M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le secrétaire d’État, à l’ère de la simplification, de la réactivité, il serait bon d’appliquer ces concepts à ces ouvriers qui ont travaillé toute leur vie au prix de leur santé.

financement de la formation de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 699, transmise à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

M. Cédric Perrin. Ma question s’adressait à Mme la ministre du travail. Monsieur le secrétaire d’État, depuis plusieurs semaines, les artisans du bâtiment nous interpellent sur la situation très préoccupante du fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale, le Fafcea.

Jusqu’en janvier 2018, les cotisations de ce fonds étaient collectées par la direction générale des finances publiques. Ce sont maintenant les Urssaf qui en assurent le recouvrement. Comme vous le savez, cela ne fonctionne pas très bien et le financement de la formation professionnelle des artisans est gravement menacé. Les comptes présentent un déficit de 32 millions d’euros parce que 170 000 adresses d’entreprises ont disparu des fichiers. De 72 millions d’euros en 2017, on passe à 33,8 millions d’euros en 2018, et la collecte a encore diminué d’un tiers en 2019.

Je sais qu’une réunion s’est tenue au ministère du travail il y a quelques jours avec les parties prenantes et qu’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, est attendu d’ici au mois de juillet. Je sais également que vous avez décidé de reporter le remboursement des avances opérées au fonds d’assurance à 2020 et que des mesures d’urgence sont censées être prises par le biais de l’Association de gestion du financement de la formation des chefs d’entreprise, l’Agefice.

En dépit de ces annonces, les artisans m’alertent sur les engagements financiers du fonds d’assurance, qui sont toujours suspendus, notamment parce que la collecte pour 2019 est très inférieure à vos prévisions. De même, si l’Agefice se dit prête à soutenir la formation des artisans, cela ne se fera pas dans n’importe quelles conditions. Les salariés et les dirigeants salariés sont par exemple automatiquement exclus, si l’on s’en tient aux critères pratiqués par l’Agefice.

Monsieur le secrétaire d’État, vous l’aurez compris, la situation manque de clarté et les artisans sont suspendus aux engagements financiers, qui ne sont pas encore clairement définis. Pouvez-vous donc nous éclairer précisément sur les mesures qui seront arrêtées par le Gouvernement concernant le financement du fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Perrin, vous m’interrogez, et après vous le sénateur Luche, sur la situation financière du conseil de la formation de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat, la CRMA, de Bourgogne-Franche-Comté.

Comme vous le savez, et vous en avez rappelé un certain nombre d’éléments que je vais réitérer devant vous, la collecte de la contribution à la formation professionnelle des artisans est assurée par les Urssaf et non plus par la direction générale des finances publiques, en application de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Cette modification des modalités techniques de collecte a entraîné des difficultés de trésorerie pour le fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale, ainsi que pour les conseils de la formation.

Ces difficultés s’expliquent encore par le fait que de nombreux artisans salariés, assujettis à la fois à la contribution à la formation professionnelle en tant que travailleur indépendant versée au Fafcea et à la contribution à la formation professionnelle en tant que salarié versée à leur opérateur de compétences, ont refusé de s’acquitter, à l’automne 2018, de la contribution due en tant que travailleur indépendant, contestant la légalité de ce double assujettissement qui n’existe que pour les artisans.

Des mesures ont été prises rapidement par les services de l’État : l’Agence France Trésor a avancé 15 millions d’euros et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’Acoss, 18 millions d’euros. Des discussions se sont également rapidement engagées avec les chambres de métiers et de l’artisanat pour trouver une solution durable.

Ainsi que j’aurai l’occasion de le redire à votre collègue le sénateur Luche, plusieurs réunions ministérielles et interministérielles ont été organisées ces dernières semaines avec l’ensemble des acteurs concernés, notamment les dirigeants du Fafcea et les représentants de toute la filière. Ces réunions ont abouti à proposer un certain nombre de mesures d’ordre financier permettant de poursuivre la prise en charge des actions de formation des artisans, et ce sur l’ensemble de l’année.

Les versements de l’Acoss au fonds et aux conseils de la formation sont intervenus lundi 18 mars 2019, ce qui permet de traiter la situation sur le court terme. De plus, un gel des remboursements des avances accordées en 2018 a été décidé et un complément exceptionnel de financement sera apporté en 2019, dont les modalités précises sont en cours de définition.

Par ailleurs, vous le savez, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales a été lancée pour étudier le système de collecte et de répartition de la contribution à la formation professionnelle entre les fonds d’assurance formation des non-salariés et la situation comptable et financière du Fafcea et des conseils de la formation, afin de trouver une solution pérenne. Le rapport de cette mission sera remis à la fin du mois de juin prochain, afin d’inscrire les propositions qui seront retenues dans la durée, au plus tard le 1er janvier 2020.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.

M. Cédric Perrin. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse me satisfait. L’urgence de la situation est évidente. Des formations n’ont pas lieu, d’autres sont interrompues ; or permettre à chacun de se former est une impérieuse nécessité.

Je rappelle que l’Agefice attend des garanties de l’État. Un certain nombre de critères n’étant pas remplis, les formations ne peuvent pas avoir lieu. Nous sommes évidemment dans l’attente d’une résolution rapide, sachant que le rapport de l’IGAS ne sera rendu qu’en juillet, mais des réunions sont en cours.

suspension des financements de la formation des artisans

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche, auteur de la question n° 685, transmise à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

M. Jean-Claude Luche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur la même problématique que celle de Cédric Perrin, mais j’en rappellerai brièvement les étapes.

Depuis le 15 mars dernier, c’est-à-dire depuis presque un mois, les artisans ne peuvent plus bénéficier de leur droit à la formation. Pourtant, ces artisans restent prélevés de leurs cotisations. Surtout, dans plusieurs domaines d’activités, ces formations sont obligatoires pour exercer leur activité et travailler.

Quelle est la cause de cette perte du droit à la formation ? Une fois n’est pas coutume, il s’agit d’un problème lié à des changements administratifs ! En effet, la charge de la collecte des contributions à la formation professionnelle des artisans est transférée de la direction générale des finances publiques vers les Urssaf. Ensuite, les contributions sont reversées auprès des fonds d’assurance formation, notamment du Fafcea, que vous avez mentionné, monsieur le secrétaire d’État.

Lors de ce transfert de collecte, 170 000 entreprises artisanales répertoriées par le Trésor public ont disparu du fichier des Urssaf. La conséquence est que le fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale affiche un déficit de 32 millions d’euros au titre de l’exercice 2018 et a dû suspendre le financement des formations des artisans le 15 mars dernier.

Le Gouvernement a été alerté sur ce sujet par nombre de mes collègues, notamment lors des questions au Gouvernement et par différents courriers. Aux dernières nouvelles, il semblerait qu’un autre fonds, l’Agefice, vienne temporairement financer la formation des artisans. Cette solution ne peut être que provisoire puisque cet organisme exclut les dirigeants salariés et les salariés des entreprises artisanales.

Monsieur le secrétaire d’État, l’artisanat représente de nombreux emplois dans nos territoires, pour la plupart non délocalisables. Un geste serait le bienvenu, comme de suspendre pour un temps les cotisations à la formation. Il serait logique, puisqu’ils ne peuvent plus être formés, qu’ils ne paient plus pour la formation.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ? Surtout, quand les artisans pourront-ils de nouveau bénéficier de leur droit à la formation ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Luche, permettez-moi de commencer par réaffirmer, s’il en était besoin, à quel point le Gouvernement partage avec vous la conviction que l’artisanat est le tissu économique de proximité qui irrigue tous nos territoires, le savoir-faire à la française dans toute son expression. Ces derniers mois, les actions que le Gouvernement mène pour développer la filière d’excellence qu’est l’apprentissage comme les différentes réformes conduites par Muriel Pénicaud concourent à conforter ces professionnels et à renforcer notre tissu d’artisans. C’est en tout cas notre volonté.

Vous attirez notre attention sur les risques de suspension du financement des actions du Fafcea. Cet organisme nous a interpellés, comme vous et un certain nombre de vos collègues.

C’est bien une mesure de simplification nous paraissant nécessaire qui est à l’origine d’un problème de cotisations, et in fine de financement, lié à une réduction du nombre de cotisants recensés au moment du basculement, certains d’entre eux ayant refusé de cotiser, je l’ai dit, se considérant comme doublement assujettis.

Afin de garantir la continuité du financement par le Fafcea et les conseils de la formation des actions de formation des artisans pour l’année 2019, plusieurs réunions ministérielles et interministérielles ont été organisées avec l’ensemble des acteurs, encore tout récemment. Elles ont abouti à proposer un certain nombre de mesures d’ordre financier pour parer à l’urgence. Comme je le disais précédemment, des versements de l’Acoss au Fafcea et aux conseils de la formation sont intervenus le 18 mars dernier, permettant de traiter la situation à court terme.

Parallèlement, un gel des remboursements des avances accordées en 2018 a été décidé et un complément exceptionnel de financement sera apporté en 2019, dont les modalités restent à définir, mais qui permettra d’assurer, à défaut d’un système pérenne, la dispense des formations sur l’année 2019.

Je rappelle à la Haute Assemblée qu’une mission de l’Inspection générale des affaires sociales portant sur le système de collecte et de répartition de la contribution à la formation professionnelle entre les fonds d’assurance formation des non-salariés et la situation comptable et financière du Fafcea et des conseils de la formation a été lancée, afin de trouver une solution durable. Son rapport sera remis fin juin, pour une décision au plus tard le 1er janvier 2020.

Nous avons le même objectif. Nous avons sauvé la situation à court terme cette année, mais l’enjeu est maintenant de trouver une situation pérenne. Ce sera l’objet du rapport et des décisions qui en découleront.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour la réplique.

M. Jean-Claude Luche. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’ai bien noté les efforts qui vont être réalisés pour assurer la mise en place et la continuité de la formation. Je forme le vœu que tout se passe pour le mieux.

avenir des conseillers techniques sportifs

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, auteur de la question n° 705, adressée à Mme la ministre des sports.

Mme Mireille Jouve. Monsieur le secrétaire d’État, la presse s’est de nouveau fait l’écho, il y a quelques jours, d’une note selon laquelle l’hypothèse d’un détachement progressif des conseillers techniques sportifs du ministère des sports vers les fédérations demeurait largement à l’étude.

Une lettre plafond du 26 juillet 2018 émanant du Premier ministre demande en effet une réduction du schéma d’emplois du ministère des sports à hauteur de 1 600 équivalents temps plein pour la période 2018-2022. Cette lettre précise que le schéma d’emplois reposera sur une transformation du mode de gestion des conseillers techniques sportifs et sur la réduction de leur nombre.

Cette perspective continue de susciter une très forte inquiétude dans le milieu sportif. Dès la nomination de Mme la ministre des sports, au mois de septembre dernier, le président du Comité national olympique et sportif français lui a fait part de son opposition au bouleversement d’un « système sur lequel repose en très grande partie l’organisation fédérale ».

Un rapport établi par l’Inspection générale de la jeunesse et des sports a aussi récemment pointé qu’un « scénario de rupture pourrait notamment se traduire par une désorganisation totale du système de performance sportive français », alors que notre pays doit, cent ans après les huitièmes olympiades, accueillir de nouveau les jeux Olympiques. Les auteurs de la mission d’évaluation soulignent « les réelles contraintes juridiques et financières, ainsi que le caractère déstabilisant pour le sport français » d’une telle ambition.

Au mois de mars dernier, réunis en assemblée générale, les inspecteurs généraux du sport ont aussi fait part de leur crainte d’une « dispersion d’effectifs déjà réduits, au risque d’une rupture majeure de la continuité du service public de l’État dans le champ du sport ».

Les caractéristiques démographiques actuelles du réseau des conseillers techniques sportifs doivent également nous appeler à la prudence. En effet, sans remplacement des départs à la retraite dans les dix années à venir, ce dernier perdrait 50 % de ses effectifs durant cette période.

Monsieur le secrétaire d’État, alors qu’un comité technique ministériel doit se tenir le 16 avril prochain, pouvez-vous nous faire part des axes actuellement retenus par le Gouvernement dans sa réflexion ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame Jouve, vous me permettrez de répondre au nom de la ministre des sports, Roxana Maracineanu, qui s’excuse d’être retenue par d’autres obligations.

S’agissant des conseillers techniques et sportifs, les CTS, et comme l’a rappelé le Président de la République en novembre dernier dans une lettre adressée aux sportifs, en particulier aux athlètes, « l’objectif poursuivi à travers ce changement de mode de gestion est simple : intégrer davantage ces personnels, dont le caractère public de l’emploi n’apparaît pas toujours nécessaire, à la vie des fédérations et leur permettre de mieux répondre aux attentes des clubs et des bénévoles ».

La ministre des sports a, pour sa part, souhaité dès son arrivée engager un travail de concertation, d’écoute et de dialogue sur ce sujet. Elle l’a rappelé récemment lors de son audition devant les députés de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Il est important de le redire : ces agents exercent des missions clés.

La rénovation du modèle que nous sommes en train de mener vise à renforcer l’autonomie des fédérations sportives en leur permettant de tirer pleinement parti de ces personnels, dont la compétence et la qualité du travail sont reconnues comme absolument nécessaires au développement du sport français.

Entraîneurs, formateurs et développeurs expérimentés, les CTS sont devenus des rouages clés du système fédéral et de la réussite de nos sportifs.

Rappelons d’ailleurs que c’est au lendemain de la « déroute » française aux jeux Olympiques de Rome que ces agents de l’État ont été placés au sein des fédérations sportives pour redresser les résultats tricolores, ce qu’ils ont fait avec succès.

Néanmoins, leur statut protégé fait débat depuis plusieurs décennies et leur multiple tutelle – État, mouvement sportif, collectivités – mérite d’être clarifiée. À l’heure où nous nous projetons vers une organisation plus responsable, plus autonome et plus transparente du mouvement sportif, cette forme d’ingérence de l’État dans la construction de la performance et de la formation paraît caduque.

Il s’agit non pas de supprimer les métiers des CTS, mais de revoir les modalités de gestion de ces professionnels. Dans ce cadre, un détachement de ces fonctionnaires vers les fédérations est en cours d’examen. Il se ferait sur la base du volontariat, après dialogue et examen au cas par cas.

Évidemment, il n’est pas question de fragiliser les petites fédérations, qui sont souvent des pourvoyeuses essentielles de médailles, mais il importe de trouver un dispositif équilibré permettant aux fédérations de mettre en œuvre leur stratégie sportive et de déployer leurs ressources humaines de manière autonome.

L’État n’a aucune intention de se désengager du sport ; l’évolution du statut des CTS se fera avec les agents et les présidents de fédération, dans le respect des métiers et dans un climat de confiance.

procès pénal de l’amiante

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 614, transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le secrétaire d’État, la Cour de cassation a rejeté, en décembre, le pourvoi des associations de défense des victimes de l’amiante du campus de Jussieu et du chantier naval Normed de Dunkerque. Ce pourvoi faisait suite à l’annulation, par la cour d’appel de Paris, des mises en examen des personnes impliquées dans ce scandale sanitaire, pour la plupart membres de l’ex-Comité permanent amiante, ou CPA, composé d’industriels, de scientifiques et de hauts fonctionnaires.

Vingt-deux ans après le dépôt des plaintes, alors que des dizaines de milliers de victimes sont à déplorer, la décision est sans appel : pas de procès pénal, car pas de responsables, et encore moins de coupables !

Les juges estiment qu’aucune responsabilité ne peut « être imputée à quiconque », en « l’absence de faute caractérisée » et compte tenu « du contexte scientifique de l’époque et de la méconnaissance des risques encourus ».

Faut-il rappeler pourtant que des travaux scientifiques ont démontré, dès les années soixante-dix, les dangers de l’exposition à l’amiante et qu’un rapport sénatorial de 2005 qualifiait le CPA de « lobby de l’amiante », cet organisme ayant fait « le choix de continuer à utiliser l’amiante et de retarder le plus possible son interdiction » ?

Madame la ministre, ce dossier ne peut pas être refermé. L’amiante tue toujours dix personnes par jour et tuera encore pendant de nombreuses années. Beaucoup de personnes se battent pour obtenir ce procès pénal.

Il n’est pas possible de continuer à se « réfugier » derrière la séparation des pouvoirs et de se contenter du sentiment du devoir accompli au moyen des indemnisations, aussi justifiées soient-elles.

À ce propos, j’accueille avec satisfaction une autre décision de la Cour de cassation, qui ouvre à tous les salariés ayant été en contact avec l’amiante la possibilité de faire valoir le préjudice d’anxiété.

Toutefois, il faut aller plus loin : l’injustice doit être réparée et les responsables doivent répondre de leurs actes. Cela passe par un procès pénal.

Je souhaite donc savoir, madame la ministre, ce que compte faire le Gouvernement pour empêcher toute impunité pénale des responsables dans le drame de l’amiante.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Madame la sénatrice, prenant toute la mesure des souffrances des victimes de l’exposition à l’amiante, la ministre de la justice partage la légitime préoccupation de voir les procédures judiciaires engagées en ce domaine traitées avec toute l’efficacité et la célérité requises.

Il est vrai que la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté, dans deux arrêts du 11 décembre 2018, les pourvois formés par les associations de défense des victimes de l’amiante dans les dossiers de l’affaire de Jussieu et du chantier naval Normed de Dunkerque.

Dans le cadre de l’affaire du campus de Jussieu, qui a débuté le 15 novembre 1996, plusieurs personnes physiques avaient été mises en examen des chefs d’homicides involontaires aggravés et de blessures involontaires aggravées, ainsi que trois personnes morales du chef de mise en danger de la vie d’autrui : l’université Paris VI Pierre-et-Marie-Curie, l’université Paris VII Denis-Diderot et l’Institut de physique du globe de Paris.

Par arrêt du 15 septembre 2017 confirmé par la chambre criminelle de la Cour de cassation en décembre 2018, la chambre de l’instruction de Paris a annulé les mises en examen des personnes physiques.

Concernant l’affaire du chantier naval Normed de Dunkerque, qui a fait l’objet d’une ouverture d’information judiciaire en 2006, trois personnes physiques avaient été mises en examen. Par arrêt du 15 septembre 2017, confirmé également par la Cour de cassation en décembre 2018, la chambre de l’instruction de Paris a annulé la mise en examen du membre du Comité permanent amiante.

Ces arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation confirment l’analyse de la chambre de l’instruction selon laquelle il n’existe pas d’éléments suffisants justifiant la mise en examen des personnes physiques précitées en « l’absence de faute caractérisée susceptible de [leur] être reprochée du fait de [leurs] fonctions au ministère du travail et de [leur] participation aux activités du [comité permanent amiante], d’autre part, faute pour [elles] d’avoir pu, dans le contexte des données scientifiques de l’époque, mesurer le risque d’une particulière gravité auquel [elles auraient] exposé les victimes ».

Pour autant, ces arrêts ne viennent pas mettre fin aux dossiers concernés et ne permettent donc pas de préjuger de l’issue judiciaire de ces procédures.

Un assistant spécialisé a d’ailleurs été spécifiquement recruté pour améliorer le traitement des dossiers de l’amiante.

Je vous affirme que la mobilisation du Gouvernement sur ce sujet est entière et n’a d’autre motivation que d’aboutir à une solution humainement acceptable et juridiquement incontestable.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour la réplique.

Mme Michelle Gréaume. Les proches des victimes décédées, toutes ces personnes empoisonnées qui vivent ou survivent aujourd’hui avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, demandent que justice soit rendue.

L’argent et les indemnisations ne font pas revenir les disparus, pas plus qu’ils ne rendent la justice. Il n’est pas acceptable que les responsables n’aient pas de comptes à rendre.

Cela dépasse la question de l’amiante. Cette décision de justice est comme un permis de continuer à empoisonner. Je pense au glyphosate ou autres pesticides, par exemple.

Rendre justice aux victimes de l’amiante, c’est aussi protéger les générations futures.

augmentation drastique des droits d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers extra-européens

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, auteur de la question n° 660, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Madame la ministre, le Gouvernement a décidé d’augmenter drastiquement les frais d’inscription à l’université pour les jeunes étrangers non européens.

Les frais passent ainsi de 230 euros à 2 770 euros pour les licences et de 243 euros à 3 770 euros pour les masters. Cela aura des conséquences sur l’attractivité de notre enseignement supérieur à l’étranger.

Ma question porte sur l’impact de cette mesure sur les jeunes étrangers qui ont effectué toute leur scolarité dans l’un de nos 500 établissements scolaires installés à l’étranger.

Ce sont eux qui permettent de maintenir la viabilité financière de ce réseau mondial. Ces établissements accueillent aujourd’hui près de 60 % d’élèves étrangers, parmi lesquels 67 % envisagent de poursuivre leurs études supérieures en France.

L’objectif fixé par le Président de la République d’un doublement des effectifs dans les écoles françaises installées à l’étranger à l’horizon 2025 passe nécessairement par un accroissement des étrangers scolarisés, si l’on veut respecter l’équilibre financier.

C’est la raison pour laquelle je vous demande, madame la ministre, pour les jeunes n’appartenant pas à la communauté européenne, mais ayant suivi l’intégralité de leur cursus dans un établissement français à l’étranger, de bien vouloir envisager une diminution des frais d’inscription universitaires en France.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Madame la sénatrice Renaud-Garabedian, vous l’avez rappelé, dans de nombreux pays, des familles font le choix de l’enseignement français pour son excellence reconnue et consentent des sacrifices financiers importants, les frais de scolarité s’élevant en moyenne à 5 300 euros par an et par élève dans un lycée français.

L’objectif de la stratégie Bienvenue en France est d’attirer davantage d’étudiants internationaux dans notre pays, francophones ou anglophones, pour leur permettre de s’insérer dans la francophonie.

C’est pourquoi nous avons choisi d’améliorer très fortement les conditions d’accueil, qui ne sont pas dignes de celles que les étudiants trouvent ailleurs sur les campus internationaux. Nous triplons également le nombre de bourses et d’exonérations à la disposition des postes diplomatiques et des ambassades, pour que tous les étudiants qui veulent choisir la France puissent le faire.

Vous m’interrogez sur la possibilité de déroger à ces droits d’inscription ou de les moduler lorsque les jeunes ont fait leurs études dans des lycées français.

Cela fait partie des discussions que nous avons avec les présidents d’université, ces derniers ayant la capacité, dans la construction de leur stratégie d’accueil et d’augmentation du nombre d’étudiants internationaux, de travailler avec des établissements partenaires et de passer des conventions avec ces derniers.

Plusieurs universités se sont déjà engagées à le faire avec un certain nombre d’écoles françaises, et je serai bien entendu très attentive à ce que tous les jeunes qui veulent venir étudier en France aient les moyens d’y être accueillis.

Parmi les élèves inscrits dans les lycées français à l’étranger, nous avons effectivement une proportion importante de jeunes qui souhaitent poursuivre leurs études en France. Ils le font néanmoins aujourd’hui majoritairement au sein de classes préparatoires ou d’écoles qui pratiquent des droits d’inscription bien plus élevés que ce que nous prévoyons pour les universités.

Il revient donc aux universités de construire avec ces établissements français à l’étranger leur stratégie d’attractivité.