M. Olivier Léonhardt. La réalisation du projet du Grand Paris Express va, selon moi, renforcer le déséquilibre régional entre les départements en matière d’investissement dans les infrastructures de transport. Je sais que telle n’est pas votre analyse, madame la ministre.

Alors que les bienfaits à venir de la réalisation de ce projet pour la désaturation du réseau existant ne sont toujours pas démontrés, c’est bien l’ensemble des Franciliens, particuliers et entreprises, qui continuent à financer la Société du Grand Paris, au travers notamment de la taxe sur les surfaces de bureaux et de la taxe spéciale d’équipement.

Si le calcul du montant de la taxe sur les surfaces de bureau, étendue aux parkings commerciaux, intègre des modulations selon les territoires en fonction de critères économiques et sociaux, ainsi que selon la proximité ou l’éloignement de la zone dense, le montant de la taxe spéciale d’équipement reste injustement forfaitaire.

Il est totalement anormal qu’un habitant de grande couronne, qui passe en moyenne deux fois plus de temps dans les transports qu’un habitant de la zone dite dense et subit chaque jour le cauchemar des incidents récurrents sur les lignes du RER, s’acquitte du même montant de taxe Grand Paris. Je propose donc de moduler la taxe Grand Paris pour la rendre plus juste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. Compte tenu de la situation financière de la Société du Grand Paris et des besoins de financement du Grand Paris Express (M. Roger Karoutchi sesclaffe.), une telle évolution n’est pas souhaitable à court terme. Le débat pourrait avoir lieu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, après que certaines questions d’importance auront été tranchées en concertation avec l’ensemble des acteurs. Je pense en particulier à la gestion des gares du Grand Paris Express, qualifiée d’« angle mort » de la loi de 2010 par notre collègue député Gilles Carrez. L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je sais que nous n’avons pas le même avis sur l’impact de la réalisation du réseau du Grand Paris Express, qui, j’en suis pour ma part convaincue, profitera à l’ensemble des habitants de la grande couronne, notamment en renforçant les liaisons de banlieue à banlieue, en désaturant des lignes de RER existantes et en favorisant les relations de pôle à pôle entre la petite et la grande couronne.

S’agissant du financement de la Société du Grand Paris, je pense qu’il ne faut pas fragiliser son modèle économique. J’entends la nécessité de différencier la contribution des territoires, mais c’est déjà le cas. Ainsi, la taxe sur les bureaux est déjà fortement différenciée selon les départements, puisque Paris et les Hauts-de-Seine, qui représentent 30 % de la population, assurent les deux tiers du produit de la taxe.

Je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

M. le président. Monsieur Léonhardt, maintenez-vous l’amendement ?

M. Olivier Léonhardt. Madame la ministre, nous avons un désaccord : dont acte ! Je pense que je vais proposer à mes collègues essonniens de demander au président du conseil départemental de se tourner davantage vers nos voisins du Loiret et l’Eure-et-Loir pour envisager des projets communs en matière de développement économique et de transports.

Madame la ministre, tous les Essonniens, en train, en voiture, à moto et maintenant à patinette comprennent de mieux en mieux l’intérêt de se rapprocher de nos voisins, qui, j’en suis sûr, seraient heureux de nouer avec nous de nouvelles relations.

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Je voterai cet amendement, en tant qu’élu du Val-d’Oise, car mon département est confronté au même problème que l’Essonne. Mme la ministre nous dit que ce projet intéresse tous les départements, y compris ceux de la grande couronne, mais je rappelle qu’une seule des soixante-neuf gares prévues dans le projet initial est située dans le département du Val-d’Oise, sur la ligne 17. Et encore, sa réalisation est retardée ! Le Val-d’Oise est donc quelque peu laissé à l’abandon. Je considère que l’adoption de cet amendement permettrait que l’effort financier demandé tienne compte de la réalité de la situation des territoires au regard du projet.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Pour ma part, je préférerais que l’on se pose la question plus globale du financement de l’opération.

M. Rachid Temal. Je suis d’accord !

M. Roger Karoutchi. Chacun sait ce que je pense de la SGP ; il faudra peut-être un jour ou l’autre s’interroger sur la pertinence de son existence. J’étais quant à moi favorable à ce que l’on transfère la gestion du Grand Paris Express à Île-de-France Mobilités. Je ne comprends pas très bien cette multiplication de sociétés qui ne travaillent pas forcément ensemble et prennent parfois des décisions compliquées. Le coût estimé du Grand Paris Express est passé de 20 milliards à 35 milliards d’euros en l’espace de sept ou huit ans.

M. Rachid Temal. Et ce n’est pas fini !

M. Roger Karoutchi. Comment va-t-on financer si le coût continue d’augmenter ? On n’en voit pas le bout !

Cela étant, il s’agit ici en fait de compléments de taxes existantes, déjà totalement différenciées. Il est un peu délicat de prendre le problème du financement par ce bout.

M. Rachid Temal. Nous alertons !

M. Roger Karoutchi. Très franchement, monsieur Léonhardt, je préférerais que l’on s’interroge sur la pertinence de maintenir la SGP pendant encore vingt, trente ou quarante ans. Ne serait-il pas souhaitable de tout regrouper au sein d’Île-de-France Mobilités ?

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. Étant moi aussi élue de l’Essonne, je me sens interpellée par l’intervention de mon collègue Olivier Léonhardt.

Je ne pense pas que nous pourrons régler aujourd’hui ce problème, qui se pose surtout entre la métropole du Grand Paris et la région. Les Essonniens du sud ne se tourneront pas vers le Loiret si la région garde sa cohérence, entre petite et grande couronne, grâce à une politique beaucoup plus forte en matière de transports. Cela passe par des péréquations adéquates entre territoires concernés.

Je ne voterai pas cet amendement, mais nous devrons avoir ce débat. Cela fait maintenant près de deux ans que le Président de la République doit trancher ce sujet. La situation présente nous empêche d’avancer.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 440 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 38 - Amendement n° 440 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Article additionnel après l'article 38 bis - Amendement n° 59 rectifié quater

Article 38 bis (nouveau)

L’article 35 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est complété par un 11° ainsi rédigé :

« 11° La conception, la construction et l’aménagement des sites de maintenance et de remisage de modes de transport (bus, tramway, tram-trains, métropolitain). »

M. le président. L’amendement n° 189, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Cet article, inséré en commission sur l’initiative de nos collègues Roger Karoutchi et Sophie Primas, vise à permettre le recours à un marché public global sectoriel pour la conception, la construction et l’aménagement des sites de maintenance et de remisage de modes de transport – bus, tramway, tram-train, métropolitain.

Il s’agit, selon ses promoteurs, d’aller vite pour préparer l’ouverture à la concurrence. Nous ne partageons pas cette volonté d’aller vers un recours généralisé aux contrats globaux. Les arguments avancés nous laissent par ailleurs assez dubitatifs.

D’un côté, pour l’exploitation du service public, l’allotissement et la multiplication des acteurs seraient le gage de la performance. De l’autre, pour la construction des sites de maintenance, le principe de l’allotissement serait insupportable, car synonyme de rigorisme administratif et de perte de temps.

Nous voyons donc bien que chacun voit midi à sa porte, et que les arguments se retournent en fonction des intérêts du moment.

Pour ce qui nous concerne, nous considérons que les principes des marchés publics doivent être respectés et que la concurrence est incompatible avec les principes du service public.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission. Nous souhaitons que cette dérogation au principe de l’allotissement prévue à l’article 38 bis puisse être mise en œuvre. Elle est justifiée par la nécessité de préparer l’ouverture à la concurrence dans les meilleures conditions. Cette disposition permettra à l’AOM d’aller plus rapidement. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Effectivement, la faculté de faire un marché global introduite par la commission répond à une attente d’Île-de-France Mobilités. Je pense qu’il faut laisser cette marge de manœuvre et suis donc défavorable à la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, mon intervention vaudra défense de l’amendement suivant.

Je peux comprendre que vous soyez opposé à l’ouverture à la concurrence, monsieur Gay, mais il n’est pas question ici d’accélérer le processus : l’échéance reste le 1er janvier 2025. Île-de-France Mobilités souhaite simplement ne pas se retrouver dans une situation où, après l’ouverture à la concurrence, les choses n’ayant pas été anticipées, les opérateurs privés seraient amenés à décider seuls en ce qui concerne les dépôts de bus, les sites de maintenance, etc. Plutôt que de nous en remettre aux futurs opérateurs privés, il est beaucoup plus simple et plus sain, à mon avis, qu’Île-de-France Mobilités s’en charge dans les temps. C’est l’objet de l’amendement suivant.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 189.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 348 rectifié est présenté par MM. Karoutchi, Bascher, Bonhomme, Buffet, Calvet et Cambon, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Deromedi, Di Folco, Duranton et Estrosi Sassone, M. Ginesta, Mme Imbert, M. Laménie, Mmes Lassarade et Lavarde, MM. Le Gleut, Lefèvre et Magras, Mmes M. Mercier et Micouleau et MM. Milon, Panunzi, Pointereau, Sido et Vogel.

L’amendement n° 373 rectifié est présenté par Mmes Primas et de Cidrac et MM. Schmitz et Laugier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 2171-6 du code de la commande publique, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Île-de-France Mobilités peut confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction et l’aménagement des sites de maintenance et de remisage des modes de transport (bus, tramway, tram-train, métropolitain) dont elle assure l’organisation dans le cadre de ses missions. »

L’amendement n° 348 rectifié a déjà été défendu.

La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour présenter l’amendement n° 373 rectifié.

Mme Marta de Cidrac. M. Roger Karoutchi l’a très bien défendu au travers de son explication de vote.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. Ces amendements améliorent la rédaction de l’article 38 bis. La commission y est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Il me semble que cette mesure spécifique à Île-de-France Mobilités n’a pas nécessairement vocation à être codifiée dans le code de la commande publique et aurait pu rester dans la partie non codifiée de la loi d’orientation des mobilités. Toutefois, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 348 rectifié et 373 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 38 bis est ainsi rédigé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, modifié par lettre rectificative, d’orientation des mobilités.

Article 38 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Article additionnel après l'article 38 bis - Amendements n° 174 rectifié  et n° 444 rectifié bis

Articles additionnels après l’article 38 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 59 rectifié quater est présenté par M. Karoutchi, Mme L. Darcos, MM. Charon, Daubresse et de Nicolaÿ, Mme Deromedi, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Morisset et Panunzi, Mme Procaccia, MM. Regnard, Sido, Vogel, Allizard et Bizet, Mme Bruguière, M. Calvet, Mmes Canayer et Chain-Larché, MM. Chaize, Cuypers, Danesi et Darnaud, Mme de Cidrac, M. de Legge, Mmes Dumas, Duranton et Garriaud-Maylam, M. Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Gremillet, Hugonet, Kennel et Laménie, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Pemezec, Mme Raimond-Pavero, MM. Revet et Savary et Mme Thomas.

L’amendement n° 372 rectifié bis est présenté par Mme Primas et MM. Schmitz et Laugier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 38 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre II du code des transports est complétée par un article L. 1241-7-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1241-7-.– Le chapitre V et la section 2 du chapitre VI du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la commande publique, dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n° 2018-1074 du 25 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique, sont applicables aux contrats de service public conclus par Île-de-France Mobilités pour l’exploitation des lignes de métro qu’il met en concurrence sur le fondement de l’article L. 1241-5. »

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 59 rectifié quater.

M. Roger Karoutchi. Cet amendement concerne les articles 55 et 56 de l’ordonnance du 29 janvier 2016, relatifs aux conditions de modification d’un contrat en cours et aux conditions d’indemnisation d’un concessionnaire. La modification proposée consiste à créer un parallélisme avec la disposition prévue par l’article 21 de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

M. le président. L’amendement n° 372 rectifié bis n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. En commission, j’avais émis un avis défavorable, car la rédaction proposée n’était pas adaptée à l’objectif. Cette rédaction a évolué, pour ne pas viser la ligne 14 prolongée avant son ouverture à la concurrence en 2039, conformément à la volonté d’Île-de-France Mobilités et de la RATP. L’avis de la commission est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. L’amendement tend à appliquer les règles des concessions en ce qui concerne la modification des contrats en cours et l’indemnisation des cocontractants pour les contrats de service public qu’Île-de-France Mobilités va mettre en concurrence en vue de l’exploitation des lignes de métro du Grand Paris Express. Le Gouvernement est favorable aux souplesses que vous souhaitez introduire, monsieur Karoutchi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 38 bis - Amendement n° 59 rectifié quater
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Article 39

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 38 bis.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 174 rectifié est présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 444 rectifié bis est présenté par MM. Léonhardt, Guérini et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 38 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2111-3 du code des transports est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 174 rectifié.

Mme Éliane Assassi. Il était improbable que nous ne nous saisissions pas de la discussion de ce projet de loi pour revenir sur le sujet de la liaison Charles-de-Gaulle Express !

Lors des débats sur la loi Macron, en 2015, il nous a explicitement été dit que le Charles-de-Gaulle Express était destiné aux touristes et à une clientèle d’affaires, qui n’ont pas vocation à voyager comme les 900 000 Franciliens entassés tous les jours dans le RER B. Bref, nous avons bien compris que ce projet à plus de 2 milliards d’euros serait le train des riches, sans que la démonstration de son impact sur l’attractivité de Paris et de l’Île-de-France n’ait été faite. Qui pis est, selon le rapport du préfet Michel Cadot, les travaux du CDG Express auront nécessairement une incidence sur la qualité de service au quotidien, sans apporter d’améliorations visibles à la circulation du RER B à court terme.

Nous pensons, pour notre part, que l’amélioration de la desserte de l’aéroport doit s’effectuer dans le cadre du service public et profiter ainsi aux Franciliens des villes populaires, comme La Courneuve, Aubervilliers, Le Blanc-Mesnil, Drancy, Aulnay-sous-Bois, etc. Avec la réalisation du projet du Charles-de-Gaulle Express, ces populations verront seulement passer des trains qui ne s’arrêteront pas ! Encore une fois, quel mépris à leur égard – et au nôtre, oserai-je dire, car nous sommes quelques-uns ici à emprunter le RER B quotidiennement !

Nous l’avons déjà dit et nous le répétons : faire le choix du Charles-de-Gaulle Express, c’est renoncer à améliorer les conditions de transport des usagers du quotidien. En ce sens, ce projet est symbolique d’une conception des transports publics aux antipodes de la nôtre, à savoir répondre aux besoins du plus grand nombre en desservant au plus près les territoires.

Au travers de cet amendement, nous souhaitons donner la priorité aux transports des Franciliens. Il nous semble impératif, dans cet esprit, de mettre un terme à un projet dispendieux et inégalitaire, sans justification économique, environnementale ou sociale, un projet qui suscite une véritable opposition des usagers et des élus et qui, en définitive, n’est qu’un outil de valorisation d’Aéroports de Paris en vue de sa privatisation ! (M. Roger Karoutchi rit.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour présenter l’amendement n° 444 rectifié bis.

M. Olivier Léonhardt. Le RER B, c’est la deuxième ligne la plus utilisée d’Europe, avec plus de 900 000 voyageurs par jour, et les Franciliens qui l’utilisent vivent un cauchemar quotidien. La ligne est totalement saturée. Le taux de régularité des trains est assez catastrophique. Le mélange des usagers de l’aéroport Charles-de-Gaulle et des Franciliens qui se déplacent entre leur domicile et leur travail est une source de dysfonctionnements. J’en donnerai un seul exemple : les bagages abandonnés par les usagers de Roissy causent de nombreux arrêts et retards sur la ligne.

Sur le principe, l’idée de créer une liaison dédiée entre la capitale et l’aéroport était donc excellente, au regard tant du fonctionnement des transports du quotidien que du rayonnement et de l’attractivité de la métropole parisienne. Malheureusement, le projet actuel ne prévoit plus de liaison dédiée : les questions de calendrier liées à l’accueil des jeux Olympiques ont eu raison de la bonne idée initiale !

Le Charles-de-Gaulle Express, avec son tracé actuel, empiètera, en phase de travaux comme en phase d’exploitation, sur les tronçons déjà saturés et dysfonctionnels du faisceau nord francilien. Jusqu’à présent, la forte mobilisation des usagers et des associations n’a pas permis d’obtenir de modification du projet, mais chacun sent bien que cette situation n’est pas tenable. Nombreux sont les acteurs qui disent tout bas ce que personne ne veut assumer tout haut : le projet actuel et son calendrier sont déraisonnables. Cela rappelle d’ailleurs ce que l’on entend dire du projet Grand Paris Express en général…

Il y a deux jours, le 26 mars, le journal La Tribune révélait même que SNCF Réseau pousse au report d’au moins dix-huit mois du projet, pour éviter un impact trop fort sur les trains du quotidien pendant les travaux.

Madame la ministre, vous êtes très engagée pour les transports du quotidien, or tout porte à croire que le projet du Charles-de-Gaulle Express va les pénaliser très lourdement. Il est nécessaire de le revoir.

Cet amendement vise à la remise à plat du projet et de son calendrier, en vue de la création de liaisons dédiées qui répondent aux objectifs initiaux : améliorer le fonctionnement du RER B et créer une voie dédiée au trafic entre Paris et l’aéroport international.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. La commission a eu l’occasion à deux reprises, en 2016 et en 2018, de se déclarer en faveur de ce projet.

Par ailleurs, Mme la ministre nous a donné voilà quelques jours un certain nombre de garanties, qu’elle va sans doute confirmer, quant aux conséquences des travaux sur le fonctionnement du RER B.

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je vous remercie, madame la présidente Assassi, de me donner l’occasion de répéter une nouvelle fois, comme je le fais depuis vingt mois, que la priorité du Gouvernement, ce sont les transports du quotidien.

Mme Éliane Assassi. Pas partout !

Mme Élisabeth Borne, ministre. C’est vrai partout en France, ce l’est particulièrement en Île-de-France, avec un contrat de plan de 7,6 milliards d’euros et le projet du Grand Paris Express, qui représente un investissement de 35 milliards d’euros. Les transports du quotidien sont donc bien la priorité du Gouvernement, et ils le resteront !

Dans ce contexte, je voudrais rappeler que le projet du CDG Express ne suppose aucune subvention publique : il sera financé en totalité par les passagers du transport aérien et les clients du CDG Express. Au sein de ce projet, une somme de 500 millions d’euros est dédiée à l’amélioration du RER B. Il est exact que beaucoup de travaux sont prévus sur le faisceau nord.

Mme Éliane Assassi. Il n’y aura pas de RER B ce week-end !

Mme Élisabeth Borne, ministre. On ne peut pas à la fois demander des investissements pour la remise en état de réseaux qu’on a laissés se dégrader pendant des années, de nouveaux matériels roulants pour le RER B, la remise en état de la caténaire, l’installation d’un nouveau système de signalisation et la mise en accessibilité des gares, et refuser que des travaux soient effectués ! En effet, des travaux importants sont prévus.

Mme Éliane Assassi. Pour le CDG Express !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Madame Assassi, toutes ces améliorations passent par des travaux : quinze grands projets sont prévus pour le faisceau nord du RER B ! C’est pourquoi le Gouvernement a demandé au préfet de région de remettre un rapport sur l’organisation de l’ensemble de ces chantiers.

Le projet du CDG Express est nécessaire. M. Léonhardt l’a très bien dit : le mélange actuel des publics entre des passagers du transport aérien chargés de bagages et les usagers du quotidien ne favorise pas la fiabilité de l’exploitation du RER B. Il faut parvenir à remettre à plat l’ensemble de ces chantiers et à proposer une organisation des travaux. Sur la base du rapport que le préfet de région nous présentera prochainement, nous serons amenés à prendre des décisions en la matière, y compris en ce qui concerne, le cas échéant, le calendrier de réalisation du CDG Express.

J’émets évidemment un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, vous reprochez à Éliane Assassi de ne pas écouter, mais vous, vous répétez toujours la même chose : c’est la méthode Coué ! Vous vous persuadez que ce projet est absolument nécessaire, alors qu’il ne reçoit pas d’autre soutien que le vôtre ! Vous essayez de nous le vendre au motif que sa réalisation permettrait des travaux d’amélioration du RER B, mais il n’y a pas besoin de cela pour amorcer des travaux sur le RER B ! Vous n’avez qu’à emprunter !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne vous ai pas attendue pour prendre le RER B !

Mme Laurence Cohen. Je ne vais pas refaire ici l’historique législatif et politique de ce projet pharaonique qu’est le Charles-de-Gaulle Express, mais je crois que nous sommes tous d’accord ici pour dire que, à part le président Macron et les membres du Gouvernement, personne ne le soutient ! Même la présidente d’Île-de-France Mobilités, Valérie Pécresse, a demandé, en décembre dernier, la suspension des travaux, pour privilégier les transports du quotidien. Pour une fois, je suis d’accord avec Mme Pécresse !

Quand, parallèlement, le président de la Société du Grand Paris présente, à la demande du Premier ministre, un plan d’optimisation pour économiser 2,6 milliards d’euros sur le coût du Grand Paris Express, comprenez que les élus franciliens soient quelque peu révoltés ! Concrètement, les usagers l’ont bien compris, vous êtes en train d’imposer un projet « vitrine », destiné à quelques hommes d’affaires pressés, au détriment d’un projet d’utilité publique permettant de remédier à la saturation du réseau existant, au bénéfice de millions de Franciliennes et de Franciliens.

Cette situation fait écho à ce qui se passe depuis quatre mois dans le pays, où la majorité a le sentiment d’être spoliée par une minorité et de ne pas être entendue. De toute façon, vos projets sont merveilleux et vous n’écoutez personne !

Je ne m’étendrai pas plus longuement sur le lien évident entre ce projet et la privatisation d’ADP, sur la dégradation du fonctionnement du RER B et des lignes H et K, sur le manque de concertation, notamment avec les élus. Je pense ici à ma collègue Charlotte Blandiot-Faride, maire de Mitry-Mory, qui a eu la mauvaise surprise de voir débarquer sur son territoire des engins de chantier pour les travaux du CDG Express, et ce alors que nous sommes prétendument en pleine concertation sur le sujet ! Vous avez une drôle de conception de la concertation, madame la ministre !

Ce sont là autant de raisons pour que nous exprimions une nouvelle fois aujourd’hui, comme nous le faisons depuis le début de l’annonce de la réalisation du CDG Express, notre opposition à ce projet…