Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Stéphane Artano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens ce soir au nom du groupe du RDSE et de ma collègue Nathalie Delattre.

Le mandat de nos 600 000 élus municipaux prendra bientôt fin. Pour la moitié de nos maires actuels, ce mandat sera leur dernier. Plus de 50 % d’entre eux ne souhaitent pas se représenter en mars 2020, chiffre symbolique qui montre l’ampleur de la crise démocratique qui fait rage au cœur de nos villes et de nos villages.

Ici, au Sénat, chambre des collectivités territoriales, ce chiffre nous inquiète, mais ne nous étonne guère. Au fil de nos déplacements et de nos rencontres avec des édiles en leur mairie, nous sommes témoins jour après jour de leur difficulté à poursuivre leur engagement local au service de leurs administrés. Si l’écharpe tricolore de l’élu préféré des Français est de plus en plus lourde à porter, c’est aussi notre modèle communal et notre démocratie locale qui sont en difficulté.

Aujourd’hui, nous faisons face à une situation des plus paradoxales : les maires sont, aux yeux de leurs administrés, responsables de tous les maux de leur cité. Or, le plus souvent, ils ne sont même plus compétents pour les soulager. En effet, ces élus du quotidien et de la proximité se sont retrouvés noyés au sein de grands ensembles, freinés par des procédures administratives de plus en plus complexes, dans un cadre financier chaque année plus contraint.

Aussi, monsieur le ministre, l’annonce de votre projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a-t-il suscité beaucoup d’espoirs. Les objectifs affichés par le Gouvernement étaient ambitieux : redonner des libertés locales à nos élus, lever les freins à l’engagement municipal, renforcer la cohésion de nos territoires et préserver une dynamique démocratique au cœur de nos villages. Or la montagne a accouché d’une souris, si j’ose dire.

Le travail du Sénat a été à la hauteur de ces enjeux, comme l’ont notamment montré les 1 000 amendements déposés sur ce texte lors de son examen par la chambre haute. Les nombreuses heures de débats sur le couple commune-intercommunalité, sur la répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales, sur le statut de l’élu local, sur la parité, sur la formation des élus, sur leur indemnisation et sur leur sécurité ont démontré les priorités incontournables que devait exprimer ce texte.

C’est pourquoi nous regrettons que, malgré les frustrations générées par la loi NOTRe au sein de nos mairies, malgré cet objectif commun de « conforter chaque maire dans son intercommunalité », seules des possibilités d’adaptations ou d’assouplissements, sous contrôle de l’EPCI, aient été finalement retenues. C’est l’occasion de saluer l’excellent travail de nos rapporteurs de la commission des lois, qui s’étaient notamment attaqués au cœur du problème en proposant un transfert de compétences « à la carte ». Le texte du Sénat supprimait également le transfert obligatoire des compétences « eau et assainissement » dans les communautés de communes et les agglomérations, ce que prônait le RDSE. Nous regrettons donc que ces modifications n’aient pas été retenues par l’Assemblée nationale, puis par la commission mixte paritaire.

Si ce texte peut répondre à certaines situations de blocage, concrètes, par un peu de souplesse, il ne peut prétendre à lui seul revaloriser la fonction de maire, faciliter l’exercice de son mandat et susciter de nouvelles vocations pour un engagement local. Le groupe du RDSE a joué le jeu du pragmatisme en formulant différentes propositions sur ce texte, directement issues de remontées de terrain, sans pour autant attendre la présentation du projet loi dit « 3D » – décentralisation, différenciation et déconcentration – et du projet de loi sur la sécurité locale.

C’est par exemple une situation rencontrée par le maire de Salles, en Gironde, qui a motivé la création d’un droit d’information pour les maires lorsqu’une demande d’autorisation de défrichement est déposée auprès de l’autorité compétente de l’État par un des administrés de sa commune. Nous nous réjouissons que cette proposition du RDSE ait été adoptée dans la version du texte issue de la commission mixte paritaire.

C’est aussi l’exemple du médiateur territorial de la ville de Bordeaux qui a inspiré la proposition de loi de Nathalie Delattre, permettant de faire prospérer un mode de règlement de conflit à l’amiable. La médiation territoriale permettra, nous en sommes convaincus, de faciliter ou de réinstaurer le dialogue entre les collectivités et leurs habitants. C’est un outil de proximité, innovant, à l’image des élus locaux et au service du bien vivre ensemble. Au nom de ma collègue et de mon groupe, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir encouragé cette proposition de loi.

C’est encore par ses contacts permanents avec les élus locaux qu’Éric Gold a proposé et fait adopter l’ouverture du système d’équivalence universitaire à la valorisation de l’expérience acquise au cours des mandats, pour faciliter la reconversion des élus locaux.

Nous déplorons néanmoins que certaines propositions n’aient pas reçu l’aval du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, par exemple la création d’un droit de timbre en matière d’autorisation et de déclaration d’urbanisme.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suis d’accord !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Moi aussi !

M. Stéphane Artano. Soutenue en séance par nos rapporteurs et M. le président de la commission des lois, cette mesure n’a rien d’un nouvel impôt : elle constitue une simple compensation financière pour nos municipalités.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. On fait payer les services !

M. Stéphane Artano. De plus, compte tenu du contexte – politiques de décentralisation, encadrement de la commande publique, développement de politiques d’achat –, nous avions proposé de prévoir une indemnité spécifique pour les membres siégeant aux séances de commission d’appel d’offres et de commission de délégation de service public. Adoptée au Sénat, cette mesure a malheureusement été supprimée au cours de la navette parlementaire.

Malgré des déceptions et des frustrations, notre groupe votera en faveur de ce projet de loi, dotant les maires d’une boîte à outils de secours dans l’attente d’une véritable refondation de l’édifice. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi quau banc des commissions. – MM. Jean-Marie Bockel et Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, les apports du Sénat ont permis une amélioration du texte initial par l’intelligibilité que les sénateurs peuvent avoir des besoins des élus locaux. Je tiens ici à saluer le travail de la commission des lois, de son président et des deux rapporteurs, qui a permis de prendre en compte un certain nombre de réalités vécues et d’apporter des réponses et des solutions. Cependant, nous regrettons que les députés LREM aient détricoté dans un premier temps le texte, montrant à cette occasion leur manque de compréhension du terrain local et des enjeux du quotidien des maires.

Le texte de la commission mixte paritaire est de prime abord une belle surprise, car les députés ont pris en considération le fait qu’ils ne pouvaient pas balayer d’un revers de main le travail de la chambre des collectivités sur un tel sujet. Des avancées permettront de faire respirer les communes et leurs élus, dans leurs relations avec les EPCI comme dans leur travail au quotidien : la suppression de la catégorie des compétences optionnelles, la facilitation de la répartition des compétences, l’augmentation automatique des indemnités, l’incitation à la tarification sociale de l’eau, etc.

Cependant, certaines attentes particulièrement explicites des élus locaux sont passées sous les fourches caudines de la majorité présidentielle, qui semble craindre d’aller trop loin, qui n’ose pas ou qui ne souhaite pas : chacun jugera ! Je pense particulièrement aux compétences « eau et assainissement », éternel conflit auquel nous pensions enfin avoir mis fin en supprimant l’obligation de transfert. Finalement, au lieu d’aller vers la simplicité, si chère à certains, le texte propose une redélégation afin d’en affirmer le caractère intercommunal. Il faudra suivre à terme les incidences de cette décision dans le rapport des communes au sein même de leur intercommunalité.

Le travail parlementaire aura permis d’identifier des problèmes. Cependant, nous regrettons non pas qu’un certain nombre de réponses ne se trouvent pas dans ce texte – c’était prévu –, mais que ces réponses ne se trouvent pas non plus dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » du projet de loi de finances pour 2020.

Il n’est qu’à prendre l’exemple des intercommunalités. Il est regrettable d’avoir renvoyé les débats sur les communautés urbaines et les métropoles à un futur projet de loi, dont les contours ne seront pas tracés avant plusieurs mois, et non pas plusieurs semaines, et qui semble davantage une façon de repousser les problèmes, y compris pour les plus petites communes au sein des métropoles.

Il n’est qu’à prendre encore l’exemple des nouveaux pouvoirs de police des maires et des forces de police municipale. Il ne faudrait pas donner le sentiment que les maires seraient les seuls responsables de la sécurité ou de la tranquillité publique – chacun utilisera l’expression qui lui agrée. C’est en effet aujourd’hui la préoccupation première des habitants pour les prochaines élections municipales. Rappelons que la question de la sécurité est et doit rester une compétence régalienne. Or, au vu du déploiement – du non-déploiement, devrais-je dire – de la gendarmerie comme de la police, de la difficulté à satisfaire tous les postes, des fermetures et restructurations subies depuis de nombreuses années, les maires se retrouvent souvent seuls à répondre à ce besoin de sécurité exigé par nos concitoyens.

Il n’est qu’à prendre enfin l’exemple des conditions de travail et du quotidien des élus locaux. Nous sommes pour les mesures prévues, telles qu’elles sont inscrites à l’issue de la commission mixte paritaire. Cependant, nous ne pouvons qu’être inquiets, puisque la pression financière exercée aujourd’hui sur les collectivités peut en limiter l’effectivité.

Enfin, la démocratie locale doit être développée par de nouveaux outils et les services publics qui font le lien entre les citoyens et le politique. Or la liste de ceux qui disparaissent est nombreuse : finances publiques, trains, hôpitaux, plus largement la présence territoriale de l’État dans nos départements. À ce rythme-là, dans quelques mois, il sera plus rapide de citer les seuls services publics restant dans nos territoires.

Monsieur le ministre, au quotidien, c’est à tout cela que les élus locaux de notre pays sont confrontés. La difficulté à constituer des listes pour les prochaines élections, et ce quelle que soit la taille de la commune, qu’ils expriment aujourd’hui est celle-ci : être élu, oui, mais pour quoi faire demain ? Quels moyens pour répondre aux besoins des populations ?

Certes, ce texte marque un coup d’arrêt à la mécanique décriée lancée par la loi NOTRe. Il signifie que la mobilisation et les craintes des élus commencent enfin à être entendues, bien que l’examen du texte par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale laisse planer le doute quant à cette finalité.

La crise de l’engagement a besoin d’une véritable réponse et les collectivités territoriales doivent être revitalisées, en termes de services publics, en termes humains, en termes de démocratie locale et plurielle.

Nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi quau banc des commissions.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est déjà pas mal !

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 11 décembre dernier, la commission mixte paritaire réunie pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique est parvenue à un accord. Je me félicite que le texte de compromis maintienne plusieurs dispositions importantes votées par le Sénat qui renforcent les communes, améliorent les garanties apportées aux élus locaux et donnent plus de souplesse à notre organisation territoriale.

Ainsi, je me réjouis que la position du Sénat sur les indemnités allouées aux maires et aux adjoints ait été retenue. Elle consiste à relever de manière raisonnable le montant maximal des indemnités des élus des communes de moins de 3 500 habitants, tout en permettant au maire de solliciter une réduction de son indemnité, s’il le désire.

Les maires et élus de ces communes seront augmentés automatiquement, selon trois tranches, ce qui évite de solliciter l’augmentation au conseil municipal comme le prévoyait la version de l’Assemblée nationale : 50 % de plus pour les élus des communes de moins de 500 habitants, 30 % de plus pour les communes de 500 à 999 habitants et 20 % de plus pour les communes de 1 000 à 3 500 habitants.

Je suis heureux que ce texte valorise ainsi le rôle des élus locaux dans notre démocratie. En effet, chez les élus, un sentiment latent de dépossession s’est installé. Successivement, ils ont dû affronter les baisses de dotations de l’État, qui ont affecté toutes les collectivités de manière indistincte et non concertée, puis la marche forcée vers les grandes intercommunalités et les grandes régions.

Je me réjouis donc tout particulièrement que ce projet de loi entende accompagner ceux qui s’engagent pour la collectivité, en améliorant les conditions d’exercice des mandats locaux.

Je me félicite également que ce texte étende les libertés locales, conforte le rôle du maire pour trouver un meilleur équilibre avec son intercommunalité, simplifie le quotidien des élus locaux et adapte mieux certaines règles ou seuils aux réalités territoriales.

Certes, l’ensemble des dispositions de ce texte constituent un progrès pour que les communes et communautés de communes jouent à nouveau un rôle essentiel dans l’histoire de notre démocratie, mais nous espérons que le projet de loi Engagement et proximité sera utilement complété par le projet de loi « 3D » – décentralisation, différenciation et déconcentration –, que nous examinerons au printemps prochain.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !

M. Alain Marc. Avant de conclure, je tiens à souligner la qualité du rapport de nos collègues Françoise Gatel et Mathieu Darnaud. Je salue également l’immense travail accompli par les élus locaux, au premier rang desquels les maires, qui sont au plus près des citoyens, de leurs demandes, de leurs encouragements ou de leurs récriminations.

Je pense aussi aux maires des petites communes rurales, qui ne comptent pas leur temps et sacrifient bien souvent une partie de leur vie professionnelle et familiale à leur mandat. Je suis aussi élu local, je me sens proche de leurs inquiétudes et de leurs interrogations.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, particulièrement attentif aux préoccupations exprimées par les collectivités territoriales, le groupe Les Indépendants demeure très attaché à une meilleure reconnaissance de la place centrale des maires et des élus et de leur engagement. Aussi votera-t-il ce projet de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et RDSE, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien ! Bonne décision !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si je suis moi aussi satisfait que le projet de loi Engagement et proximité soit sur le point d’être définitivement adopté, puisqu’il contient de nombreuses mesures attendues par les élus, je pense que la procédure accélérée aurait pu être écartée ; je le dis comme un clin d’œil. En effet, le Sénat n’a pas eu à connaître, sauf les membres de la commission mixte paritaire, les très nombreuses dispositions introduites à l’Assemblée nationale.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est très juste !

M. Jean-Marie Bockel. Je sais bien que c’est la règle du jeu, mais, sur un texte aussi important pour les collectivités territoriales et au vu des nombreuses dispositions additionnelles adoptées sans étude d’impact approfondie, je trouve que notre travail de législateur s’est fait avec une grande qualité, mais à marche forcée. Espérons que nous ne regretterons pas dans quelques mois de ne pas avoir donné un peu plus de temps au Parlement pour nous assurer de la justesse et de l’opportunité de toutes les dispositions que nous nous apprêtons à adopter.

Sur le fond, je tiens à rappeler que, dans la préparation de ce texte, le Gouvernement s’est largement inspiré de nombreux travaux du Sénat, notamment ceux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. À ce propos, je souligne la qualité du dialogue que nous avons eu en amont avec vous, monsieur le ministre, dans un climat à la fois franc et constructif. Ainsi, la délégation s’est emparée du sujet du statut des élus locaux dès 2017 et a produit un rapport d’information important qui faisait suite à une consultation nationale des élus – c’est-à-dire de la base – qui avait obtenu plus de 17 000 réponses ! De nombreuses mesures relatives au statut des élus, souhaitées de longue date, sont prévues dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui.

Il faut se réjouir que le compromis qui s’est dégagé en commission mixte paritaire préserve de nombreux apports du Sénat. Ainsi, dans le cadre de l’élaboration du pacte de gouvernance, le Sénat a tenu à ce qu’il ne puisse être adopté qu’après avis des conseils municipaux des communes membres. Par ailleurs, un amendement du groupe Union Centriste a rendu obligatoire la création d’une conférence des maires au sein de l’ensemble des EPCI. C’était d’ailleurs une demande assez large.

Le Sénat a également souhaité que ce texte de simplification soit l’occasion de supprimer la catégorie des compétences optionnelles des intercommunalités. Demain, les intercommunalités conserveront les compétences obligatoires aujourd’hui définies par la loi, auxquelles pourront s’ajouter des compétences facultatives. Cette mesure de clarification a été efficacement défendue par les représentants de la commission des lois en commission mixte paritaire, et c’est tant mieux !

J’en viens aux compétences « eau et assainissement ». Si je regrette que la position défendue de longue date par la Haute Assemblée – le transfert facultatif de la compétence aux intercommunalités – n’ait pas été adoptée, le compromis retenu en commission mixte paritaire permettra une mise en œuvre souple de la délégation de compétence aux communes et aux syndicats.

Le Sénat a également introduit une disposition prévoyant que la caducité des plans d’occupation des sols, prévue au 31 décembre 2019, soit repoussée d’un an lorsqu’un EPCI n’a pas encore achevé son PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal). Il s’agit là d’une matière sensible ; cette mesure est donc positive.

Le Sénat a aussi instauré plusieurs mesures afin de renforcer les pouvoirs dont disposent les maires pour faire respecter leurs arrêtés de police et pour garantir leur protection contre les violences ou les incivilités. Sans doute faudra-t-il en évaluer l’efficacité après quelques années de mise en œuvre, soit pour les simplifier, soit pour les renforcer. Le retour d’expérience est nécessaire.

Sur les dispositions relatives aux indemnités des élus des communes de moins de 3 500 habitants, la commission mixte paritaire a retenu la proposition adoptée par le Sénat en première lecture, qui est un système plus simple et plus lisible que le dispositif baroque adopté par nos collègues députés.

Sur le régime indemnitaire des présidents et des vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes, le Sénat a supprimé une disposition inopportune de la loi NOTRe et ainsi maintenu leurs indemnités de fonction. En confirmant cette disposition, la commission mixte paritaire a répondu aux attentes légitimes de nombreux élus locaux.

Enfin, l’Assemblée nationale avait adopté, pour de bonnes raisons, une disposition instaurant un scrutin de liste dans les communes de 500 à 1 000 habitants. Lors de la CMP, nos collègues députés ont finalement entendu les arguments que les membres du Sénat ont développés en notre nom et mesuré les difficultés rencontrées par les plus petites communes pour constituer des listes bloquées. Pour autant, le débat sur l’extension du scrutin de liste et sur la parité n’est pas terminé. Nous aurons heureusement l’occasion d’y revenir d’ici à 2026, ce qui laisse le temps de préparer comme il convient des évolutions inéluctables et positives.

Je tiens une fois encore à saluer l’excellence du travail de nos rapporteurs, Mathieu Darnaud et Françoise Gatel, qui, sur ce texte, n’ont pas ménagé leur peine au cours de ces derniers mois. Il est vrai qu’étant l’un et l’autre des membres actifs de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ils ont pu accomplir un riche travail en commun et procéder aux allers et retours nécessaires. Ils peuvent être fiers du travail accompli et du texte qu’ils soumettent au Sénat aujourd’hui.

C’est une étape utile pour la simplification du travail des élus, un signal politique de considération en direction des élus locaux, qui forment le tissu civique de notre pays, et une amélioration concrète de leurs conditions d’action. C’est aussi une réponse à la crise des vocations, qui est devenue un thème récurrent ces derniers mois, voire ces dernières années. C’est heureux !

Sans doute faudra-t-il évaluer la mise en œuvre de ce dispositif. La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation mènera, à son niveau, ce travail en collaboration avec toutes les instances du Sénat concernées. De nouveaux chantiers devront être ouverts ou poursuivis, comme ceux de la formation et de la responsabilité pénale.

En tout état de cause, c’est sans surprise que le groupe Union Centriste votera en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis des mois, voire des années, nous entendons dans chacun de nos territoires une réelle et même insatisfaction des élus locaux. En effet, la situation laissée par la loi NOTRe sur le terrain s’est révélée pour le moins inadaptée, face à l’exercice quotidien du mandat des élus, toujours plus complexe et difficile. C’est la raison pour laquelle le Sénat a rapidement pris l’initiative : il a présenté des propositions de loi, des rapports d’information et a interpellé le Gouvernement.

Le travail réalisé au Sénat a porté ses fruits. Dès la version initiale du projet de loi Engagement et proximité, la marque de notre assemblée était visible dans un certain nombre de ses propositions, révélant l’intérêt que leur portait le Gouvernement. Certains volets du projet d’origine étaient inspirés du rapport d’information sur les conditions d’exercice des mandats locaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. D’autres, comme l’idée de renforcer les compétences économiques des départements, convergeaient avec des dispositions de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, déposée par Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud.

Aujourd’hui, l’examen de ce projet de loi arrive à son terme. La commission mixte paritaire du 11 décembre dernier a abouti à un texte de compromis reprenant nombre des avancées sénatoriales. Je tiens à cette occasion à saluer les rapporteurs Mathieu Darnaud et Françoise Gatel, qui ont accompli un travail remarquable en commission, dans notre hémicycle ainsi que dans le cadre de la négociation avec les députés, négociation ardue, mais réussie.

Venons-en au texte lui-même.

On y devine désormais encore plus aisément la marque de l’expertise sénatoriale. En particulier, le Sénat a porté une vision renouvelée de l’intercommunalité. Il a réaffirmé la place centrale de la commune et des élus communaux, en systématisant les conférences des maires ou encore en renforçant le poids des communes dans les CDCI. Il a réintroduit une dose de simplicité, par la suppression des compétences optionnelles. Il a amélioré l’information des élus communaux sur les affaires intercommunales.

En effet, notre conviction est que la commune est la cellule de base de la République. Comme le souligne régulièrement notre président Gérard Larcher, elle est « la petite République dans la grande ». À ce titre, elle doit pouvoir avoir les moyens de jouer ce rôle.

Ces moyens impliquent aussi une consolidation des pouvoirs de police des maires et une meilleure coordination de l’action des forces de sécurité de l’État et des collectivités. C’était notre objectif au moment de la présentation du plan d’action pour une plus grande sécurité des maires, qui a contribué à irriguer les travaux du Sénat sur votre projet de loi, monsieur le ministre.

Ici aussi, ce sont bien les remontées du terrain qui nous ont guidés. Les maires nous ont fait part de leur lassitude face à une certaine impuissance, par exemple lorsqu’ils ne sont pas informés de l’aboutissement des procédures qu’ils lancent.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exact !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ils ont aussi partagé avec nous leur inquiétude face aux risques juridiques pesant sur eux.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est vrai !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Nous avons choisi d’offrir des solutions : une meilleure information des maires par le procureur, des pouvoirs de police plus étendus pour les maires, policiers municipaux et gardes champêtres, une consolidation du cadre des conventions de coordination entre police municipale et forces de sécurité de l’État, une assurance juridique renforcée.

Enfin, pour lutter contre le mal-être des élus, le projet de loi vise à la fois à simplifier leur quotidien et à mieux reconnaître leurs droits. L’ambition est de taille. Sans prétendre révolutionner la vie des collectivités, le texte final constitue, me semble-t-il, un pas dans la bonne direction.

Nous avons contribué à ce résultat, d’abord grâce à l’adoption d’un dispositif de revalorisation graduée des indemnités. Les élus des petites communes, qui font vivre par leur dévouement sans faille nombre d’entre elles, pourront tout particulièrement bénéficier de ces hausses d’indemnités. Comme c’est déjà le cas aujourd’hui, les maires pourront toujours demander d’obtenir un montant d’indemnités inférieur s’ils le jugent préférable.

Au-delà de cette mesure particulière, défendue par notre rapporteur Mathieu Darnaud, le texte comprend d’autres avancées proposées par le Sénat, comme des dispositions destinées à favoriser l’accès aux mandats électifs des personnes souffrant d’un handicap, à assurer une meilleure formation des élus ou encore à préserver les indemnités des présidents et des vice-présidents de certains syndicats, lesquelles auraient été supprimées par la loi actuelle.

Après la transmission du texte ainsi enrichi à l’Assemblée nationale, une trentaine d’articles ont été adoptés sans modifications par les députés. Nous saluons leur réceptivité aux idées du Sénat. Nous avions cependant aussi observé avec une certaine inquiétude la suppression, dès l’examen du texte en commission, d’un grand nombre des apports les plus importants de notre assemblée. Certains ont fini par être curieusement restaurés en séance publique, parfois même sur l’initiative du Gouvernement.

Je m’arrêterai quelques instants sur l’un des apports de l’Assemblée nationale : l’article portant sur l’application de la parité dans les petites communes.

Permettez-moi d’abord de rappeler que la question de la parité n’avait pas été négligée par le Sénat. Nos rapporteurs avaient proposé un dispositif destiné à garantir une plus grande représentation des femmes dans les organes délibérants des EPCI. Les députés l’ont supprimé, préférant instaurer un scrutin de liste paritaire dans les communes de plus de 500 habitants, contre 1 000 aujourd’hui.

Cette mesure, qui part d’une intention louable –renforcer la place des femmes parmi les élus –, aurait néanmoins été source de problèmes, d’une part d’un point de vue purement pratique, nombre de communes rencontrant d’ores et déjà des difficultés à constituer des listes, d’autre part d’un point de vue démocratique, en faisant disparaître pour de nombreuses élections le panachage, véritable gage de démocratie.

Je salue donc le choix qui a été fait en commission mixte paritaire de ne pas inclure cette disposition dans le texte final, afin de prendre le temps de trouver d’autres solutions, moins dommageables pour la vie démocratique de nos communes. La question de la représentation des femmes au sein des instances décisionnelles locales est trop importante pour que nous puissions nous permettre d’en passer par des dispositifs aux effets aussi ambigus.

Certes, toutes nos positions n’ont pas été reprises. En dépit de certains progrès, nous n’avons réussi à obtenir ni la fin du transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement », ni la possibilité de transférer des compétences « à la carte ». La question des accords locaux de répartition des sièges demeure ouverte et devra tôt ou tard être traitée. Des mesures aux effets limités, comme la célébration des mariages hors de la mairie, ont également disparu de la version finale du texte.

Enfin, le Gouvernement et les députés ont souhaité écarter un certain nombre de points, en particulier ceux relevant de près ou de loin de la différenciation. Ils ont justifié leur décision par l’arrivée prochaine du projet de loi « 3D ». Nous en prenons bonne note, monsieur le ministre, mais on nous dit que ce rendez-vous pourrait être encore reporté… Nous resterons vigilants, et vous pouvez compter sur nous pour soulever de nouveau ces questions le moment venu, ainsi que d’autres, car personne ici n’imagine que le présent projet de loi a permis de faire le tour des problématiques territoriales. Apporter des correctifs aux irritants de la loi NOTRe est louable, mais apporter des solutions durables et structurantes est préférable ; nous nous montrerons exigeants !

Pour autant, le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)