M. Roland Courteau. Très bien !

M. Michel Dagbert, rapporteur. Nous préconisons également de recréer une ingénierie publique locale pouvant être mobilisée par ces collectivités.

Monsieur le secrétaire d’État, sur ce point, c’est peu dire que nous attendons beaucoup de la future agence nationale de la cohésion des territoires. En dehors de l’appui de l’ANCT, nous pensons utile d’encourager la mutualisation de la gestion des ponts à l’échelon des intercommunalités, lorsque leur taille est suffisante, ou des départements.

Enfin, il faut développer la gestion patrimoniale des ponts, en particulier en améliorant la prise en compte des dépenses d’entretien de ces ouvrages dans la comptabilité publique, en renforçant la connaissance de ce patrimoine par un système d’information géographique national et en exigeant la tenue d’un véritable carnet de santé pour chaque pont. À cet égard, je vous renvoie à la lecture des propositions incluses dans notre rapport.

Tels sont les principaux éléments que je tenais à porter à votre connaissance. Patrick Chaize et moi-même sommes heureux de voir s’ouvrir le débat ! (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR et sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à saluer ce rapport important.

Il s’agit là d’un sujet qui a suscité plusieurs heures de débats lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités, à savoir la vétusté de notre réseau, singulièrement des ouvrages d’art qui le composent. J’ajoute que la question est d’une actualité récente – hier encore, un pont s’est effondré à Taïwan – et je n’oublie ni l’effondrement du pont Morandi, à Gênes, ni celui du pont de Gennevilliers, qui, pourtant, avait fait l’objet d’importants travaux.

Pour que les termes du débat soient clairement posés, il convient avant tout de distinguer les différents ouvrages d’art, selon qu’ils relèvent de l’État ou des collectivités territoriales.

Les ouvrages d’art de l’État sont plutôt bien connus. On en dénombre environ 12 000, soit, approximativement, un par kilomètre. Ces ouvrages d’art sont répertoriés, inventoriés et entretenus selon des programmes calendaires, à l’aide de budgets croissants – les auteurs du rapport l’ont noté.

Vous le savez, la loi d’orientation des mobilités, la LOM, prévoit de mobiliser, à l’horizon 2023, 120 millions d’euros par an, comme le préconisent également les auteurs du rapport, avec une montée en puissance, à compter de l’année prochaine, à hauteur de 79 millions d’euros.

En outre, il faut distinguer le sujet général et les cas particuliers, comme le pont de Gennevilliers, dont j’ai pu m’entretenir avec Hervé Maurey : en l’occurrence, c’est non pas l’infrastructure en soi, mais bien le mur de soutènement en terre armée qui était en cause, comme c’est d’ailleurs le cas pour de nombreux remblais en Île-de-France. La technique en question, employée il y a une vingtaine d’années, a depuis été remplacée par d’autres.

Monsieur Chaize, vous l’avez précisé : les ouvrages des collectivités territoriales sont les plus mal connus, et c’est pour eux qu’il est nécessaire de trouver une solution quant à l’effort de financement.

Pour ce qui concerne leur connaissance et leur inventaire, la question est, d’abord, celle de la compétence. Vous avez rappelé l’hétérogénéité des situations. Certains conseils départementaux sont très bien armés. Ils disposent d’une forte compétence en ingénierie : je pense notamment à la Haute-Saône. Grâce aux entités spécialisées que M. Krattinger, ancien sénateur de la Haute-Saône, y a développées au sein du conseil départemental, ce territoire possède aujourd’hui une bonne connaissance de ses ouvrages d’art. De plus, grâce à ses compétences, il est à même de proposer de l’ingénierie de proximité aux communes et aux intercommunalités de son ressort. Je pense aussi à la Mayenne, qui est dotée d’entités comparables.

Aussi, l’effort doit porter sur les petites communes, dont les ouvrages d’art sont parfois nombreux et mal inventoriés, et pour lesquelles les solutions de financement doivent être débattues.

Nous y reviendrons sans doute au cours de ce débat : évidemment, il faut mettre en œuvre le soutien en ingénierie du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le Cérema, ou encore de la future agence nationale de la cohésion des territoires. Au moins 10 % des effectifs du Cérema sont dédiés aux ouvrages d’art ; certes, ces personnes ne sauraient couvrir à elles seules tous les besoins des collectivités, mais leur compétence est tout à fait mobilisable.

S’agissant du financement des ouvrages des collectivités, pour faire court…

M. Pierre Ouzoulias. Ça va être très court !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire dÉtat. Je vais peut-être vous décevoir, monsieur le sénateur,…

M. Pierre Ouzoulias. Pas forcément !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire dÉtat. … en prenant le temps de détailler cette question ! En effet, nous pouvons avancer sur trois points.

Tout d’abord, il faut avancer au sujet des règles budgétaires et comptables : hier, j’ai eu l’occasion de m’en entretenir avec Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin. À la faveur des prochains projets de loi de finances, nous pourrions progresser vers une meilleure prise en compte de dépenses de régénération non récurrentes. S’ils relevaient des sections d’investissement, ces montants cesseraient d’être soumis aux règles de Cahors. Évidemment, cette proposition devrait être débattue, lors des discussions budgétaires, avec mes collègues de Bercy.

Par ailleurs, lors des débats budgétaires, il pourrait être intéressant d’examiner le cas des ouvrages d’art relevant des conseils départementaux. Il convient de savoir si la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, ou la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, sont appropriées pour financer des opérations d’entretien ou de maintenance non récurrentes.

En outre, j’ai d’ores et déjà perçu certaines interrogations au sujet de la loi dite Didier. Il s’agit des ouvrages de rétablissement, construits pour rétablir une voie de communication qui, elle-même, a été interrompue par de nouveaux ouvrages, comme une LGV ou une autoroute. Au total, la France dénombre 15 400 ouvrages de rétablissement, répartis sur l’ensemble du territoire. Ces derniers font l’objet d’un recensement qui se poursuivra jusqu’à la fin de cette année. Ensuite, suivant la liste fixée par voie d’arrêté ministériel, un cofinancement sera assuré par les collectivités et les gestionnaires de l’infrastructure dédiée.

Enfin, j’aborderai un point de réflexion plus systémique – j’ai pu en discuter rapidement en coulisses avec Hervé Maurey et je sais qu’il y est attaché. Actuellement, nous raisonnons sur la base d’une maintenance calendaire ou programmée et, pour l’État, les pas de maintenance sont de l’ordre d’un à trois ans.

Il me semble nécessaire de se pencher sur la maintenance dite « prédictive ». Il est possible de répertorier les ouvrages les plus empruntés et ceux où, à l’inverse, la circulation se révèle restreinte ou réduite, en les dotant de capteurs permettant de connaître, en temps réel, leur état de santé ; dès lors, il sera possible d’adapter les pas de maintenance. Ces derniers seront plus réduits ou plus longs suivant les ouvrages. Ainsi, nous pourrons être plus réactifs et nous y gagnerons très largement sur le plan financier : appliquée à d’autres champs du secteur des transports, la maintenance prédictive permet d’ores et déjà de dégager des économies substantielles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà, en quelques mots, les éléments que je voulais porter à votre connaissance avant de répondre à vos questions.

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition absolue que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, préserver et garantir l’état de nos ponts constitue, plus que jamais, un enjeu majeur de sécurité pour nos politiques publiques. Nos concitoyens sont très attentifs à cette question qui, souvent, leur inspire des inquiétudes.

Les auteurs du présent rapport soulignent cette spécificité française : l’importance du patrimoine routier géré par les collectivités elles-mêmes, qui représente 98 % du réseau pour deux tiers du trafic routier national. En tout, un pont sur trois est géré par une commune et près de deux ponts sur trois sont gérés par un département. En Gironde, par exemple, hors métropole, près de 1 800 ponts et 200 murs de soutènement – vous avez également évoqué ces aménagements, monsieur le secrétaire d’État – sont gérés par le département.

Ce patrimoine national et local précieux est en partie dégradé ; du fait d’un manque d’entretien au cours des dernières années, de nombreux travaux de réparation apparaissent aujourd’hui nécessaires, en particulier pour les ponts relevant des communes et des intercommunalités. Or – je l’indique à mon tour – certaines d’entre elles méconnaissent l’état de leurs ponts, voire leur nombre, ne sont pas équipées pour en assurer la gestion et se heurtent à des difficultés financières.

Pour répondre à ces problématiques, la mission, dont je salue le travail, a formulé un certain nombre de recommandations. Elle affirme notamment qu’une offre d’ingénierie améliorée, à destination des collectivités, permettrait de définir des procédures adaptées de surveillance et d’entretien. Elle ouvrirait également la voie à une mutualisation de la gestion des ponts à l’échelle départementale ou intercommunale.

La mission propose ainsi de mobiliser l’agence nationale de la cohésion des territoires. Cet outil, souhaité par les collectivités territoriales, a été défendu par le Gouvernement alors que beaucoup semblaient douter de sa pertinence. À mon sens, voilà un bon exemple de son utilité : monsieur le secrétaire d’État, qu’en pensez-vous ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Madame la sénatrice, vous avez tout à fait raison d’insister sur la mobilisation, probable et souhaitable, de l’agence nationale de la cohésion des territoires, qui, comme vous le savez, sera active à compter du 1er janvier prochain.

Sur ce sujet, il me semble que nous devons disposer d’un bouquet de solutions. Plusieurs conseils départementaux ont gardé ou conquis une très forte expertise à cet égard. À mon sens, ils seront capables d’offrir aux collectivités territoriales cette ingénierie de proximité dont vous parlez. Le Cérema est, lui aussi, tout à fait en mesure de leur apporter son soutien. De mémoire, il a publié en septembre 2018 un guide portant à la fois sur la surveillance et sur la maintenance des ouvrages d’art, document auquel les collectivités pourront se référer avec profit.

Pour ce qui concerne l’ingénierie, ce bouquet de solutions permettra d’offrir un conseil de qualité aux collectivités territoriales, que vous défendez !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour la réplique.

Mme Françoise Cartron. Merci, monsieur le secrétaire d’État : à présent, il n’y a plus qu’à faire !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. À la suite du terrible drame de Gênes, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a produit un excellent rapport, dont je tiens à saluer la grande rigueur.

Sur l’initiative de notre collègue Évelyne Didier, les élus du groupe auquel j’appartiens ont d’ailleurs contribué à mettre cette problématique en lumière ; adoptée, notre proposition de loi relative aux ouvrages d’art est aujourd’hui en vigueur.

En la matière, les enjeux sont considérables. En effet, le mauvais état des ouvrages d’art constitue une bombe financière pour les collectivités territoriales, lesquelles sont mal informées de leurs responsabilités en la matière. Pourtant, 98 % du réseau routier national dépend des collectivités, ce qui représente quelque 150 000 ponts ; et ces infrastructures se dégradent rapidement, faute de financements publics adéquats, dans un contexte d’asphyxie financière des collectivités.

Pour la plupart des collectivités territoriales, la décentralisation de 1982 a été un cadeau empoisonné ! Mais dorénavant, grâce à la loi Didier, pour chaque nouvel ouvrage d’art, les gestionnaires d’infrastructures sont dans l’obligation de signer une convention avec les collectivités pour définir des règles de répartition des charges de travaux.

À nos yeux, il convient premièrement et, oserai-je dire, prioritairement de dresser un bilan de l’application de cette loi ; et, deuxièmement, d’étudier très sérieusement la possibilité d’appliquer ce dispositif de manière rétroactive, dans le cadre d’un grand plan de modernisation des infrastructures. Ainsi, les responsabilités seront clarifiées.

Pour être entretenus, les ponts exigent d’importants moyens financiers, faute de quoi leur mauvais état deviendra, in fine, un argument en faveur de leur privatisation.

Monsieur le secrétaire d’État, alors que 25 % des ponts arrivent en fin de vie, comment votre gouvernement va-t-il soutenir les collectivités territoriales pour entretenir leurs ouvrages d’art ? Quels moyens mobilisera-t-on, notamment via la future agence nationale de la cohésion des territoires, pour aider les plus petites d’entre elles ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Madame la sénatrice, je tiens à vous apporter quelques précisions au sujet des ouvrages dits « de rétablissement », qui procèdent effectivement de la loi Didier, texte adopté sur l’initiative de la Haute Assemblée, qui s’appliquera à compter du 1er janvier prochain.

Je l’ai dit, on dénombre 15 400 ouvrages de rétablissement ; ces derniers sont en cours de recensement. Leur liste, publiée sur le site du Gouvernement, est revue de concert avec les collectivités territoriales. Ainsi, l’arrêté ministériel appliqué à compter de janvier prochain n’en omettra aucun. Plus précisément, 4 400 de ces ouvrages concernent des voies navigables ; un peu plus de 2 700 concernent des voies ferrées ; quant aux ponts restants, ils appartiennent au réseau routier. Cet ensemble est donc tout à fait important.

Vous insistez sur l’ingénierie de qualité qu’il convient de garantir pour recenser ces ouvrages, afin qu’ils fassent l’objet d’une convention entre le gestionnaire et les collectivités territoriales concernées. Ce travail est tout à fait nécessaire : c’est le sens du dispositif mis en œuvre et des conventions de financement qui seront conclues à compter du début de l’année prochaine.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Tout d’abord, je remercie le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, M. Hervé Maurey, qui est à l’initiative de cette mission consacrée à la sécurité des ponts, ainsi que les rapporteurs, MM. Patrick Chaize et Michel Dagbert.

Je mesure l’urgence de la situation et souhaite que nos propositions soient rapidement suivies d’actions. Le constat est alarmant : nous ne sommes pas à l’abri d’une catastrophe comme l’effondrement du pont Morandi.

La situation est d’autant plus grave qu’elle est complexe.

En effet, d’une part, la gestion du réseau se partage entre l’État et les collectivités locales ; d’autre part, les collectivités ne sont financièrement pas en mesure de prendre en charge la rénovation et l’entretien des 90 % du réseau qui leur échoient.

Or nous n’avons pas d’autre choix que de faire preuve d’ambition, compte tenu de la difficulté de la situation. Il s’agit donc, dans un esprit de responsabilité politique, de s’engager au plus vite sur un ambitieux plan d’action commun destiné à éviter toute catastrophe, sachant qu’un tel événement peut arriver n’importe quand.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement doit s’engager à déployer ce qu’Hervé Maurey a nommé un plan Marshall ; nous appelons un tel déploiement de nos vœux d’ici à 2021. Vous connaissez naturellement les difficultés financières de plus en plus importantes des collectivités ; les préfets devront être chargés de piloter et de suivre la mise en œuvre de ce plan, et les collectivités territoriales devront évidemment y être associées.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Un mot, d’abord, sur ce que représente, en termes de trafic, le réseau routier national, qui relève de l’État : à peu près 2 % des ponts – vous l’avez dit –, mais 20 % du trafic. Et ces ponts font bien l’objet d’un plan Marshall, pour reprendre les termes que vous avez utilisés, dans la mesure où des crédits de régénération et d’entretien ont été inscrits dans la loi d’orientation des mobilités : de 50 millions d’euros environ pour l’année 2015, nous passons à 70 millions d’euros pour cette année et à 79 millions d’euros pour l’année prochaine, avec, à compter de 2023, un rythme de croisière de 120 millions d’euros annuels, de manière à affronter la réalité de la vétusté de ces réseaux.

S’agissant des collectivités, que vous avez citées, l’un des enjeux est celui de l’ingénierie, c’est-à-dire leur capacité à connaître l’état des ponts ; en la matière, il faut déterminer les voies praticables de cofinancement, y compris celle qui pourrait consister à faire sortir les travaux de régénération non récurrents des critères de Cahors, que vous avez également mentionnés, afin de faire porter l’effort de remise à niveau de l’ouvrage sur le budget d’investissement, lequel, comme vous le savez, ne fait pas l’objet des contraintes qui s’appliquent aux plus grandes collectivités, les 1,2 % notamment.

J’espère que l’ensemble de ces mesures sera de nature à satisfaire votre ambition, que nous partageons.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour la réplique.

M. Alain Fouché. J’ai bien entendu, monsieur le secrétaire d’État, ce que vous avez dit sur le réseau national, qui n’est d’ailleurs pas, lui non plus, dans un état extraordinaire. Ce qui est très important pour nous, naturellement, ce sont les ponts qui relèvent de la compétence des collectivités. Pour ceux-là, compte tenu des difficultés que celles-ci connaissent, nous avons besoin d’un engagement financier très fort de l’État ; à défaut, nous ne pourrons y arriver et le Gouvernement aura sans doute une part de responsabilité s’il arrive des catastrophes.

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Ceux qui ont été maires savent que les problèmes de ponts ne sont jamais simples à régler. Quand ils surviennent, c’est bien souvent qu’il est déjà trop tard. Il s’agit de désordres visibles, évidents, signalés par les riverains ou les usagers, et les travaux afférents sont forcément coûteux.

Participant à cette mission d’information et revenant sur ma propre expérience, je me suis demandé pourquoi, sur ce sujet particulier, nous pratiquions presque tous la politique de l’autruche. En effet, pourquoi pensons-nous à surveiller nos toitures, nos chaudières, nos gouttières, et oublions-nous nos ponts ? Pourquoi faisons-nous comme si les ponts étaient éternels ?

La complexité des procédures et le coût des diagnostics devenus incontournables depuis la loi sur l’eau ne sont pas étrangers à cette situation. Il y a quelques années, le cantonnier communal pouvait faire un peu de maçonnerie préventive. Aujourd’hui, il faut nécessairement faire un appel d’offres, trouver un bureau d’études, financer l’étude – pour rappel, le coût d’une visite initiale sommaire varie entre 2 000 et 5 000 euros par ouvrage –, recourir forcément à une entreprise spécialisée qui saura respecter des procédures désormais complexes.

Je tenais donc, monsieur le secrétaire d’État, à attirer votre attention sur ce point : l’entretien courant n’est plus possible au-dessus d’un cours d’eau.

J’en viens à ma question – mais vous y avez partiellement répondu. Je suis très intéressée par ce qui concerne Voies navigables de France, VNF – mon collègue Patrick Chaize a évoqué ce qui se passait dans plusieurs communes de la Nièvre.

Bien des collectivités manquent d’une connaissance exacte des transferts de compétences qui se sont opérés au cours du temps. Les ouvrages se dégradent ; s’ils sont anciens, aucune convention n’établit clairement le partage des charges et responsabilités – Mme Assassi a parlé longtemps de la loi Didier.

Vous avez dit que le recensement qui était prévu pour le 1er janvier 2018 était en cours. Peut-on raisonnablement laisser l’établissement Voies navigables de France nous dire qu’il ne s’intéresse, comme son nom l’indique, qu’à la partie navigable des voies d’eau et que, à ce titre, la surveillance des ouvrages qui enjambent celles-ci se résume, de son point de vue, à vérifier que les morceaux qui se seraient éventuellement détachés du pont ne modifient pas significativement, pour les bateaux, la profondeur ? Quid des usagers de la voie d’eau ?

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Nadia Sollogoub. Nous pouvons peut-être entendre, à la limite, que la probabilité de recevoir un morceau de pont sur la tête est relativement faible…

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État : j’ai entendu que des possibilités de cofinancement existaient. Nous y sommes très attachés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Madame la sénatrice, je suis en accord avec vous sur le fait que nous avons, collectivement, trop tardé. Or plus nous tardons à assurer la maintenance des ouvrages dégradés, plus le coût pour la collectivité est important. D’où l’intérêt qu’un inventaire soit fait le plus rapidement possible et que des conventions de cofinancement partagent ensuite très clairement la responsabilité et la charge financière entre les collectivités et le gestionnaire public, à savoir VNF.

Je le redis : 4 400 des 15 400 ouvrages, soit presque un tiers d’entre eux, sont liés à des voies navigables, ce qui est tout à fait important. Nous sommes évidemment très vigilants s’agissant de vérifier que les conventions sont signées relativement rapidement, à compter du début de l’année prochaine, puisque l’arrêté devrait être pris à l’issue de la revue, qui arrive à son terme le 31 décembre prochain.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapport remis par notre mission a mis en exergue un état de vétusté inquiétant de nos ouvrages d’art, dont l’état structurel, pour 25 000 d’entre eux, pourrait mettre en péril la sécurité des usagers.

Les collectivités territoriales sont particulièrement affectées, puisque ce problème touche 20 % des ponts relevant des communes ou des intercommunalités. Parmi ces dernières, les plus petites sont largement démunies : pas d’ingénierie technique, pas de ressources budgétaires ni d’assise financière suffisante pour obtenir les prêts permettant de conduire les travaux.

J’en veux pour preuve la situation d’une commune de mon département qui, avec ses 2 500 habitants, et après avoir déjà financé une expertise à hauteur de 6 000 euros, devrait supporter une dépense de l’ordre de 700 000 euros pour la remise en état d’un ouvrage d’art rétrocédé par VNF sans que la ville n’ait rien demandé.

Le plan Marshall pour les ponts sollicité par la mission devient, dans ce contexte, une absolue nécessité – je pense en particulier à la création d’un fonds d’aide aux collectivités territoriales doté de 130 millions d’euros par an sur une période de dix ans.

Je trouve donc particulièrement regrettable que les fonds disponibles sur la ligne du budget de l’Afitf, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, dédiée à la sécurisation des tunnels aient été reversés au budget du réseau routier et non fléchés sur la mise en sécurité des ponts, d’autant plus qu’entre 2009 et 2014 cette ligne budgétaire était dotée d’un montant exactement égal à celui que préconise notre mission.

Nous ne saurions laisser dire qu’un simple jeu de vases communicants suffirait à répondre à de tels enjeux.

Nous demandons non pas une réorientation de crédits, mais bien la mobilisation d’une enveloppe nouvelle, et espérons que le débat prochain sur le projet de loi de finances sera l’occasion pour l’État de prouver qu’il a pris la pleine mesure de la situation. (Mme Françoise Laborde ainsi que MM. Jean-Yves Roux et Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable, applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Je vais clarifier mon propos sur le financement. Nous avons parlé, d’une part, des ouvrages qui relèvent de l’État, pour lesquels les coûts d’entretien et de régénération sont inclus dans la trajectoire de la LOM – j’ai cité ce chiffre, qui résout l’équation budgétaire pour les ouvrages d’État : 79 millions d’euros en 2020, 120 millions d’euros par an à compter de 2023. Cette enveloppe est à la fois devant nous et derrière nous, selon la perspective adoptée.

Et il y a évidemment, d’autre part, ces ouvrages que vous évoquez, monsieur le sénateur, notamment ceux qui relèvent de VNF ou du réseau routier concédé, bref les ouvrages dits de rétablissement. Ils feront, eux, l’objet de conventions de financement, au titre desquelles il faudra trouver y compris des financements de l’État. Ces financements, comme tels, seront inscrits dans les lois de finances ou collectifs budgétaires à venir. C’est donc bien de l’argent nouveau qu’il faudra consacrer à l’ensemble de ces 15 400 ouvrages qui sont en cours de recensement.