplois directs en Corse, et même 7 000 si l’on y ajoute les emplois induits.

Jusqu’en 2018, les taux de réduction étaient de 38 % pour la souscription d’un FIP Corse, contre 18 % pour un FIP finançant des entreprises continentales. Niveler cet avantage sur l’ensemble du territoire français reviendrait à refaire de la Corse un désert financier.

Pour rester attractif, le FIP Corse doit nécessairement maintenir son différentiel de vingt points par rapport aux FIP nationaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai annoncé précédemment que je souhaitais, comme le Gouvernement, que ce projet de loi de finances rectificative reste de nature budgétaire et qu’il porte exclusivement sur les crédits des missions. Nous ne souhaitons pas discuter de dispositions fiscales. J’en suis désolé, mon cher collègue, mais votre amendement, qui vise à modifier le taux du FIP Corse, étant de nature purement fiscale, je vais en demander le retrait.

Cela étant, j’ai bien entendu vos propos sur le différentiel entre le FIP Corse et les FIP de la métropole et votre souhait de maintenir dispositif. À ma connaissance – M. le ministre me démentira peut-être –, cependant, le taux bonifié n’est jamais entré en vigueur, la Commission européenne ne s’étant pas prononcée sur le dispositif dit « Madelin », qui est toujours en attente de validation. J’ignore d’ailleurs quel sera l’impact du prélèvement à la source sur ce dispositif. En tous les cas, le Gouvernement attendra le feu vert de la Commission européenne. Le taux de réduction d’impôt est donc toujours de 18 %, et non de 38 %, contrairement à ce que vous indiquez.

La loi de finances de 2018 a certes porté le taux à 25 %, mais celui-ci n’est pas entré en vigueur, dans l’attente de la validation par la Commission européenne.

Même si je ne méconnais pas l’intérêt du sujet, je vous demande donc, je le répète, pour ces deux raisons, de retirer votre amendement. Nous sommes globalement tous d’accord, sur toutes les travées, pour ne procéder dans le projet de loi de finances rectificative, conformément à sa vocation initiale, qu’à des ajustements budgétaires. Nous ne voulons pas de discussions fiscales. Nous en aurons dans quelques jours, dès jeudi prochain, lorsque nous examinerons le projet de loi de finances pour 2019, au sein duquel cet amendement aura toute sa place. Je serai heureux à ce moment-là de l’examiner.

La commission demande donc le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre de laction et des comptes publics. Monsieur le sénateur, si votre amendement, qui vise l’île de Beauté, est intéressant, il n’a pas sa place dans le projet de loi de finances rectificative, qui n’est pas de nature fiscale. Je le répète, nous essayons de conserver son caractère budgétaire à ce texte. Votre amendement pourra en revanche être discuté prochainement dans le cadre du projet de loi de finances.

Par ailleurs, pour répondre à l’interpellation de M. le rapporteur général concernant le dispositif Madelin, je confirme que jamais un gouvernement, à commencer par celui qui l’a créé, ne l’a notifié à la Commission européenne. L’année dernière, lorsque le Gouvernement a changé et amélioré le dispositif, il a donc fallu le lui notifier. Pour l’instant, nous n’avons pas de réponse de la Commission européenne, mais je sais que les choses doivent se concrétiser dans les prochaines semaines. Bruno Le Maire fait ce travail très important avec la Commission.

La mesure prise par le Gouvernement n’est donc effectivement pas entrée en vigueur, pour la raison que vous évoquez très justement, monsieur le rapporteur général.

Mme la présidente. Monsieur Panunzi, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Panunzi. Je présenterai de nouveau cet amendement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. En attendant, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 1 rectifié
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Article 3

Article 2

Pour l’année 2018, par dérogation au d du 1° du I de l’article 5 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, le montant de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques prévue à l’article 265 du code des douanes affecté au compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » est de 6 588 671 056 euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l’article.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, de deux choses l’une : ou bien les sommes consacrées à la transition énergétique procèdent de l’affichage parce que l’écologie est dans l’air du temps, ou bien, comme nous le pensons, la fiscalité à vocation écologique permet, sans difficulté majeure, de créer l’un de ces chapitres réservoirs dont notre droit fiscal est affublé.

Prenons l’histoire récente du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », dont il est question à cet article 2.

En 2016, avec un périmètre de recettes et de dépenses moins ambitieux qu’aujourd’hui, ce compte d’affectation spéciale, ou CAS, a fait l’objet d’une rectification à la baisse de 361,6 millions d’euros. En 2017, alors que la loi de finances initiale avait inscrit près de 40 % des recettes de la TICPE dans le périmètre des ressources du compte, la correction a atteint 862,3 millions d’euros en net, une partie de la réduction ayant finalement été mobilisée par EDF pour payer l’effacement des factures de certaines entreprises. En 2018, la correction atteindra 577,6 millions d’euros.

Au total, sur trois exercices, c’est donc près de 1,8 milliard d’euros qui sera revenu dans le budget général, dégradant ainsi le solde des comptes spéciaux, pour améliorer le solde budgétaire.

Si la fiscalité écologique dédiée se révèle surdimensionnée au regard des besoins, il faut la réduire. En tout cas, il faut cesser d’en faire une simple variable d’ajustement.

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Claude Raynal.

M. Claude Raynal. Il s’agit très clairement d’un amendement d’appel. Nous avons parfaitement conscience de l’inutilité de la constitution d’un surplus budgétaire au sein d’un compte d’affectation spéciale.

L’article 2 prévoit un ajustement de la part de TICPE affectée au CAS « Transition énergétique » en 2018 et la réaffectation d’une fraction de fiscalité écologique au budget général de l’État. Le montant de TICPE affecté à ce CAS serait ainsi de 6,588 milliards d’euros, alors que la loi de finances initiale prévoyait 7,166 milliards d’euros.

Le Gouvernement justifie cette affectation de recettes par une décision de la Commission de régulation de l’énergie de juillet dernier, qui estime que les compensations de charges au titre de 2018 seront inférieures de 600 millions d’euros à ce qui était prévu.

Sur le fond, nous estimons, compte tenu de l’urgence du défi écologique, qu’il est nécessaire que les recettes de la fiscalité écologique soient redirigées autant que possible vers des actions en faveur de l’environnement. Au lieu de réaffecter ce demi-milliard d’euros – ce n’est pas une petite somme ! – au budget général, n’aurait-il pas fallu accroître les politiques publiques en faveur de la transition écologique ?

Il va nous être rétorqué que si l’argent du CAS n’a pas été dépensé, c’est que la demande était insuffisante. Dont acte.

Pour notre part, nous ne pensons pas que cette analyse soit suffisante. Quand on examine le CAS, on trouve assez rapidement quelques pistes d’action qui permettraient, sans être exagérément dispendieux, de porter une politique en adéquation avec les enjeux et les attentes. Il serait ainsi possible d’accroître les aides aux injections de biométhane dans les réseaux de transport et de distribution de gaz naturel, ou encore de renforcer les incitations à la production d’énergies renouvelables, notamment par les particuliers.

Nous pensons que l’aide à ces secteurs économiques fondamentaux pour mettre en œuvre la transition énergétique pourrait passer – pourquoi pas ? – par un élargissement des critères de prise en charge financière, afin de soutenir les entrepreneurs dans leur démarche novatrice. C’est à l’État qu’il appartient parfois de prendre des risques en matière d’innovation. Pour tout vous dire, mes chers collègues, je préfère un État qui aide des entreprises audacieuses à un État qui consolide des rentes de situation dans des secteurs qui n’en ont nullement besoin, comme c’est quelquefois le cas…

Cet amendement d’appel vise donc à solliciter le Gouvernement. En réalité, nous souhaitons connaître votre position et vos propositions en la matière, monsieur le ministre, avant, évidemment, de retirer cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission comprend, bien évidemment, l’intention de Claude Raynal, qui a d’ailleurs très justement indiqué qu’il s’agit d’un amendement d’appel.

Très concrètement, la Commission de régulation de l’énergie a considéré dès le mois de juillet dernier qu’elle avait plus de recettes que de besoins. On peut évidemment considérer que cet argent supplémentaire – 600 millions d’euros – pourrait être affecté à la transition énergétique. Le Gouvernement aurait pu décider, ayant connaissance de ce surcroît de recettes de TICPE, d’abonder par exemple le crédit d’impôt pour la transition énergétique ou de consacrer plus de moyens à la transition énergétique.

En abondant le CAS « Transition énergétique », on aurait finalement trop de moyens, la vocation principale du CAS étant le soutien aux énergies renouvelables, qu’il s’agisse de l’électricité éolienne ou hydraulique. Cela aurait évidemment peu de sens de surdoter ce CAS.

On aurait pu faire autre chose et augmenter par exemple les crédits d’une mission, mais l’article 40 de la Constitution nous interdit de le faire. Pour ma part, je regrette que les quelque 600 millions d’euros de recettes supplémentaires issues de la TICPE ne soient pas affectés à une véritable politique de transition énergétique. Pour les raisons que j’ai évoquées, abonder le CAS n’aurait pas beaucoup de sens.

Je demande donc, je le répète, le retrait de cet amendement d’appel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. M. Raynal ayant lui-même indiqué qu’il s’agissait d’un amendement d’appel, j’imagine qu’il le retira à la fin de notre discussion. Cela étant, je lui réponds volontiers.

Monsieur le sénateur, permettez-moi de corriger ce que vous avez dit sur les difficultés, lesquelles dépendraient des prix, ces derniers étant moins élevés que d’habitude. Non. Je pense, comme l’a dit M. le rapporteur général, que nous n’avons aucun intérêt à garder cet argent au sein du CAS. Surtout, l’État n’aurait aucun intérêt à payer des frais financiers et à surpayer des opérateurs, compte tenu des prix de l’énergie et de la façon dont la Commission de régulation de l’énergie organise les choses, au vu notamment des conditions climatiques, mais pas simplement.

Permettez-moi ensuite de revenir sur certains arguments évoqués lors de la discussion générale, et que M. le rapporteur général a soulevés lui aussi, à mon grand étonnement.

Si nous affections toutes les recettes tout le temps, pour des raisons de sens, afin de les rendre pédagogiques, nous aurions un véritable problème. Vous rencontrerez ce problème, monsieur le rapporteur général, si, demain, vous revenez aux responsabilités.

Nous aurons sans doute encore ce débat bientôt dans l’hémicycle, plusieurs fois, notamment dans le cadre du projet de loi de finances. Vous dites que l’excédent du CAS « Transition écologique » doit aller à la transition écologique.

Si l’on appliquait ce raisonnement à l’armée, à l’éducation nationale, au paiement des intérêts de la dette, au fonctionnement de nos services publics, alors que la fiscalité dans ces secteurs non marchands permet rarement de dégager des recettes et donc de les affecter, on finirait par ne plus pouvoir payer les biens essentiels de la Nation ! Il y a là une contradiction majeure.

Nous devrions tous, collectivement, ne pas céder à la démagogie consistant à affecter toutes les formes de recettes. Si je comprends pourquoi certains commentateurs, peut-être quelque peu ignorants des questions budgétaires, évoquent cette possibilité, nous ne pouvons pas nous permettre, vous et moi, qui connaissons ces sujets, de dire qu’il faut affecter toute forme de fiscalité. C’est une très mauvaise idée, me semble-t-il, pour des raisons de principe.

Par ailleurs, l’intervention écologique de notre pays ne se résume pas aux crédits de la mission « Écologie ». Il faudrait être sourd et muet pour ne pas s’en rendre compte et ne pas le dire ! J’indique d’ailleurs très gentiment à M. le sénateur, que, sous le quinquennat précédent, sous le ministère de Mme Royal, les crédits budgétaires de l’écologie ont baissé de 6 %. Ils ont en revanche augmenté de 10 % depuis dix-sept mois. Vous aurez en outre constaté qu’ils ont augmenté d’un milliard d’euros cette année.

Vous savez comme moi que de nombreux opérateurs procèdent à des transformations écologiques qui ne relèvent pas du budget de la mission « Écologie », à l’instar notamment de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, et de l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Je rappelle également que nous investissons pour la transition écologique dans les bâtiments de l’État par exemple. La transformation écologique ne se résume évidemment pas à la mission « Écologie ».

Enfin, il y a des externalités, pour employer un mot technique, qui sont très complexes, du fait de la pollution. Songez par exemple au coût pour l’État, pour la sécurité sociale, donc pour les citoyens, des particules fines. Selon l’INSERM – ce n’est pas moi qui le dis –, ce coût était évalué à 3 milliards d’euros en 2015, et sans doute la situation s’est-elle détériorée depuis lors.

De même, nous avons parfois évoqué ici les recettes de la fiscalité sur le tabac et le coût pour la sécurité sociale de la consommation de cigarettes, les fumeurs développant souvent, malheureusement, des cancers.

Comment budgétiser ces coûts ? À la fin des fins, du fait de comportements que nous subissons, que nous avons choisis ou que nous n’avons pas assez accompagnés, il faut plus d’argent public pour la santé.

Je pense par ailleurs, et je le dis au rapporteur général, que les annonces du Premier ministre de la semaine dernière, pour un montant d’environ 500 millions d’euros, n’ont rien de magique ! Il s’agit bien d’une dépense publique ou d’une dépense fiscale supplémentaire. (M. le rapporteur général sexclame.)

Vous aurez du mal, monsieur le rapporteur général, à défendre, d’un côté, le fait de ne pas puiser dans les réserves – je reviendrai sans doute tout à l’heure sur les propos de M le président Cambon et d’autres parlementaires sur le budget des armées –, et, de l’autre, l’affectation de toutes formes de recettes ou de bonnes nouvelles. Cela ne me paraît pas raisonnable. C’est même tout à fait contradictoire.

Nous aurons sans doute un débat sur la fiscalité écologique lors de l’examen du projet de loi de finances. En attendant, je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Raynal, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?

M. Claude Raynal. L’objectif de cet amendement était précisément de vous entendre, monsieur le ministre. J’ai lu régulièrement la presse sur ces questions, et il me semble que vous n’avez pas vraiment été aidé par vos collègues… (Sourires.)

Reconnaissons-le, le Gouvernement a commencé par dire qu’il prélevait une partie de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pour financer la transition énergétique.