M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.

Mme Michelle Meunier. Je vous remercie, madame la ministre, et je prends note de vos suggestions.

Vous le savez, bon nombre de blouses blanches soutiennent les revendications des « gilets jaunes », et nous sommes attachés à ce que leurs demandes soient prises en compte, à savoir qu’une moindre importance soit accordée à la culture du chiffre, que soit privilégiée la qualité du soin et qu’une attention nécessaire soit portée à l’évolution de ces personnes dans leur métier.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche.

M. Jean-Claude Luche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, afin d’illustrer ce débat en parlant de ce que je connais le mieux, je vais prendre en exemple mon département de l’Aveyron.

Le nombre d’emplois non pourvus y est au minimum de 3 000. Notre taux de chômage est de 6,6 %. Oui, nous recherchons activement des travailleurs ! Oui, les emplois ne sont pas tous dans les métropoles. Nous avons des atouts dans nos territoires ruraux : la sécurité, la proximité avec la nature, la qualité de vie, etc.

Bien sûr, cela a été dit, la formation doit être améliorée, et la réforme de l’assurance chômage qui va être examinée par le Parlement sera déterminante pour favoriser le travail.

Trouvons rapidement la solution à ce paradoxe : manque de travailleurs d’un côté, trop de demandeurs d’emploi de l’autre. Cela ne peut pas durer !

Par ailleurs, nous sommes plusieurs départements à vouloir attirer de nouvelles populations. Nous nous efforçons de nous faire connaître, de mettre en avant les qualités de nos territoires. Par exemple, lorsque j’étais président du conseil général, j’avais créé un site intitulé « L’Aveyron recrute », qui permet de recenser les offres d’emploi disponibles dans le département.

Pour nous, le développement économique et les nombreux emplois disponibles sont surtout liés à l’attractivité du territoire. Je sais toutefois que l’emploi dans nos territoires ruraux est nécessaire, mais pas suffisant. Pour cela, le maintien d’un service public de qualité est indispensable – je pense notamment à l’accès à la santé, à l’éducation et au très haut débit.

Je reste persuadé qu’il faut investir aussi dans nos infrastructures routières, ferroviaires et numériques afin de favoriser la mobilité sur nos territoires. Les emplois non pourvus dans l’Aveyron pourraient enfin trouver preneur et, plutôt que de travailler dans les métropoles saturées, pourquoi ne pas créer un début d’exode urbain ?

Madame la ministre, dans quelle mesure pouvez-vous prendre en compte l’aménagement du territoire afin d’aider nos chefs d’entreprise à recruter ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur, vous soulevez deux questions importantes.

La première, c’est que les territoires ne sont pas du tout dans la même situation à l’égard du chômage. Le taux de chômage est de 6,8 % en Aveyron et de 5,8 % en Mayenne, alors que la moyenne nationale se situe à 9,1 %. Certains départements connaissent un taux de chômage de 18 % et, dans les outre-mer, le taux peut être de 25 % ou 30 %. La stratégie ne peut évidemment pas être la même selon le niveau du taux de chômage.

La seconde, c’est l’attractivité inversée liée au phénomène de métropolisation qui, depuis trente ou quarante ans, s’accentue. La crise des dernières semaines a montré à quel point la question des territoires ruraux, des petites villes ou des villes moyennes était un véritable sujet, puisque beaucoup de ces habitants avaient le sentiment d’être loin des grandes métropoles où se concentrent l’emploi, l’activité, une partie des services publics et, d’une certaine façon, les richesses.

Face à cette situation, nous devons mener des stratégies différenciées. C’est ce que nous avons commencé à faire avec les pactes régionaux d’investissement dans les compétences. Pour aller plus loin, il faut aborder la question de la mobilité, que vous avez évoquée. C’est le deuxième frein à l’emploi après la compétence. Un Français sur quatre a refusé, au cours de sa vie, une formation ou un emploi faute de mobilité.

Il s’agit d’abord de la mobilité de proximité : c’est le problème de l’accès à des modes de transport, et il faudra certainement encourager le développement du covoiturage dans la loi sur les mobilités, mais d’autres formes existent.

Il s’agit, ensuite, de la mobilité résidentielle, c’est-à-dire, pour être clair, le fait de déménager. Aujourd’hui, nos politiques d’emploi et de formation sont liées, mais la mobilité et le logement sont souvent mis dans des silos différents, avec des compétences différentes, y compris dans nos institutions.

Dans le grand débat national que nous allons lancer dans quelques semaines et qui sera très territorialisé – vous avez entendu le Premier ministre l’évoquer –, les questions de logement et de transport seront très importantes. Car une partie des solutions viendra aussi, demain, du couplage des offres : vous aurez un emploi et un logement, ou un emploi et une mobilité.

Aujourd’hui, nous n’y sommes pas encore. Pôle emploi propose des aides à la mobilité, qui peuvent aller jusqu’à 5 000 euros par an et qui sont d’ailleurs peu et pas assez connues des demandeurs d’emploi. Il faut aller plus loin et prévoir de véritables ingénieries, car avec les possibilités actuelles en matière de télétravail, de travail à distance pour le conjoint, on peut certainement créer plus d’emplois dans des zones qui en ont perdu beaucoup par le passé.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Pour cela, il faut mixer tous les acteurs, puisque nous avons besoin à la fois des départements, des intercommunalités, des communes, de l’État et des acteurs privés.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur le front de l’emploi, la France est le dernier grand pays industriel à ne pas s’être remis de la crise de 2008 : plus de 9 % de chômage – vous venez de le dire – et 300 000 emplois non pourvus. Nous sommes tous d’accord, cela pose un gros problème.

Une des raisons majeures de cette situation est la probable inadéquation de notre appareil de formation, en grande partie parce que les entreprises, qui sont les mieux placées pour connaître leurs propres besoins, n’y occupent pas assez de place.

Les entreprises trop éloignées de la formation, cela entraîne trois conséquences, que vous avez d’ailleurs évoquées : une inadéquation trop fréquente de la formation aux besoins réels, une méconnaissance totale par les jeunes de l’entreprise en général, de son fonctionnement et de son activité – vous avez dit qu’ils avaient une image datée des métiers et vous avez raison –, et enfin une méconnaissance de l’éventail des métiers et des opportunités de carrière.

Or, dans la formation initiale, il existe un dispositif performant qui est l’apprentissage. Bon nombre des métiers en tension nécessitent un apprentissage. L’objectif de 500 000 places qui est régulièrement cité – je crois que vous l’avez fait vôtre – est toujours le même. J’ai entendu votre engagement ; néanmoins, nous stagnons depuis des années à 300 000 places.

Avant de faire décoller l’apprentissage, encore ne faudrait-il pas l’entraver. Sur les 300 000 apprentis, 100 000 sont formés dans des centres de formation et des écoles dépendant des chambres consulaires. Or, loi de finances après loi de finances, le Gouvernement assèche véritablement ces chambres consulaires, poursuivant en cela la politique du précédent quinquennat. Pour 2018, la recette affectée est réduite de 100 millions d’euros.

Le ministre de l’économie, Bruno Lemaire, a déclaré devant notre commission des affaires économiques qu’il ne faudrait pas que cette réduction ait un effet négatif sur les CFA et les écoles, et il l’a répété ce soir lors de son audition dans le cadre de l’examen du projet de loi PACTE, mais il ne nous a pas dit comment.

En l’état actuel, les CCI vont être contraintes de fermer des centres de formation, de se détourner de l’apprentissage au profit de la formation continue ou de la formation d’étudiants étrangers, plus lucratives.

Ma question est simple : comment ferez-vous pour garantir que le nombre d’apprentis des chambres consulaires non seulement ne diminue pas, mais augmente de deux tiers comme il conviendrait pour atteindre nos objectifs ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice, en ce qui concerne l’appareil de formation et notamment les centres de formation d’apprentis, nous avons complètement libéré, dans la loi Avenir professionnel, la capacité à développer et à créer ces centres. Nous avons même lancé, il y a quelques jours, un kit sur ce sujet. Désormais, une collectivité territoriale, une association, une chambre consulaire, une profession, une entreprise pourra créer ou développer un CFA. Je peux vous dire que le nombre de projets en cours est très important.

Par ailleurs, vous avez évoqué les organismes consulaires, qui assurent une grande partie de l’apprentissage aujourd’hui. La réforme prévue dans la loi Avenir professionnel va régler – j’évoque ici non pas le financement des chambres en général, mais la question de l’apprentissage – un problème patent : la moitié des régions n’utilisaient pas tout l’argent de l’apprentissage pour l’apprentissage. De nombreux CFA étaient donc en difficulté, et une subvention d’équilibre était nécessaire chaque année, ce qui est vraiment « limite ».

On sait que, dans certaines régions, une formation de CAP cuisinier est payée 2 500 euros par an tout compris – je ne sais pas comment on peut financer une formation de qualité avec cette somme – alors que, dans d’autres, elle peut coûter jusqu’à 14 500 euros.

Maintenant, ce sont les professionnels qui fixeront le coût au contrat, afin de permettre au CFA de « vivre dignement » – pas dans l’opulence – et de proposer une formation de qualité. Nous contrôlerons évidemment a posteriori. Mais, j’y insiste, ce sont les professionnels qui vont définir ce coût au contrat. Les professions ont jusqu’à la fin du mois de février pour le faire, mais les premières simulations montrent que, dans un très grand nombre de cas, le financement par apprenti sera plus important qu’avant. Car de nombreuses formations étaient payées en deçà des frais, ce qui obligeait les organismes consulaires à compléter la différence.

La loi a prévu que, désormais, le CFA aurait sa propre comptabilité analytique. Avec ce nouveau mode de financement, je suis très confiante. Nous sommes allés sur le terrain dans toutes les régions, et nous avons visité plusieurs centaines de CFA. Quand on explique à leurs responsables la loi en détail, ils sont très rassurés, car ils comprennent qu’ils pourront se développer. Nous aurons, je le crois, une offre de qualité en matière d’apprentissage.

Enfin, je veux dire que nous allons développer les « prépas apprentissage ». Plus de 300 CFA ont déjà postulé. Ce dispositif est très important : il permettra à des jeunes qui voudraient entrer en apprentissage, mais n’ont pas tout à fait le savoir-être professionnel ou ne connaissent pas bien les métiers, de s’y préparer. Cela attirera aussi un flux plus important.

M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais.

Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais également remercier le groupe Les Indépendants d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour de ce débat, qui n’est pas sans lien avec les propos de M. le Président de la République lors des Journées du patrimoine. Mes collègues l’ont déjà dit, l’expression « traverser la rue » a marqué – c’est évident – les esprits. Ces mots avaient douloureusement entaché la personne du président, comme si le chômage était une question de choix personnel et de volonté.

La question des emplois non pourvus participe de cette idée que le travail est là, à portée de main de tout demandeur d’emploi et qu’il suffirait que ce dernier s’en saisisse. Or, mes chers collègues, vous le savez, si les offres d’emploi publiées n’aboutissent pas, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de candidats.

L’étude de Pôle emploi parue en décembre 2017 et intitulée « Offres pourvues et abandon de recrutement » l’explique très bien : sur les 300 000 offres n’ayant pas trouvé preneur, près d’un tiers ont fait l’objet d’un retrait à la suite d’un changement de stratégie de l’entreprise et 50 000 offres faisaient l’objet de recrutement en cours. Nous avons effectivement les mêmes chiffres.

Pour les offres restantes, pouvons-nous tenter de renverser la logique induite par ce débat en posant la question de l’attractivité de l’emploi proposé ? En effet, quelles sont les offres d’emplois qui ne trouvent pas preneur ?

On a cité les contrats courts, les CDD de moins d’un mois, dont le nombre a explosé, les horaires décalés, les contrats dont la faible rémunération ne couvre pas les coûts induits par ce travail – voiture, carburant, frais de garde, etc. Les « gilets jaunes » ont également confirmé que la mobilité était un enjeu fondamental, notamment en milieu rural. Je le constate dans la Sarthe.

En outre, l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » prouve que l’emploi est d’abord une question d’accompagnement social et permet de démythifier la rhétorique trop entendue des emplois non pourvus. Il est d’ailleurs très regrettable que l’exécutif n’ait pas étendu cette expérimentation à d’autres territoires dans le projet de loi de finances pour 2019.

Ainsi, madame la ministre, vous avez affirmé précédemment vouloir envisager d’adapter le logiciel du marché du travail en termes d’attractivité des métiers, de mobilité et d’accompagnement. Pouvez-vous nous éclairer sur les moyens concrètement investis dans ces trois domaines, sans que cela pèse trop, bien évidemment, sur les collectivités locales, déjà fortement mises à contribution ? (Mme Michelle Meunier applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice, vous avez évoqué plusieurs sujets, je me concentrerai sur la question que vous avez évoquée à la fin de votre propos relative aux structures d’accompagnement vers l’emploi des plus vulnérables.

Aujourd’hui, il est trop difficile pour une partie de nos concitoyens d’accéder directement à un emploi, parce qu’ils ont connu des accidents de la vie ou des démarrages difficiles. Pour eux, nous mettons en place une stratégie en plusieurs points.

Le premier, je l’ai évoqué à propos des jeunes, porte sur les savoir-être professionnels. Selon Pôle emploi, un demandeur d’emploi sur trois, jeune ou moins jeune, a des difficultés relationnelles, de présentation, ou pour oser s’exprimer, pour travailler en équipe ou respecter des horaires. Ce sont, dirais-je, les « basiques » de ce qu’on appelle les savoir-être professionnels – je pourrais utiliser d’autres termes, mais ils sont en anglais. Nous finançons de telles actions dans le cadre de Pôle emploi, du Plan d’investissement dans les compétences et des « prépas apprentissage ».

Le deuxième point, qui correspond à une conviction profonde, porte sur le tissu associatif très riche de notre pays, qui sait accompagner des chômeurs de longue durée, des anciens SDF, des personnes en situation de handicap. Ce sont les entreprises adaptées pour le handicap, ce sont les chantiers d’insertion et l’insertion par l’activité économique pour les personnes en difficulté sociale.

Dans le budget pour 2019, comme vous avez pu le constater, j’ai mis en place, avec une programmation sur quatre ans, des moyens très importants pour pouvoir développer cette offre sur le quinquennat. Nous voulons augmenter de 40 000 le nombre de places en entreprise adaptée et porter de 130 000 à 230 000 le nombre de places dans l’insertion par l’activité économique, parce que ce sont des tremplins vers l’emploi, qui reposent sur le bon triptyque : une situation d’emploi, un accompagnement social et une formation.

En ce qui concerne les « Territoires zéro chômeur », nous prolongeons dans le budget l’expérimentation en 2019, avec un doublement du nombre de places. Il faut continuer cette expérimentation l’année prochaine pour en faire le bilan, comme l’a prévu la loi.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec près de 6 millions de demandeurs d’emploi en France, on peut légitimement s’interroger sur les métiers qui demeurent en tension aujourd’hui.

En effet, les difficultés de recrutement que rencontrent 23 % des entreprises durant le premier semestre 2018 mettent en lumière des phénomènes endémiques. Ainsi, 70 % des entreprises ayant eu du mal à recruter évoquent des problèmes de qualification ; 63 % d’entre elles évoquent aussi l’absence de candidatures. La part des embauches jugées difficiles s’accentue et s’élève à 44,4 % en 2018, tous secteurs confondus.

Ces difficultés ont augmenté le plus dans les entreprises d’un à quatre salariés. Elles sont bien sûr liées à la pénurie de candidats, à l’inadéquation des profils, mais aussi aux conditions de travail.

Pour les métiers de bouche par exemple, les projets de recrutement sont jugés difficiles à 74 % dans la boucherie, à 72,9 % chez les charcutiers-traiteurs, à 67 % en boulangerie-pâtisserie. Si l’on sait que ce déficit d’attractivité s’explique en partie par la priorité donnée à l’enseignement général au détriment des métiers de l’économie de proximité, où les opportunités sont pourtant plus nombreuses, on peut donc attendre de la part du Gouvernement des actions fortes visant à corriger ce phénomène.

Alors que le besoin de main-d’œuvre existe réellement dans les TPE artisanales notamment, comme dans le secteur du BTP, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir m’indiquer les dispositions qui sont prises pour accroître l’attractivité de ces métiers.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice, je me permettrai d’abord d’apporter une précision : il n’y a pas 6 millions de demandeurs d’emploi en France, si l’on entend par demandeur d’emploi une personne prête à travailler demain si elle trouve un emploi.

C’est le nombre d’inscrits en flux qui s’élève à 6 millions, car on peut avoir un travail et être inscrit à Pôle emploi, qui est aussi un service de mise en relation avec des offres. Au sens de l’INSEE et du Bureau international du travail, le BIT, le nombre de demandeurs d’emploi immédiatement disponibles pour prendre un emploi en France est de 2,6 millions. Néanmoins, ce nombre est encore énorme, et c’est notre but à tous de le faire diminuer.

Vous avez évoqué ceux qui ne répondent pas. Cela s’explique parfois par les règles de l’assurance chômage, car certaines d’entre elles conduisent à perdre un revenu si l’on reprend un travail. Ce n’est pas possible ! Une personne ne retournera pas travailler si elle gagne moins. Ce problème ne concerne pas tous les demandeurs d’emploi, mais il fait partie des règles sur lesquelles les partenaires sociaux se penchent.

Certaines personnes sont aussi découragées, après avoir cherché indéfiniment et frappé à toutes les portes. Au cours des contrôles – l’année dernière, Pôle emploi a réalisé 300 000 contrôles –, nous nous sommes aperçus que 66 % des chômeurs cherchaient réellement un travail, que 20 % n’en cherchaient plus par découragement – ces contrôles les ont redynamisés, les ont relancés dans une dynamique d’emploi, qui a produit d’excellents résultats – et que 14 % n’en cherchaient vraiment pas, tout en ayant les moyens d’en chercher sans être découragés. Ce dernier cas relève d’un autre type d’action. Ces chiffres montrent bien que la majorité cherche du travail, mais qu’il est possible d’être parfois découragé. C’est pourquoi l’accompagnement est très important.

En ce qui concerne les métiers, j’ai déjà eu l’occasion de répondre lors de questions précédentes. L’une des grandes voies, c’est – je le crois – l’apprentissage.

L’apprentissage ouvre à tous les métiers, de ceux du numérique aux métiers verts. Le secteur agricole a besoin aujourd’hui de relève et cherche notamment des mécaniciens agricoles et des vétérinaires ; la plupart des jeunes qui ne sont pas du monde agricole pensent que ce domaine n’est pas pour eux. Cela nous ramène au problème de l’Ardèche…

Il faut aller vers une ouverture très large des métiers. Les jeunes filles pensent que les métiers de la technique ne sont pas pour elles : on en est encore là en France en 2018 ! Dans le numérique, 90 % des emplois sont pourvus par de jeunes hommes ; pourquoi n’y aurait-il pas plus de femmes ? Une action doit aussi être mise en œuvre sur ce point.

Avec le grand projet d’ouverture que Jean-Michel Blanquer et moi-même menons avec les régions et les branches dans tous les collèges et lycées pour faire découvrir les métiers, on peut changer les choses en quelques années. La génération qui entre en quatrième bénéficiera de nombreuses initiatives pour faire découvrir les métiers. C’est cela qui permettra de changer le regard. C’est d’ailleurs déjà le cas, ce qui est très encourageant, alors que nous commençons à peine ces opérations. Des actions sont menées à titre expérimental, nous allons maintenant les déployer massivement pour tous les jeunes du pays, ce qui va être d’une grande aide.

Dans les métiers que vous avez évoqués, certains travaillent dans des conditions difficiles, d’autres pas, mais comme ces métiers ne sont pas connus, personne n’y va. Il reste beaucoup à faire !

M. le président. La parole est à M. Serge Babary.

M. Serge Babary. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 16 septembre dernier, un échange entre Emmanuel Macron et un jeune horticulteur en recherche d’emploi a relancé la question des emplois non pourvus.

Dans un contexte de chômage élevé, l’existence d’emplois ne trouvant pas preneur est un paradoxe fréquemment dénoncé en France. Si le chiffre de 300 000 emplois non pourvus est souvent avancé, en réalité aucun indicateur ne permet aujourd’hui de mesurer l’ampleur réelle du phénomène ni d’en analyser les causes.

Le seul élément de réflexion à notre disposition réside dans les résultats de l’enquête « Besoins en main-d’œuvre » réalisée chaque année sous le pilotage de Pôle emploi et du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CRÉDOC.

Ainsi, après une hausse de 8,2 % en 2017, l’enquête sur les « Besoins en main-d’œuvre des entreprises » pour l’année 2018 fait état d’une hausse inédite de 18,7 % du nombre de projets de recrutement, soit une augmentation de 370 000 par rapport à 2017.

Près de 2 350 000 projets de recrutement étaient ainsi anticipés pour l’année 2018. Les plus fortes augmentations d’intentions d’embauche se situent dans la construction et l’industrie, avec des hausses respectives de 37 % et 27,4 %.

Si ces chiffres sont plus qu’encourageants, cette même étude révèle malheureusement que les difficultés de recrutement perçues par les employeurs sont nettement en hausse. Par exemple, le secteur de l’hôtellerie-restauration où, selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, l’UMIH, entre 50 000 et 100 000 emplois n’ont pas été pourvus à l’été 2018.

Cela explique probablement pourquoi ce début de reprise économique n’est pas encore perçu par les Français.

Désormais, 44,4 % des projets de recrutement sont jugés difficiles par les employeurs, contre 37,5 % l’an dernier. Selon les recruteurs, les candidatures inadéquates demeurent le principal motif de ces difficultés – soit l’employeur constate une pénurie de candidats, soit les profils ne lui conviennent pas. Se pose alors la question de l’employabilité de certains candidats et de l’attractivité de certains emplois, qui atteint même le recrutement des apprentis en CFA.

Il est important d’encourager la reprise d’activité. L’emploi doit être plus rémunérateur et valorisant que les minima sociaux.

Pouvez-vous, madame la ministre, me préciser aujourd’hui le plan d’action que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour anticiper le besoin de main-d’œuvre pour 2019 ? Compte tenu des secteurs qui vont recruter, ne faut-il pas encourager les AFPA plutôt que de les fermer ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le sénateur, je voudrais d’abord dire, en étant quelque peu provocatrice, que ces difficultés de recrutement sont un « beau » problème. Car cela signifie que la France recrute aujourd’hui !

Nous avons plus de tensions parce que nous recrutons davantage qu’il y a quelques années. L’élément nouveau depuis un an est que l’on recrute plus en CDI, ce qui n’était pas arrivé depuis plus de dix ans.

L’industrie s’est remise à recruter. Pourquoi avons-nous une pénurie dans ce secteur ? En quinze ans, nous avons perdu un million d’emplois dans l’industrie en France ! Ce domaine est sorti de la tête des familles et des jeunes, pour lesquels ces métiers ne sont plus vus comme des métiers d’avenir.

Depuis un an, l’industrie cherche du monde. Bien évidemment, il faut reconstruire toute l’offre de formation. De plus, dans l’industrie, ce sont des métiers qualifiés. On cherche des soudeurs – cela a toujours été le cas, mais maintenant c’est dans des proportions énormes. On cherche des forgeurs numériques : tous ces métiers intègrent maintenant le numérique, mais les jeunes en ont une image qui date, si j’ose dire, de l’époque de Zola, alors qu’ils sont aujourd’hui extrêmement modernes, passionnants et plutôt mieux rémunérés que d’autres. On cherche des techniciens supérieurs et de maintenance. On cherche dans tous les secteurs ! On lance un plan fibre, mais on ne trouve pas de poseurs de fibre… Nous pourrions passer la soirée à citer des exemples bien réels.

Le premier sujet est celui des compétences, d’où cet effort massif au travers de l’apprentissage et du plan d’investissement dans les compétences ; c’est vraiment la priorité. Rien que pour les 124 territoires d’industrie qui viennent d’être annoncés, nous avons prévu dans ce plan 110 millions d’euros pour les questions de compétences et de qualification.

Certains métiers se sont aussi beaucoup développés. Vous avez évoqué l’hôtellerie-restauration, qui pose pour partie la question des conditions de travail, mais qui va de pair avec l’extraordinaire explosion du tourisme. La hausse du nombre d’emplois dans ces métiers dans notre pays est de 9 % depuis dix ans. C’est une bonne nouvelle, et c’est un « beau » problème, allais-je dire, à condition de le résoudre !

Certains emplois ne sont pas attractifs, on le sait, mais nous manquons de certains autres métiers, par exemple les chefs cuisiniers, pour lesquels une qualification qui ne s’acquiert que par l’apprentissage est nécessaire.

Nous avons la qualité, et même la meilleure. Je profite de l’occasion pour vous annoncer que la France a postulé pour être l’organisatrice en 2023 des jeux Olympiques, si j’ose dire, de l’apprentissage et des métiers que sont les WorldSkills. J’espère que nous pourrons alors faire briller les talents de la France dans tous les domaines. Cela permettra aussi de montrer l’attractivité des métiers, y compris les métiers techniques et ceux de l’aide aux personnes.

Il y a toutes sortes de métiers dans l’apprentissage, et chaque fois qu’on promeut l’apprentissage, on promeut le travail, on promeut la valeur du travail et on promeut l’attractivité des entreprises.