M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Une nouvelle fois, cette disposition a pour ambition de détricoter un statut qui se veut protecteur non seulement des fonctionnaires, mais aussi de l’ensemble des usagers.

Dans un certain nombre de cas, il me semble que le recours au contrat de projet se fera en dépit du bon sens, à l’instar de ce qui se passe avec d’autres mécanismes. Je songe, par exemple, à l’éducation nationale. Voilà quelques semaines, notre collègue Brisson a fait adopter un amendement préfigurant cette disposition. Le ministre avait alors soutenu un amendement de suppression de cette mesure, nous renvoyant au débat que nous tenons aujourd’hui.

Pourquoi le contrat de projet ou le contrat de mission nous paraît-il incohérent avec l’éducation nationale ?

J’entends ce qu’a dit notre collègue Brisson, et je partage son constat : trop souvent, les jeunes enseignants, envoyés dans des établissements très difficiles, quittent précocement la profession, ce qui aggrave encore les difficultés des élèves et complique la pérennisation des équipes enseignantes. Toutefois, le véhicule proposé est-il le bon ? Je ne le pense pas. Plutôt que de manier la carotte, mieux vaudrait prendre le problème à bras-le-corps en s’appuyant sur deux leviers : d’une part, la remise à plat du système d’affectations par points, lequel, même s’il doit être préservé, est largement perfectible ; d’autre part, le réinvestissement massif dans ces territoires abandonnés de l’éducation nationale.

Je sais que le débat est complexe. Il me semble pour le moins gênant de le mener comme s’il s’agissait d’un sujet annexe, alors même que les concertations avec les organisations syndicales sont en cours.

Par ailleurs, comment un tel contrat pourrait-il s’articuler ? Le retour automatique dans l’établissement d’origine de l’enseignant ayant souscrit à un contrat de mission entraînera-t-il la mutation forcée de son remplaçant ? Qu’adviendra-t-il de ce dernier ? On pourrait rapidement créer des réactions en chaîne impossibles à gérer efficacement.

Quel pourrait être ce projet ? Comment évaluer son achèvement et, encore plus, sa réussite ? Allons-nous avoir droit à des contrats sur trois ans, avec l’objectif d’atteindre tel ou tel taux de réussite aux examens, au mépris des conditions d’études de l’établissement ?

Tout d’abord, cette mesure viendrait aggraver les inégalités : on sait tous que, selon les établissements, il est plus facile ou difficile de faire réussir les élèves. Ensuite, elle constituerait un détournement complet de l’objectif du service public, dès lors considéré comme une entreprise de service quelconque.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Cet article institue les fameux contrats de projet, pendants pour la fonction publique des contrats de chantier du secteur privé. Ces contrats, dont le champ a été élargi par la commission des lois, puisqu’ils concernent dorénavant l’ensemble des catégories A, B et C, entérinent une précarité accrue pour les contractuels qui seront ainsi engagés.

Monsieur le secrétaire d’État, dans le secteur privé, ce dispositif est réservé au recrutement des ingénieurs et des cadres. Pouvez-vous nous dire en quoi un agent recruté comme brancardier ou agent de l’état civil s’inscrit dans un tel projet ?

La commission a également précisé la fin de ce contrat comme étant la fin du projet, ce qui permet utilement de s’exonérer de toute référence à une fin de contrat anticipée. Une telle définition accroît la précarité subie par les agents, car ils ne pourront pas bénéficier de l’indemnité de fin de rupture à laquelle ils auraient normalement pu prétendre.

Pour l’heure, ce que recouvrent les notions de projet ou d’opération n’est pas non plus précisé, comme le souligne dans une interview intéressante une avocate spécialiste de la fonction publique. Elle s’interroge ainsi sur le fait que la création d’un service puisse être qualifiée de « projet ». En tout état de cause, elle souligne à raison les risques de conflictualité accrus devant le juge, face à une telle faiblesse de définition de ces nouveaux contrats. Il est en effet fort à craindre que l’intégralité des effectifs affectés à la réalisation du projet en question seront recrutés sous ce type de contrat, du chef de projet aux exécutants, puisque l’ensemble des catégories sont dorénavant concernées.

Il s’agit d’une manière évidente de contourner la législation actuelle sur le recours aux contractuels, qui reste encadré, et les fonctionnaires. Il s’agit tout aussi clairement d’un changement de paradigme, substituant au temps long de l’action publique et à sa permanence la mission spécifique inscrite dans une durée limitée. On se situe donc dans une conception des services publics d’usage plutôt que de l’offre.

Précisément pour la fonction publique territoriale, le fait que ces nouveaux contrats de projet puissent couvrir une période de six ans, soit le temps d’un mandat, nous semble extrêmement pernicieux et inquiétant : mon collègue Pascal Savoldelli l’a souligné, ces dispositions nous exposent à des dérives, qui porteraient une atteinte très forte à la continuité de l’action territoriale.

Madame la rapporteur, pour justifier l’appui de la majorité sénatoriale à cette mesure, vous affirmez que près de 80 % des élus consultés sont pour un tel dispositif. Nous trouvons l’argument un peu court, au regard des risques juridiques induits par le champ trop large de ce dispositif et par la nocivité d’un recours généralisé à ces pratiques. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, sur l’article.

M. Jérôme Durain. Mon propos s’inscrira dans la continuité des deux interventions précédentes. Pour manier la litote, nous ne sommes pas « fanas » de ces contrats de projet.

Monsieur le secrétaire d’État, vous mettez en place des contrats de projet qui sont moins protecteurs que dans le secteur privé. Nous ne nions pas que, pour certaines missions très ponctuelles et très limitées, un besoin se fasse entendre, notamment auprès de certaines petites collectivités. Mais de là à prévoir des contrats aussi longs, hybrides et peu protecteurs, il y a un monde…

Comment justifier des différences de durée avec le privé ? Ces contrats seront-ils bon marché pour les employeurs ? À cet égard, il y a un risque. Quelle titularisation permettent-ils ? Quelles sont les perspectives de carrière ? Ce sont des questions rhétoriques, évidemment, mais nous attendons avec sincérité vos réponses. Pour vous, combien de contrats de projet seront conclus ? Quel sera le profil des signataires de ces contrats ? Enfin, puisque ce dispositif s’inspire du modèle privé, quel premier bilan pouvez-vous nous donner de l’équivalent dans le secteur privé, à savoir les contrats de chantier ?

Ces contrats de projet nous laissent dubitatifs : nous y sommes même réfractaires.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, sur l’article.

M. Didier Marie. L’article 8, qui crée le contrat de projet, est tout à fait symbolique de la démarche du Gouvernement, visant à rapprocher le droit de la fonction publique du droit du travail et, comme je le disais dans la discussion générale, à contourner le statut général de la fonction publique.

Jérôme Durain l’a dit à l’instant : paradoxalement, ce contrat est moins protecteur que celui prévu par le code du travail. Ainsi, tous les employeurs publics pourront y recourir, alors que, dans le privé, un accord de branche ou d’entreprise est nécessaire. En outre, tous les postes pourront être pourvus par ces contrats de projet, alors que, dans le privé, ils ne concernent que les postes d’ingénieur et de cadre. Ces contrats seraient d’une durée minimale de douze mois, alors que, dans le privé, ils sont d’une durée minimale de dix-huit mois. Dans le public, il serait impossible de poursuivre la relation de travail en obtenant un CDI, a fortiori en étant titularisé, alors que, dans le privé, il est possible de poursuivre la relation de travail en CDI. Enfin, ce contrat de projet peut être résilié de manière unilatérale, sans délai de prévenance ni indemnité.

Madame le rapporteur, vous affirmez qu’un certain nombre d’élus sont intéressés par ce type de contrats. On les comprend : il est parfois nécessaire de recruter, pour une période courte, un cadre ou une personne ayant des compétences particulières, pour accompagner le projet d’une collectivité territoriale.

Cela étant, pour ce faire, d’autres solutions existent, à commencer, tout simplement, par le CDD classique. Ce contrat peut permettre de recruter toute personne ayant ce type de compétences. Il y a également des formes un peu plus abouties de coopération,…

M. le président. Cher collègue, il faut conclure !

M. Didier Marie. … par l’intercommunalité…

M. Claude Kern. C’est fini !

M. Didier Marie. … ou les agences techniques départementales.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.

M. Max Brisson. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais Mme Cukierman m’y a quasiment poussé en m’interpellant.

Mon amendement vient après l’article 11, et non à l’article 8. D’ailleurs, je le regrette : il aurait peut-être eu plus de sens ici. Nous avons débattu des mêmes dispositions au titre du projet de loi pour une école de la confiance et, sur ce sujet, nous dressons toujours le même constat : nous propositions sont systématiquement rejetées.

Bien sûr, je défendrai mon amendement, ayant pour objet les professeurs fonctionnaires titulaires. Et, je l’indique dès à présent, il me semble nécessaire d’entrer dans les logiques du contrat de projet : il faut donner une respiration à nos collectivités comme à l’État ! Certaines missions très particulières peuvent être menées de cette manière. C’est pour l’intérêt général, pour le sort du service public, que le recours au contrat de projet est nécessaire.

Nous ne sommes plus au temps où l’on entrait dans la carrière pour y rester jusqu’à ce que nos cadets nous y remplacent. Aujourd’hui, nous sommes dans une société qui bouge ; si la fonction publique ne s’adapte pas à cette société de mobilité, les meilleurs n’iront pas vers la fonction publique. Eux aussi attendent de la mobilité. Notre fonction publique doit s’adapter à la société telle qu’elle est : pour la fonction publique, pour le service de l’État, les respirations proposées aujourd’hui par le Gouvernement me semblent bel et bien nécessaires ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

Mme Éliane Assassi. Combien d’années avez-vous passé dans la fonction publique ?

M. Max Brisson. Trente ans !

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.

M. Patrice Joly. Cet article crée un nouveau type de contrat à durée déterminée dans la fonction publique : le contrat de projet, qui n’apporte aucune garantie à ses titulaires en termes de protection sociale.

Certains l’ont dit avant moi : c’est le contrat de toutes les précarités. Sa durée minimale est d’un an, six mois de moins que dans le secteur privé ; aucun délai de prévenance n’est prévu en cas de rupture et aucune indemnité. Enfin, aucune transformation en CDI n’est possible.

Il faut imaginer dans quelle situation se trouveront les salariés disposant d’un tel contrat de projet. Ils ne pourront eux-mêmes faire aucun projet, car, avec une telle incertitude quant à leur devenir professionnel, ils seront dans l’incapacité d’accéder à un bail ou à un prêt.

Cet article est dangereux, car il réussit le tour de force de mettre en place, dans la fonction publique, un contrat d’une extrême précarité, avec lequel le travailleur ne bénéficiera ni des avantages d’un contrat de droit public ni de ceux d’un contrat de droit privé. D’une certaine manière, le contrat de projet asphyxie le statut de la fonction publique. Il est contraire à la continuité du service public et pervertit le sens même de l’action publique.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 24 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 118 rectifié bis est présenté par MM. Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Tourenne, Antiste, Bérit-Débat, Montaugé, Temal et Raynal, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 24.

Mme Christine Prunaud. L’article 8 entre en contradiction avec les principes fondateurs de la fonction publique et de l’action administrative. Il revient sur l’idée, pourtant essentielle, que le fonctionnaire est au service de l’intérêt général, responsable devant la Nation, ce qui suppose son indépendance face aux pressions économiques et politiques. C’est pour cela qu’il bénéficie d’un emploi permanent, régi par un statut et non par un contrat.

Or, sous couvert de souplesse, ce qu’on nous propose au travers du développement des contrats de projet, c’est toujours plus de précarité pour les agents publics et une fragilisation des missions de service public qu’ils remplissent. Notre pays a au contraire besoin de services publics renforcés. C’est d’ailleurs le constat du dernier rapport du Défenseur des droits.

Monsieur le secrétaire d’État, nous considérons les mesures que vous proposez comme une casse des résistances encore présentes dans notre pays lorsqu’il s’agit de défendre l’intérêt général et la justice sociale : la contractualisation implique une précarité, qui décourage toute contestation et toute réforme véritable au sein des administrations. Vous le savez, il est difficile de faire grève, de s’opposer, lorsqu’un contrat risque de ne pas être renouvelé. Ce recul va de pair avec l’affaiblissement des organisations syndicales, que prépare cette réforme.

Cette externalisation entraînera obligatoirement une baisse des compétences, du savoir-faire de l’État et des collectivités territoriales. Or nous avons justement besoin de services publics renforcés, ce qui suppose des fonctionnaires expérimentés, pour répondre aux défis croissants et si complexes auxquels notre pays est confronté. Voilà pourquoi il faut assurer une gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences à long terme, pour précisément garantir une action publique de qualité pour tous !

Enfin, vous proposez plus de précarité, alors qu’un nombre croissant de nos concitoyens aspirent à la stabilité de l’emploi, qui seule permet de se projeter dans l’avenir.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 118 rectifié bis.

M. Jérôme Durain. Édouard Philippe avait dit son soutien aux contrats de chantier, en indiquant que c’était pour lui un instrument intéressant parce qu’il maintenait le CDI comme norme. Dans la même logique, vous allez sans doute nous expliquer, monsieur le secrétaire d’État, que le contrat de projet est un outil pour maintenir le concours comme norme ? Nous ne sommes pas à une incohérence près…

Notre collègue Brisson parlait de « respiration » à propos du contrat de projet. Pour ma part, je crains plutôt que l’on ne fabrique une génération d’agents publics condamnés à vivre en apnée. En effet, le contrat de projet sera un handicap pour les salariés auxquels il sera appliqué, en matière de prêt bancaire ou encore de location immobilière. Ce contrat instaurera, dans leur vie personnelle, une forme d’incertitude durable.

À nos yeux, ce contrat dit « de projet » est, en fait, un CDD au rabais, dépourvu de ses principaux effets juridiques : il ne comporte ni prime de précarité ni possibilité d’être CDIsé ou titularisé.

Nous ne nions pas que les besoins des employeurs publics peuvent nécessiter, pour la réalisation de missions ou de projets très spécifiques, des outils particuliers. Il faut en tenir compte. Mais le recours à des outils favorisant la précarité n’est pas, pour nous, une solution acceptable.

Le contrat de projet, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, concentre tous les facteurs de précarité.

À la différence du contrat de chantier prévu à l’article L. 1223-8 du code du travail, qui est un CDI, le contrat de projet de la fonction publique est à durée déterminée. Cette qualification aurait dû donner lieu à une prime de précarité à l’issue du contrat, mais le Gouvernement a explicitement exclu les contrats de projet du bénéfice des primes de fin de contrat – je vous renvoie à l’article 10 ter du projet de loi, que nous examinerons sous peu.

À la différence du contrat à objet défini, prévu à l’article L. 1242-2 du code du travail « pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire », le contrat de projet de la fonction publique n’est pas du tout encadré dans son périmètre. L’article prévoit en effet que le recours à ce nouveau contrat de projet est possible pour mener à bien un projet ou une opération spécifique.

L’article ne conditionne pas son recours à des besoins temporaires. Pourtant, c’est au nom de ce même caractère temporaire qu’un contrat de projet ne pourra conduire ni à une CDIsation ni à une titularisation.

Le contrat de projet pourra être rompu unilatéralement, si le projet se termine de manière anticipée ou ne peut pas se réaliser. Cette disposition pourra provoquer d’importants contentieux : qu’adviendra-t-il si le salarié considère que l’employeur a estimé à tort que le projet était terminé ou qu’il ne pouvait se réaliser ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je tiens à rappeler précisément les termes de l’article 8 : les administrations, collectivités ou établissements « peuvent » – ce n’est pas une obligation ! –, « pour mener à bien un projet ou une opération identifié, recruter un agent par un contrat à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation du projet ou de l’opération ».

Ce dispositif ne remet pas en cause la compétence et l’expertise dont disposent les fonctionnaires. Il s’agit de s’attacher une expertise particulière, que l’on ne peut pas trouver en interne, pour réaliser une mission très particulière, dont la durée, clairement déterminée, est bordée par un contrat. C’est dans ce cadre, et de manière tout à fait ponctuelle, que l’on fait appel à l’extérieur.

Le contrat de projet n’implique aucun risque de précarité. Il ne remet en cause ni les spécificités de la fonction publique ni les qualités des fonctionnaires.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Non, chère collègue ! Si l’on ne trouve pas les compétences en interne, on va les chercher à l’extérieur, voilà tout.

Mme Éliane Assassi. C’est comme ça qu’on fait faire des études d’impact par des boîtes privées !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Pour répondre à quelques-unes des interventions, je tiens à préciser…

Mme Éliane Assassi. C’est n’importe quoi !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. En tout cas, chère collègue, je vous parle avec conviction : c’est déjà ça !

Cette mesure répond notamment à une forte attente des employeurs territoriaux. Nous avons mené une consultation : plus de 2 000 élus ont répondu à notre questionnaire.

M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Sondage « grandeur nature » !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Au total, plus de 78 % d’entre eux se sont dits favorables : dans ce projet de loi, c’est l’une des mesures les plus plébiscitées.

Mme Laurence Cohen. Plébiscitée par qui ? Par les administrateurs territoriaux ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Le contrat de projet a pour but de permettre aux administrations, dans les trois versants de la fonction publique, de s’adjoindre pendant un temps donné les compétences nécessaires à la réalisation d’un projet. À ce titre, je tiens à répondre à certaines prises de parole sur l’article.

Il ne s’agit pas de recruter en contrat de projet des brancardiers dans un hôpital ou de répondre à des besoins susceptibles d’être comblés par des emplois pérennes. Il s’agit de permettre aux administrations d’accueillir, en leur sein, des hommes et des femmes, des équipes, pour qu’ils se consacrent à un projet nécessitant une compétence particulière. Cela peut être la mise en place d’un nouveau système d’information, le recrutement d’un chef de projet ou d’une équipe projet pour le déploiement d’un PLUIH, ou encore le recrutement d’un chef de projet en matière de rénovation urbaine. Ce sont autant de fonctions dont une administration a besoin ; autant de projets qu’elle doit pouvoir mettre en œuvre et pour lesquels elle a besoin d’une compétence particulière, non pas à l’échelle de toute une carrière, mais pour la durée d’un projet, pas davantage.

Le contrat pourra être conclu pour une durée de un à six ans. L’idée n’est évidemment pas de recruter une personne en lui indiquant qu’elle vient pour une année au moins, et que l’on verra ensuite quand sa mission prendra fin. Il faudra, lors de l’établissement du contrat, déterminer la durée prévisionnelle du projet. De plus, le présent texte prévoit qu’une indemnité soit versée à l’agent contractuel s’il est mis fin au contrat avant la date prévue par les deux signataires.

Ce contrat, que nous voulons à la fois souple et protecteur, s’adresse aussi à des hommes et des femmes qui, dans notre pays, souhaitent s’engager quelques années pour l’action publique, en travaillant pour une collectivité, pour l’État, pour un établissement hospitalier, sans nécessairement s’engager à l’échelle d’une carrière. Celles et ceux qui veulent se présenter à un concours, pour rejoindre la fonction publique comme titulaires, en ont tout à fait le droit : c’est un engagement respectable, que nous pouvons tous reconnaître et saluer. Mais nous pouvons aussi permettre à des hommes et des femmes qui ont des compétences particulières de servir l’action publique pendant quelques années, à l’échelle d’un contrat de un à cinq ans, pour répondre aux besoins des administrations.

Telle est la philosophie de ce contrat. Nous assumons les différences entre le contrat de projet et le contrat de chantier, en vigueur dans le secteur privé, notamment pour ce qui concerne la durée maximale : dans la fonction publique, l’accès au CDI est possible après six années consécutives dans le même poste, alors que ce délai est de dix-huit mois dans le secteur privé. Nous avons également fait le choix du caractère à durée déterminée du contrat.

Ainsi, nous prévoyons de donner aux administrations une nouvelle souplesse et, à celles et ceux qui signeront ces contrats, la possibilité de s’engager quelques années au service de l’action publique. J’émets donc un avis défavorable sur les amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Cet article mérite que l’on s’y arrête quelques instants.

Mme Éliane Assassi. Et nous avons encore une semaine pour examiner ce texte !

M. Didier Marie. Chacun le sait : cette respiration démocratique est nécessaire.

Je crois en la conviction de Mme la rapporteur, mais je doute que les intentions du Gouvernement soient aussi pures. En effet, ce contrat s’inscrit dans un ensemble de mesures qui fragilisent globalement le statut de la fonction publique en organisant une concurrence entre le fonctionnaire et le contractuel. Au total, il attaque donc indirectement un principe auquel nous sommes, me semble-t-il, tous attachés : celui de la carrière.

Au regard de ses modalités, ce contrat est particulièrement redoutable. On peut certes comprendre que des élus aient envie de faire appel à ce type de personnel. Ponctuellement, ils peuvent estimer qu’il sera efficace et utile. Mais, en définitive, ce contrat deviendra un CDD au rabais. Comment obtenir un logement, comment obtenir un crédit, comment se projeter dans l’avenir quand le contrat peut être dénoncé à tout moment, quand il est si précaire ?

D’autres solutions sont possibles dans la fonction publique territoriale : tout d’abord, le CDD, qui constitue le droit commun ; ensuite, la mutualisation de compétences à l’échelle intercommunale, qui mérite d’être développée ; enfin, l’utilisation des possibilités offertes par un grand nombre de départements, avec leurs agences techniques territoriales.

Nous pouvons bel et bien éviter de recourir à ces CDD au rabais, que nous dénonçons. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. En fait, on ne vit pas dans le même monde.

M. Max Brisson. Ça, c’est sûr !

M. Loïc Hervé, rapporteur. On s’en rend bien compte !

Mme Laurence Cohen. À entendre la rapporteur et le secrétaire d’État, tout va bien, et tout va aller mieux grâce à ces emplois sous contrat !

Si on n’avait pas déjà fait l’expérience de la nocivité des contractuels – je pense notamment à la fonction publique hospitalière –, on pourrait dire : « On va tenter ! » Mais l’expérience existe dans les hôpitaux, et elle dysfonctionne : 130 services sont actuellement mobilisés, et ils veulent en finir avec ces situations de précarité que le présent texte, au contraire, va étendre.

Monsieur le secrétaire d’État, vous affirmez qu’un certain nombre d’administrations ont besoin de compétences spécifiques, qu’il faut embaucher les gens sur cette base. Mais vous ne voyez pas le fond du problème. En agissant de cette manière, vous êtes en train de faire exploser la fonction publique en aggravant la précarisation.

Si vous cherchez des compétences, renforcez les formations, tout simplement ! Valorisez les carrières et les salaires : vous trouverez aussitôt du personnel formé et compétent. Or vous faites tout le contraire : vous précarisez à tout-va, sans tenir compte des situations réelles, qui sont dénoncées dans les trois fonctions publiques et, notamment, dans la fonction publique hospitalière.

Nous vous posons régulièrement des questions de cette nature ; mais je n’ai pas entendu de réponse de votre part. Pourquoi, aujourd’hui, l’hôpital va-t-il si mal ?

M. Jérôme Bascher. Les 35 heures !

Mme Laurence Cohen. Pourquoi connaît-il de tels mouvements de grève ? Pourquoi les personnels refusent-ils ces postes contractuels et demandent-ils des titularisations ? Les équipes doivent pouvoir travailler mieux, ensemble, au service de la qualité des soins ; mais vous répondez à côté. (Mme Christine Prunaud applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 et 118 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 129 rectifié bis, présenté par MM. Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Tourenne, Montaugé, Temal et Raynal, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 2, 11 et 19

Après le mot :

identifié

insérer les mots :

qui répond à un besoin temporaire et nécessite des compétences spécifiques,

La parole est à M. Didier Marie.