compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Yves Daudigny,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est parvenue à l’adoption d’un texte commun. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun voudra bien se montrer respectueux des uns et des autres, ainsi que de son temps de parole.

réforme des retraites (i)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Monique Lubin. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons eu hier dans cet hémicycle un débat sur la réforme des retraites. Il fut, je dois le dire, fort édifiant ! Entre les atermoiements, les incohérences, les imprécisions, nous avons finalement été confortés sur un point : la cacophonie à laquelle nous assistons depuis plusieurs mois sur ce sujet arrive à son apogée !

Je résume en substance.

L’âge pivot ? Aucun problème, puisque ne seront concernés que quelques « cas d’espèce », tous les autres entrant plus tardivement dans la vie active ! Les milliers de « cas d’espèce » apprécieront…

Le coût financier des différentes transitions ? « Euh, nous restons à enveloppe constante. » Débrouillez-vous avec cela !

La mise en place d’outils de simulation pour les carrières déjà effectuées ? « Euh, c’est très compliqué. » Comme l’a dit l’un de nos collègues, nous ne sommes pas près d’avoir des outils de simulation pour les carrières à venir !

Les conditions de réversion pour les conjoints survivants, qui sont le plus souvent des conjointes, s’appliqueront-elles à partir de 64 ans au lieu de 55 ans ? Plus rien pour les femmes divorcées, avec les conséquences que cela entraîne pour les femmes victimes de violence ? Réponse : nous attendons un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS). Comme s’il fallait un rapport de l’IGAS pour imaginer les conséquences de telles mesures !

Ajoutons à cela toutes les garanties de maintien de leur système propre déjà apportées à quelques professions. On voit bien que l’universalité telle que vous la concevez sera impossible et que, si vous allez au bout, vous créerez des inégalités majeures, parce que seules certaines catégories de salariés se verront infliger une réforme au rabais.

Monsieur le secrétaire d’État, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». J’en conclus donc que vous êtes très loin de concevoir clairement ce que vous voulez faire.

Quand prendrez-vous la seule décision qui s’impose, à savoir retirer ce projet non abouti et clairement anxiogène ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Madame la sénatrice, il est vrai que, hier, nous avons eu une première série d’échanges…

M. Philippe Dallier. Pas très fructueux !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. … sur le projet de loi de réforme de notre système de retraite. Sur le fond, vous avez souhaité souligner un certain nombre d’inquiétudes ou d’interrogations en posant cette question relativement large.

L’âge d’équilibre n’est que la résultante d’un dispositif qui s’appuie sur des cotisations et des pensions. En effet, dans un système par répartition, les cotisations servent à payer les pensions. Il est donc cohérent que, à un moment donné, le système soit à l’équilibre autour d’un âge ; ce n’est pas tabou de dire cela. D’ailleurs, la référence collective à la notion de durée a été régulièrement utilisée par les uns ou par les autres, notamment, si j’ai bonne mémoire, lors de la réforme de 2014 où il était question d’amener tout le monde à une durée de cotisation de 43 ans, en 2035. C’est une autre forme de référence collective sur laquelle on peut s’appuyer.

Aujourd’hui, tous les Français qui le souhaitent ont à leur disposition un outil de simulation sur le site réforme-retraite.gouv.fr, avec la prise en compte d’un certain nombre de cas d’espèce. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)

À la question de savoir à partir de quand nous pourrons avoir des simulations à titre individuel, liées au parcours de chacun, j’ai répondu hier et je réponds encore aujourd’hui : lorsque les paramètres seront complètement déterminés et que le texte aura été voté (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.),…

M. Marc-Philippe Daubresse. Il faut que le fût du canon refroidisse !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. … nous serons bien sûr en mesure de faire des simulations tout à fait cohérentes pour l’ensemble des Français. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SOCR, ainsi que sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Monsieur le secrétaire d’État, je crois que tout est dit ! Quand nous aurons voté et que nous serons en capacité de déterminer les paramètres, les Français pourront savoir à quelle sauce ils seront mangés. Franchement, ce n’est pas sérieux !

Je le répète : votre projet n’est pas abouti et nous ne pouvons pas livrer les Français en pâture comme cela. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

réforme des retraites (ii)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, ma formule dans le débat d’hier sur « la France en marche arrière et les Français en marche à pied » visait bien sûr ceux qui, depuis plus d’un mois, paralysent le pays. Chaque jour qui passe démontre à quel point ceux qui prétendent défendre les Français et le service public se moquent des obligations et de la réputation du service public comme de la détresse des Français, surtout les plus fragiles.

Au moment où, dans le calme, nos voisins européens ont tiré les conséquences de l’allongement de la vie en reculant l’âge de la retraite, en France, les démagogues d’extrême droite et d’extrême gauche proposent la retraite à 60 ans. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)

Mme Éliane Assassi. C’est une obsession !

M. Claude Malhuret. Pour eux, l’argent public, c’est tous les chakras ouverts : tout le monde peut se servir.

Pourtant, les Français savent que la réforme est inéluctable. Déséquilibre démographique, déficit structurel, coût des régimes spéciaux sont une épée de Damoclès au-dessus de nos retraites dans un pays où le système coûte 14 % du PIB contre 10 % en moyenne en Europe.

Au fur et à mesure des discussions, on voit bien que l’enjeu porte sur un sujet principal, celui de l’équilibre, c’est-à-dire la pérennité du système français de retraites.

Monsieur le Premier ministre, vous avez raison de refuser d’entrer dans la distinction purement rhétorique entre réforme systémique et réforme paramétrique. La réalité est bien plus simple : le système doit être équilibré sur le long terme et il doit l’être sur le court terme, c’est tout.

Âge pivot, augmentation de l’âge de départ ou conférence de financement, nous concevons tous qu’il est possible de discuter des modalités. Penser que la réforme va s’équilibrer toute seule, surtout avec l’augmentation de la facture à chaque rendez-vous avec les partenaires sociaux, c’est comme prétendre que l’on va gagner un marathon avec des chaussures de ski. (Sourires.)

Vendredi prochain sera, nous dit-on, le jour de l’épreuve de vérité. Êtes-vous déterminé, monsieur le Premier ministre, à aborder ce rendez-vous en tenant le nécessaire langage de vérité sur l’équilibre financier de nos retraites ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, permettez-moi, avant de répondre à la question que vous venez de poser, de saluer tous les membres du Sénat et de leur souhaiter une excellente année 2020.

Je serais tenté de répondre à votre question par une réponse courte, simple et nette : oui. Vous me rétorquerez alors à juste titre : c’est un peu court, jeune homme ! (Sourires.) J’en dirai donc un peu plus.

Oui, la question de l’équilibre de nos systèmes de retraite est légitime et c’est une exigence que nous devons poser. En effet, notre système actuel, avec ses quarante-deux régimes, est fondé – et c’est heureux – sur la répartition, c’est-à-dire sur la solidarité entre les générations – les actifs payent pour les retraités – et sur la solidarité entre les professions, à l’intérieur d’un régime et, parfois, entre différents régimes.

Au cœur du système de retraites se trouve donc la notion de solidarité. Notre système a d’ailleurs permis à la France d’être le pays d’Europe où le taux de pauvreté chez les retraités est le plus faible, ce qui est une excellente chose. C’est évidemment ce que nous voulons préserver, tous ensemble, dans cet hémicycle et en France, du moins je le crois.

Toutefois, la solidarité, ce n’est pas l’irresponsabilité. C’est même le contraire.

M. Pierre Laurent. Ce sont des mots !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. On peut parfaitement accepter l’idée que les actifs payent pour les retraités, mais il y aurait quelque chose d’irresponsable et finalement de très peu solidaire à dire que, n’arrivant pas à financer les pensions, les actifs laisseraient à leurs enfants le soin de payer leurs pensions plus la dette.

En d’autres termes, l’équilibre d’un système est en soi un objectif, mais c’est également un objectif de solidarité et de responsabilité. Je l’ai dit depuis le début et je continuerai à le dire jusqu’au bout.

M. Pascal Savoldelli. Jusqu’au retrait ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ce qui est vrai, monsieur le président Malhuret, c’est que, dans tous les autres pays d’Europe et dans tous les autres pays comparables à la France, c’est-à-dire ceux qui sont attachés à la solidarité et à l’État de droit – au fond, les grandes démocraties occidentales auxquelles nous pouvons nous comparer –, partout, les décisions ont été prises de retarder l’âge de départ à la retraite. C’est vrai en Belgique, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, partout.

Pourquoi ? Parce que le ratio entre les actifs et les retraités se modifie, parce que l’espérance de vie augmente, parce qu’il faut bien faire en sorte que les actifs puissent payer pour les pensionnés, sans se trouver dans une situation trop délicate. C’est très bien ainsi.

M. Pierre Laurent. Ce n’est pas un progrès social !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. La réponse qui a été trouvée partout a été de travailler progressivement un peu plus longtemps.

Dans tous les États, lorsque l’on touche au système de retraite, quel qu’il soit, cela crée forcément de l’émotion.

M. Pascal Savoldelli. Et l’espérance de vie ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Toutefois, tous les pays ont réussi à le faire. Or, en France, depuis très longtemps, depuis que je m’intéresse aux questions publiques, chaque fois que l’on évoque la question des retraites, on suscite une émotion, une inquiétude et une mobilisation souvent considérables.

Chacun ici a des souvenirs des éléments de réforme qui ont été apportés au système et qui ont suscité des mobilisations et des oppositions. J’observe d’ailleurs que, bien souvent, ceux qui, aujourd’hui, critiquent le projet critiquaient les évolutions des systèmes antérieurs qu’ils défendent aujourd’hui. C’est ainsi ! Ces choses curieuses arrivent parfois…

Notre objectif, monsieur le sénateur Malhuret, c’est de créer un système universel, équitable et responsable (Exclamations sur les travées des groupes SOCR, CRCE et RDSE. – M. Bruno Sido applaudit.), un système universel dans lequel l’ensemble des Françaises et des Français, quel que soit leur métier, auront les mêmes droits et seront soumis aux mêmes contraintes. C’est un élément de justice et d’efficacité.

C’est même un élément d’adaptation au monde tel qu’il se transforme (Ah ! sur les travées des groupes SOCR et CRCE.), car, de plus en plus, les carrières professionnelles sont variées et diverses. Tel individu, qui, un jour, est fonctionnaire, devient salarié, puis travailleur indépendant. Nous savons que les carrières professionnelles sont hachées, diverses et nous savons qu’un système universel par point et par répartition permettra de bien mieux prendre en compte la diversité des parcours professionnels, la fluidité des parcours professionnels et la justice entre nos concitoyens, à laquelle nous sommes évidemment tous attachés.

M. Pierre Laurent. Quelle pension et à quel âge ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Le projet de loi sera prochainement présenté en conseil des ministres. Il sera soumis, c’est bien naturel, à l’Assemblée nationale à la fin du mois de février et au Sénat à partir du mois d’avril prochain.

Mme Éliane Assassi. En procédure accélérée !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. La discussion, j’en suis certain, sera dense, riche et passionnée. Je l’attends avec impatience. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et UC.)

assassinat de sarah halimi et irresponsabilité pénale (i)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, la République se doit d’être protectrice de tous les citoyens. Sarah Halimi a été massacrée, défenestrée par un meurtrier clairement antisémite. Il n’y aura pas de procès.

Au-delà des règles, au-delà des codes, monsieur le Premier ministre, trouvez-vous cela juste ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, il y a un peu plus de deux ans, Mme Halimi, l’une de nos concitoyennes, était assassinée de façon atroce. Nous en conservons tous la mémoire.

Une décision de justice récente que vous avez évoquée a ravivé le souvenir de ce drame et suscité dans la société française, et au sein du Parlement peut-être, un très grand nombre d’interrogations.

Par une décision du 19 décembre dernier, la cour d’appel de Paris a déclaré l’auteur des faits irresponsable pénalement, en raison d’« un trouble psychique ayant aboli son discernement au moment du crime ». C’est le texte de la décision.

La cour d’appel a toutefois aussi reconnu l’existence de charges suffisantes à son égard pour estimer qu’il avait commis ce meurtre. Elle a reconnu « l’existence d’une circonstance aggravante liée à la motivation antisémite de l’acte ». C’est également dans la décision ; je me contente de citer le texte de la cour d’appel.

La cour d’appel a enfin décidé – c’est elle qui le dit – de mesures coercitives contre le meurtrier, en l’occurrence, une hospitalisation sans consentement. Voilà ce que nous dit la justice.

Vous savez parfaitement, en me demandant si je trouve cette décision juste, qu’en tant que chef du Gouvernement il ne m’appartient pas de porter une appréciation sur une décision de justice. De même, vous savez parfaitement, pour avoir exercé des responsabilités gouvernementales, pourquoi ce principe est essentiel et important.

L’émotion suscitée par la décision a été vive. Les questions que pose cette décision sont sérieuses. La cour d’appel a utilisé une procédure – une façon de juger, dirai-je – créée en 2008, qui permet de juger – c’est important de l’avoir en tête – en audience publique les faits commis par un individu dont l’irresponsabilité pénale a été reconnue. En vérité, c’était déjà une façon d’essayer de mieux prendre en compte la question générale que vous évoquez, au-delà de ces seuls faits.

Peut-être cette décision suscitera-t-elle, au-delà de l’émotion, un débat. Si débat il doit y avoir, le Gouvernement y prendra sa part.

Reste qu’il est normal, important et légitime que le Gouvernement ne se prononce pas et ne donne pas une appréciation sur les décisions de justice, sans quoi séparation des pouvoirs, grands principes républicains, tout cela partirait à vau-l’eau.

Le fait que la cour d’appel ait, par sa décision, reconnu la circonstance aggravante et le caractère antisémite de l’acte est un élément qu’il faut en permanence rappeler à ceux qui, dans un premier temps ou de façon systématique, ont indiqué ou laissé penser que l’acte en question aurait pu ne pas être motivé par ces circonstances.

Voilà ce que je veux répondre à la question que vous posez, monsieur le sénateur. Quant à savoir si je trouve cette décision juste ou non, je garderai la réponse pour moi. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de cette réponse. Loin de moi l’idée de remettre en cause la neutralité du Gouvernement ou l’indépendance des magistrats.

Toutefois, monsieur le Premier ministre, dans un pays où, aujourd’hui, quand on marche dans un parc à Villejuif, dans une rue à Metz, dans une gare à Paris, on peut croiser à tout moment quelqu’un qui dispose d’un couteau et qui peut nous dire – puisque nous vivons maintenant au rythme des déséquilibrés – qu’il n’avait pas toute sa conscience à ce moment-là, qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut-il dire que ces gens-là sont irresponsables pénalement ? Pour toujours ? À terme ? Où allons-nous ?

Si, demain, la Turquie ou nos amis kurdes nous renvoient des tueurs de Daech et que les avocats de ces tueurs – puisqu’ils seront défendus, c’est logique – nous disent qu’au moment où ils ont commis des crimes ou des massacres ils étaient sous l’effet de drogues ou d’un embrigadement et qu’ils n’avaient pas alors leur pleine conscience, jusqu’où va-t-on légitimer la violence, le risque pour la République ?

Monsieur le Premier ministre, je ne vous demande pas une réponse remettant en cause la magistrature, tant s’en faut. Je respecte le travail des magistrats. Je vous dis : le Gouvernement, la République se doivent de protéger tous les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

situation de crise entre les états-unis et l’iran

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Bonnecarrère. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.

Madame la secrétaire d’État, abattre le chef militaire d’un pays souverain, l’Iran, sur le territoire d’un autre pays souverain, l’Irak, n’a pas été une mince décision. Attiser les nationalismes iraniens ou irakiens ne l’est pas plus, quand grondent les crises, toutes interconnectées, du Liban à la Syrie, de l’Irak au Yémen ou encore du détroit d’Ormuz à l’Afghanistan.

Madame la secrétaire d’État, quelle est l’analyse du Gouvernement sur les frappes de cette nuit ? Quelles sont les priorités de la France ? Quelles sont celles de l’Europe ? Notre pays peut-il contribuer à la désescalade, voire à la médiation ? Comment pouvons-nous poursuivre la lutte contre l’État islamique et éviter que les braises ne se rallument ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord d’excuser Jean-Yves Le Drian, actuellement en Égypte pour continuer à œuvrer à la sécurité et à la stabilité régionales, en coordination avec nos partenaires européens.

Il y a aujourd’hui une situation de crise grave qui concerne directement la sécurité des Français. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères l’a dit ce matin : nous condamnons les attaques conduites cette nuit par l’Iran en Irak contre des emprises de la coalition contre Daech. Je le rappelle : cette coalition contre Daech existe depuis 2014. Elle réunit plus de 70 pays et organisations internationales. Elle a été installée à la demande des autorités irakiennes, pour combattre Daech en Irak et en Syrie. Elle a eu des résultats importants, notamment la fin du califat territorial au mois de mars 2019, mais nous savons que cette menace peut resurgir.

Notre priorité aujourd’hui, plus que jamais, c’est bien la désescalade, parce que ce cycle de violences doit s’interrompre. La France est en contact avec l’ensemble des parties concernées : plus de vingt chefs d’État et ministres des affaires étrangères, des États-Unis, de la Chine, de la Russie, de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de l’Inde, de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni, de l’Union européenne en tant que telle, bien sûr, du Danemark ou encore de l’Irak, ont été contactés par Jean-Yves Le Drian ou le Président de la République dans les derniers jours. Nous avons, avec toutes ces parties concernées, pu œuvrer à encourager la retenue et la responsabilité, des consultations ayant eu lieu hier à Bruxelles. Vendredi prochain se tiendra un Conseil des affaires étrangères extraordinaire.

Notre vision est partagée, car personne n’a aujourd’hui intérêt à un conflit. Nous devons, plus que jamais, combattre Daech encore et toujours. Nous devons d’abord protéger nos ressortissants. Nous devons ensuite poursuivre cette lutte contre Daech. Nous devons enfin éviter une crise de prolifération nucléaire, c’est notre troisième priorité. C’est pourquoi nous parlons à tout le monde et appelons toutes les parties à la retenue. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.

M. Philippe Bonnecarrère. Madame la secrétaire d’État, au risque de paraître un peu solennel, je formulerai trois remarques.

Premièrement, la crise au Moyen-Orient nous interpelle dans notre souveraineté française, comme dans notre souveraineté européenne. Pour moi, ce sont les mêmes sujets.

Deuxièmement, nous devons garder le cap de la lutte contre le terrorisme, que cela soit ici, au bas de l’immeuble ou au coin du parc, comme nous l’avons entendu voilà quelques secondes, ou, bien entendu, au Moyen-Orient.

Troisièmement, ne nous y trompons pas : la décision d’abattre le général Soleimani était une décision électorale, de politique intérieure américaine. Au risque d’être un peu solennel, je rappelle que nous n’avons pas, me semble-t-il, à être les supplétifs des États-Unis, ni aujourd’hui ni demain. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.)

dispositif « 100 % santé »

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. Michel Amiel. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Madame la ministre, une once de solidarité dans ce monde de brutalité et d’égoïsme : les appareils auditifs, les lunettes de vue ou encore les couronnes dentaires sont autant de soins indispensables pour beaucoup de Français qui leur étaient pourtant parfois inaccessibles.

Certains soins représentent des coûts exorbitants. Si l’on doit compter de 500 à 900 euros pour une couronne en céramique, le reste à charge varie entre 200 et 500 euros, après remboursement de l’assurance maladie. C’est pourquoi nombre de Français renoncent à se soigner.

Si le reste à charge des ménages était près de trois fois plus élevé en proportion que pour les autres postes de soins, il représentait 25 % de la dépense en soins prothétiques dentaires, 56 % pour les aides auditives et 22 % en optique.

Depuis le 1er janvier dernier, cette situation indigne dans un pays comme la France n’est plus !

La réforme « 100 % santé », appelée également « reste à charge zéro », mise en place progressivement depuis le mois de janvier 2019 et s’étalant jusqu’en 2021, propose un ensemble de prestations de soins et d’équipements dans un panier spécifique pour ces trois postes de soins.

Cette réforme poursuit ainsi son déploiement cette année encore avec l’engagement d’une deuxième étape. Aujourd’hui, nous permettons à nos concitoyens de bénéficier d’une prise en charge à 100 % de leurs dépenses de lunettes et des soins dentaires les plus courants.

Permettre l’accès à la santé pour tous est – j’en suis sûr – un objectif communément partagé sur les bancs de la Haute Assemblée.

Madame la ministre, permettez-moi de vous demander quelle sera la suite de la mise en œuvre pour une montée en charge complète de cette réforme ô combien importante et soutenue par les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question.

M. David Assouline. Oui, il faut remercier !

Mme Agnès Buzyn, ministre. Vous avez raison, de nombreux citoyens ont dû renoncer à des soins pour des raisons financières.

Nous savons que deux tiers des malentendants aujourd’hui ne sont pas équipés et que 17 % des Français renoncent aux soins dentaires en raison du reste à charge. Cette situation n’était plus acceptable. Les soins dentaires, les lunettes, les appareils auditifs, n’ont rien de superflu : ils sont essentiels à la vie quotidienne.

La réforme « 100 % santé » a été élaborée conjointement avec les professionnels des différents secteurs et les complémentaires. Il s’agit d’un progrès majeur. Depuis le 1er janvier 2020, le « 100 % santé » est entré en vigueur en optique. Grâce à cette offre, changer de lunettes sur prescription médicale est désormais totalement remboursé. L’offre concerne les montures comme les verres, avec des équipements de qualité, des verres anti-reflets, anti-rayures, amincis.

Les actes dentaires les plus courants, les couronnes et les bridges sont désormais pris en charge à 100 %, avec le remboursement intégral de huit prothèses dites fixes. Les prothèses mobiles seront prises en charge l’année prochaine, au 1er janvier 2021.

Enfin, dans le domaine de l’audiologie, les patients devaient assumer, en 2018, des frais de 850 euros en moyenne par oreille. En 2019, le reste à charge a baissé de 200 euros en moyenne. Cette année, il baisse de 250 euros supplémentaires et, l’année prochaine, les prothèses auditives seront totalement prises en charge.

Aujourd’hui, les dentistes, les opticiens, les audioprothésistes doivent informer tous les Français de l’offre « 100 % santé » dans le devis qu’ils leur remettent. C’est une obligation. Il s’agit d’une réforme majeure, qui n’avait que trop tardé. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

commercialisation des huiles essentielles comme préparation naturelle non préoccupante