M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que la partie demanderesse dispose d’un délai de rétractation de quinze jours si elle a accepté de laisser le domicile au conjoint auteur des violences dans le cadre de l’ordonnance de protection.

Outre le fait qu’il ne concernerait que les époux et non les partenaires de PACS ou les concubins, ce qui pose déjà un problème d’égalité, cet amendement ne me semble pas opérationnel. L’attribution de la jouissance du logement à la victime de violences est le principe, si la victime en fait la demande.

En outre, l’article 515-12 du code civil répond déjà à votre demande. Il permet en effet que le juge prenne de nouvelles mesures, à tout moment, à la demande du ministère public ou de l’une des parties. La victime pourra, dans ce cadre, formuler la demande d’attribution du logement qu’elle n’aurait pas formulée initialement. Elle a le droit de changer d’avis !

La commission demande donc le retrait de cet amendement, qui est satisfait par le droit en vigueur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Madame Préville, l’amendement n° 81 rectifié est-il maintenu ?

Mme Angèle Préville. Non, je vais le retirer, monsieur le président, mais nous devons être sensibles au fait qu’il n’est pas facile pour une victime d’aller devant le juge aux affaires familiales. Cela ne l’est pas davantage quand il s’agit d’y retourner, comme le droit en vigueur le permet, selon les explications que vient de donner Mme le rapporteur.

Cet amendement visait en fait à faciliter les choses pour la victime, en apportant de la souplesse au dispositif juridique. Quoi qu’il en soit, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 81 rectifié est retiré.

L’amendement n° 61 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage et Conconne, M. Courteau, Mmes Blondin et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le contrat de location du logement d’une personne qui n’a pas commis de violences, et au bénéfice de qui a été attribuée la jouissance du logement commun ou conjugal, ne peut être rompu ou résilié qu’avec son accord exprès.

La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. L’ordonnance de protection permet d’attribuer la jouissance du logement à la victime présumée, si celle-ci en fait la demande, et l’éviction du conjoint auteur de violences.

Or actuellement, très souvent, dans l’hypothèse où ce dernier est seul titulaire du bail de location du logement commun, il peut demander au propriétaire la résiliation du contrat.

Cet amendement vise à s’assurer que le conjoint ou ex-conjoint violent ne puisse dénoncer le contrat de bail, le bailleur ne pouvant rompre celui-ci qu’avec l’accord exprès de la victime qui occupe le logement.

Ainsi, l’ordonnance de protection produirait des effets opposables au propriétaire bailleur du logement occupé par la victime et éviterait à celle-ci de se retrouver sans logement, à l’opposé de l’objectif de cette proposition de loi. Il est malheureusement trop fréquent que les victimes se retrouvent sans logement, sans financement, sans rien du tout.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à empêcher le conjoint violent, unique titulaire du bail, de résilier celui-ci si le logement a été attribué à la victime par le JAF. Il pose plusieurs difficultés.

Le dispositif fait mention du « logement commun ou conjugal ». Or les époux sont automatiquement cotitulaires du bail : dans cette hypothèse, aucune résiliation unilatérale du bail n’est possible.

Les partenaires d’un PACS peuvent également être cotitulaires du bail, s’ils l’ont demandé, mais cela n’est pas automatique.

La disposition que vous proposez ne peut être applicable envers le bailleur : celui-ci n’a pas connaissance des décisions judiciaires et, surtout, il n’a aucune relation contractuelle avec la personne qui n’est pas titulaire du bail.

En tout état de cause, une personne victime de violences à laquelle le JAF attribuerait la jouissance du logement ne pourrait pas être expulsée du logement, cette mesure ne pouvant être prononcée que par un juge. La victime bénéficiaire d’une ordonnance de protection ne serait pas considérée sans droit ni titre, et il n’est pas imaginable qu’un magistrat prononce l’expulsion dans ce cas-là.

Je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable, ma chère collègue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis. J’ajoute que, dans le cadre du Grenelle des violences conjugales, des groupes de travail se sont saisis de cette question, qui mérite une expertise un peu plus approfondie. Nous sommes en train d’y travailler.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Si les conjoints sont mariés, il n’y a pas de souci, la cotitularité étant de droit. Avec cet amendement, nous avons voulu viser les personnes pacsées, qui peuvent ne pas avoir demandé la cotitularité au bailleur, et les concubins. Certes, le bailleur n’est pas censé avoir connaissance de la situation, mais il s’agit là d’une ordonnance de protection, intervenue dans l’urgence, et qui n’a pas vocation à s’appliquer très longtemps. Il faudra régulariser la situation à l’égard du propriétaire. Ce qui est sûr, c’est que l’homme violent, déjà auteur de violences, y compris psychologiques, pourra s’empresser de résilier le bail pour se venger de la décision. La victime se trouvera alors sans droit ni titre, s’il s’agit d’un pacsé non cotitulaire ou d’une concubine non déclarée.

À mon sens, cet amendement se justifie totalement. Madame la garde des sceaux, je vous demande donc de lui donner un avis favorable, quitte à ce que le dispositif soit amélioré d’ici à la commission mixte paritaire. En tout cas, ici, au Sénat, nous cherchons à toujours mieux protéger la victime.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 41 rectifié bis, présenté par Mmes Lepage, Rossignol, Monier, Meunier et Jasmin, M. Antiste, Mme Artigalas, M. Jacques Bigot, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny, Mme Guillemot, M. Mazuir, Mmes Préville et Tocqueville et MM. Vallini et Vaugrenard, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

….) Après le même 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Autoriser la partie demanderesse à la désolidarisation du crédit immobilier contracté avec la partie défenderesse ; »

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Dans le cadre de l’ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales est amené à se prononcer sur l’attribution du logement commun. Cet amendement a pour objet de lui permettre de se prononcer également sur la possibilité de se désolidariser des dettes liées au remboursement d’un emprunt cocontracté avec l’auteur présumé des violences.

Les représentants des associations que nous avons entendus en amont de l’examen de ce texte nous ont décrit de nombreuses situations où l’auteur des violences organise son insolvabilité pour faire perdurer une forme d’emprise sur sa victime et la maintenir dans une situation difficile. Afin d’éviter ce cas de figure, il serait souhaitable que le JAF puisse se prononcer sur la possible désolidarisation des dettes liées à un crédit immobilier, sous réserve, bien entendu, de l’acceptation de la banque.

Cette disposition rendrait trois services majeurs aux victimes de violences conjugales.

Tout d’abord, celles-ci seraient informées de cette faculté, qu’elles ignorent bien trop souvent. Par ailleurs, elles pourraient justifier et appuyer leur demande auprès de leur établissement bancaire. Enfin, les situations d’organisation d’insolvabilité par un auteur de violences conjugales pourraient être prévenues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Le présent amendement a pour objet de permettre au JAF d’autoriser la victime à se désolidariser d’un éventuel crédit immobilier souscrit avec la partie défenderesse.

Je comprends votre intention, ma chère collègue, mais la rédaction de votre amendement est trop large : son adoption conduirait à libérer la victime d’une partie des obligations qui lui incombent et les effets de la disposition ne sont pas très bien mesurés. S’il s’agit de prévoir que la victime ne rembourse pas sa part de l’emprunt pendant la durée de l’ordonnance de protection, cela ne signifie pas pour autant qu’elle serait libérée de la charge de la dette. Qu’en serait-il ensuite de la propriété du logement ?

En revanche, ce qui est certain, et cela répond peut-être mieux à votre attente, c’est le droit en vigueur, confirmé par la proposition de loi. En effet, lorsque le JAF attribue la jouissance du logement à la victime, il peut aussi mettre à la charge du conjoint violent les frais afférents à ce logement. Parmi ces frais figure le remboursement du prêt immobilier.

Comme pour l’amendement précédent, demande de retrait ou avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

Mme Claudine Lepage. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 41 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 60 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage et Conconne, M. Courteau, Mmes Blondin et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 14 et 15

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

d) Le 5° est ainsi rédigé :

« 5° Examiner la suspension provisoire de l’autorité parentale du défendeur jusqu’à ce que le juge ait statué au fond sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Le cas échéant, la décision de ne pas suspendre l’autorité parentale de l’auteur des violences est spécialement motivée, et le juge se prononce sur les modalités du droit de visite et d’hébergement au sens de l’article 373-2-9 ; »

…) Après le même 5°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Se prononcer, le cas échéant et y compris si la suspension de l’autorité parentale prévue au 5° est prononcée, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ; »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Je rappelle que nous avons précédemment adopté des amendements aux termes desquels le juge est compétent pour examiner toute une série de demandes dans le cadre de l’ordonnance de protection, même s’il n’est pas obligé de se prononcer systématiquement sur chacune.

Avec cet amendement, nous souhaitons introduire un item supplémentaire pour prévoir que le juge est aussi compétent pour examiner la suspension de l’autorité parentale pendant la durée de l’ordonnance de protection.

Pourquoi ? Tous ceux qui connaissent le mécanisme des violences faites aux femmes savent que les enfants sont des enjeux majeurs dans les violences intervenant après la séparation. La coéducation, l’autorité parentale conjointe, bref tout ce qui relève des décisions concernant les enfants peut en être à l’origine.

Comme l’ordonnance de protection est provisoire, nous proposons de l’assortir d’une autre disposition provisoire, à savoir la suspension de l’autorité parentale, ce qui permettrait de renforcer l’étanchéité créée par le juge au moyen des mesures d’éloignement, d’éviction du conjoint, d’interdiction de paraître ou de fréquenter des lieux dans lesquels la victime se présente, pour que les enfants ne soient pas un prétexte de contournement. L’école et ses alentours sont des endroits propices pour s’approcher de la victime et continuer à la harceler.

M. le président. L’amendement n° 122, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement demande la suppression de l’obligation de motivation spéciale concernant le refus de prononcer l’exercice du droit de visite dans un espace de rencontre.

M. le président. L’amendement n° 117 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

. Lorsque le juge l’estime nécessaire, il peut demander un compte rendu du détail des rencontres ;

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Lorsque des violences existent au sein d’un couple, il n’est malheureusement pas rare qu’elles atteignent les enfants, soit indirectement, du fait de leur rôle de témoins, soit directement, étant eux-mêmes victimes de coups.

En outre, tous les rapports d’expertise établissent un lien clair entre la violence subie au moment du développement d’un enfant et le futur comportement de ce dernier en tant qu’adulte. Sans que la causalité soit absolue, il est courant que les enfants élevés dans des contextes familiaux violents deviennent à leur tour des adultes violents ou violentés.

Pour tous, y compris ceux qui parviennent à s’extirper de tels climats, l’accès à la parentalité est difficile, par peur de reproduire ces schémas, à juste titre. En mai 2018, l’Inspection générale des affaires sociales, l’Inspection générale de la justice et l’Inspection générale de l’administration ont produit un rapport faisant suite à la mission sur les morts violentes d’enfants au sein des familles. La recommandation n° 10 de ce rapport vise le renforcement du suivi par le juge des rencontres intermédiées entre parents et enfants, quand le climat familial est violent, en prévoyant une obligation de compte rendu. Tel est l’objet de cet amendement, appliqué au seul cadre de l’ordonnance de protection.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. L’amendement n° 60 rectifié tend à permettre au JAF d’examiner la suspension de l’autorité parentale dans le cadre de l’ordonnance de protection jusqu’à ce que le juge ait statué au fond sur les modalités. La décision de ne pas prononcer la suspension devrait être spécialement motivée.

Le juge peut déjà apprécier les modalités d’exercice de l’autorité parentale dans le cadre de l’ordonnance de protection et, par exemple, prononcer le retrait total ou partiel de ladite autorité, sur la base de l’article 378-1 du code civil. L’ordonnance de protection est déjà un jugement au fond, même si les mesures sont provisoires.

La suspension de l’autorité parentale n’est, en outre, en l’état, pas définie juridiquement, ce qui ne permet pas de cerner les effets d’un tel dispositif. L’avis de la commission est défavorable.

L’amendement n° 122 du Gouvernement vise à supprimer la surmotivation. Même avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 117 rectifié a pour objet de permettre au JAF de solliciter un compte rendu du détail des rencontres entre parents et enfants, lorsqu’il ordonne un droit de visite dans un espace de rencontre ou avec l’assistance d’un tiers de confiance.

L’intention est louable, mais cette disposition ne paraît pas très opérationnelle : qui va rédiger le compte rendu ? Que va-t-il contenir ? La conversation entre le parent et l’enfant ?

Le juge peut, en revanche, entendre l’enfant et le tiers de confiance qui assiste aux visites, afin de déterminer d’éventuelles difficultés. J’en sollicite le retrait, faute de quoi je serai défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 60 rectifié et 117 rectifié ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Sur l’amendement n° 60 rectifié, j’aurai le même raisonnement que Mme la rapporteur. L’objectif visé est satisfait par la rédaction actuelle de l’article 515-11 du code civil. J’ajoute que ce sujet est traité dans le cadre du Grenelle des violences conjugales. Mon collègue Adrien Taquet réfléchit sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, et des évolutions seront peut-être proposées à l’issue du Grenelle.

L’amendement n° 117 rectifié est également satisfait, puisque l’article 1180-5 du code de procédure civile prévoit déjà que, dans tous les cas où un droit de visite est fixé dans un espace de rencontres, la personne gestionnaire de la structure doit signaler immédiatement au juge les difficultés dans la mise en œuvre de ce droit. Ce n’est pas exactement ce que vous demandez, madame Carrère, mais il me semble que l’effet est le même. Ainsi, en fonction de ce qui est signalé, le juge peut modifier sa décision initiale sur demande des parties, ou même d’office, ce qui est une exception aux règles ordinaires. L’esprit de votre amendement est respecté, et je serais heureuse que vous le retiriez.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Les explications de Mme la rapporteur et de Mme la ministre ne suffisent pas à lever mes inquiétudes. Comme l’ensemble des membres de mon groupe, je considère qu’un mari violent ne peut pas être un bon père. Pourtant, cette idée a beaucoup cheminé. En tant qu’orthophoniste, quand je plaidais le contraire, je n’étais pas suivie. Aujourd’hui, de plus en plus de gens changent d’avis en constatant, comme nous tous, que les enfants sont un objet de chantage et que, bien souvent, les drames surviennent au moment du changement de parent de garde.

Avec leur amendement, mes collègues du groupe socialiste et républicain font une proposition. Nous présenterons plus tard notre propre amendement visant au retrait total de l’autorité parentale des pères violents. Et on nous rétorque que c’est déjà dans le code civil. Ah bon ? Visiblement, cela ne protège pas, donc il faudrait renforcer le code.

En deuxième argument, on nous demande de ne pas nous inquiéter : le législateur doit attendre les résultats du Grenelle, tout ayant été pensé pour lui.

Soit nous n’avons pas compris le code, et tous les féminicides qui défraient l’actualité sont le fruit du hasard, soit il nous faut faire toute confiance au Gouvernement, qui fait le travail à notre place, et attendre des éléments pour fin novembre, ou plus tard. D’ici là, pas mal de drames peuvent survenir.

Pour moi, ces arguments ne sont absolument pas convaincants.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. On a un problème de cohérence ce soir. Le Gouvernement se trouve face au nœud des contradictions du calendrier qu’il a choisi, notamment en informant qu’un nouveau texte serait déposé après les annonces du Grenelle.

Madame la garde des sceaux, le 3 septembre dernier, le Premier ministre a annoncé qu’allait être envisagée la possibilité de la suspension de l’autorité parentale en cas de violences conjugales. Le sujet n’est pas anodin. Si l’on fait un peu d’histoire, il faut se souvenir que, jusque dans les années 1970, seuls les pères détenaient l’autorité parentale sur les enfants. Les choses ont évolué, et pas seulement dans ce domaine, fort heureusement. En 2019, les deux parents ont l’autorité parentale. La proposition du Premier ministre constitue une avancée supplémentaire : là où, jusqu’à présent, les droits des parents primaient sur la situation de l’enfant, on considère désormais que les droits de l’enfant peuvent primer sur la situation des parents.

Personne dans cette enceinte ne pense que les violences conjugales n’ont pas d’effet sur les enfants ! Personne ne pense plus qu’un mari violent peut être un bon père !

Il ne faut pas confondre autorité parentale avec contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et autres questions financières. Non ! Il s’agit de savoir si le père présumé violent va avoir un droit de regard sur le mode de vie de l’enfant mineur et peut prendre des décisions sur ce point.

Je le répète, le sujet n’est pas anodin. Nous proposons que la suspension de l’autorité parentale puisse – j’y insiste, madame la garde des sceaux, ce n’est pas obligatoire – être examinée et ordonnée de manière provisoire ou transitoire par le JAF. C’est bien une innovation totalement en ligne avec ce qu’avait annoncé le Premier ministre. Je m’étonne donc de votre frilosité. Si c’est simplement pour attendre que M. Taquet ait fini son travail, alors que M. Philippe a déjà fait une annonce le 3 septembre, c’est à n’y plus rien comprendre !

Voilà pourquoi je pense qu’il faut examiner cette disposition de manière très lucide.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Si j’en crois le titre de la proposition de loi, nous devons « agir contre les violences au sein de la famille ». Madame la ministre, le fait de vous entendre de nouveau dire qu’il faut réfléchir n’est pas acceptable. Aujourd’hui, c’est sûr, nous ne pouvons plus faire abstraction des enfants en tant que victimes, eux aussi, des violences conjugales, contrairement à ce qui prévalait jusqu’à ces dernières années encore, où l’on ne s’occupait pas d’eux.

Je défends évidemment non seulement l’amendement n° 60 rectifié, dont je suis cosignataire, mais aussi l’amendement n° 117 rectifié. Je suis nantaise, et je me rappelle encore avec beaucoup d’acuité le drame qui s’est déroulé dans ma ville en 2015, lorsqu’un éducateur s’était fait tuer pour protéger une femme venant en visite médiatisée avec sa fille de trois ans, qui avait tout entendu et tout vu. Ce drame avait été particulièrement mal vécu tant par les professionnels de la justice que par les acteurs du secteur social. Comment peut-on accepter que ce mari violent, dans l’attente de tout jugement, puisse garder l’autorité parentale, alors qu’il voulait tuer son ex-femme ?

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je vais revenir sur l’amendement n° 60 rectifié, bien qu’il ait été extrêmement bien défendu par les oratrices précédentes. Je pense également que le calendrier n’est pas idéal. Cette proposition de loi est examinée quelques semaines avant les conclusions du Grenelle, qui, forcément, déboucheront sur un texte législatif. Mais si l’on écoute Mme la ministre, on n’étudie plus aucun article du présent texte. Les arguments de Mme la rapporteur et de Mme la garde des sceaux ne m’ont pas non plus convaincue. Si vraiment l’amendement était satisfait, la suspension de l’autorité parentale serait utilisée de manière beaucoup plus efficace, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il importe de préciser le droit à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Mme la ministre nous a dit au début de l’examen de cette proposition de loi que l’urgence, dans l’attente du texte que les Marcheurs veulent déposer à l’Assemblée nationale après le Grenelle des violences conjugales, c’est d’améliorer l’ordonnance de protection et les mesures relatives au bracelet anti-rapprochement.

Voilà qu’apparaît un doute sur l’exercice de l’autorité parentale. Est-il concevable que le juge puisse empêcher le mari violent de s’approcher du domicile où se trouve la mère avec ses enfants, mais que celui-ci puisse aller à l’école voir les enseignants, parce qu’il exerce l’autorité parentale ? Cette suspension de l’autorité parentale est un complément indispensable dans le cadre de mesures provisoires, sachant que le juge sera amené, très peu de temps après, peut-être à l’issue d’une médiation, à trouver une solution pour que les relations entre les enfants et leur père puissent reprendre dans un contexte clair et rassurant pour tout le monde.

Cette mesure de suspension, urgente, serait provisoire, dans un but de protection, mais on nous demande de ne pas aller aussi loin. Selon vous, les relations avec le mari violent cesseront, grâce à un arsenal de mesures, mais les deux parents pourront continuer à exercer l’autorité parentale conjointement. Cela n’est pas possible ! Nous demandons non pas la suppression de l’autorité parentale conjointe, mais sa suspension, jusqu’à ce qu’une décision sérieuse au fond soit prononcée. Je ne comprends pas votre position, madame la garde des sceaux, et j’exhorte donc mes collègues à accepter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Mes chers collègues, connaissez-vous ce sentiment d’avoir déjà vécu la même scène, le même dialogue, avec les mêmes protagonistes, au même endroit ?

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. C’est un court-circuit du cerveau ! (Rires.)

Mme Laurence Rossignol. Non, ce n’est pas un court-circuit du cerveau ; c’est une certitude ! Voilà un peu plus d’un an, nous étions là : Mme la garde des sceaux était à la même place ; Mme Marie Mercier également ; M. François-Noël Buffet remplaçait Philippe Bas quand il était obligé de s’absenter ; à peu près les mêmes sénateurs et sénatrices étaient présents, et nous examinions le projet de loi sur la prévention des violences sexuelles sur les enfants. À l’époque, nous avions essayé d’expliquer que le dispositif proposé n’atteindrait pas l’objectif que nous nous étions fixé. Nous faisions face aux mêmes certitudes, à la même attitude fermée, rigoriste, au même rejet systématique de nos propositions par amendements.

Je me rappelle notamment avoir eu une discussion sur la question de la prévention des suicides des femmes victimes de violences, à la faveur de l’examen d’un amendement que j’avais déposé. On m’a répondu : ne vous inquiétez pas ! On s’occupe de tout ! Tout est sous contrôle ! On gère ! Un an après, j’ai constaté que ce sujet était à l’ordre du jour du Grenelle, ce qui signifie que, pendant un an et demi, rien ne s’est passé ! Et on recommence, dans les mêmes termes et avec la même méthode ! C’est ce que nous vivons aujourd’hui. Vous nous dites que tout est sous contrôle grâce au Grenelle et que vous allez revenir avec des propositions, mais on ne sait pas quand ni sous quelle forme. Vos procédures législatives sont totalement hasardeuses : une fois, c’est une proposition de loi de l’opposition ; une autre fois, c’est une proposition de loi de la majorité, plus ou moins sur commande du Gouvernement. D’ailleurs, pourquoi Mme Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui pilote le Grenelle des violences conjugales, n’est-elle pas là ce soir ? Pourquoi êtes-vous seule, madame la garde des sceaux ?