M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je le répète, les crédits du FDES ont été augmentés en 2018 en raison d’un dossier exceptionnel, ce qui prouve bien que le Gouvernement sait se montrer réactif. L’année précédente, moins de 1 million d’euros avaient été consommés. En outre, je le répète également, le FDES n’est pas un mécanisme automatique.

Cela étant, je partage le point de vue collectif : nous devons nous battre pour notre industrie.

Quant à Ascoval, je ne peux pas vous laisser dire que l’État est dans une position défensive. L’État porte ce dossier à bout de bras depuis douze mois. Il ne suffit pas d’être dans l’incantatoire, madame la sénatrice, il faut des marchés.

Mme Valérie Létard. C’est l’État qui est dans l’incantatoire !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Ce n’est pas le débat d’aujourd’hui, mais, encore une fois, sur un certain nombre de dossiers, l’État est au rendez-vous. (Exclamations sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Valérie Létard. On sera vite fixé !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Je voudrais rappeler la position de la commission des finances.

L’objet de l’amendement est de transférer 50 millions d’euros destinés au Charles-de-Gaulle Express au FDES. C’est évidemment à budget constant, sinon l’article 40 de la Constitution s’appliquerait.

Si l’État veut compléter les moyens du FDES, nous souhaiterions que le Parlement en soit informé, afin de savoir dans quelle entreprise ces sommes seront investies.

La commission des finances reste défavorable à ce transfert de crédits.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-249 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-294, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l’intitulé du programme : « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l’Iran » :

« Fonds européen d’aide à l’export pour l’Iran »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-294 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion l’article 85, qui est rattaché pour son examen aux crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Prêt et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Compte de concours financiers  : prêts et  avances à des particuliers ou à des organismes privés - État D
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Remboursements et dégrèvements - Engagements financiers de l'État - Compte d'affectation spéciale : participation de la France au désendettement de la Grèce - Compte d'affectation spéciale : participations financières de l'État  - Compte de concours financiers : accords monétaires internationaux - Compte de concours financiers : avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics - Investissements d'avenir

Article 85

I. – Dans la limite de 10 millions d’euros, le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder des remises, totales ou partielles, de créances issues de prêts retracés au sein de la deuxième section du compte de concours financiers intitulé « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », prévu au III de l’article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006. Ces remises ne peuvent bénéficier qu’à des entreprises en procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, en vue d’assurer la poursuite ou la reprise de leur activité et le maintien de leurs emplois.

II. – Les remises de créances mentionnées au I du présent article sont accordées selon des conditions similaires à celles selon lesquelles une remise serait octroyée, dans des conditions normales de marché, par un opérateur économique privé placé dans la même situation.

III. – Les remises de créances mentionnées au I sont accordées par arrêté publié au Journal officiel.

M. le président. L’amendement n° II-83, présenté par M. Lalande et Mme Espagnac, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1, première phrase

Remplacer le montant :

10 millions d’euros

par le montant :

5 millions d’euros

II. – Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La limite mentionnée au premier alinéa du présent I s’applique à l’ensemble des prêts contractés par une entreprise et les entreprises qui lui sont liées au sens du 12 de l’article 39 du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Le FDES permet à l’État d’accorder des prêts à des entreprises confrontées à des difficultés temporaires d’accès au crédit, mais qui sont structurellement viables.

L’objet de cet amendement est de permettre que le Parlement soit informé des abandons de créances.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. L’avis est défavorable, car la capacité à agir rapidement sur ces dossiers est déterminante pour assurer la pérennité d’une entreprise et de son activité en situation de crise.

La mise en place de solutions de redressement repose sur la capacité des différentes parties prenantes, notamment l’État, à se positionner rapidement. C’est pour cette raison que l’article 85 autorise le ministre chargé de l’économie à accorder des remises de créances de prêts contractés auprès du FDES sans avoir à passer par le Parlement. Cela ne veut pas dire que le Parlement n’a pas à être informé. Je partage en effet la préoccupation de vos collègues concernant le renforcement de l’évaluation des politiques publiques.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-83.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 85, modifié.

(Larticle 85 est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Article 85
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Remboursements et dégrèvements - État B

Remboursements et dégrèvements

Engagements financiers de l’État

Compte d’affectation spéciale : Participation de la France au désendettement de la Grèce

Compte d’affectation spéciale : Participations financières de l’État

Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux

Compte de concours financiers : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Investissements d’avenir

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Remboursements et dégrèvements », et « Engagements financiers de l’État » (et article 77), des comptes d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », « Participations financières de l’État », des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », ainsi que de la mission « Investissements d’avenir ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Remboursements et dégrèvements ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du numérique, mes chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l’application des dispositions fiscales prévoyant des dégrèvements d’impôts, des remboursements ou des restitutions de crédits d’impôt. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que les crédits de la présente mission soient évaluatifs. En d’autres termes, ils ne constituent pas un plafond, contrairement à ceux des autres missions budgétaires.

La mission est composée de deux programmes, l’un consacré aux remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, l’autre dédié aux mêmes opérations pour les impôts directs locaux, que je vous présenterai successivement, après avoir dit quelques mots de l’ensemble de la mission.

Pour 2019, 135,7 milliards d’euros de crédits sont demandés au titre de la présente mission. Ce montant est en augmentation de 15 milliards d’euros environ par rapport à la loi de finances pour 2018. Il s’agit là d’un nouveau record pour cette mission. Cette augmentation très importante des crédits s’explique notamment, pour les impôts d’État, par la mise en œuvre du prélèvement à la source pour l’impôt sur le revenu et, pour les impôts locaux, par la deuxième tranche du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des Français et des Françaises.

Au total, en 2019, les remboursements et dégrèvements devraient représenter un tiers environ des recettes fiscales brutes. Cette proportion, qui ne cesse d’augmenter après la parenthèse consécutive de la réforme de la taxe professionnelle en 2010, traduit une politique fiscale qui repose de façon importante et croissante sur des mécanismes de réduction fiscale, lesquels grèvent en contrepartie les dépenses budgétaires et entravent les possibilités d’action de l’État.

Le montant très important que représentent les remboursements et dégrèvements rendrait nécessaire une revue régulière et détaillée de leur pertinence.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Engagements financiers de lÉtat ». Absolument !

M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État sont évalués à 115,8 milliards d’euros pour 2019. Ce montant est, lui aussi, en augmentation, de 7 milliards d’euros par rapport à l’année dernière, dans le prolongement de la hausse quasi ininterrompue de ces remboursements et dégrèvements depuis 2010.

Un paramètre permet d’expliquer cette augmentation pour 2019 : l’entrée en vigueur du prélèvement à la source à compter du 1er janvier 2019. Le projet de loi de finances évalue les conséquences du prélèvement à la source à 11 milliards d’euros supplémentaires de remboursements et dégrèvements, en raison de l’acompte portant sur les crédits et réductions d’impôt de l’année précédente, qui sera versé en janvier 2019, et des restitutions d’excédents de crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement.

Chers collègues, vous connaissez mon opinion au sujet du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. En effet !

M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Sans surprise, le CICE continue également de peser sur les remboursements et dégrèvements. Son coût prévu pour 2019 est proche de celui de l’année dernière. L’ensemble de l’effet budgétaire atteint quasiment 20 milliards d’euros en 2019. À partir de 2020, on pourra constater une diminution des remboursements et dégrèvements liés à ce dispositif, puisqu’il sera transformé en réduction de cotisations sociales employeurs l’année prochaine. Double bénéfice ou double peine ? Chacun donnera son opinion au cours de la discussion…

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Double peine, à coup sûr !

M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Les données que j’ai obtenues quant à la répartition des bénéficiaires du CICE montrent que ce sont les petites et moyennes entreprises qui ont bénéficié le plus de ce dispositif, non seulement en volume, mais également si l’on rapporte les montants au nombre d’emplois salariés que représentent ces PME.

Quant aux secteurs d’activité, ce sont les industries manufacturières, le commerce – il s’agit de grandes enseignes comme Auchan ou Carrefour, pour ne pas les citer (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) – et la construction qui bénéficient le plus du CICE. Ce constat n’enlève rien aux doutes qu’inspire l’efficience de ce dispositif pour l’emploi, comme pour l’investissement ; j’observe que, sur ce sujet, un amendement sérieux a été déposé.

J’en viens à la partie relative aux impôts locaux.

Le montant des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux atteint le niveau record de 20 milliards d’euros, notamment du fait de la deuxième tranche du dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des Françaises et des Français. Il continuera à croître en 2020, lorsque sera mise en œuvre la troisième tranche du dégrèvement.

Ainsi, dix ans à peine après la réforme de la taxe professionnelle, l’État redevient le premier contribuable local, dans la mesure où, en 2020, il prendrait en charge 22 % de la fiscalité économique et 37 % de la fiscalité « ménages », en attendant la future réforme de la fiscalité locale.

Chers collègues, je souhaite – et j’espère ne pas être seul – que cette réforme se traduise par plus de justice et plus d’efficacité.

Précisément, je souhaite profiter de l’examen de la présente mission pour évoquer l’avenir de la taxe d’habitation, qui devrait être supprimée d’ici à 2021, d’après le Premier ministre, et dont nous devrions débattre début 2019.

Nous connaissons bien les limites de cette imposition, qui pèse parfois davantage sur les ménages modestes que sur les ménages aisés, sans qu’il soit possible de justifier de manière satisfaisante les écarts au sein d’une même commune. Cependant, je regrette que le Gouvernement choisisse de supprimer cette imposition plutôt que de la réformer pour qu’elle fonctionne de façon satisfaisante et juste.

La taxe d’habitation représente un tiers des recettes fiscales du bloc local et plus de 20 % de ses recettes totales. Sa suppression déstabilisera les collectivités territoriales concernées en leur retirant un levier essentiel de leur action. In fine, c’est l’investissement local qui pourrait en pâtir, alors même qu’il représente 56 % de l’investissement public total et qu’il constitue un levier important pour la croissance.

M. le président. Merci de conclure, monsieur le rapporteur spécial !

M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Je conclus, monsieur le président.

Pour ma part, je souhaite le maintien de la taxe d’habitation, associée à une mise en œuvre rapide de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation, qui résoudrait à mon avis une grande partie des difficultés posées par cette taxe.

Compte tenu des éléments que je viens de rappeler et des amendements dont j’ai pu prendre connaissance, nous serons sans doute également appelés à débattre de l’aide et de l’accompagnement aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Engagements financiers de lÉtat ». Le déficit annihile notre liberté, disait Jean Arthuis.

Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous dire que je suis extrêmement contente de vous voir au banc du Gouvernement. En effet, vous êtes chargé du numérique, et vous avez en poche ce nombre magnifique, quarante-deux, qui, d’après Le Guide du voyageur galactique de Douglas Adams, a une valeur universelle. Or, 42,2 milliards d’euros, c’est la charge d’intérêts de la dette de l’État inscrite dans la mission dont je suis rapporteur spécial. Nous étions donc faits pour nous rencontrer, même si ce n’est pas vous que nous attendions particulièrement pour examiner les budgets de cet après-midi ! (Sourires.)

Mme Françoise Laborde. Voilà qui est dit !

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Mes chers collègues, nous débattons du troisième budget de l’État.

Le montant global de la dette publique de l’ensemble des administrations publiques a temporairement dépassé le seuil symbolique des 100 % du PIB – ce chiffre est tout de même assez frappant… La dette publique était à peine au-dessus du seuil des 60 points de PIB en 2007. Elle a augmenté de 40 points en dix ans ! En 2006, nous étions dans la même situation d’endettement que l’Allemagne. Aujourd’hui, 40 points de PIB nous séparent d’elle : la dette allemande représente moins de 60 % de son PIB, et son budget est en excédent. Vous voyez que nous sommes dans une position extrêmement difficile.

Notre situation budgétaire est exposée à trois risques majeurs.

Le premier, c’est la remontée des taux. Plus qu’un risque, c’est une certitude. C’est comme pour le fût du canon : on ne sait pas combien de temps ça va prendre, mais ça va arriver… Certes, à force de crier au loup, plus personne n’y croit, mais, d’après l’Agence France Trésor, une hausse de 1 point de taux d’intérêt, toutes choses égales par ailleurs, aurait un coût cumulé de 35 milliards d’euros après cinq ans, un chiffre à rapprocher des 40 milliards d’euros de la mission !

Le deuxième risque, ce sont les engagements hors bilan, par exemple, la reprise de la dette de la SNCF.

À l’heure actuelle, la dette de SNCF Réseau reste assumée par l’opérateur ferroviaire, mais, dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, le Gouvernement s’est engagé à procéder à « une reprise par l’État de 35 milliards d’euros », ce qui n’est pas rien ! Cette reprise permettrait à SNCF Réseau de ne plus avoir à s’acquitter du service de sa dette. En d’autres termes, le gestionnaire d’infrastructure pourrait devenir, dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, une société anonyme à capitaux publics disposant de comptes assainis sur le dos du contribuable. C’est une méthode qui en vaut une autre…

De plus, il convient d’être vigilant quant au calendrier et aux modalités de transfert de la gestion de la dette de la SNCF à l’État, prévu en 2020.

En tant que rapporteur spécial, je tiens à appeler l’attention sur ce point : au-delà de la SNCF, il faudra être prudent pour ce qui concerne EDF, qui pourrait bien connaître le même genre de mésaventures…

En outre, les auditions l’ont montré, il faudra faire très attention à la requalification de certaines dettes d’opérateurs de l’État en dettes publiques. Les pouvoirs publics peuvent être appelés à revoir les structures de gouvernance de ces opérateurs pour y diminuer la présence des représentants de l’État ou du Parlement.

Les engagements hors bilan reflètent donc des niveaux de risque très divers et leur contrôle par le Parlement est variable, tendance faible…

Le troisième risque, c’est celui de la notation. À ce titre, nos auditions se sont révélées plutôt rassurantes. La France a la confiance des marchés. Cette crédibilité reste un enjeu de la réforme de l’État, mais nos ambitions doivent être à la hauteur de l’enjeu. Or j’appelle votre attention sur un point qui me semble essentiel : les agences de notation sont extrêmement inquiètes au sujet des élections européennes. Le prochain scrutin pourrait conduire au Parlement européen une majorité populiste eurosceptique, susceptible d’avoir une incidence sur nos politiques.

Mme Cécile Cukierman. Exactement ! Et avec ce que fait le Gouvernement…

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. Le cercle vicieux du déficit et de la dette, qui s’alimentent l’un l’autre, a deux conséquences : une injustice intergénérationnelle et un effet d’éviction aux dépens des dépenses budgétaires les plus productives.

Le niveau de la dette est un problème évident pour la France, mais c’est aussi un problème pour l’Europe. Or je ne vois pas très bien comment nous arriverons à résorber cette dette, qui est si élevée, tout en faisant face aux enjeux. La situation devient tout à fait anxiogène.

Nous avons cherché des solutions, sans beaucoup d’espoir, dans la mutualisation des emprunts européens, en nous inspirant notamment des rachats de dettes déjà pratiqués en matière de défense.

Pour ma part, j’ai une petite recette. Elle vaut ce qu’elle vaut, mais je sais que mes amis du groupe communiste républicain citoyen et écologiste l’approuvent : c’est la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances et du ministre de laction et des comptes publics, chargé du numérique. C’est ce que nous faisons !

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. À mon sens, nous n’aurons pas d’autre solution que de procéder ainsi. Quand les fonds sont dehors, par définition, ils ne sont pas dedans ! On ne peut pas raboter indéfiniment des budgets dont on a besoin en laissant tant d’argent à l’extérieur du pays.

Mes chers collègues, j’arrive déjà à épuisement de mes cinq minutes de temps de parole. J’en suis absolument navrée, mais je vous renvoie à l’excellent rapport écrit que j’ai composé grâce à nos excellents administrateurs. Mais je n’oublie pas de vous dire, dans les quinze secondes qu’il me reste, que la commission des finances vous propose l’adoption des crédits de la mission et des comptes spéciaux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de lÉtat ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, l’exercice auquel nous nous prêtons en ce début d’après-midi est pour le moins étrange. En effet, la présentation du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » s’opère de façon conventionnelle, avec un montant artificiel de crédits. Les impératifs de la LOLF sont aménagés afin de préserver la confidentialité des opérations de cession envisagées au cours de l’année suivante.

Cette année, le montant conventionnel de crédits est multiplié par deux. Ce choix artificiel est censé tenir compte des cessions envisagées par le Gouvernement et faisant l’objet de dispositions législatives dans le projet de loi dit « PACTE », que nous allons prochainement examiner.

Mes chers collègues, vous connaissez sans doute à grands traits le projet du Gouvernement. Il s’agit de céder 10 milliards d’euros de participations afin d’abonder un fonds pour l’innovation dite « de rupture », dont seuls les intérêts seront affectés à l’innovation. La dotation du fonds est donc non consomptible.

Ce projet initial a été précisé dans le courant de l’année. Créé en janvier dernier, le fonds est placé auprès de l’EPIC Bpifrance. Il a reçu une dotation transitoire dans l’attente des cessions effectives d’Aéroports de Paris et de la Française des jeux, soit 1,6 milliard d’euros en numéraire, et des titres de l’État dans Thales et EDF. Ces titres n’ayant pas vocation à être cédés, ils sont confiés au fonds à titre temporaire, afin d’assurer dès cette année le soutien à l’innovation de 250 millions d’euros.

Surtout, en août dernier, les modalités de placement de la dotation en numéraire du fonds ont été précisées. En pratique, les 10 milliards d’euros seront placés sur un compte ouvert auprès du Trésor, portant des intérêts annuels de 2,5 %. Compte tenu de ce taux, particulièrement avantageux dans le contexte actuel de taux faibles, je serais tenté de féliciter le Gouvernement pour ce rendement. La réalité est malheureusement plus sombre : le rendement annuel du fonds de 250 millions d’euros sera retracé dans le budget général de l’État au titre du service de la dette. J’y vois tout simplement un tour de passe-passe. En effet, la dotation du fonds pour l’innovation viendra s’inscrire en déduction de la dette maastrichtienne. Par cet artifice, le Gouvernement affiche une réduction artificielle de l’endettement public. Le mécanisme du Gouvernement permet, en réalité, de contenir de 20 % le dérapage de l’endettement de l’État.

Compte tenu de ce mécanisme, la commission des finances a adopté un amendement visant à réduire la contribution au désendettement assurée par le compte, dont le montant est doublé par rapport à l’an dernier. Il ne faudrait pas que l’État préempte les recettes des privatisations en empêchant le Parlement de donner son avis.

Récapitulons les conséquences pour le budget général de cette opération : les dividendes tirés d’ADP et de la FDJ seront perdus, pour un montant moyen de 200 millions d’euros par an, tandis que les intérêts dus au titre de la dotation du fonds pour l’innovation s’élèveront à 250 millions d’euros par an. Or le Parlement ne sera nullement associé aux modalités du soutien à l’innovation qui sera apporté par le fonds.

Mes chers collègues, relevez que, jusqu’à présent, je n’ai pas abordé la pertinence de ces cessions d’entreprises. Ces débats auront lieu lors de l’examen du projet de loi PACTE, et ils seront nourris, j’en suis certain. J’appelle simplement votre attention sur la manœuvre du Gouvernement, sur les risques qu’elle fait courir aux intérêts patrimoniaux de l’État, donc à ceux de nos enfants, que le Gouvernement affirme pourtant privilégier par ce tour de bonneteau.

D’autres solutions existent ; j’en citerai deux.

La première nous est livrée par le Gouvernement lui-même : la dotation transitoire actuelle pourrait être prolongée, dans l’attente des retours des investissements consentis dans le cadre des PIA. Ces derniers sont estimés à près de 3 milliards d’euros d’ici à 2022, puis à 8 milliards d’euros d’ici à dix ans. C’est précisément le montant nécessaire pour compléter la dotation du fonds.

La seconde consiste en une évolution du statut de l’Agence des participations de l’État. Actuellement, il s’agit sans doute du seul gestionnaire de participations qui ne bénéficie pas du produit des actifs qu’il gère. Si cette agence était dotée de la personnalité morale, elle pourrait percevoir ces dividendes. Elle serait liée à l’État par un contrat pluriannuel déterminant le montant du dividende annuel qu’elle serait tenue de lui verser.

Cette évolution apporterait une solution aux deux difficultés principales actuellement constatées : d’une part, l’instabilité du montant annuel des dividendes perçus par l’État serait lissée ; d’autre part, l’information du Parlement ainsi que ses pouvoirs de contrôle seraient améliorés. L’équation insoluble entre l’information du Parlement et la confidentialité des opérations de l’État actionnaire, que le Gouvernement invoque pour justifier la mise à l’écart des deux assemblées, serait résolue.

Sous réserve de l’adoption de l’amendement que je vous présenterai et des observations que j’ai formulées, je vous recommanderai d’adopter, quoique dans la douleur, les crédits du compte spécial pour 2019.