Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, s’il me paraît difficile de voter, en l’état, une proposition de loi qui impose des obligations et des charges nouvelles à des communes et à des élus qui n’en manquent pas, je partage l’objectif des auteurs du texte en ce que celui-ci répond à l’attente de tous ceux qui, ne se reconnaissant d’aucune foi religieuse, d’aucune obédience spirituelle, fût-elle fédérale, veulent partager un moment de recueillement et de souvenir à l’occasion du décès d’un proche. Il est des moments où la symbolique est essentielle. La reconnaissance publique, même sans engagement, participe de cette symbolique.

J’avais la faiblesse de penser que l’amendement de réécriture que j’ai déposé au nom de mon groupe ou d’autres ayant le même objet répondraient aux objections que pouvait susciter le texte initial. Visiblement, il n’en est rien.

Pourtant, mon amendement visait à supprimer, en particulier, l’obligation de fournir un local, a fortiori un local adapté – en tout cas, présentant des caractéristiques particulières –, ainsi que toute obligation, pour les élus, de jouer un rôle à cette occasion si telle n’est pas leur volonté. Dans le dispositif que je proposais, tout était facultatif. Ainsi, aux termes de mon amendement, « chaque commune peut mettre à disposition des familles qui le demandent une salle municipale leur permettant l’organisation de funérailles laïques ». De fait, les qualificatifs « laïques » ou « civiles » me paraissent plus adaptés que « républicaines ». L’amendement prévoyait en outre que, « par dérogation au premier alinéa de l’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, cette mise à disposition est gratuite. La commune apporte son concours à l’organisation de ces funérailles dans la limite de ses possibilités. » Il appartenait donc aux élus, dans ma proposition, de décider de la forme et de la portée du concours de la commune.

Que l’on ne vienne pas me dire que les pompes funèbres privées offrent déjà ce service ! Quand c’est le cas, c’est toujours en lien avec un service global et, souvent, une crémation, ce qui ne correspond pas forcément aux souhaits de tout le monde. Au reste, inutile de faire observer qu’un tel service n’est pas gratuit…

Contrairement à ce que j’ai entendu dire, il est courant que les communes mettent des salles à disposition d’associations ou de particuliers.

M. Loïc Hervé, rapporteur. C’est sûr !

M. Pierre-Yves Collombat. Ce qui importe, c’est que tout le monde soit traité sur un pied d’égalité et qu’il n’y ait pas de favoritisme.

Que l’on ne vienne pas non plus me dire que le texte, n’étant pas prescriptif, est superfétatoire. Le code général des collectivités territoriales ne manque pas de dispositions non prescriptives. D’ailleurs, nous avons passé toute la soirée d’hier à en voter… (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Mais oui, tout était facultatif, laissé à la libre appréciation des élus, et c’est très bien ! Permettez-moi de vous citer, à titre d’exemple, une de ces dispositions : « Dans les conseils départementaux, le fonctionnement des groupes d’élus peut faire l’objet de délibérations sans que puissent être modifiées, à cette occasion, les décisions relatives au régime indemnitaire des élus. » Il s’agit bien d’une simple possibilité. Le code général des collectivités territoriales regorge de ce type de mentions, et l’on ne trouve pas cela anormal.

En outre, un texte non prescriptif peut avoir des effets incitatifs qui ne sont pas insignifiants, comme l’a fait remarquer le Conseil d’État dans son étude de 2013 consacrée au droit souple, que d’aucuns appellent le « droit mou ». J’observe d’ailleurs que cette étude a fait l’objet, au Sénat, d’une audition de la commission des lois qui nous a beaucoup intéressés. Pour Jean-Marc Sauvé, qui était alors vice-président du Conseil d’État, « il n’existe aucune contradiction entre la reconnaissance du droit souple ainsi que son expansion et une meilleure qualité du droit. En donnant un plus grand pouvoir d’initiative aux acteurs et, au-delà, plus de responsabilités, le droit souple contribue à oxygéner notre ordre juridique. Par un emploi raisonné, il peut pleinement contribuer à la politique de simplification des normes et à la qualité de la réglementation. » Eh bien, mes chers collègues, oxygénons notre ordre juridique !

Comment expliquer autrement que l’on puisse lire sur service-public.fr, présenté comme le « site officiel de l’administration française », que « le baptême civil se pratique à la mairie. Toutefois, comme il n’a pas de valeur légale, les mairies ne sont pas obligées de le célébrer et il n’y a pas de cérémonial préétabli. » On pourrait dire exactement la même chose des funérailles laïques !

Le « parrainage civil », expression qui me semble un peu plus appropriée que celle de « baptême civil », est l’exemple même des services que les communes qui le désirent peuvent rendre à leurs administrés. Il est représentatif de ce que pourraient être des funérailles « laïques » ou « civiles » telles que la proposition de loi ainsi modifiée permettra d’en organiser.

Chers collègues, je ne vous aurai certainement pas convaincus, mais trop de bonnes raisons juridiques me laissent à penser que la laïcité est vraiment d’application variable en ce pays… (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Loïc Hervé, rapporteur. Tout ce qui est excessif est dérisoire !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale sous la précédente législature, visant à instituer des funérailles républicaines. Notre groupe politique a souhaité l’inscrire à son ordre du jour réservé.

Comme cela a été dit par de précédents orateurs, ce texte a pour objet de donner un cadre législatif à une pratique qui est déjà courante, en particulier dans les communes rurales.

En effet, il est fréquent qu’un maire mette à disposition une salle municipale à l’occasion des obsèques, par exemple, d’une personne investie dans la vie quotidienne de la commune, afin de pouvoir lui rendre hommage, ou tout simplement lorsqu’une famille lui en fait directement la demande.

Notre souhait est précisément de faciliter les démarches de ces familles qui, en l’absence d’information suffisante et de dispositions légales sur ce sujet, se trouvent parfois amenées à devoir faire un choix en inadéquation avec les dernières volontés de leur proche défunt, faute d’alternative connue.

Aux termes de cette proposition de loi, une commune aurait l’obligation de mettre une salle municipale à disposition des familles qui le demandent, si et seulement si, bien évidemment, elle dispose d’une telle salle – il ne s’agit pas, bien sûr, d’obliger les élus à en aménager une – et si cette salle est –je cite – « adaptable ». Cela donne aux maires une certaine latitude d’appréciation aux maires.

L’article unique du texte précise, en outre, que la mise à disposition de cette salle est gratuite et qu’un officier d’état civil de la commune peut – et seulement peut – procéder à une cérémonie civile. Aucune obligation ne serait donc faite aux élus sur ce point. Enfin, je tiens à préciser que le texte ne comporte aucune ambiguïté quant à l’implication – ou pas – des élus dans le déroulement des obsèques civiles.

Cette proposition de loi vise avant tout à assurer une égalité de traitement entre les familles sur l’ensemble du territoire français. Elles doivent disposer de la même information et avoir la possibilité de se recueillir dignement en un lieu laïque après la perte d’un proche, dans des conditions conformes à leurs souhaits.

Lors de l’examen de ce texte en commission des lois, un certain nombre de doutes ou de questionnements ont été formulés. Ils ont amené cette dernière à adopter un amendement de suppression de l’article unique présenté par le rapporteur, Loïc Hervé. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur les conséquences fâcheuses qu’entraînerait l’adoption de cet amendement par notre assemblée, à savoir le rejet pur et simple de l’article unique, donc de la proposition de loi, sans possibilité d’examiner les autres amendements, qui tendent, quant à eux, à en modifier le contenu.

Dès lors que la rédaction actuelle du texte ne semble pas satisfaisante aux yeux d’un certain nombre de nos collègues, ce qui écarte la perspective d’un vote conforme de notre assemblée, l’amendement n° 11 de notre collègue Alain Richard me paraît à même de recueillir l’assentiment d’une majorité d’entre nous. Cet amendement vise à donner au conseil municipal toute latitude de prévoir ou non la mise à disposition des familles qui en font la demande d’une salle communale accessible au public et d’en déterminer les conditions et les modalités, ce qui suppose aussi de pouvoir passer des conventions avec le centre funéraire local.

Nous évoquerons tout à l’heure la question de la gratuité, mais je rappelle que des obsèques coûtent aujourd’hui 5 000 euros au minimum. La gratuité du prêt de la salle communale peut contribuer à alléger la facture.

Si l’amendement n° 11 était adopté, nous nous rallierions également au second amendement de notre collègue Alain Richard, tendant à modifier l’intitulé de la proposition de loi, car nous sommes animés d’un esprit constructif et, avant tout, pragmatique : nous souhaitons que ce texte puisse poursuivre son itinéraire parlementaire et, in fine, être adopté définitivement par le Parlement, afin que les familles qui le veulent puissent réellement et rapidement s’en saisir.

Mais, pour cela, il faut que nous puissions avoir la possibilité d’examiner ces amendements, donc que la proposition de suppression de l’article unique qui nous sera soumise en premier lieu ne soit pas adoptée.

Mes chers collègues, pour conclure, je veux souligner que cette proposition de loi comporte une dimension symbolique forte. Elle repose sur le triptyque de notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Luc Fichet. Liberté de choisir les conditions de son départ et liberté, pour la famille, de faire respecter ce choix. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les rites jalonnent la vie des individus, tout autant qu’ils structurent la vie sociale. Il n’existe d’ailleurs pas de société sans rites.

En la matière, la Révolution française a confié un legs important aux communes, à la suite de la reprise en main de grands services auparavant assurés par l’Église.

Jean-Jacques Rousseau estimait qu’une société républicaine ne saurait être édifiée sans l’appui d’une forme de transcendance. Il appelait donc à sacraliser l’« être ensemble collectif » et en faisait même la clé de voûte du contrat social.

L’article 1er du décret du 20 septembre 1792 prévoit ainsi que « les municipalités recevront et conserveront à l’avenir les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès ». Ce mouvement a entraîné la définition d’actes et de cérémonies civils, comme le mariage ou le parrainage républicain. Instauré par un décret du 20 prairial an II, celui-ci n’a pas reçu depuis de consécration normative ; relevant ainsi de la coutume, il a fini par tomber en désuétude. Bien plus récemment, l’article 42 de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté a défini un cadre pour l’organisation des parrainages républicains, répondant à une demande exprimée par certaines familles. Hélas, cet article a été déclaré non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Nos collègues du groupe socialiste et républicain nous invitent aujourd’hui à nous pencher sur un autre rituel, en proposant l’institution de funérailles républicaines. La loi du 15 novembre 1887 a reconnu à tout citoyen la liberté de donner à ses funérailles un caractère civil ou religieux.

Alors que les funérailles ont longtemps été le monopole des cultes, nous constatons, ces dernières années, une volonté croissante de nos concitoyens de pouvoir bénéficier d’une cérémonie funèbre non religieuse. Cette évolution est aussi corrélée au développement de la pratique de la crémation.

Dans ce contexte, que prévoit le texte que nos collègues du groupe socialiste et républicain ont choisi d’inscrire à leur ordre du jour réservé ? Son intitulé évoque l’institution de funérailles républicaines. Qu’en est-il réellement ?

Les membres du groupe du RDSE s’interrogent sur les conséquences qu’aurait, pour les communes, l’application de ce texte. L’article unique renferme plusieurs dispositions, dont chacune soulève des questions.

La première concerne la notion de « salle municipale adaptable », figurant dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

La deuxième réside dans l’emploi de l’indicatif : la commune « met à disposition » une salle communale et qu’elle « garantit » l’organisation de funérailles républicaines. De plus, le texte prévoit explicitement que cette mise à disposition sera gratuite. C’est donc réellement une nouvelle obligation qui est faite aux communes.

À cette obligation s’ajoute la possibilité, pour un officier d’état civil, de procéder, à la demande de la famille du défunt, à une « cérémonie civile ».

Le déroulement d’une autre cérémonie bien connue des élus locaux, le mariage républicain, est borné par plusieurs obligations, notamment la lecture d’articles du code civil concernant les devoirs des époux. En matière de funérailles, il n’existe pas de pareille obligation ni de cérémonial préétabli. Il paraît donc inopportun de prévoir explicitement qu’un officier d’état civil puisse jouer le rôle de « maître de cérémonie ».

Enfin se pose la question de la possibilité d’organiser des funérailles religieuses dans des salles communales. Nous savons, et les auditions d’opérateurs funéraires menées par M. le rapporteur l’ont confirmé, que certaines cérémonies funéraires religieuses ont déjà lieu dans des salles municipales.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Bien sûr !

Mme Maryse Carrère. Cette situation nous interpelle.

Il ne nous a pas échappé que les deux amendements de suppression de l’article unique ont fait l’objet d’un avis favorable de la commission des lois. Leur adoption entraînerait un rejet de l’ensemble du texte.

Or, malgré les réserves que je viens de rappeler, nous partageons la volonté des auteurs de la proposition de loi de donner plus de solennité aux cérémonies républicaines. Si cette proposition de loi a été déposée, c’est que des communes et des maires ont été confrontés à des situations délicates. Ce texte a donc toute sa justification.

Au vu des réserves émises précédemment et pour éviter qu’une fin de non-recevoir soit opposée à la proposition de loi, le groupe du RDSE trouverait plus judicieux de travailler sur le texte initial afin de l’améliorer. C’est pourquoi nous nous rallions à l’amendement n° 11 de notre collègue Alain Richard, dont le dispositif laisse plus de souplesse d’organisation aux communes, en évitant les écueils du texte adopté à l’Assemblée nationale.

D’aucuns pourraient objecter que le texte ainsi modifié n’apporterait pas d’avancée majeure par rapport à la situation actuelle. Il est vrai que certaines communes procèdent déjà à la mise à disposition de salles communales pour la tenue de funérailles, mais son adoption aurait l’avantage d’inscrire cette possibilité dans le CGCT et pourrait d’ailleurs être accompagnée d’une meilleure information des communes sur les possibilités offertes en matière de funérailles civiles. L’objectif est non pas d’institutionnaliser cet acte pour créer une religion républicaine, mais bien de reconnaître que certains rituels et symboles sont nécessaires pour faire vivre l’idéal républicain.

Dans le cas où ce texte ne serait pas adopté, une réflexion pourrait être menée sur la revalorisation des cérémonies républicaines : mariage, parrainage ou encore cérémonie d’accueil dans la nationalité française.

En conclusion, le groupe du RDSE ne votera pas l’amendement de suppression de l’article unique, préférant examiner le texte et l’amendement de notre collègue Alain Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Yves Détraigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi instituant des funérailles républicaines, déposée par M. Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues et adoptée par l’Assemblée nationale, en première lecture, le 30 novembre 2016, vise à imposer aux municipalités de mettre gratuitement à disposition des familles qui en font la demande une salle dite « adaptable », afin de garantir l’organisation de « funérailles républicaines ». Elle tend également à ouvrir à l’officier de l’état civil de la municipalité la faculté de procéder à une cérémonie d’« obsèques civiles », dans l’hypothèse où la famille du défunt le requerrait.

Ce débat me fait penser à celui que nous avions eu dans cet hémicycle, en mai 2015, à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi relative au « parrainage civil » – ou « baptême républicain », selon l’expression souvent consacrée. Si notre commission des lois, soucieuse d’assurer une égalité de traitement entre tous les citoyens, avait approuvé le principe de la consécration dans la loi de la pratique du parrainage civil, qui fait aujourd’hui l’objet d’une application inégale sur le territoire, elle avait cependant écarté la proposition de faire de cette simple coutume un acte officiel obligeant les communes.

Comparaison n’est pas raison, et le sujet qui nous intéresse aujourd’hui est différent, mais, d’une certaine manière, il relève de la même inspiration : il s’agit d’imposer aux municipalités une nouvelle obligation par rapport à un acte de la vie civile qui, jusqu’à présent, n’y avait jamais donné lieu, même si la pratique existe bel et bien.

J’ai moi-même été maire, pendant vingt-huit ans, d’une commune de 5 000 habitants, située dans la banlieue d’une grande ville – Reims, pour ne pas la citer –, où j’ai personnellement participé à des « parrainages civils » et accompagné des familles, à plusieurs reprises, dans l’organisation d’obsèques civiles. Lorsque la famille souhaitait pouvoir disposer d’un local pour se réunir, nous mettions à sa disposition une salle municipale, moyennant location, comme cela s’est toujours fait quand des familles de jeunes mariés demandent une salle pour y organiser le vin d’honneur du mariage. Tous les maires que je connais et qui disposent d’une salle procèdent de la sorte !

M. Loïc Hervé, rapporteur. Bien sûr !

M. Yves Détraigne. Qui plus est, je constate qu’aujourd’hui les familles qui doivent organiser les obsèques de l’un de leurs proches s’adressent de plus en plus souvent, en ville comme à la campagne, à des sociétés de pompes funèbres, lesquelles se sont multipliées sur le territoire depuis une quinzaine d’années, pour la prise en charge de l’ensemble des actes à accomplir, tant pour la conservation et l’exposition du corps du défunt que pour l’organisation et le déroulement des obsèques ou la réunion de la famille et des proches suivant l’inhumation ou la crémation.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Oui !

M. Yves Détraigne. J’aurais donc tendance à dire que si la proposition de loi qui nous est soumise aurait pu avoir sa raison d’être voilà une quinzaine d’années ou plus, elle n’a plus aujourd’hui la même pertinence. Ce n’est pas au moment où l’organisation des obsèques, civiles ou non, en ville ou à la campagne, fait l’objet d’une véritable offre de la part des sociétés de pompes funèbres, incluant la mise à disposition d’une salle, que l’on va imposer aux communes de mettre un local à disposition, d’autant que cela est toujours possible si la commune le souhaite, y compris à titre gratuit. Il n’y a donc pas lieu de légiférer.

Quant à l’intervention d’un officier d’état civil – maire ou adjoint – pour organiser une cérémonie à l’occasion d’obsèques civiles, cela ne relève pas du champ traditionnel de ses missions. Quel rôle aurait-il dans la conduite des obsèques, alors même que préparer et présider une cérémonie funéraire ne s’improvise pas ? Cela dit, il me semble que, dans la pratique, rien ne l’empêche non plus. Comme je l’ai dit, il m’est arrivé, à plusieurs reprises, d’accompagner des familles au cimetière dans le cadre d’obsèques civiles et j’ai toujours souhaité, tant que j’étais maire, qu’un adjoint me remplace si j’étais absent. Il m’est arrivé de prendre la parole quand la famille le demandait et si je connaissais suffisamment le défunt pour pouvoir en parler. Mais à quoi cela servirait-il d’imposer à l’officier d’état civil de prendre systématiquement la parole lors des obsèques d’une personne qu’il ne connaît pas, non plus parfois que ses proches, surtout à notre époque où la famille est dispersée ?

M. Jean-Pierre Sueur. C’est optionnel, il n’y a aucune obligation !

M. Yves Détraigne. S’agirait-il de créer un rite civil qui, en quelque sorte, viendrait combler un vide laissé par le recul des rites religieux ?

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette proposition de loi risque de compliquer un peu plus la vie des collectivités territoriales et des maires, sans pour autant, dans bien des cas, améliorer la pratique actuelle.

M. Loïc Hervé, rapporteur. Bien sûr ! C’est la sagesse !

M. Yves Détraigne. Je n’ai pas constaté de problèmes sur ce plan dans la commune dont j’ai été le maire durant vingt-huit ans !

M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !

M. Yves Détraigne. Pour de nombreuses raisons, je crois qu’il ne serait pas raisonnable d’imposer de nouvelles obligations aux communes à ce sujet. Les entreprises de pompes funèbres répondent aujourd’hui largement à la demande et, de manière générale, la pratique montre qu’il n’est pas nécessaire de légiférer. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre Haute Assemblée est aujourd’hui saisie d’une proposition de loi instituant des funérailles républicaines, que l’on pourrait nommer aussi obsèques civiles ou laïques.

Ce texte vise à donner une base juridique aux pratiques de certaines communes qui répondent aux demandes des personnes souhaitant des obsèques civiles. Il prévoit que les communes possédant une salle municipale « adaptable » puissent la mettre gratuitement à la disposition des familles qui en font la demande pour y organiser des funérailles républicaines et en faire un lieu de recueillement. Il a également pour objet de créer un nouveau rite républicain en matière d’obsèques, en permettant la présence d’un officier d’état civil chargé de procéder à la cérémonie civile.

Or je m’interroge sur l’utilité d’une telle démarche. En effet, la possibilité d’opter pour des funérailles républicaines est déjà reconnue par la loi depuis la fin du XIXe siècle. Pourquoi légiférer sur ce sujet, dès lors que le droit en vigueur permet déjà l’organisation d’obsèques civiles dans les locaux des mairies ? Cela a encore été le cas dans ma commune pas plus tard que samedi dernier. Pourquoi légiférer en créant une nouvelle obligation à la charge des communes, sans compensation financière ? Pourquoi légiférer, au risque de porter atteinte à leur libre administration ? Pourquoi légiférer, en ouvrant la voie à un nouveau rituel laïque ? Le maire n’est pas un maître de cérémonie de services funéraires, il n’est pas un ordonnateur des pompes funèbres !

De grâce, chers collègues, ne ridiculisez pas la fonction municipale en transformant, par la loi, le premier magistrat de la commune en croque-mort, même si ce métier est hautement estimable ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne disons pas cela, nous n’écrivons pas cela ! Ne nous faites pas de procès d’intention !

M. Alain Marc. On est libre de dire ce que l’on veut à la tribune, mon cher collègue !

Laissons les maires libres en la matière. Ils connaissent leurs administrés. Ils ont à cœur d’être au service des citoyens. Ils savent déjà répondre à leurs demandes ! On nous reproche déjà de légiférer beaucoup trop. Cette proposition de loi paraissant inutile, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne la votera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Les Républicains.)

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Dossier législatif : proposition de loi instituant des funérailles républicaines
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