M. Jean-Marc Gabouty. Pour ma part, je n’en suis pas totalement persuadé, car on pouvait évaluer différemment son opportunité financière en termes de dividendes hier et de revenus financiers demain.

Il ne s’agit en aucun cas d’une opération de retrait patrimonial définitif, puisque la propriété reviendra au terme de la convention à l’État, qui conservera évidemment toutes les fonctions régaliennes de contrôle douanier ou aérien. La durée de concession semblait certes trop longue, mais le futur concessionnaire ne sera finalement chargé que du fonctionnement et de l’intendance à caractère commercial.

Madame la secrétaire d’État, je ne vous reprocherai pas de nous avoir soumis un texte fourre-tout, car cela se pratique depuis plusieurs décennies, mais il aurait sans doute été opportun de consacrer aux privatisations un projet de loi distinct. Celles-ci mises à part, nous partageons bien sûr les orientations générales de ce texte, destinées à favoriser la création et le développement des entreprises, en associant mieux les salariés à cette démarche.

On peut ainsi saluer la simplification des procédures de création, de transmission et de reprise des entreprises, la rationalisation du nombre de seuils d’emplois et, surtout, l’introduction de souplesse lors de leur franchissement, le relèvement du seuil de certification des comptes, la suppression du forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés et sur la participation pour les entreprises de moins de cinquante salariés ainsi que des aménagements pertinents concernant l’épargne retraite et l’assurance vie et la promotion d’un PEA-PME.

Il ne s’agit là que de quelques exemples, qui viennent s’ajouter aux multiples dispositions de réduction de délais, d’allégement de contraintes et de simplification contenues dans ce texte.

On peut cependant s’interroger sur certaines évolutions qui me semblent relever d’un affichage de simplification ou de modernité, dont l’impact à terme pourrait être incertain, voire négatif, pour les entreprises comme pour les territoires.

La centralisation à l’échelon régional des réseaux consulaires est ainsi conforme à une évolution subie depuis quelques années, mais elle sera de nature à appauvrir les territoires éloignés des métropoles et des capitales régionales. On constate d’ores et déjà les effets négatifs de cette tendance, dont le mouvement des « gilets jaunes » est un révélateur, mais on ne sait pas comment mettre en œuvre rapidement une logique différente.

Ce projet de loi présente aussi des insuffisances en matière d’accès au crédit et aux marchés pour les PME. En effet, à l’exception de dispositions concernant la gouvernance de la Caisse des dépôts et du groupe La Poste, le secteur bancaire semble avoir été laissé en dehors du texte, alors qu’il devrait jouer un rôle offensif dans le financement des PME, ce qu’il fait parfois très mal.

Enfin, je renouvelle l’expression de mon regret, voire de mon incompréhension, s’agissant du souhait de faire de l’intéressement un marqueur du partage de la richesse produite par les entreprises en rendant ce dispositif obligatoire pour toutes les entreprises de plus de dix salariés.

Cela répondait à l’objectif que se sont fixé le Gouvernement et le Président de la République, objectif qui ne pourra pas être atteint par de seules mesures incitatives. Dans les entreprises où ce dispositif est déjà en vigueur, les salariés verront leur intéressement augmenter, car un dirigeant d’entreprise raisonne en enveloppe globale incluant la somme allouée et les taxes afférentes. En revanche, la seule suppression du forfait social ne me semble pas être de nature à convertir à l’intéressement les chefs d’entreprise qui ne le pratiquent pas.

Dans le contexte actuel, cette mesure de justice sociale avait le mérite d’introduire du pouvoir d’achat, de valoriser le travail et de faire bénéficier l’entreprise de la motivation et de l’implication de ses salariés. Cette disposition, qui n’avait d’ailleurs pas non plus les faveurs de la majorité sénatoriale, aurait pu faire partie des réponses au grand débat national, dans un volet où, il faut bien le reconnaître, le développement économique, l’emploi et l’entreprise semblent relégués au second rang. Il n’est peut-être pas encore trop tard !

Telles sont, madame la secrétaire d’État, mes observations et celles de mon groupe, qui, comme vous le savez, est opposé par principe aux questions préalables lorsque celles-ci visent à empêcher le nouvel examen d’un texte auquel le dialogue aurait permis d’apporter de nouvelles améliorations. Sans surprise, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ne votera donc pas la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier et féliciter les rapporteurs, ainsi que la présidente de la commission, du travail considérable qu’ils ont réalisé sur ce projet de loi. Précis et constructif, ce travail a permis au Sénat d’amender largement le texte en première lecture et d’avancer une vision et des propositions.

Malheureusement, l’Assemblée nationale n’en a retenu, ou presque, que deux désaccords, portant sur le programme de cession de deux entreprises : la Française des jeux et Aéroports de Paris.

Il faut reconnaître, pourtant, que le message du Sénat a été partiellement entendu. Sur la Française des jeux, si l’Assemblée n’a pas retenu la solution du Sénat, elle a tout de même renforcé, dans sa deuxième version, le volet concernant la régulation du secteur des jeux. J’ai la faiblesse de penser que, si le Sénat n’avait pas émis le vote qui fut le sien en première lecture, cela n’aurait pas été le cas.

Le Sénat a été entendu partiellement, encore, s’agissant d’Aéroports de Paris, sur la question de la régulation. Il a fait valoir un certain nombre d’exigences et a voté, après un dialogue fructueux avec le ministre de l’économie et des finances, plusieurs amendements importants à l’initiative du rapporteur – que je veux saluer – instaurant une régulation. Nous avons eu un débat sur le bien-fondé de la privatisation elle-même, mais cela ne doit pas cacher cet apport majeur de notre assemblée, qui pose les principes d’une vraie régulation indépendante et qui encadre ce secteur pour l’avenir.

Aujourd’hui, mes sentiments sont malheureusement mitigés. Bien que je partage les objectifs de départ du texte, bien que le Sénat ait eu la volonté d’avancer sur les différentes mesures, malgré un vote en première lecture qui permettait de trouver des points de convergence, la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, chacun le sait, a balayé en très grande partie notre travail.

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises doit permettre aux entreprises françaises d’innover, de se transformer et de créer des emplois. Comment ne pas en partager les ambitions ? C’est parce que nous approuvions ses objectifs affichés et les principales dispositions qu’il proposait que le Sénat en général, et le groupe Union Centriste en particulier, a abordé son examen avec bienveillance. Nous avions la volonté d’améliorer ou de compléter les mesures concrètes qu’il contenait.

L’échec de la commission mixte paritaire portait sur quelques points durs du texte, principalement la Française des jeux et Aéroports de Paris, nous pouvions toutefois garder espoir quant à la reprise des positions du Sénat sur le reste du texte, que le Gouvernement aurait pu soutenir s’il l’avait souhaité.

Force est de constater que les députés sont largement revenus à leur rédaction de première lecture sur les principales mesures du texte. Les points d’accroche les plus symboliques sont connus : l’évolution du stage préalable à l’installation des artisans, le doublement du seuil de cinquante à cent salariés, le refus d’un report à 2021 de la réforme du contrôle légal des comptes sans en modifier l’équilibre global, ou le rétablissement de la faculté, pour l’Institut national de la propriété industrielle, de s’opposer à la délivrance d’un brevet dépourvue d’activité inventive.

En ce qui concerne la Française des jeux, les députés ont réinstauré la privatisation, tout en améliorant légèrement la régulation du secteur. Ce n’est sans doute pas suffisant, mais cela va dans le bon sens.

En ce qui concerne Aéroports de Paris, je voudrais d’abord dire ma déception que le Sénat n’ait pas pu se saisir de cette question autrement qu’en termes politiques. C’était, à mon sens, le risque majeur, s’agissant d’une entreprise emblématique connue de tous et portant un nom qui parle au cœur des Français. J’avais eu l’occasion d’alerter le Gouvernement sur ce point.

Soyons clairs, il peut y avoir des entreprises publiques ou privées bien ou mal régulées dans ce type de secteurs, qui est largement concurrentiel, contrairement à ce que j’ai entendu. Certes, le marché primaire, celui de la destination, ne l’est pas pour ceux qui sont à deux ou trois heures de l’aéroport. Mais, pour le reste, nous sommes en compétition avec les plus grands hubs du monde.

Ensuite, il faut poser la question en se rappelant que le capital de cette entreprise a été ouvert en 2006 – c’est la droite qui en est à l’initiative. À l’époque, une large partie des actions ont été introduites en bourse. Dès lors, les choses étaient écrites, me semble-t-il.

Ce système présente un certain nombre de désavantages : aujourd’hui, il n’est pas bien régulé, et, on le voit bien, les décisions sont prises au plus haut niveau par les pouvoirs publics, qu’ils aient – ou non – une claire conscience des enjeux très techniques du secteur aéroportuaire.

Il convient de permettre aux compagnies aériennes d’améliorer leurs services. Certes, la qualité de service s’est améliorée, mais elle est sans doute perfectible. Enfin, il faut faire en sorte que cette opération se déroule dans des conditions tarifaires acceptables. Or les compagnies rappellent que, de ce point de vue, le système actuel, qui est défendu sur certaines travées, n’est pas vertueux : il incite au surinvestissement, et les redevances sont particulièrement élevées. Sur ce dernier point, nous sommes montrés du doigt.

Il fallait travailler à la réforme de ce système, mais j’aurais aimé que le Gouvernement adopte une approche différente : qu’il réaffirme son ambition pour le secteur aéroportuaire et aérien français, l’un des premiers au monde, qui fait notre fierté ; qu’il travaille beaucoup mieux lors des Assises nationales du transport aérien – le travail a été mal fait, car des mesures de compétitivité auraient dû être prises – ; et qu’il réaffirme deux manières d’agir pour donner un avenir à Aéroports de Paris, soit en améliorant la régulation dans le secteur public, soit en procédant à une privatisation, qui aura l’avantage d’apporter des capitaux à cette entreprise et de lui donner plus de souplesse, notamment à l’étranger, mais en régulant mieux.

Toutes les compagnies mondiales l’affirment, et tout un chacun qui veut bien s’intéresser à ce sujet le sait, dans les deux cas, que l’entreprise soit privée ou publique, il est possible de réguler. Aujourd’hui, l’entreprise n’est pas bien régulée et, demain, elle le sera plus, me semble-t-il, même si je n’aurais pas forcément proposé cette mesure.

Que l’on sache que le Sénat continue à aborder ce type de questions en disant les choses telles qu’elles sont, et non pas comme on souhaiterait qu’elles le soient politiquement, pour faire le procès du Gouvernement et se dédouaner des privatisations qui ont eu lieu.

À cet égard, je rappelle que le processus de privatisation de l’aéroport de Toulouse a été lancé sous la gauche, au travers d’une loi de M. Montebourg, qui a été, on le sait, mal votée et mal exécutée. En revanche, la privatisation des aéroports de Nice et Lyon, qui a été également engagée sous le précédent gouvernement,…

M. Loïc Hervé. C’est bien de le rappeler !

M. Vincent Capo-Canellas. … a bien fonctionné, et, aujourd’hui, personne ne s’en plaint. Examinons la situation telle qu’elle est, en toute objectivité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

On peut aussi se demander si le Sénat aurait pu apporter, dans le cadre de cette nouvelle lecture, des éléments d’amélioration supplémentaires. Malheureusement, tel ne sera pas le cas : l’Assemblée nationale, qui a le dernier mot, ne reprendra pas les éventuels amendements que le Sénat aurait adoptés. Les députés auraient pu faire ce pas vers nous avant cette nouvelle lecture.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera, dans sa très grande majorité, la motion tendant à opposer la question préalable proposée par la commission spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, un « plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises », avouons que l’intention de ce texte était parfaitement louable et partageable. Mais c’était sans compter la fâcheuse habitude prise par le Gouvernement de tenter d’expédier, dans un flot de mesures d’ampleur et de nature sensiblement différentes, des sujets concrets et délicats.

En l’espèce, le résultat ne s’est pas fait attendre. Ce qui devait être une loi sur un plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises s’est piteusement transformé en loi sur la privatisation d’Aéroports de Paris !

M. Martial Bourquin. Très bien !

M. Jean-Raymond Hugonet. Il aura fallu là encore, et par-delà la diversité des sensibilités politiques qui s’y expriment, que la quasi-unanimité du Sénat éveille les consciences en première lecture pour que le débat prenne enfin corps et que cette hasardeuse privatisation soit repoussée.

Malheureusement bien sûr, par la suite, l’Assemblée nationale a réintroduit dans le texte les éléments favorables à cette funeste privatisation. Mais cela ne s’est tout de même pas fait sans mal : après presque trois jours de débats, une séance qui a duré neuf heures ; un vote arraché, certes démocratiquement, par vingt-sept députés, sur quarante-cinq votants et quarante-deux suffrages exprimés, un samedi aux alentours de six heures du matin !

M. Martial Bourquin. C’est un véritable scandale !

M. Jean-Raymond Hugonet. Je ne puis m’empêcher de relever, au passage, que, visiblement, le fameux non-cumul des mandats n’a pas amélioré l’assiduité en séance publique de nos collègues du nouveau monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

La vérité, c’est que ce projet est, à juste titre, extrêmement contesté. À l’instar des échanges dont notre hémicycle a été le témoin lors de l’examen du projet de loi Pacte en première lecture, nos collègues députés ont réitéré leurs critiques sur « la mauvaise affaire », « la faute économique, stratégique et historique », « l’erreur irréparable », synonyme d’un « abandon de souveraineté nationale » ; d’aucuns ont même mis en avant « un choix stupide », « un sacrilège ».

Sentant le vent de la fronde monter au sein même du groupe La République En Marche à l’Assemblée nationale, le 13 mars dernier, le Premier ministre s’est évertué à dépeindre Aéroports de Paris comme une entreprise fragile, mal gérée, dont l’État serait un actionnaire défaillant et qu’il faudrait donc mieux s’en séparer. Vous l’avouerez, c’est un argumentaire commercial surprenant pour qui cherche à vendre au meilleur prix…

Parallèlement, M. le ministre de l’économie et des finances a tenté de démonter, un par un, les arguments avancés – on peut d’ailleurs lui reconnaître une certaine constance en la matière. Il s’agirait non pas d’une privatisation, mais d’une simple concession pour soixante-dix ans – excusez du peu ! (M. Martial Bourquin sesclaffe.) L’État stratège n’aurait pas vocation à diriger une entreprise concurrentielle. Il ne s’agirait pas de la privatisation d’un monopole. Ce n’est, certes, qu’un monopole régional, comme l’affirme justement le Conseil d’État, sauf que 80 % des visiteurs étrangers transitent en France par les aéroports parisiens !

Le sommet dans cette affaire, comme si cela ne suffisait pas, c’est l’indigence du cahier des charges de cinquante-six pages mis à notre disposition avec condescendance et consultable sur place, salle A 387, au troisième étage de l’aile ouest, au bout du couloir à gauche, exclusivement sur rendez-vous et aux heures d’ouverture s’il vous plaît… des fois que l’on dérange ! (Rires.)

M. Jean-Raymond Hugonet. La richesse de notre si belle langue française, le foisonnement des éléments de langage produits par Bercy ne sauraient nous faire prendre des vessies pour des lanternes, madame la secrétaire d’État. Cette opération est un mauvais coup pour la France. Cette opération est un mauvais coup pour les Français, qu’ils portent un gilet jaune ou pas !

Madame la secrétaire d’État, comme pour les autoroutes en leur temps, le Gouvernement aura bientôt à répondre de ce mauvais coup porté à notre pays, au moment même où il traverse l’une des crises les plus graves de son histoire récente.

Enfin, pour quitter un peu le sujet Aéroports de Paris et conclure mon propos, à la suite du débat engagé autour d’une des mesures qui se voulait une mesure phare de la loi Pacte concernant le volet transformation des entreprises, j’évoquerai avec vous la responsabilité sociétale de l’entreprise et la participation.

En guise de commentaire sur ces thématiques, je souhaite vous lire un extrait du discours clair, net et frappé au coin du bon sens du général de Gaulle, prononcé le 1er mai 1949, lors d’une vaste manifestation sur la pelouse de Bagatelle à l’occasion de la fête du Travail : « Au niveau de la foule immense que voilà, on éprouve comme une révélation.

« “Je ne sais pas, disait, jadis, Louis Veuillot, quel souffle planant sur la multitude lui révèle qu’elle est une nation”.

« Nous tous, ici, en nous voyant nous-mêmes, nous connaissons que nous sommes un grand peuple qui s’assemble pour son salut.

« Ce qu’il faut, c’est abolir l’humiliante condition dans laquelle l’organisation économique dérivée tient la plupart des travailleurs.

« Ce qu’il faut, c’est faire cesser le système en vertu duquel les intérêts de ceux qui apportent à la production leur travail s’opposent à ceux qui y apportent soit leurs biens, soit leur autorité, et qui fait que, dans une entreprise, les ouvriers sont des instruments et non pas des participants.

« Ce qu’il faut créer et faire vivre, c’est l’association du travail, du capital et de la direction qui confère à chacun la dignité d’un sociétaire responsable et bénéficiaire du rendement collectif pour sa part et à son échelon.

« Naturellement, on ne fera pas ça si on ne passe pas outre au sectarisme des spécialistes de la lutte des classes et, en même temps, aux routines de certains dirigeants et de certains capitalistes qui voudraient voir les affaires marcher toujours comme au temps de papa. »

M. Martial Bourquin. C’est dit, camarade !

M. Jean-Raymond Hugonet. Cher camarade (Sourires.), le seul commentaire que j’ajouterai, c’est que le groupe Les Républicains votera bien évidemment la motion tendant à la question préalable. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, après l’intervention de mon collègue, le débat a été recentré sur le sujet essentiel qui nous intéresse aujourd’hui dans le cadre du projet de loi Pacte.

Madame la secrétaire d’État, lorsque je vous ai vue arriver au banc du Gouvernement, j’ai eu, pendant quelques instants, un fol espoir. Vous connaissez, je le sais, le monde de l’entreprise ; vous avez exercé des fonctions dans diverses entreprises. Je me suis donc dit que le Gouvernement nous avait envoyé l’interlocuteur idoine pour aborder le sujet essentiel qui nous concerne dans ce projet de loi.

Après de nombreux efforts au Sénat, en commission, on s’est aperçu en commission spéciale que le sujet essentiel, à savoir l’amélioration des entreprises, était dénaturé et que la privatisation d’Aéroports de Paris était la seule préoccupation du Gouvernement, en ce qu’il était prêt à remettre en cause l’ensemble du texte. L’entêtement du Gouvernement devient, à nos yeux, de plus en plus incompréhensible.

Permettez-moi de revenir très rapidement sur les raisons pour lesquelles le Sénat, dans une très large majorité, s’agissant des élus partisans de l’économie libérale et, d’une manière générale, de la privatisation, comme moi, s’est opposé très fortement à la privatisation de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle.

Tout d’abord, la durée de la concession est anormalement longue. Je le rappelle, la concession du tunnel sous la Manche est de cinquante ans, considérant le risque technologique et l’incertitude des aléas économique. Là, une durée de soixante-dix ans a été fixée, d’entrée de jeu.

Ensuite, le Gouvernement a avancé l’argument de la rentabilité des dividendes. Pour autant, c’est le conseil d’administration, nommé majoritairement par le Gouvernement, qui fixe cette rentabilité. Il a donc semblé évident à de nombreux interlocuteurs qu’il ne s’agissait pas d’un véritable argument.

Par ailleurs se posent la question de la faiblesse du prix et, surtout, celle de l’incertitude liée au prix.

M. Vincent Capo-Canellas. On ne connaît pas le prix !

M. Philippe Dominati. Nous n’avons pas eu, au cours de ce débat, la possibilité de savoir combien le Gouvernement attendait exactement de cette privatisation.

M. Martial Bourquin. C’est honteux !

M. Philippe Dominati. On nous a parlé d’une valeur comprise entre vingt et trente fois les résultats de l’entreprise : trente fois les résultats de l’entreprise pour une durée de soixante-dix ans, c’est un prix extrêmement faible, d’autant qu’il ne tient pas compte, comme cela a été souligné par un certain nombre de mes collègues, de l’indemnisation éventuelle.

En réalité, il n’y a aucune transparence sur ce projet du Gouvernement.

M. Philippe Dominati. On note surtout l’absence de consensus des usagers, des clients. Aucune compagnie aérienne ne réclame cette privatisation. On observe également l’absence de consensus parmi les personnes qui travaillent dans cette entreprise. C’est un paradoxe pour une loi qui est normalement censée améliorer la situation dans les entreprises, lorsque l’on parle de la raison sociale.

Quid de la réserve foncière de 7 000 hectares dans le cœur de l’agglomération parisienne ? C’est le flou le plus absolu.

Concernant le projet d’entreprise, nous avons du mal à comprendre s’il s’agit d’une entreprise bien gérée par la puissance publique, ou mal gérée, comme cela a été démontré par mon collègue, qui a cité les propos du Premier ministre.

Il y a peut-être aussi une position de fond, à savoir une situation dominante dans le domaine des transports. Peut-on laisser, si l’on fait un parallèle avec le secteur de l’audiovisuel, les mêmes entreprises détenir plus de 50 % des parkings des municipalités, 50 % des autoroutes, le CGD Express, la seule liaison de TGV concédée, et plusieurs aéroports sur le territoire national ? En réalité, il s’agit non pas d’une mise en concurrence – cela n’a rien à voir avec le libéralisme –, mais de la cession des bénéfices d’un monopole à une seule entreprise.

L’environnement de la plateforme aéroportuaire, quant à lui, n’est pas assumé financièrement. On le sait, il faudra sans doute doubler le trafic autoroutier, améliorer les liaisons ferroviaires avec la capitale et réaliser d’importants aménagements urbains. Mais là, les collectivités territoriales sont évidemment assez peu associées.

Effectivement, la solitude du Gouvernement explique aujourd’hui votre présence – votre propos à la tribune, c’est-à-dire le discours du Gouvernement, évoque peu le sujet d’Aéroports de Paris. Le ministre, en réalité, prend déjà de la distance, tout comme l’ensemble du Gouvernement : on sent très bien qu’il s’agit d’un sujet extrêmement délicat. Je comprends la prudence des autres personnalités du Gouvernement, et je regrette que l’on ait choisi un chef d’entreprise comme vous pour ne pas nous apporter d’arguments !

En outre, un certain nombre d’événements ont eu lieu depuis le débat en première lecture.

Premièrement, le cahier des charges est, il est vrai, éminemment faible, voire ridicule, comme l’a très bien relevé précédemment l’un de mes collègues. Ce document ne tient absolument pas compte des besoins des collectivités territoriales ni des départements.

Deuxièmement, on a observé l’intrusion de l’État néerlandais dans la compagnie Air France, qui est le principal utilisateur de la plateforme aéroportuaire. À cet égard, le Gouvernement et le ministre ont tenu des propos totalement différents : ils ont dit qu’il s’agissait d’une intrusion, que c’était inélégant et qu’ils n’en comprenaient pas les raisons, parce que la compagnie est stratégique. L’aéroport n’est pas stratégique, mais la compagnie l’est !

Troisièmement, le mandat du président de la compagnie a été renouvelé par le chef de l’État, confirmant un troisième mandat pour le président actuel. Pour une entreprise qui est mal gérée, cela suscite quelques incertitudes, quelques questions. Si l’État est insatisfait de l’actuel président, pourquoi renouveler son mandat ?

Ce ne sont là que trois éléments. Mais l’élément le plus important figure peut-être dans le journal Investir ; le président Romanet explique dans une interview les projets d’Aéroports de Paris : 6 milliards d’euros d’investissements d’ici à 2025 ; l’ouverture du terminal 4 ; la volonté d’augmenter de 60 000 mètres carrés à 80 000 mètres carrés la superficie dédiée aux commerces ; le souhait de passer, à l’international, de 281 millions de passagers à 400 millions de passagers d’ici à 2025, ce qui représente 10 % du temps de la concession que vous voulez donner ; enfin, les 350 hectares, avec un potentiel de constructibilité de 1,5 million de mètres carrés.

Vous pouvez lire toutes ces données dans le journal Investir de samedi dernier. Ce n’est pas un journal révolutionnaire ; il doit être sérieux dans ses informations.