compte rendu intégral

Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

Secrétaires :

M. Yves Daudigny,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 14 mars 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

désamiantage du tribunal de grande instance de créteil

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteure de la question n° 582, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Laurence Cohen. Madame la garde des sceaux, depuis plus de vingt ans, les personnels du tribunal de grande instance de Créteil dénoncent la présence d’amiante dans les locaux, laquelle est responsable de nombreuses maladies et, probablement, du décès d’une ancienne magistrate ainsi que de deux autres personnes en 2018. Après plusieurs années de déni de la part des autorités concernées, une expertise a démontré en 2006 que de l’amiante était bien présent dans les dalles au sol, les cloisons de bureaux ou bien encore dans les volets coupe-feu de ce bâtiment construit en 1977.

Dans la salle des archives où sont stockés les dossiers, le taux d’amiante atteignait 38 fibres par litre avant un désamiantage en 2009, puis 22,6 fibres par litre après les travaux, alors que le seuil réglementaire est de 5 fibres par litre.

La mobilisation syndicale réunissant magistrats, policiers et fonctionnaires du TGI commence à être entendue, puisque les services du ministère ont assuré que tout agent en faisant la demande bénéficierait d’un suivi médical. C’est une bonne chose.

Néanmoins, madame la garde des sceaux, n’estimez-vous pas plutôt qu’il serait indispensable de prévoir un suivi médical obligatoire de toutes les personnes travaillant ou ayant travaillé au tribunal de grande instance de Créteil ? Quelles sont aujourd’hui les mesures d’urgence mises en place pour protéger les fonctionnaires en poste ainsi que les usagers ?

Par ailleurs, pouvez-vous me confirmer le calendrier des travaux, censés débuter au printemps 2019 ? Une enveloppe budgétaire de 5,2 millions d’euros pour le désamiantage est-elle bien prévue ?

Enfin, pouvez-vous intervenir auprès du président du TGI, afin qu’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail extraordinaire commun aux ministères de l’intérieur, de la justice et des armées et au conseil départemental du Val-de-Marne puisse se réunir dans les plus brefs délais ? Il s’agit là d’une demande légitime, qui est jusqu’à présent refusée.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Cohen, le tribunal de grande instance de Créteil, mis en service en 1978, contient des matériaux amiantés, comme nombre de bâtiments de cette période. À ce titre, il est soumis à une réglementation spécifique visant à protéger la santé des occupants et des travailleurs appelés à y faire des travaux. À cet égard, les diagnostics amiante réalisés conformément à la réglementation depuis 1997 ont conclu que les matériaux amiantés présents dans le bâtiment ne relèvent pas de la liste des matériaux friables exigeant un désamiantage.

Le ministère de la justice n’a jamais nié la présence d’amiante dans ces locaux et la situation du TGI de Créteil retient toute mon attention. À la suite du décès récent d’une magistrate, j’ai demandé à mes services de prendre toutes les mesures qui s’imposent de nature à rassurer les agents.

Ainsi, le 11 octobre dernier, le directeur des services judiciaires et la secrétaire générale adjointe du ministère se sont rendus au TGI de Créteil et y ont rencontré les personnels. Ils ont annoncé des mesures d’empoussièrement généralisées, qui seraient conduites en concertation étroite avec les organisations syndicales et avec les agents, afin de donner aux personnels concernés toutes les informations qu’ils attendent légitimement pour dissiper leurs éventuelles craintes. Ces mesures se sont déroulées entre les mois de novembre 2018 et de février 2019. Le nombre de mesures imposé par les normes a été complété en concertation avec les organisations syndicales. Ce sont ainsi deux vagues successives de 192, puis 144 mesures, qui ont eu lieu, ce qui constitue une densité exceptionnellement élevée de points de contrôle. La totalité des résultats est disponible depuis la semaine dernière et tous sont négatifs : aucune fibre n’a été détectée.

Ces informations fiables et objectives apportent, je le crois, une réponse rassurante.

Mes directeurs ont également indiqué, en accord avec les chefs de juridiction, que toute personne craignant une exposition pourrait se manifester et verrait sa situation portée à la connaissance de la médecine de prévention. Des mesures ont été prises afin de permettre des consultations rapides.

L’opération de désamiantage et de rénovation du site est désormais lancée.

Les travaux préparatoires ont débuté en 2018. Ces travaux vont se poursuivre en 2019 avec la construction du bâtiment modulaire, qui accueillera une partie des services situés dans l’actuel immeuble de grande hauteur. En parallèle sera menée la phase d’appel d’offres des travaux de désamiantage et de mise aux normes. Le financement de l’ensemble de cette opération est assuré grâce aux crédits votés dans le projet de loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice.

Les instances représentatives et le personnel sont régulièrement informés des mesures prises et des travaux réalisés. C’est bien le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail départemental du ministère de la justice qui a l’entière compétence pour assurer le suivi des actions menées pour le bâtiment du tribunal de grande instance de Créteil et pour l’ensemble des personnels concernés. Le président du TGI de Créteil lui a communiqué le diagnostic amiante du tribunal. Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail doit se réunir prochainement pour une séance dédiée à ces questions.

Comme vous le voyez, madame la sénatrice, ce sujet retient toute mon attention.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour répondre à Mme la garde des sceaux.

Mme Laurence Cohen. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de ces précisions. Mes questions montrent que se pose un problème d’information non seulement des personnels, mais aussi du public qui fréquente le TGI.

Ces travaux sont un véritable serpent de mer ! J’ai alerté plusieurs fois le ministère sur ce point. La vigilance est de mise et il faut un réel suivi.

Je regrette que, sur ce problème de santé publique, la proposition que je formule d’une visite systématique pour tous les personnels n’ait pas retenu votre attention : il faut que ce soient les personnels qui le demandent.

suspension du financement de la formation des artisans

M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, auteur de la question n° 687, adressée à Mme la ministre du travail.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Madame la ministre, tous les matins, dans notre pays, les artisans sont plus de 3 millions à faire vivre notre économie : menuisiers, peintres, boulangers… Les secteurs d’activités sont divers, mais tous se réfèrent à une même étymologie : l’artisan, c’est celui qui met son art au service d’autrui. À l’heure où nos concitoyens se tournent vers le « fabriqué en » et s’éloignent des produits mondialisés « made in », nous avons grand besoin d’un tel savoir-faire.

Répartis sur 1,3 million d’entreprises, réalisant 300 milliards d’euros de chiffre d’affaires, les artisans constituent un pilier majeur de notre économie, mais sont, souvent, le seul employeur restant dans quelques-unes de nos communes. Dans le département de Lot-et-Garonne, 8 000 entreprises, soit 12 000 salariés, réalisent plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires.

Peut-on se passer d’eux ? À voir l’atteinte qui est portée à leurs droits à la formation, pardonnez-moi, madame la ministre, mais j’ai la faiblesse de le croire ! En effet, depuis le 15 mars dernier, les demandes de financement de formation professionnelle continue de nos artisans ne sont plus prises en compte. N’êtes-vous pourtant pas à l’initiative de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ?

La situation est néanmoins préoccupante, voire injuste : pourquoi nos artisans n’auraient-ils plus droit à la formation continue ? Dans un contexte concurrentiel fort, où les clients ont toujours plus d’exigences, à l’heure des transitions écologiques et numériques et d’un environnement normatif complexe, nos artisans doivent se former pour s’adapter aux défis toujours plus nombreux.

Alors que 700 000 emplois sont à pouvoir et que l’apprentissage constitue un véritable levier pour lutter contre le chômage, pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, que vous allez agir pour financer de nouveau la formation de nos artisans ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Christine Bonfanti-Dossat, je partage avec vous cette conviction et je le dis tous les jours – pas seulement aujourd’hui ! – : l’artisanat, c’est le tissu économique de proximité qui irrigue tous nos territoires, c’est le savoir-faire à la française. C’est donc très important. Que ce soit les ordonnances Travail, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les actions que le Gouvernement mène pour développer la filière d’excellence qu’est l’apprentissage : tout concourt à conforter ces professionnels et à renforcer notre tissu d’artisans.

Vous avez souhaité appeler mon attention sur l’annonce récente du risque de suspension du financement des actions de formation des artisans par le Fafcea, le Fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale, à compter du 15 mars 2019. Cet organisme a fait part à mon ministère de difficultés dans le financement des formations des artisans en raison d’un changement du mode de collecte et d’une baisse importante du niveau de collecte.

La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, votée sous le précédent gouvernement, a prévu un transfert de la collecte des contributions des artisans de la DGFiP vers l’Urssaf ; il s’agit là d’une mesure de simplification tout à fait compréhensible, mais qui a révélé un problème de cotisations. Ces difficultés s’expliquent également par une diminution du nombre de cotisants recensés lors du transfert de la collecte des contributions des artisans.

Ces difficultés s’expliquent encore par le fait que de nombreux artisans salariés, assujettis à la fois à la contribution à la formation professionnelle en tant que travailleur indépendant versée au Fafcea et à la contribution à la formation professionnelle en tant que salarié versée à leur opérateur de compétences, ont refusé de s’acquitter à l’automne 2018 de la contribution due en tant que travailleur indépendant, contestant la légalité de ce double assujettissement qui n’existe que pour les artisans.

Afin de garantir la continuité du financement par le Fafcea et les conseils de la formation des actions de formation des artisans pour l’année 2019, plusieurs réunions ministérielles et interministérielles ont été organisées ces dernières semaines, et encore ces derniers jours, avec l’ensemble des acteurs concernés, notamment les dirigeants du Fafcea et les représentants de toute la filière.

Ces réunions ont abouti à la proposition d’un certain nombre de mesures d’ordre financier permettant de poursuivre la prise en charge des actions de formation des artisans, sur l’ensemble de l’année. Les versements de l’Acoss au Fafcea et aux conseils de la formation sont intervenus hier, lundi 18 mars 2019, pour « sauver » la situation à court terme.

Par ailleurs, nous avons lancé une mission de l’Inspection générale des affaires sociales, portant sur le système de collecte et de répartition de la contribution à la formation professionnelle entre les Fonds d’assurance formation des non-salariés et la situation comptable et financière du Fafcea et des conseils de la formation, afin de trouver une solution durable.

J’ai demandé que le rapport de cette mission me soit remis à la fin du mois de juin prochain, afin de pouvoir inscrire les propositions qui seront retenues dans la durée, au plus tard au 1er janvier 2020. Nous avons le même objectif. Nous avons sauvé la situation à court terme ; maintenant, il faut la régler sur le long terme.

M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse encourageante. Soyez assurée que les 3 millions d’artisans veilleront à ce que la parole donnée soit respectée.

financement des formations sur l’illettrisme

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, auteure de la question n° 644, adressée à Mme la ministre du travail.

Mme Maryse Carrère. Madame la ministre, vous connaissez l’attention particulière que les sénateurs du groupe du RDSE portent au problème de l’illettrisme, notamment l’illettrisme numérique.

Aussi, je me permets de relayer les inquiétudes de l’association #STOPILLETTRISME concernant le financement des formations professionnelles en la matière. En effet, il existe aujourd’hui une forte incertitude sur le financement des formations professionnelles dédiées à l’acquisition et au développement des connaissances et des compétences clés, notamment avec le plafond du compte personnel de formation, le CPF, celui-ci passant d’une logique en heures à celle d’une somme plafonnée à 8 000 euros sur dix ans. Cela crée une insécurité sur les formations prévues pour les prochains mois et dans les années à venir.

Les formations favorisant l’acquisition des connaissances et des compétences clés, d’une part, et les formations de lutte contre l’analphabétisme et l’illettrisme, d’autre part, sont, par nature, des formations longues et coûteuses, qui sont utiles seulement si elles sont déployées sur plusieurs années. Pourtant, on note une tendance au désinvestissement du champ des compétences clés au profit de formations courtes, uniquement qualifiantes, qui ne correspondent pas aux besoins des salariés en situation d’illettrisme.

Madame la ministre, quel avenir réservez-vous à l’accompagnement des salariés en situation d’illettrisme et d’illectronisme dans la gestion de leur CPF et quelles réponses pouvez-vous apporter au problème du financement de ces formations longues et coûteuses pour nos concitoyens les plus fragiles ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Maryse Carrère, je confirme que le Gouvernement est pleinement engagé dans tout ce qui permet de stimuler la croissance et de la rendre inclusive. La lutte contre l’illettrisme fait partie de ces actions, qu’elles concernent les demandeurs d’emploi ou les salariés, car, nous le savons, les changements de technologie révèlent souvent des situations d’illettrisme jusqu’alors inconnues. Or il faut permettre à tous les salariés de suivre ces évolutions.

La bataille des compétences ne se segmente pas : elle va du plus haut niveau de qualification jusqu’à l’illettrisme. C’est la bataille principale en matière d’emploi.

C’est le sens tant des transformations profondes apportées par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel que des 15 milliards consacrés dans le cadre du plan quinquennal d’investissement dans les compétences. Ces mesures s’adressent notamment à ceux qui en ont le plus besoin – chômeurs de longue durée, jeunes sans qualification… –, où les situations d’illettrisme ne sont pas négligeables.

Le Gouvernement a assuré la continuité du financement des formations de lutte contre l’illettrisme éligibles au CPF, parmi lesquelles le certificat de connaissances et de compétences professionnelles, dit CléA, première marque de la sortie de l’illettrisme que cherchent les salariés concernés, puisqu’il s’agit d’une reconnaissance officielle.

Comment garantir la continuité du financement ? La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a fixé une entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives au CPF au 1er janvier 2019. Le décret relatif à l’organisation et au fonctionnement de France compétences a été publié le 30 décembre dernier.

Ainsi, les salariés peu ou pas qualifiés bénéficient d’ores et déjà d’un plafond de droits CPF majorés, à hauteur de 800 euros par an, dans la limite d’un plafond de 8 000 euros, ce qui est bien supérieur au montant observé des formations de lutte contre l’illettrisme.

Par ailleurs, je vous rappelle que le CPF n’est pas le seul outil d’accès des salariés à la formation professionnelle. Ainsi, il existe le plan de développement des compétences des entreprises, qui remplace désormais le plan de formation. En outre, et c’est un dossier que nous devons suivre ensemble, des formations collectives organisées dans le cadre de la décentralisation sont mises en place. En effet, en matière de lutte contre l’illettrisme, la compétence formation a été décentralisée voilà plusieurs années, mais les pratiques restent inégales : certaines régions ont poursuivi dans cette voie, d’autres ont presque stoppé, voire complètement stoppé. Il s’agit là d’un véritable sujet de préoccupation, qui fait l’objet de discussions avec les régions, dans le cadre des pactes régionaux d’investissement dans les compétences. Ainsi, des pactes ont été signés ou sont en passe de l’être avec onze régions métropolitaines et trois régions d’outre-mer – je me rendrai d’ailleurs en Occitanie à la fin du mois pour signer l’un d’entre eux avec la présidente de la région.

Il s’agit bien évidemment de toucher les publics les plus vulnérables : cela passe par des plans de lutte contre l’illettrisme ou des parcours de formation aux savoirs de base. Vous l’avez rappelé, par savoirs de base, on entend aussi les savoirs de base numériques et les compétences sociales et cognitives ; tout cela forme un ensemble.

Tous ces dispositifs permettront une logique de parcours plus importante. Évidemment, la lutte contre l’illettrisme fait partie de la bataille des compétences. Chacun doit être en mesure non seulement de lire, écrire, compter, mais aussi de naviguer – sans jeu de mots – dans l’univers d’aujourd’hui. C’est une priorité du plan d’investissement compétences et le compte personnel de formation permettra d’y contribuer pour les salariés comme pour tous les actifs.

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Maryse Carrère. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Un effort spécifique s’impose sur ces formations sur l’illettrisme et l’illectronisme, qu’il ne faut pas considérer comme des formations classiques dans le cadre du CPF.

Selon le secrétaire d’État chargé du numérique, 13 millions de Français seraient aujourd’hui en situation d’illectronisme : ce sont bien sûr les plus fragiles et les plus isolés d’entre nous, les Français les plus pauvres et les personnes éloignées de l’emploi, mais aussi – et c’est ce qui m’inquiète le plus – les moins de 35 ans les plus socialement défavorisés. Il ne faut pas laisser ces publics sur le bord du chemin.

transfert de la gestion des digues

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 575, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur le transfert de la gestion des digues au bloc communal, en application de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam.

À compter du 1er janvier 2018, les établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, sont devenus gestionnaires des ouvrages de protection ; en d’autres termes, ils sont désormais dans l’obligation de déclarer les ouvrages mis en œuvre sur le territoire communautaire et organisés en système d’endiguement, d’annoncer les performances qu’ils assignent à ces ouvrages ainsi que les zones protégées correspondantes et d’indiquer les risques de débordement pour les hauteurs d’eau les plus élevées.

Afin de faciliter la transition entre les anciens et les nouveaux gestionnaires, des périodes transitoires sont prévues. L’État ou l’un de ses établissements publics, lorsqu’il gère des digues à la date d’entrée en vigueur de la loi Maptam, continue d’assurer cette gestion pour le contrôle de l’EPCI pendant une durée de dix ans à compter de cette date, soit jusqu’au 28 janvier 2024.

Or, à la perspective de ce transfert, qui interviendra désormais dans cinq ans, de nombreuses inquiétudes subsistent. Aussi, je vous demande quels moyens financiers et techniques ont été programmés par l’État pour l’assurer.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, vous avez interrogé François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.

Le législateur a confié, à partir du 1er janvier 2018, la compétence de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, la Gemapi, aux EPCI à fiscalité propre, concentrant ainsi à l’échelon du bloc communal des compétences jusque-là morcelées. Celui-ci pourra ainsi concilier urbanisme, c’est-à-dire une meilleure intégration du risque d’inondation dans l’aménagement du territoire et dans les documents d’urbanisme, prévention des inondations, notamment la gestion des ouvrages de protection, et gestion des milieux aquatiques eux-mêmes.

S’agissant des digues domaniales de l’État, le législateur a prévu une période de transition adaptée, qui prendra fin au mois de janvier 2024, pendant laquelle l’État continue d’assurer sans refacturation la gestion de ces ouvrages, pour le compte des intercommunalités concernées.

Les intercommunalités qui le souhaitent peuvent toutefois reprendre la gestion de ces digues avant 2024. Certaines intercommunalités ont d’ailleurs fait ce choix, de manière à avoir la pleine maîtrise des différents leviers d’action de la Gemapi.

Dans cette période transitoire jusqu’à 2024, l’État travaille en étroite collaboration avec les collectivités chargées de la Gemapi, que ce soit pour les modalités de gestion de ces ouvrages, la réalisation de travaux de renforcement ou encore la préparation des dossiers d’autorisation de systèmes d’endiguement. Ces travaux ne seront donc plus à mener par les collectivités par la suite.

La fixation des niveaux de protection des digues revêt en effet un choix structurant pour les territoires et il est nécessaire que les autorités chargées de la Gemapi se prononcent sur ces choix, qui les engageront pour la suite. Le Gouvernement veille à ce que l’État respecte les bonnes diligences de gestion des ouvrages pendant cette période de transition.

Par ailleurs, en liaison avec la collectivité compétente en matière de Gemapi, certaines de ces digues font l’objet de projets de travaux de renforcement afin d’augmenter leur niveau de protection, quand les enjeux exposés le justifient. Afin de faciliter la réalisation de ces travaux, l’État a en particulier prévu dans le cadre de la loi de finances pour 2019 que les investissements financés sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs ne soient plus limités, comme c’était le cas auparavant, à un plafond annuel inadapté à la réalisation de ces projets.

Ainsi, l’État pourra, sur l’ensemble des cinq prochaines années, mobiliser jusqu’à 75 millions d’euros pour financer les travaux de renforcement des digues identifiés en liaison avec les collectivités. Après 2024, les travaux complémentaires pourront toujours faire l’objet d’un cofinancement par ce même fonds dans le cadre général mis en place par l’État, via un programme d’actions de prévention des inondations, un PAPI.

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour répondre à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la secrétaire d’État, je vous donnerai un exemple concret. Dans le sud de la Nièvre, sur les communes de Charrin et Saint-Hilaire-Fontaine, aucun entretien des digues n’a été réalisé par l’État pendant quatre-vingts ans, si bien que les arbres ont poussé et que les digues sont devenues une très agréable promenade.

À la perspective du transfert, une dévégétalisation a été lancée. Cette décision, que je qualifierai de brutale et qui semble avoir été prise dans la précipitation – c’est ainsi qu’elle a été perçue – a été bien mal comprise. Elle a même été vécue comme un « massacre à la tronçonneuse »…

En 2017, un bureau d’études indépendant, mandaté par l’État, a rendu ses conclusions. Pour atteindre un niveau de sécurité 1, il faudrait deux tranches de travaux, pour un montant total de 850 000 euros. Actuellement, l’État a investi 50 000 euros dans ces travaux de dévégétalisation. Qui paiera la différence ? C’est bien l’objet de ma question.

Un programme de confortement des digues après déboisement s’impose. Or ce n’est pas prévu. Les EPCI n’auront pas la capacité financière de réaliser ces travaux ; ils n’en auront pas non plus la capacité en termes d’ingénierie technique. Quid de leurs responsabilités dans ce cas, lorsque l’on sait que, en termes de gestion des risques d’inondation, rien n’est plus dangereux que la rupture de digues ? Que penser, enfin, d’un éventuel impôt supplémentaire qui serait levé pour compenser un défaut d’entretien par l’État depuis quatre-vingts ans ?

pollution en mer méditerranée

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 675, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d’État, la Méditerranée est en danger. Elle est victime des pollutions passées, avec les PCB, les polychlorobiphényles, et des pollutions chroniques, avec les dégazages d’hydrocarbures. Elle est victime des pollutions par les plastiques ou les métaux lourds, des pollutions par les nitrates et les phosphates dues à l’insuffisante épuration des eaux usées, notamment sur la rive sud. Enfin, elle est victime des pollutions dites émergentes, pharmaceutiques et cosmétiques, qui ont des effets reprotoxiques sur les espèces. Elle sera soumise, à l’horizon d’une génération, à une pression accrue de pollutions, dont les conséquences seront démultipliées par les effets du changement climatique.

Ce constat alarmant, je l’ai dressé dans le cadre des travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’Opecst. J’ai ainsi publié un rapport d’information dans lequel, fort de ce constat qui n’incite pas à l’optimisme, j’avançais dix grandes catégories de propositions pour lutter contre ces pollutions sur l’ensemble du bassin. J’ai remis ce rapport au cabinet du ministre d’État, le 5 février dernier.

Au mois de juin 2018, j’avais longuement travaillé avec Nicolas Hulot sur les préconisations que j’avançais. Celui-ci s’était alors engagé à les mettre à l’étude et, surtout, via les ambassadeurs de France et des vingt et un États riverains, à mobiliser les ministres de l’environnement concernés afin de mettre à l’étude une nouvelle gouvernance de lutte antipollution, actuellement trop dispersée et peu efficace.

Ma question est simple. Comptez-vous donner suite aux initiatives envisagées par Nicolas Hulot ? Dans le cas contraire, quelles autres démarches comptez-vous engager afin de renforcer l’impulsion supranationale permettant de mieux lutter contre ces pollutions sur l’ensemble du bassin méditerranéen ?