Mme la présidente. L’amendement n° 40, présenté par MM. Jacques Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code civil est ainsi modifié :

1° L’article 233 est ainsi rédigé :

« Art. 233. – Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci.

« Il peut être demandé par l’un ou l’autre des époux ou par les deux lorsque chacun d’eux, assisté d’un avocat, a accepté le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats, qui peut être conclu avant l’introduction de l’instance.

« Le principe de la rupture du mariage peut aussi être accepté par les époux à tout moment de la procédure.

« L’acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel. » ;

2° L’article 238 est ainsi modifié :

a) À la fin du premier alinéa, les mots : « lors de l’assignation en divorce » sont remplacés par les mots : « lors de la demande en divorce » ;

b) Le second alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Si le demandeur a introduit l’instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce.

« Toutefois, sans préjudice des dispositions de l’article 246, dès lors qu’une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d’un an ne soit exigé. » ;

3° Le second alinéa de l’article 246 est supprimé ;

4° L’article 247-2 est ainsi rédigé :

« Art. 247-2. – Si le demandeur forme une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal et que le défendeur demande reconventionnellement le divorce pour faute, le demandeur peut invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande. » ;

5° (Supprimé)

6° La section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier est ainsi modifiée :

a) Le paragraphe 1 est ainsi rédigé :

« Paragraphe 1

« De l’introduction de la demande en divorce

« Art. 251. – L’époux qui introduit l’instance en divorce peut indiquer les motifs de sa demande si celle-ci est fondée sur l’acceptation du principe de la rupture du mariage ou l’altération définitive du lien conjugal. Hors ces deux cas, le fondement de la demande doit être exposé dans les premières conclusions au fond.

« Art. 252. – La demande introductive d’instance comporte le rappel des dispositions relatives à :

« 1° La médiation en matière familiale et à la procédure participative ;

« 2° L’homologation des accords partiels ou complets des parties sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et les conséquences du divorce.

« Elle comporte également, à peine d’irrecevabilité, une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.

« Art. 253. – Lorsqu’il rejette définitivement la demande en divorce, le juge peut statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l’exercice de l’autorité parentale. » ;

b) Le paragraphe 2 est abrogé, le paragraphe 3 devient le paragraphe 2, le paragraphe 4 est abrogé et le paragraphe 5 devient le paragraphe 3 ;

c) L’article 254 est ainsi rédigé :

« Art. 254. – Le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent, une audience à laquelle les époux sont convoqués et à l’issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l’existence des époux et des enfants de l’introduction de la demande en divorce à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux. » ;

d) L’article 257 est abrogé ;

7° À la fin de l’avant-dernier alinéa et à la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 262-1, les mots : « l’ordonnance de non-conciliation » sont remplacés par les mots : « la demande en divorce » ;

7° bis (nouveau) À l’article 262-2, les mots : « requête initiale » sont remplacés par les mots : « demande en divorce » ;

8° À la première phrase du troisième alinéa de l’article 311-20, les mots : « de dépôt d’une requête » sont remplacés par les mots : « d’introduction d’une demande » ;

9° À la seconde phrase de l’article 313, les mots : « , en cas de demande en divorce ou en séparation de corps, » sont supprimés et les mots : « la date soit de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce ou des mesures provisoires prises en application de l’article 250-2, soit de l’ordonnance de non-conciliation » sont remplacés par les mots : « l’introduction de la demande en divorce ou en séparation de corps ou après le dépôt au rang des minutes d’un notaire de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce » ;

10° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 375-3 et à la deuxième phrase de l’article 515-12, le mot : « requête » est remplacé, deux fois, par le mot : « demande ».

II. – L’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « par une ordonnance de non-conciliation » et les mots : « par une décision du juge prise en application de l’article 257 du code civil ou » sont supprimés ;

2° À la seconde phrase du g, les mots : « par une décision du juge prise en application de l’article 257 du code civil ou » sont supprimés.

III. – À la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, les mots : « le dépôt d’une requête » sont remplacés par les mots : « l’introduction d’une demande ».

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Madame la ministre, une fois n’est pas coutume, l’amendement que je propose vise à reprendre le texte adopté par l’Assemblée nationale sur l’organisation du divorce.

Nous avions eu, en première lecture, un débat sur la suppression de l’audience de conciliation. Nous avions dit que cette suppression revenait à supprimer le moment où le juge rencontre les époux pour négocier avec eux, discuter et décider des mesures provisoires. Ces discussions donnent lieu, de fait, à très peu de conciliations ; cette audience n’en reste pas moins indispensable et fondamentale.

L’Assemblée nationale a rétabli le texte de votre projet, supprimant l’audience de conciliation dans la procédure de divorce, c’est-à-dire l’obligation, pour l’époux qui veut divorcer, de solliciter l’autorisation d’introduire la demande et de respecter, ensuite, un délai de réflexion de trois mois avant de pouvoir assigner l’autre conjoint en divorce – tout cela me semble franchement justifié.

Dans la rédaction nouvelle issue de l’Assemblée nationale, à l’alinéa 28 de l’article 12, vous prévoyez, ce qui me paraît satisfaisant, que le juge aux affaires familiales doit immédiatement procéder à une audience pour fixer les mesures provisoires. Vous rétablissez donc ce temps important des mesures provisoires sans alourdir le dispositif par la conciliation préalable, ce qui me paraît une bonne mesure – tel était le sens, d’ailleurs, de la discussion que nous avions eue en première lecture.

Je propose donc de reprendre intégralement les dispositions de l’article 12 issu de l’Assemblée nationale, en y ajoutant, à l’alinéa 28, que le juge convoque les époux à cette audience ; il me semble indispensable, en effet, que soit ménagé ce temps d’audition.

Si on ne le fait pas figurer dans la loi, ou, éventuellement, dans le règlement, le juge pourrait se contenter d’avoir un débat avec les avocats, puisque nous sommes dans la période de représentation obligatoire. Or il est essentiel que, à un moment ou à un autre, les époux qui divorcent puissent rencontrer le juge : il est fondamental que les époux souhaitant divorcer puissent discuter non seulement des pensions alimentaires mais surtout de la résidence des enfants et des modalités de garde.

D’où la rédaction que je propose, qui, sans doute, ne satisfera pas les rapporteurs ; mais lorsque le Gouvernement accepte de faire évoluer son texte, il faut le souligner, madame la ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Notre collègue a subodoré l’avis de la commission.

Cet amendement vise à rétablir l’article 12 supprimé par la commission. Ses auteurs estiment que, dès lors que le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale prévoit que le juge aux affaires familiales, le JAF, tient, dès le début de la procédure, une audience pour fixer les mesures provisoires nécessaires à assurer l’existence des époux et des enfants, la phase de tentative de conciliation ne serait plus nécessaire.

Or la commission a considéré que la suppression de la phase de conciliation risquerait de favoriser une logique d’affrontement des parties et, par là même, d’entraîner une augmentation du nombre de divorces pour faute, car la phase de conciliation est une phase de réflexion et de maturation du divorce.

Elle a estimé que le problème de la lenteur de la procédure de divorce ne résultait pas tant de la phase de conciliation que de l’insuffisance des moyens octroyés aux juridictions pour se prononcer dans des délais raisonnables.

Par ailleurs, si la nouvelle rédaction proposée par l’Assemblée nationale prévoit bien une audience au cours de laquelle le JAF fixe les mesures provisoires, le texte prévoit également que « les parties ou la partie seule constituée » peuvent renoncer à cette audience. En cas de relations houleuses entre les époux, et notamment si une seule des parties est constituée, cette audience pourrait donc ne pas avoir lieu. Cette disposition est par conséquent susceptible de placer l’intérêt supérieur de l’enfant entre les mains de parents qui se déchirent.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. À l’inverse de M. le rapporteur, j’émets un avis favorable sur l’amendement présenté par M. le sénateur Bigot.

Il me semble que l’article 12, qui traite de l’évolution de la procédure du divorce contentieux, est le témoignage parfait d’un travail fait d’écoute des professionnels, notamment des avocats, et d’échanges avec les parlementaires, qui nous ont permis de faire évoluer le texte initial.

La procédure que nous instaurons, issue de ce travail, va considérablement raccourcir la durée du divorce contentieux, satisfaisant une attente émise par toutes les parties concernées. Il me semble, en outre, que nous préservons l’intérêt des enfants en mettant en place des mesures provisoires qui peuvent s’inscrire très tôt dans la procédure.

L’ensemble des parties prenantes verront ainsi leurs demandes satisfaites.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Je me permets d’attirer l’attention de MM. les rapporteurs et de M. le président de la commission des lois sur le fait que, lors de la table ronde qui a été organisée, aucune des organisations présentes n’a soulevé de problème s’agissant du divorce.

Or, en première lecture, lors des auditions que nous avons faites, tout le monde nous avait alertés sur la disparition de ce temps important consacré aux mesures provisoires.

La conciliation obligatoire telle qu’elle figure aujourd’hui dans le code civil est complètement désuète. L’idée est la suivante : non, les époux ne peuvent pas divorcer comme ils veulent ; ils doivent d’abord être autorisés à introduire une demande de divorce, puis doivent réfléchir pendant trois mois, ou, si le défendeur n’a pas accepté la demande, pendant six mois. On ne saurait, me semble-t-il, maintenir ce système dépassé, qui ne correspond plus à la réalité des vies de couple.

En revanche, en précisant que le juge aux affaires familiales doit convoquer les époux sauf avis contraire – il arrive quand même de temps en temps qu’il n’y ait pas de problème –, l’Assemblée nationale a trouvé avec vous, madame la ministre, la bonne solution.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je pense que nous devrions nous aussi écouter les professionnels et adopter cet article 12 dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, assortie de la petite modification que j’ai présentée.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. J’irai dans le même sens que notre collègue Jacques Bigot, qui sait ce qui se passe dans la réalité : vouloir à tout prix maintenir la phase de tentative de conciliation serait contre-productif. Nous savons en effet que cette étape, en pratique, est le plus souvent une perte de temps : de conciliation, il n’y a quasiment jamais.

La rédaction proposée via cet amendement est un bon compromis : lorsqu’il y a besoin de mesures provisoires, il est possible d’y recourir. Mais se raccrocher à tout prix au maintien de la tentative de conciliation ne me semble pas une bonne chose, dans la mesure où, dans les faits – je le répète –, il y a très peu de conciliations.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Je trouve cette proposition assez intéressante. Les procédures existantes sont très longues. Je parle d’expérience : j’ai été avocat pendant une trentaine d’années – avocat pénaliste, j’ai fait aussi beaucoup de droit matrimonial. Je vois bien, aujourd’hui, à quel point les procédures sont longues et compliquées.

La rédaction de cet amendement me paraît tout à fait intelligente ; des garanties sont apportées et son adoption rendrait les procédures beaucoup plus rapides. Par conséquent, je le voterai.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 40.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 12 demeure supprimé.

Article 12 (supprimé)
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Article 12 bis

Article 12 bis A

(Supprimé)

Article 12 bis A
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Article 12 ter

Article 12 bis

(Non modifié)

Le chapitre IV du titre VI du livre Ier du code civil est ainsi modifié :

1° À l’article 296, les mots : « à la demande de l’un des époux » sont remplacés par les mots : « ou constatée » et, à la fin, le mot : « judiciaire » est supprimé ;

2° À l’article 298, la référence : « à l’article 228 » est remplacée par les références : « aux articles 229-1 à 229-4 » ;

3° À la seconde phrase de l’article 300, après le mot : « Toutefois, », sont insérés les mots : « la convention de séparation de corps par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, » ;

4° Le début de la seconde phrase de l’article 301 est ainsi rédigé : « En cas de séparation de corps par consentement mutuel… (le reste sans changement). » ;

5° Le premier alinéa de l’article 303 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La pension alimentaire peut aussi être prévue par la convention de séparation de corps par consentement mutuel. » ;

6° Le second alinéa de l’article 307 est ainsi rédigé :

« En cas de séparation de corps par consentement mutuel, la conversion en divorce ne peut intervenir que par consentement mutuel. » – (Adopté.)

Article 12 bis
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Article 13

Article 12 ter

(Non modifié)

Le 1° de l’article 1175 du code civil est complété par les mots : « , sauf les conventions sous signature privée contresignées par avocats en présence des parties et déposées au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues aux articles 229-1 à 229-4 ou à l’article 298 ». – (Adopté.)

Article 12 ter
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Article 14

Article 13

La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire est complétée par des articles L. 212-5-1 et L. 212-5-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 212-5-1. – Devant le tribunal de grande instance, la procédure peut, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite.

« Toutefois, le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.

« Art. L. 212-5-2. – Les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer statuant sur une demande initiale n’excédant pas un montant défini par décret en Conseil d’État et les demandes formées devant le tribunal de grande instance en paiement d’une somme n’excédant pas ce montant peuvent, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, être traitées dans le cadre d’une procédure dématérialisée. Dans ce cas, la procédure se déroule sans audience.

« Toutefois, le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande. »

Mme la présidente. L’amendement n° 48, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. En première lecture, nous avons proposé la suppression de cet article qui prévoit la mise en place d’une procédure exclusivement écrite pour juger certains litiges dès lors que les parties seraient en accord. Ceux-ci pourraient alors être jugés sans audience.

Le règlement des litiges inférieurs à un certain montant, qui sera donc fixé par décret, se ferait également sans audience par le biais de la procédure dématérialisée.

Ces nouvelles mesures portent gravement atteinte au droit des justiciables à un procès équitable et à notre modèle juridictionnel tout entier. Leur seul motif est d’ordre économique et ne saurait justifier les conséquences déplorables qui s’ensuivront.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Ma chère collègue, le texte de la commission, qui rétablit la version adoptée par le Sénat en première lecture, répond aux griefs que vous évoquez.

Il permet la comparution des parties à l’audience si le tribunal l’estime nécessaire ou si l’une des parties le demande.

Conformément à la position du Sénat en première lecture, la commission des lois a supprimé la faculté offerte au tribunal de refuser une demande d’audience formulée par l’une des parties, considérant qu’une telle faculté pourrait constituer un obstacle inutile à l’accès au juge.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avis défavorable, selon un raisonnement quasi identique à celui de M. le rapporteur.

Mme Éliane Assassi. Je retire l’amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 48 est retiré.

Je mets aux voix l’article 13.

(Larticle 13 est adopté.)

Article 13
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Article 16

Article 14

La sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire est complétée par des articles L. 211-17 et L. 211-18 ainsi rédigés :

« Art. L. 211-17. – Un tribunal de grande instance spécialement désigné par décret connaît :

« 1° Des demandes d’injonction de payer, à l’exception de celles relevant de la compétence d’attribution du tribunal de commerce lorsqu’elle est exercée par la juridiction mentionnée à l’article L. 721-1 du code de commerce ;

« 2° Des demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer ;

« 3° (Supprimé)

« Art. L. 211-18. – Les demandes d’injonction de payer peuvent être formées par voie dématérialisée devant le tribunal de grande instance spécialement désigné mentionné à l’article L. 211-17.

« Les oppositions sont formées devant le tribunal de grande instance spécialement désigné.

« Les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer sont transmises par le greffe du tribunal de grande instance spécialement désigné aux tribunaux de grande instance territorialement compétents. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 49 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 80 rectifié est présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 49.

M. Pierre-Yves Collombat. Après la plateforme de conciliation, voici la constitution d’une instance juridictionnelle nationale qui sera saisie de tous les problèmes d’injonction : cinq magistrats et une vingtaine de greffiers traiteront les 500 000 procédures annuelles d’injonction de payer ! Comme vous le voyez, mes chers collègues, la « start-up justice » (M. Yvon Collin sourit) est en marche.

Quant à savoir si le respect des parties est garanti et si un examen minimal du bien-fondé des injonctions demandées est effectué, c’est un autre problème : il faut aller vite ; il faut être compétitif !

Vous pensez bien que nous ne saurions accepter ce type de justice automatique. Ce n’est plus de la justice, c’est de la régulation de flux, pour désencombrer les juridictions et faire des économies.

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié.

M. Yvon Collin. La procédure d’injonction de payer permet à un créancier de saisir une juridiction par voie de requête, par opposition à l’assignation, et afin d’obtenir une décision de justice enjoignant au débiteur de verser les sommes dues.

Cette procédure se déroule sans audience : concrètement, le créancier adresse un dossier au juge, qui apprécie le bien-fondé de la demande. Si le débiteur conteste la décision dans le mois suivant la signification de l’ordonnance par un huissier de justice, les parties sont convoquées devant le juge pour un débat dit contradictoire.

Il y a chaque année 470 000 requêtes en injonction de payer. Cet article, en instaurant une seule juridiction pour tout le territoire s’agissant des injonctions de payer, pose un problème en termes d’accès au juge.

Cet accès sera rendu plus difficile et plus complexe, car les justiciables devront former opposition devant la juridiction nationale unique, et donc se déplacer jusqu’à cette juridiction pour assister à l’audience.

Il sera désormais impossible de se rendre sur place pour obtenir des informations ; aussi est-il peu probable que cette nouvelle juridiction dispose des moyens humains suffisants pour garantir que le justiciable pourra accéder de manière satisfaisante aux informations nécessaires à l’exercice de ses droits.

Cet article est donc contraire à la nécessaire proximité du citoyen avec la justice.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer l’article regroupant le contentieux des injonctions de payer au sein d’un tribunal de grande instance à compétence nationale qui serait spécialement désigné à cet effet.

Le Sénat en avait approuvé le principe.

Toutefois, comme en première lecture, le texte de la commission des lois rend optionnelle la saisine par voie dématérialisée de cette juridiction, afin de garantir l’accès au juge tant pour le créancier que pour le débiteur.

Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avis défavorable sur ces amendements.

Il faut bien tenir compte de ce que signifie le traitement des injonctions de payer.

Il y a deux phases.

La première phase, qui correspond à la délivrance de l’injonction de payer et qui se déroule aujourd’hui dans les quelque 300 tribunaux d’instance, est non contradictoire. Nous la centralisons dans un tribunal unique, avec des magistrats. Il va de soi que les justiciables pourront saisir la juridiction nationale des injonctions de payer en déposant leur requête, y compris par voie papier auprès du tribunal de proximité, qui la transmettra à la juridiction nationale des injonctions de payer. Ainsi, ce traitement non contradictoire sera traité plus rapidement, de la même manière, par la juridiction nationale des injonctions de payer.

La seconde phase correspond à l’éventuelle contestation de l’injonction de payer, qu’il s’agisse d’une contestation des délais ou d’une contestation au fond. Dans les deux cas, cela se passera devant le tribunal de proximité et prendra la forme d’une procédure contradictoire, comme cela se déroule aujourd’hui.

De mon point de vue, mettre en place la procédure nationale de traitement des injonctions de payer ne présente donc que des avantages. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Dans la mesure où nous connaissions déjà l’avis de la commission – en première lecture, celle-ci avait accepté, en le modifiant un peu, le système de la centralisation des injonctions de payer –, nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression au nom du groupe socialiste et républicain.

Pour autant, nous voterons les amendements de suppression déposés. Je les voterai d’autant plus volontiers, madame la garde des sceaux, que je constate que l’un des signataires de l’amendement n° 80 rectifié est l’un de vos anciens collègues au Gouvernement, avocat du centre de la France, qui connaît fort bien le monde judiciaire : il n’est manifestement pas totalement convaincu par vos arguments sur le système des injonctions de payer.

Si Jacques Mézard a cosigné cet amendement – il en est d’ailleurs le premier signataire –, c’est bien qu’il a conscience qu’aucune procédure contradictoire n’est prévue dans l’injonction de payer, même si de nombreux magistrats nous expliquent qu’ils réalisent un travail de contrôle et vérifient que les pièces sont là, que les délais sont respectés, etc.

Comme le souligne l’objet de l’amendement présenté par le groupe CRCE, les magistrats et les greffiers, qui sont peu nombreux, crouleront sous ces procédures et l’on risque à terme – mais c’est sans doute l’objectif – d’avoir un système complètement informatisé, avec des algorithmes.

Où sera alors la vérification exacte des pièces ? Certes, elle aura lieu dans un second temps, si le débiteur prend la précaution de faire opposition à l’injonction de payer. Or il s’agit souvent de débiteurs impécunieux et peu avertis des règles de droit. Je pense que cette procédure facilitera l’obtention de titres définitivement exécutoires.