M. le président. La parole est à Mme la rapporteur spécial.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mission « Investissements davenir ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, créée par la loi de finances pour 2017, la mission « Investissements d’avenir » couvre uniquement les autorisations d’engagement et les crédits de paiement du troisième programme d’investissements d’avenir, ou PIA 3. Les PIA 1 et 2, d’un montant total de 47 milliards d’euros, font, eux, l’objet d’un suivi dans le cadre d’un jaune budgétaire.

La loi de finances pour 2018 a inclus le PIA 3 dans le Grand Plan d’investissement et a doté la mission de ces premiers crédits de paiement à hauteur de 1,08 milliard d’euros. Le projet de loi de finances pour 2019 fait évoluer la maquette budgétaire en dotant la mission d’indicateurs de performance plus lisibles. Ces modifications, qui participent d’une meilleure information du Parlement, sont les bienvenues. Elles sont perfectibles : l’indicateur de performance des dispositifs de valorisation de la recherche pourrait inclure l’évolution du nombre de concessions de licences et de créations de start-up.

En 2019, 1,05 milliard d’euros de crédits de paiement seulement sont inscrits. Ainsi, les crédits de paiement ouverts ne représentent que 21 % des 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement de la mission. L’effort budgétaire est repoussé vers la fin du quinquennat. Il est d’autant plus repoussé que les premiers crédits de paiement ouverts sont surtout ceux qui n’ont pas d’impact sur le déficit maastrichtien.

Si la maquette n’évolue pas, certaines actions sont réorientées pour tenir compte du changement de politique depuis 2017, notamment dans le domaine de l’éducation.

Cette mission étant jeune, nous pouvons encore l’aider à bien grandir. Sans prétention aucune, voici quelques pistes d’amélioration ou de vigilance.

Tout d’abord, le décaissement des crédits de paiement sur plusieurs années induit des difficultés de gestion : premièrement, un stop and go dans le soutien à certains projets, qui provoque un décalage avec le rythme de vie des entreprises ; deuxièmement, une frilosité – les opérateurs attendent que les crédits de paiement soient disponibles pour finaliser les cahiers des charges ou commencent à financer les actions avec des aides d’un montant faible ; troisièmement, un pilotage des projets par les opérateurs, non seulement par engagements, mais aussi par les décaissements, ce qui peut se traduire par une négociation projet par projet des priorités de paiements, avec, en conséquence, une hausse des coûts de traitement administratifs.

Ensuite, la faible part des subventions et des avances remboursables, à savoir 40 % des autorisations d’engagement de la mission, minore la pertinence de l’outil PIA pour les filières en cours de structuration. Ainsi, l’appel à manifestation d’intérêts lancé en mars 2018 pour l’action Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques n’a reçu aucune candidature. L’absence de crédits d’ingénierie pourrait expliquer cette inefficacité, les universités ou les écoles ne disposant pas, en interne, des compétences nécessaires à la constitution d’un dossier ou à la recherche d’investisseurs privés, qui doivent établir un socle minimum de financement du projet.

De surcroît, l’articulation du PIA 3 avec le fonds pour l’innovation et l’industrie reste floue. Les 250 millions d’euros de dividendes annuels doivent se répartir entre 70 millions d’euros fléchés vers les start-up spécialisées dans les innovations de rupture et 150 millions d’euros destinés au financement des « grands défis de rupture ». Je précise que deux grands défis seraient déjà identifiés dans le domaine de l’intelligence artificielle. Dans le même temps, le projet annuel de performance du PIA 3 indique que l’action Programmes prioritaires de recherche devrait contribuer au financement du programme national pour l’intelligence artificielle, annoncé par le Président de la République le 29 mars 2018.

Enfin, on observe un recours aux fonds du PIA pour financer les nouvelles politiques ou la relance industrielle territoriale. Ainsi, l’action Programmes prioritaires de recherche devrait contribuer au financement du programme de recherche consacré aux solutions alternatives aux produits phytosanitaires et à un programme de recherche dans le domaine du sport, dans la perspective des jeux Olympiques de Paris en 2024. Quant à l’action Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition, elle devrait participer au financement de la reconversion économique du site nucléaire de Fessenheim.

Le retard pris dans la publication de l’appel à projets sur le volet « territoires d’innovation de grande ambition » de la même action s’explique par la volonté du Gouvernement de recentrer l’action sur les « territoires d’industrie », dont le zonage doit être articulé à la carte des 222 villes du plan « Action cœur de ville ».

Avant de céder la parole, je ne peux manquer d’évoquer la question de la rénovation du Grand Palais.

D’après les informations communiquées, l’action Grands défis du programme 423 bénéficierait avant 2021 d’un redéploiement de 200 millions d’euros de subventions pour contribuer au financement de la rénovation de ce monument parisien. Le plan de financement de la rénovation présenté par nos deux rapporteurs spéciaux du budget de la culture confirme cette hypothèse. À mon sens, on ne peut que regretter un tel détournement de l’esprit du PIA.

Mes chers collègues, même si nous sommes loin de l’esprit du rapport remis par Jean Pisani-Ferry en septembre 2017, je vous recommande d’adopter les crédits de la mission. Nous nous retrouverons l’année prochaine, pour voir si la situation a évolué dans un sens meilleur. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.

Mme Anne Chain-Larché, en remplacement de M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le compte daffectation spéciale « Participations financières de lÉtat ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur le rapport de notre collègue Alain Chatillon, empêché, la commission des affaires économiques a regretté une nouvelle fois la présentation « conventionnelle » des recettes et des dépenses du compte, même si elle prend en considération pour 2019 des opérations de cession conditionnées à l’adoption du projet de loi PACTE, à savoir les cessions de titres d’Aéroports de Paris et de la Française des jeux.

De plus, l’allocation du produit de ces cessions suscite des interrogations, avec, au premier chef, l’abondement du fonds pour l’innovation et l’industrie.

D’une part, sur le principe, on peine toujours à comprendre l’intérêt financier de cette opération : il s’agit de céder des titres dont le rendement est de 3,5 % par an pour les placer à un taux inférieur à 2,5 %. Il serait plus judicieux financièrement, et plus simple en pratique, d’affecter directement une partie des dividendes dégagés par le portefeuille de l’État au financement de l’innovation. La constitution provisoire du fonds depuis janvier 2018, par apport de titres d’EDF et de Thales, a d’ailleurs montré que le portefeuille de l’État était parfaitement à même d’assurer un rendement semblable.

D’autre part, cette cession risque de réduire les capacités futures d’intervention de l’État. En effet, c’est le portefeuille de ses participations qui lui a donné les moyens destinés à restructurer la filière nucléaire française en 2016 ou à recapitaliser des entreprises stratégiques, comme PSA en 2014. L’État doit donc conserver des marges de manœuvre et éviter de vendre les bijoux de famille.

Plus généralement, la commission souhaite appeler l’attention du Sénat sur le déficit d’information du Parlement, quant à la gestion par l’État de ses participations dans les entreprises. Tout d’abord, un fort décalage ne peut être exclu entre les prévisions conventionnelles affichées par le CAS et la réalité de l’exécution du compte. Ensuite, le Parlement n’est pas mis en mesure de participer effectivement à la définition de la stratégie de l’État actionnaire. Nous le déplorons.

Il faut donc trouver les moyens d’associer en amont le Parlement aux décisions. Il faut que le Gouvernement informe et consulte périodiquement les commissions permanentes compétentes du Sénat et de l’Assemblée nationale, au sujet de la stratégie de cession ou d’acquisition d’actifs qu’elle entend mener, dans le respect de la confidentialité qui s’attache aux informations relatives aux décisions de cession ou d’achat d’actifs. On peut penser à des échanges en commission restreinte ou à huis clos, le cas échéant, avec un engagement à respecter le caractère confidentiel des données transmises. Le projet de loi PACTE fournira le support législatif idoine.

Compte tenu du manque structurel d’information lié à la présentation du compte, et comme les années précédentes, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est en m’efforçant d’observer une certaine concision que je vais aborder les trois missions « Remboursements et dégrèvements », « Engagements financiers de l’État » et « Investissements d’avenir », ainsi que les comptes d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et « Participation de la France au désendettement de la Grèce », dont le contenu est pour l’essentiel la conséquence de la politique menée au cours des dernières années, voire des dernières décennies.

Ces missions ne suscitent pas de critiques majeures de la part des élus du RDSE. Nous approuverons donc les crédits dont il s’agit, à moins qu’ils ne soient profondément modifiés par certains amendements. Ils méritent toutefois quelques remarques et suscitent un certain nombre d’interrogations.

Les engagements financiers de l’État relèvent essentiellement de la charge de la dette, qui représente la quasi-totalité des crédits. Elle est relativement stable depuis plusieurs années, à un peu plus de 42 milliards d’euros, soit une légère hausse de 1,02 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Cette stabilisation a pour origine des taux d’intérêt extrêmement bas, qui ont néanmoins commencé à légèrement remonter cette année.

L’encours de la dette continue d’augmenter. Il devrait atteindre 98,7 % du PIB en 2019, alors que la majorité des États de la zone euro connaissent désormais une trajectoire inverse, à la baisse.

Le besoin de financement progresse également en raison de cette majoration et de l’arrivée à échéance de certains titres émis lors de la crise financière de 2008-2009. Cette situation fait peser sur nos finances publiques des risques, dont le plus important est la remontée des taux d’intérêt, qui commence à se matérialiser. Il est donc nécessaire de poursuivre et d’accentuer les efforts pour engager un réel désendettement, et non plus seulement une contribution au remboursement de la dette, comme c’est le cas aujourd’hui.

La mission « Investissements d’avenir », qui trouve ses origines dans les travaux d’une commission présidée, il y a une décennie, par Alain Juppé et Michel Rocard, illustre la volonté des gouvernements successifs de soutenir de manière dynamique et sélective les actions porteuses d’avenir pour notre économie. Elle souligne en même temps la difficulté de mettre en œuvre rapidement les mesures d’incitation ou d’accompagnement choisies dans différents programmes.

Les trois programmes d’investissements d’avenir ont été réunis l’an dernier au sein d’un Grand Plan d’investissement de 57 milliards d’euros. Celui-ci se traduit dans le projet de loi de finances pour 2019 par l’inscription de 1,05 milliard d’euros en crédits de paiements. Ce montant est relativement modeste et ne paraît pas être à la hauteur de l’ambition affichée de doter notre pays d’une économie performante. On ne peut pas réduire une logique de projet à une stricte logique budgétaire, même si, en agissant ainsi, le Gouvernement est dans son rôle.

La mission « Remboursements et dégrèvements », qui recouvre 115,8 milliards d’euros de crédits en 2019, est en hausse de 7 milliards d’euros par rapport à 2018, soit une hausse un peu moins forte que l’an dernier, mais tout de même importante, qui résulte, notamment, de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, du poids persistant du CICE, ainsi que de la censure par le Conseil constitutionnel du mode de calcul de la CVAE.

Lors de sa création, le CICE a été fortement critiqué, voire caricaturé, à droite et à gauche, pour des raisons différentes. En janvier 2019, il va laisser place à un dispositif de baisse des charges sociales. On passera ainsi d’une mesure au caractère conjoncturel et fragile à un statut structurel et permanent offrant au monde économique une meilleure visibilité, ce qui ne sera toutefois pas sans conséquence sur le solde public.

Enfin, j’évoquerai les comptes d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et « Participation au désendettement de la Grèce ».

Le premier est le support budgétaire de l’État actionnaire. Sa particularité est de présenter une programmation conventionnellement à l’équilibre afin de préserver la confidentialité des opérations de cession ou d’acquisition à venir. À ce titre, la vraie question est la suivante : quelle ligne directrice en matière de participation de l’État au capital de certaines grandes entreprises le Gouvernement souhaite-t-il choisir ? S’impliquera-t-il, ou non, dans les filières stratégiques ? Les débats à venir dans le cadre du projet de loi PACTE permettront, je l’espère, d’apporter des réponses plus limpides.

Le compte d’affectation spéciale « Participation au désendettement de la Grèce » est légèrement déficitaire. Il traduit pourtant l’engagement de notre pays envers cet important partenaire européen.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est intéressant que nous examinions conjointement les crédits des missions « Engagements financiers de l’État » et « Investissements d’avenir ». Le montant des crédits dédiés à la charge de la dette représente le poids du passé, qui obère nos politiques publiques aujourd’hui et pèsera, demain, sur les épaules de nos enfants. À l’inverse, les investissements d’avenir constituent un effort salutaire, mais bien modeste en comparaison, pour préparer le futur de notre économie et de notre société.

Je commencerai par évoquer le poids du passé : la dette.

Le programme 117 de la mission « Engagements financiers de l’État », qui représente la quasi-totalité des crédits de la mission, contient la charge d’intérêts de notre dette souveraine. Celle-ci atteint dans le projet de loi de finances pour 2019 un montant de 42,47 milliards d’euros, en croissance de 1,7 % par rapport à 2018. C’est six fois le budget de la justice ou encore 10 milliards d’euros de plus que le budget de la défense. On mesure ainsi le gaspillage de ressources auquel nous consentons chaque année.

Malgré les efforts du Gouvernement, la dette française continue donc de s’accroître inexorablement, alimentée par des déficits qui ne se résorbent que trop lentement.

Nous l’avons rappelé lors de la discussion générale, la réforme de l’État menée par le Gouvernement, notamment dans le cadre du Comité Action publique 2022, va dans le bon sens. Elle reste néanmoins très insuffisante pour réduire vigoureusement la dépense publique et combler notre retard sur d’autres pays européens, en particulier sur l’Allemagne. Notre trajectoire de désendettement, par exemple, est nettement en deçà de celle de nos voisins : à la fin de cette année, notre dette publique représentera 98,7 % du produit intérieur brut, contre 64 % pour l’Allemagne, soit un écart de 34 points de PIB, qui atteindra, selon les estimations de notre commission des finances, 39 points en 2022, l’Allemagne approchant alors les 50 % d’endettement.

Ce différentiel d’endettement avec l’Allemagne en 2022 sera sans précédent dans l’histoire récente de l’Europe. Il augure une perte d’influence durable de la France face à des partenaires disposant de marges de manœuvre plus importantes pour agir et, par conséquent, pour décider.

Si nous ne parvenons pas à maîtriser plus sérieusement les dépenses de l’État, qui ont progressé de 20 % entre 2007 et 2016 ; si nous ne parvenons pas à résorber nos déficits effectifs et structurels de façon plus volontaire ; et si, enfin et en conséquence, nous ne parvenons pas à diminuer le stock de notre dette de manière forte, c’est bien notre stature politique en Europe et dans le monde qui en pâtira. Il ne s’agit pas ici que de chiffres, mais il s’agit bel et bien de notre capacité à agir.

J’en viens à un aspect qui nous rend plus optimistes : les crédits dédiés à la mission « Investissements d’avenir ». Leur objectif est d’augmenter la croissance potentielle de la France, en misant sur l’économie de l’intelligence, sur l’innovation et sur la recherche. Leur montée en puissance, tant quantitative que qualitative, doit être saluée, mais nous nous interrogeons sur leur articulation avec le fonds pour l’innovation et l’industrie prévu par le Gouvernement.

La gamme des outils mobilisés nous semble également pertinente. Je rends en particulier hommage aux travaux de notre collègue Christine Lavarde sur le dispositif des avances remboursables, qui montrent que cet outil est très utile, notamment pour les PME. Leur usage pourrait être davantage développé.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de ces missions, en espérant avoir plus de raisons encore de le faire l’année prochaine.

M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » n’est, à première vue, ni la plus simple ni la plus enthousiasmante du budget général, mais elle est essentielle. Ses crédits ont la spécificité d’être évaluatifs et non limitatifs, car c’est dans cette mission que le Gouvernement prévoit le montant de la charge de la dette publique. Celui-ci s’élève à 42,5 milliards d’euros pour l’année 2019, constituant le quatrième poste de dépenses, avec près de 13 % des crédits du budget général de l’État. La charge de la dette progresse donc, sans toutefois égaler les niveaux des années 2012 et 2013, quand elle atteignait quelque 55 milliards d’euros.

La situation macroéconomique pour 2019 reste contrastée. Pour le FMI, la croissance sera de 3,7 % dans le monde ; pour la Commission européenne, elle sera assez forte, bien qu’en léger repli, à 2,1 % en zone euro et à 2 % dans l’Union européenne. Cependant, ces prévisions sont entachées d’un certain nombre d’aléas, parmi lesquels les tensions commerciales avec les États-Unis et le retour de la volatilité sur les marchés financiers. Dans ce contexte, et non sans prudence, le Gouvernement a choisi une hypothèse de croissance de 1,7 % pour 2019, comme, d’ailleurs, pour les budgets à venir jusqu’en 2022.

En 2019, l’encours de la dette négociable de l’État va poursuivre sa progression, avec une augmentation de 84 milliards d’euros par rapport à 2018, pour atteindre 1 845 milliards d’euros, soit deux fois le niveau de 2007. Cela résulte également d’une normalisation des conditions de financement de l’État, avec une remontée progressive des taux d’intérêt ainsi qu’une reprise de l’inflation.

La durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État continue de s’allonger et s’établit à 7 ans et 325 jours à l’automne 2018, traduisant une stratégie mise en œuvre par l’Agence France Trésor afin de profiter de l’environnement de taux pour allonger la maturité de la dette, de manière à se protéger du risque d’une remontée brutale des taux d’intérêt. Cet allongement s’explique également par la demande des investisseurs pour des titres de maturité plus longue, générant des rendements plus élevés.

Pour faire un sort à une fake news récurrente, je tiens à rappeler que la détention de la dette négociable de l’État par des non-résidents est à son plus bas niveau depuis dix ans : à la fin de 2009, deux tiers de la dette négociable était entre leurs mains, contre seulement un peu plus de la moitié – 53,3 % – à l’automne 2018. Rappelons que ces non-résidents sont surtout européens, pour 60 %, et, dans une bien moindre mesure, asiatiques pour 13 % ou américains pour 9 %.

J’ajoute un mot sur un nouveau produit de la dette : l’OAT verte. Émise par la France depuis janvier 2017 pour un montant initial de 7 milliards d’euros, mais dont l’encours atteint aujourd’hui presque 15 milliards d’euros. Cette obligation assimilable du Trésor verte permet de financer quatre objectifs : la lutte contre le changement climatique, l’adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité ou encore la lutte contre la pollution. L’OAT verte est un instrument intéressant qui permet de rendre plus transparentes les dépenses environnementales de l’État, notamment en matière de transition énergétique.

Je souhaite également dire un mot des investissements d’avenir, qui font désormais partie du Grand Plan d’investissement d’un montant de 57 milliards d’euros sur le quinquennat et dont je rappelle les quatre points cardinaux : accélération de la transition écologique, développement d’une société de compétences, ancrage de la compétitivité sur l’innovation et construction de l’État de l’âge numérique.

Je rappelle que ce troisième plan d’investissements d’avenir, ou PIA 3, s’inscrit dans des actions au-delà du cadre budgétaire que nous connaissons : les autorisations d’engagement ont été ouvertes en 2017 et atteignent 10 milliards d’euros, mais ce qu’il faut regarder, vous le savez bien, ce sont les crédits de paiement autorisés annuellement. Pour l’exercice 2019, ceux-ci s’élèvent à 1,05 milliard d’euros. Il s’agit donc d’un effort substantiel.

Plus de 200 millions d’euros sont consacrés au soutien à la constitution de grandes universités de recherche de rang mondial et 430 millions d’euros à la valorisation de la recherche et au transfert de technologie. À ce sujet, j’appelle votre attention sur le rapport de la Cour des comptes publié en mars 2018, qui nous invite à regarder les résultats de ce plan. La Cour recommande notamment de « resserrer le périmètre des outils du PIA » pour « améliorer les conditions de valorisation de la recherche publique. » Il est parfois difficile de tenir compte des rapports dans nos débats budgétaires, même si l’on en écrit et que l’on en lit beaucoup…

Enfin, 400 millions d’euros sont fléchés vers l’accompagnement de la modernisation de nos entreprises, pour, notamment, les aider à s’adapter au défi numérique. La discussion du projet de loi PACTE nous donnera l’occasion d’évoquer de nouveau ces sujets.

Je termine la présentation de ces « zakouskis budgétaires » avec un mot rapide sur la mission « Remboursements et dégrèvements », qui gonfle logiquement en 2019, car elle contient le dégrèvement versé par l’État au bloc communal au titre de l’exonération de taxe d’habitation, lequel passe de 7 milliards d’euros pour 2018 à 11,5 milliards d’euros en 2019. Cela ne correspond pas à ma définition d’une fiscalité punitive ! C’est le résultat d’un engagement fort en faveur des Français des classes populaires !

Le projet de loi sur les finances locales, qui sera, selon toute vraisemblance, présenté au premier semestre, permettra de débattre du bouclage financier total de cette exonération. Il constituera un événement très important auquel nous serons attentifs, monsieur le secrétaire d’État. Vous pouvez compter sur la mobilisation vigilante et précise du Sénat sur ce sujet.

Au regard de tous ces enjeux – gestion de la dette, investissements d’avenir, baisse de la taxe d’habitation –, nous voterons les différents crédits de ces missions.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous avions l’habitude, chaque année, que le montant des recettes pour le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » soit fixé de manière conventionnelle à 5 milliards d’euros. Pour l’année 2019, le projet de loi de finances double la prévision de recettes en la portant à 10 milliards d’euros. Cette hausse prévisionnelle découle des privatisations envisagées l’année prochaine par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi PACTE, qui sera bientôt examiné au Sénat. L’État entend ainsi se séparer d’Aéroports de Paris, de la Française des jeux et d’Engie.

Inscrite aujourd’hui au budget sans l’avis du Parlement, ainsi que l’a justement fait remarquer notre collègue Victorin Lurel, cette recette importante doit être consacrée, d’une part, au désendettement de l’État, pour 2 milliards d’euros, et, d’autre part, à la création en capital du fonds pour l’innovation et l’industrie. Pour nous, c’est un non-sens stratégique, économique et politique, et je vais essayer de le démontrer dans la suite de mes propos.

C’est un non-sens économique, parce que le Gouvernement estime lui-même que ce fonds pour l’innovation ne serait doté chaque année que de 250 millions d’euros, distribués sous forme de prêts ou d’avances remboursables. Cette somme correspond aux dividendes issus du placement du capital obtenu par la cession des actifs en question. Or l’État percevra 173 millions d’euros de dividendes du seul groupe ADP en 2018. En outre, avec une progression moyenne de 10 % du résultat net observé lors des dix dernières années, on estime que, d’ici à cinq ans, les seuls dividendes perçus d’ADP pourraient financer la totalité de ce fonds.

J’apprécierais vivement que l’on nous explique, dès lors, l’intérêt économique que l’on trouve à se séparer d’un groupe comme ADP, d’autant que d’importants investissements sont par exemple réalisés pour l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, qui permettront d’augmenter sa capacité de 10 millions de voyageurs. Il est également question d’améliorer sa desserte grâce à l’efficience de sa plateforme multimodale et de créer un quartier d’affaires international dans le cadre du projet « Cœur d’Orly ».

Pourquoi nous séparer d’infrastructures aussi stratégiques ? Pourquoi perdre la maîtrise de cette entreprise, alors qu’il est possible de flécher, tout simplement, la totalité des dividendes perçus d’ADP vers ce fonds pour l’innovation et l’industrie ? Autrement dit, pourquoi choisir une privatisation plutôt qu’une optimisation des dividendes actuellement perçus, au regard de leur produit ?

Ce sont des questions essentielles qui sont posées au Gouvernement, lequel, à l’heure actuelle, ne nous a toujours pas démontré l’efficacité d’une telle opération. Bien au contraire ! Dois-je rappeler comment ce gouvernement a décidé de céder Alstom à Siemens pour zéro euro ? Vous pouvez froncer les sourcils, monsieur le secrétaire d’État, mais c’est ainsi : vous avez accepté que Siemens soit majoritaire dans le groupe résultant de la fusion ! Nous n’aurons donc plus la maîtrise d’Alstom ni de la filière ferroviaire !

Je n’ai pas encore évoqué la privatisation de la Française des jeux, qui laissera l’État gérer et supporter seul les dépenses sociales liées aux addictions et au surendettement sans même percevoir des dividendes. Les plus grandes craintes ont également été exprimées à l’Assemblée nationale quant à un désengagement de la Française des jeux du financement du sport, un domaine déjà fortement amputé dans le projet de loi de finances pour 2019.

Permettez-moi de faire ici le lien avec l’incohérence et le non-sens stratégique que j’évoquais au début de mon propos. L’année dernière, j’avais déjà souligné le danger de perdre la main sur des entreprises stratégiques pour notre pays. Je le redis cette année avec force : ces cessions risquent de considérablement diminuer les capacités d’intervention de l’État et, à terme, de l’empêcher de se mobiliser pour sauver une grande entreprise française, comme il l’a fait pour PSA il y a quelques années.

Une autre question se pose : ce fonds pour l’innovation et l’industrie n’est-il pas mis en place au détriment de la capacité d’action et de stratégie industrielle de l’État ? Les raisons mêmes de sa création nous échappent, puisque le crédit d’impôt recherche, le CIR, permet déjà de mobiliser des sommes autrement plus importantes.

L’année dernière, la question de l’intérêt de ce fonds avait également été posée, dans la mesure où deux acteurs publics importants agissaient antérieurement dans ce domaine : le Commissariat général à l’investissement et, surtout, Bpifrance, une belle réalisation que l’on aurait pu recapitaliser afin de lui permettre d’être plus interventionniste encore dans les territoires. Pourquoi ne pas l’avoir fait ? À l’issue de la mission d’information que j’ai menée avec Alain Chatillon, nous avions souligné notre préférence pour un renforcement de Bpifrance, afin de lui permettre d’assurer un niveau plus élevé de financement de l’innovation. Nous insistions aussi sur l’importance de coordonner ses actions avec celles du Commissariat général à l’investissement. À l’heure actuelle, nous ne percevons toujours pas la valeur ajoutée de ce fonds pour l’innovation et l’industrie par rapport aux deux structures existantes.

En bref, nous persistons et nous signons : ce fonds pour l’innovation et l’industrie n’a pas remplacé et ne remplacera jamais la volonté politique d’un État stratège pour soutenir à tout moment nos entreprises nationales, les plus grandes – quand elles sont en difficulté –, mais aussi les PME, les ETI et les TPE.

Dans une économie-monde, alors que la Chine met le paquet pour défendre ses industries et les subventionne sous le contrôle d’un parti État, alors que l’Amérique de Donald Trump soutient son industrie avec des relents protectionnistes, nous nous séparons de bijoux industriels, de grandes entreprises nationales. Ce n’est certainement pas la bonne méthode pour faire face à la mondialisation qui est devant nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial, et M. Fabien Gay applaudissent également.)