M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Alinéa 7, dernière phrase

Supprimer les mots :

à une consultation

III. – Alinéa 9

1° Remplacer le mot :

s’

par les mots :

s’y

2° Supprimer les mots :

à être informée du résultat ou si elle s’était opposée antérieurement à ce que les membres de sa famille potentiellement concernés bénéficient de cette information

IV. – Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

V. – Alinéa 16

Remplacer le mot :

autorisent

par les mots

peuvent autoriser

VI. – Alinéa 20

Supprimer cet alinéa.

VII. – Après l’alinéa 23

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après le premier alinéa de l’article L. 147-2, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« …° Le formulaire rempli par le personnel de santé contenant les informations données lors de l’accouchement telles que définies à l’article L. 222-6 ;

« …° Toute déclaration ultérieure de la mère ou, le cas échéant, du père de naissance visant à compléter les informations contenues dans le formulaire cité au 1° ; ».

VIII. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 222-6 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

- la deuxième phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le personnel de santé recueille systématiquement son identité et les informations la concernant sur un formulaire établi par arrêté, transmis et conservé par le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles. Le secret de son identité est préservé. » ;

- à la quatrième phrase, les mots : « donner son identité sous pli fermé ou » sont supprimés ;

- la cinquième phrase est supprimée ;

b) Après le même premier alinéa, sont insérés neuf alinéas ainsi rédigés :

« Les informations recueillies dans le formulaire mentionné au premier alinéa portent sur :

« 1° Les prénoms donnés à l’enfant et, le cas échéant mention du fait qu’ils l’ont été par la mère, ainsi que le sexe de l’enfant et la date, le lieu et l’heure de sa naissance ;

« 2° L’âge de la femme qui accouche ;

« 3° Son état général au moment de l’accouchement ;

« 4° Ses caractéristiques physiques ;

« 5° Sa situation familiale et professionnelle ;

« 6° Son pays de naissance ;

« 7° Les circonstances du renoncement à élever l’enfant ;

« 8° Les renseignements concernant le géniteur et une éventuelle fratrie. » ;

c) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « aucune pièce d’identité n’est exigée et » sont supprimés ;

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 223-7, les mots : « pli fermé » sont remplacés par les mots : « formulaire établi par arrêté ».

La parole est à M. Laurent Lafon.

M. Laurent Lafon. Avec l’article 3, nous avons autorisé la levée de l’anonymat pour les enfants nés de dons de gamètes. Cette évolution pose la question de la levée de l’anonymat pour les enfants nés d’un accouchement sous le secret.

Certes, les situations ne sont pas comparables et mon objectif, au travers de cet amendement, n’est pas de nier cette différence. Néanmoins, en levant l’anonymat pour les enfants nés de dons de gamètes, on suscite une interrogation, voire une incompréhension, pour ceux qui sont nés sous X, lesquels peuvent légitimement se demander : « Pourquoi pas nous ? »

D’autant que les arguments qui ont prévalu pour la levée de l’anonymat pour les enfants nés de dons de gamètes peuvent également être mis en avant pour ceux qui sont nés sous X.

L’intérêt supérieur de l’enfant dans sa recherche d’identité se double d’une recherche de sens, pour comprendre ce qu’il a vécu de sa conception à son placement auprès de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et dont nul ne peut ignorer les conséquences sur le reste de sa vie.

Le développement des grandes bases de données génétiques, comme l’expliquait la semaine dernière Gérard Longuet, fait qu’on peut aujourd’hui, par ces voies-là, découvrir son identité.

J’ajoute un argument en faveur de cet amendement à l’article 9 : l’argument de santé publique.

Cet article permet en effet aux enfants nés de dons de gamètes de prévenir les donneurs d’une maladie génétique pouvant être responsable d’une infection grave. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les mères qui ont eu recours à un accouchement sous le secret et aux enfants qui en sont nés ?

M. le président. L’amendement n° 311, présenté par M. Henno, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :

Alinéa 14, première phrase

1° Après le mot :

informe

insérer les mots :

, en application des I et II du présent article,

2° Supprimer les mots :

en application des I et II du présent article,

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission spéciale sur l’amendement n° 3 rectifié.

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la bioéthique. L’amendement n° 311 étant rédactionnel, je ne développerai pas plus avant mon argumentaire.

En présentant l’amendement n° 3 rectifié, notre collègue Laurent Lafon a le mérite de soulever une question intéressante : celle de l’accouchement sous X. Il est vrai, mes chers collègues, que cette pratique n’a pas cours dans tous les pays ; pour autant, il ne nous semble pas opportun, dans le cadre de ce projet de loi relatif à la bioéthique, de modifier à ce point notre législation en matière d’accès aux origines des personnes nées dans le secret.

C’est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur cet amendement, qui, par ailleurs, tend aussi à supprimer le caractère automatique de la saisine du CNAOP (Conseil national d’accès aux origines personnelles) pour la transmission d’une information d’ordre médical entre une personne née dans le secret et l’un des parents de naissance en cas de détection d’une anomalie génétique potentiellement grave. Le cas échéant, il perdurerait une asymétrie en défaveur des personnes nées dans le secret.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié et avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 311.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote sur l’amendement n° 3 rectifié.

Mme Michelle Meunier. Je ne voterai pas cet amendement de M. Lafon et je dis : « Attention : danger ! »

On se trompe là quelque peu de sujet : il s’agit non pas de gamètes, mais d’un enfant né sous le secret, d’un accouchement sous X. La loi de 2002 donne le droit aux femmes qui accouchent, en sécurité, en milieu hospitalier de fournir des informations, identifiantes ou non. Par expérience, ayant présidé, comme d’autres ici, un conseil de famille, je peux vous dire que, en Loire-Atlantique, environ deux tiers des femmes accouchant sous le secret donnaient soit sous pli cacheté, soit directement au personnel soignant de l’équipe gynécologique des informations sur leur situation, toujours singulière, toujours douloureuse.

Il ne faudrait pas, au travers de cet amendement tendant à faciliter les recherches génétiques de la mère vers l’enfant, de revenir sur cet équilibre entre le droit des femmes de pouvoir accoucher de manière anonyme et le droit de l’enfant de pouvoir être adopté quand il est confié à l’aide sociale à l’enfance.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 311.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.

(Larticle 9 est adopté.)

TITRE III

APPUYER LA DIFFUSION DES PROGRÈS SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DANS LE RESPECT DES PRINCIPES ÉTHIQUES

Article 9
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 10 bis (nouveau)

Article 10

L’article 16-10 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 16-10. – I. – L’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. Il est subordonné au consentement exprès de la personne recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen.

« II. – Le consentement prévu au I est recueilli après que la personne a été dûment informée :

« 1° De la nature de l’examen ;

« 2° De l’indication de l’examen, s’il s’agit de finalités médicales, ou de son objectif, s’il s’agit de recherche scientifique ;

« 3° Le cas échéant, de la possibilité que l’examen révèle incidemment des caractéristiques génétiques sans relation avec son indication initiale ou avec son objectif initial mais dont la connaissance permettrait à la personne ou aux membres de sa famille de bénéficier de mesures de prévention, y compris de conseil en génétique, ou de soins ;

« 4° De la possibilité de refuser la révélation des résultats de l’examen de caractéristiques génétiques sans relation avec l’indication initiale ou l’objectif initial de l’examen ainsi que des risques qu’un refus ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés, dans le cas où une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins serait diagnostiquée.

« Le consentement mentionne l’indication ou l’objectif mentionné au 2°.

« Le consentement est révocable en tout ou partie, sans forme et à tout moment.

« La communication des résultats révélés incidemment, mentionnés au 4°, est assurée dans le respect des conditions fixées au titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, lorsque l’examen poursuit des finalités de recherche scientifique, ou au titre III du même livre Ier, lorsque les finalités de l’examen sont médicales.

« III. – Par dérogation aux I et II, en cas d’examen des caractéristiques génétiques mentionné au I entrepris à des fins de recherche scientifique et réalisé à partir d’éléments du corps d’une personne prélevés à d’autres fins, les dispositions de l’article L. 1130-5 du code de la santé publique sont applicables.

« IV. – (Supprimé) ».

M. le président. L’amendement n° 208, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

« IV. – Tout démarchage à caractère publicitaire portant l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne est interdit. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Nous voulons, avec cet amendement, réintroduire une disposition qui a été supprimée par la commission spéciale, à savoir l’interdiction de tout démarchage publicitaire en faveur de l’examen des caractéristiques génétiques.

Nous visons ici davantage les tests dits « récréatifs », qui se multiplient notamment via les réseaux sociaux, pour soi-disant connaître la diversité de ses origines.

Nous avons, bien sûr, entendu les arguments développés par le rapporteur et ceux qu’a exposés Mme la ministre, notamment en séance à l’Assemblée nationale. Mais il nous semble que, au contraire, ces précisions ne sont pas satisfaites par le code en vigueur.

Comme vous l’avez expliqué en octobre dernier, madame la ministre, un annonceur étranger a diffusé, à l’été 2018, sur plusieurs chaînes de télévision, une publicité pour les tests ADN, et vous aviez indiqué que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait par la suite adressé aux chaînes concernées une mise en garde. La publicité avait alors été retirée.

Malheureusement, les démarchages fleurissent toujours, particulièrement sur les réseaux sociaux, en toute impunité. Nombreuses sont nos concitoyennes et nombreux sont nos concitoyens, moyennant quelques euros, qui envoient des données personnelles, qui sont stockées dans un pays étranger – avec quelle finalité ? On peut avoir bien des craintes – et qui reçoivent ensuite une fiche qui établit la composition, notamment géographique, de leur profil.

Au moment où l’on parle d’éthique, il nous semble, au groupe CRCE, que cela pose question !

Je crois qu’il est de notre responsabilité, d’une part, d’informer sur les dangers et dérives éventuelles, d’autre part, et surtout, de faire en sorte que ces publicités soient interdites et que les entreprises concernées soient sanctionnées pour de telles pratiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

M. Olivier Henno, rapporteur. Madame la sénatrice, nous avons beaucoup réfléchi, au sein de la commission spéciale, sur cette question et nous émettons un avis défavorable sur cet amendement. L’interdiction de telles pratiques étant déjà prévue par le code de la consommation et celles-ci faisant l’objet de sanctions pénales, il nous a semblé inutile de l’insérer également dans le code de la santé publique.

La question est moins d’ajouter, dans un code, une interdiction déjà prévue dans un autre que d’être en capacité de faire respecter celle-ci, ce qui est tout autre chose.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Sur le fond, madame Cohen, et vous le savez bien, nous sommes parfaitement en accord ; pour autant, l’avis est défavorable. Tout simplement, toutes les peines nécessaires sont déjà prévues dans le code pour sanctionner ce type de pratique, mais, et c’est là le problème, encore faut-il qu’elles soient appliquées. Plutôt que de renforcer notre arsenal juridique, il convient donc d’abord d’appliquer la loi.

Je le rappelle, les peines principales encourues peuvent aller jusqu’à 300 000 euros d’amende et deux ans de prison, tandis qu’il existe même des peines complémentaires telles que l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle pour le professionnel concerné.

Je le répète, en rajouter encore davantage dans l’arsenal juridique en vigueur ne rendra pas ces sanctions plus effectives. En revanche, nous avons besoin qu’elles soient appliquées.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. En fait, je me doutais bien des réponses que me feraient à la fois M. le rapporteur – compte tenu des échanges que nous avons eus à ce sujet en commission spéciale – et Mme la ministre – je connais sa position.

Simplement, il me paraissait important d’évoquer de nouveau cette question dans notre hémicycle. Nous sommes face à un paradoxe énorme : effectivement, les sanctions existent, effectivement, elles sont importantes ; mais, tout aussi effectivement, elles ne sont pas appliquées. C’est quand même problématique : pourquoi ne le sont-elles pas et quel serait le cadre à prévoir pour faire en sorte qu’elles le soient à tout le moins ? Nos concitoyens et nos concitoyennes se plaignent auprès de nous de ces pratiques.

Il existe là une faille – pour ne pas dire plus –, il faut le dire ici au Sénat, s’en emparer pour corriger cette situation.

Je ne maintiendrai pas cet amendement, qui, de toute façon, ne serait pas voté, mais en soulevant ce problème, je souhaiterais au moins qu’un engagement soit pris pour rendre effectives les poursuites et qu’un vrai cadre existe.

M. le président. L’amendement n° 208 est retiré.

Je mets aux voix l’article 10.

(Larticle 10 est adopté.)

Article 10
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 10 ter (nouveau)

Article 10 bis (nouveau)

I. – Après l’article 16-10 du code civil, il est inséré un article 16-10-1 ainsi rédigé :

« Art. 16-10-1. – Par dérogation à l’article 16-10 du présent code et aux articles L. 1131-1 et L. 1131-1-3 du code de la santé publique, l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne peut être entrepris à des fins de recherche généalogique, en vue de rechercher d’éventuelles proximités de parenté ou d’estimer des origines géographiques. Il est subordonné au consentement exprès de la personne recueilli préalablement à la réalisation de l’examen, le cas échéant sous format dématérialisé et sécurisé. Il ne peut donner lieu à la délivrance d’informations à caractère médical et ne peut faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie.

« Les examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique se conforment à un référentiel de qualité établi par l’Agence de la biomédecine en application du 9° de l’article L. 1418-1 du code de la santé publique. Cette conformité est attestée dans le cadre d’une procédure d’évaluation définie par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. L’attestation de conformité est transmise sans délai à l’Agence de la biomédecine.

« L’attestation de conformité prévue à l’alinéa précédent est notamment subordonnée au respect des conditions suivantes :

« 1° Le traitement des données associées aux examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique est assuré dans le respect des règles applicables définies par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

« 2° Tout fournisseur d’un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique met à la disposition de la personne concernée une information rédigée de manière loyale, claire et appropriée relative à la validité scientifique de l’examen, de ses éventuelles limites au regard des objectifs poursuivis et des risques associés à la révélation d’éventuelles proximités de parenté ou d’origines géographiques jusqu’alors inconnues de la personne ou à l’absence de révélation de telles informations ;

« 3° Tout fournisseur d’un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique garantit à la personne concernée la possibilité de révoquer son consentement en tout ou partie, sans forme et à tout moment, à la réalisation de l’examen, à la communication du résultat de l’examen, à la conservation de l’échantillon à partir duquel l’examen a été réalisé, ainsi qu’au traitement, à l’utilisation et à la conservation des données issues de l’examen. Lorsque la personne le demande, il est procédé, dans un délai raisonnable, à la destruction de l’échantillon ou des données issues de l’examen.

« La communication des données issues d’un examen des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peut en aucun cas être exigée de la personne et il ne peut en être tenu compte lors de la conclusion d’un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé ou d’un contrat avec un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d’assurance, une mutuelle ou une institution de prévoyance, ni lors de la conclusion ou de l’application de tout autre contrat.

« Les informations et données tirées des examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique ne peuvent servir de fondement à des actions visant à établir ou infirmer un lien de filiation ou de parenté, ou à faire valoir un droit patrimonial ou extra-patrimonial.

« Le IV de l’article 16-10 n’est pas applicable aux examens des caractéristiques génétiques entrepris à des fins de recherche généalogique en application du présent article. »

II. – Le chapitre VI du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 226-25 du code pénal est ainsi modifié :

a) Les deux occurrences des mots : « ou de recherche scientifique » sont remplacées par les mots : « , de recherche scientifique ou de recherche généalogique » ;

b) Les mots : « l’article 16-10 » sont remplacés par les mots : « les articles 16-10 et 16-10-1 » ;

2° Après l’article 226-28, il est inséré un article 226-28-1 ainsi rédigé :

« Art. 226-28-1. – Le fait de procéder à un examen des caractères génétiques à des fins de recherche généalogique en méconnaissance des dispositions de l’article 16-10-1 du code civil est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » ;

3° À l’article 226-29, la référence : « et 226-28 » est remplacée par les références : «, 226-28 et 226-28-1 ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 204 rectifié bis est présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay, Gontard, P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli, Mme Lienemann et M. Collombat.

L’amendement n° 288 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 204 rectifié bis.

Mme Laurence Cohen. Au contraire de l’intention que sous-tend cet article, nous souhaitons, avec cet amendement de suppression, poser le principe de l’interdiction de la commercialisation de tests génétiques.

Nous assistons aujourd’hui à une recrudescence des entreprises privées étrangères proposant des tests génétiques en libre accès sur internet malgré leur interdiction actuelle en France, là encore sans que nous soyons en mesure de connaître le sort de ces données par nature extrêmement sensibles.

L’argument selon lequel les sanctions actuelles relatives à l’interdiction de la commercialisation de ce type de tests restent ineffectives n’est pas suffisant. C’est pourquoi nous proposons un encadrement spécifique, aujourd’hui inexistant.

Avec les collègues de mon groupe, nous pensons qu’il conviendrait d’informer davantage nos concitoyens sur le caractère incertain de ces tests, mais aussi sur le danger que représente le stockage de données génétiques dans des bases de données privées dont nous n’avons absolument pas la maîtrise.

En toute bonne foi, par une curiosité tout à fait légitime, un certain nombre de personnes se font d’une certaine manière « gruger » et voient leurs données, très sensibles, stockées, sans savoir comment elles seront utilisées. Ce n’est pas possible.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement identique – une fois n’est pas coutume – n° 288.

Mme Agnès Buzyn, ministre. Il ne faut pas avoir d’a priori, monsieur le président…

Effectivement, le Gouvernement présente lui aussi un amendement de suppression de cet article, ajouté par la commission spéciale, qui permet la réalisation de tests génétiques généalogiques. Je souhaite exposer les raisons qui amènent le Gouvernement à être profondément défavorable à cette possibilité.

Le législateur a circonscrit, dès les premières lois de bioéthique de 1994, le recours aux examens génétiques. Ainsi, les finalités de ces examens sont limitées : ces tests peuvent être entrepris uniquement à des fins médicales ou de recherches scientifiques ainsi qu’à des fins judiciaires. Des garanties spécifiques entourent la réalisation de ces examens, quelles qu’en soient les finalités.

Lorsque le cadre est médical, le parcours de soins est très encadré et la discussion entre le médecin et le patient qui réalise le test est au cœur du processus. En recherche, les contraintes spécifiques pèsent sur les chercheurs, comme cela apparaît à l’article 18 de ce projet de loi.

Lorsque ces tests sont effectués à des fins judiciaires, seul un juge peut en ordonner la réalisation dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire.

Par ailleurs, toute discrimination sur des caractéristiques génétiques est bien entendu interdite, notamment dans le cadre des relations de travail. Les banques et les assurances ne peuvent pas prendre en compte ces caractéristiques, même si elles leur sont volontairement transmises par la personne concernée.

Je sais que ces tests génétiques, généalogiques, connaissent un fort développement à l’étranger et que certains de nos concitoyens y ont recours, malgré leur interdiction en France. Ces tests exposent à une multitude de risques peu connus, qui constituent toutefois une menace sérieuse pour la vie privée des consommateurs.

Les premiers risques qui peuvent être cités sont liés à l’incertitude sur la précision et la fiabilité des résultats obtenus. La qualité des résultats dépend des bases de données de référence utilisées pour comparer l’ADN avec un ADN de référence. Cela dépend notamment des tailles des échantillons dont disposent ces industriels, des types de population dont ils disposent dans leur base de données, des critères mobilisés pour créer des catégories, qualifier et délimiter des groupes de comparaison. Cela dépend aussi évidemment des algorithmes qu’ils ont mis au point. Cela explique les différences de résultats que l’on obtient en fonction de la marque du test utilisé.

Même les meilleures bases de données actuelles ne représentent qu’un échantillonnage très médiocre de la diversité génétique humaine mondiale. Ce manque de fiabilité transparaît dans les divergences de résultats obtenus pour un même ADN qui est envoyé à différents laboratoires.

Par ailleurs, les résultats obtenus sont potentiellement trompeurs, à tout le moins purement indicatifs. En effet, l’utilisation de populations contemporaines et non ancestrales pour la comparaison avec les ADN individuels testés ne fait qu’ajouter à la complexité des résultats et à leur interprétation.

Ces tests sont abusivement appelés tests d’origine ou d’ancestralité, mais ne révèlent pas d’où vient notre ADN dans le passé. Ils révèlent plutôt dans quelle mesure il ressemble à des ADN présents aujourd’hui sur la planète. Ces résultats imprécis et partiels ne sont donc à considérer qu’à titre indicatif.

Toutefois, bien au-delà de ces résultats non fiables, je tiens à alerter nos concitoyens et les législateurs que vous êtes sur les risques encourus. Ces tests sont également parfois utilisés à partir des données recueillies et exploitées à des fins commerciales. Nous ne sommes donc pas sûrs du respect de la protection de la vie privée, pas plus que de la confidentialité des données et il y a un manque de clarté sur les conditions générales de vente.

Par ailleurs, et c’est une utilisation que vous prévoyez, mesdames, messieurs les sénateurs, certaines entreprises offrent un service facultatif, en proposant à leurs utilisateurs de rechercher dans leur base privée de données d’autres usagers qui leur sont génétiquement similaires ou de préciser, pour chacun, leur degré de parentalité. Si cette recherche est utilisée par les personnes conçues à partir d’un don de gamètes ou de personnes adoptées nées sous X souhaitant, à partir d’une enquête généalogique et de déductions, retrouver leurs origines biologiques, ce service conduit parfois à des révélations inattendues au sein des familles, d’autant que les autres membres de la famille qui peuvent partager ce patrimoine génétique ne sont pas informés de la réalisation de ces tests et n’y ont donc pas consenti.

En outre, ces tests peuvent être volontairement détournés pour confirmer ou infirmer une paternité ou des liens de parenté.

Aux États-Unis, le Pentagone a également pris position sur ces tests, les militaires ayant fait l’objet de publicité de la part des sociétés qui les commercialisent. Une note visant à mettre en garde les soldats américains contre leur utilisation leur a été adressée par le secrétaire adjoint de la défense pour le renseignement. Elle mérite que l’on s’y attarde.

Cette note prévient que les tests ADN commerciaux, particulièrement non régulés, sont de nature à révéler des informations personnelles et génétiques, et pourraient avoir des conséquences imprévues pour les forces armées et leurs missions, ainsi que sur la carrière des militaires américains. Elle précise également que l’exposition d’informations génétiques sensibles à des tiers pose des risques personnels et opérationnels. La crainte des responsables du Pentagone est de voir tomber les données génétiques de ces soldats entre de mauvaises mains.

Cette note explique encore que la communauté scientifique est de plus en plus préoccupée par le fait que des tiers exploitent l’utilisation des données génétiques à des fins discutables, y compris la surveillance de masse et la possibilité de suivre les individus sans leur autorisation ou sans qu’ils en aient connaissance.

Par ailleurs, ces tests sont susceptibles de déceler de manière involontaire des marqueurs de certaines maladies et affections génétiques qui pourraient finir par affecter la carrière d’un militaire, comme celle de chacun d’entre nous, a commenté un porte-parole du Pentagone.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le comprenez : le risque est réel. Il est grave. Il constitue une véritable menace pour nos sociétés. L’ADN est une donnée fort utile pour qui cherche à trier, sélectionner, discriminer et assigner à des individus une identité figée sur la base d’informations biologiques pouvant être présentées comme scientifiques.

Si la lecture de la séquence d’un génome humain ne pose aucune difficulté – elle est même clairement démocratisée, si je puis dire –, son interprétation reste très complexe et dépend notamment des bases de données auxquelles on compare le génome ou les parties du génome que l’on examine. Elle doit être justifiée par des objectifs légitimes, notamment médicaux, et ne peut l’être uniquement par un pseudo-intérêt récréatif, qui peut entraîner des conséquences néfastes pour l’intéressé comme pour sa famille.

Il nous semble que ces tests n’ont de récréatif que le nom. Il n’y a pas de situation simple avec les tests génétiques. C’est pourquoi leur réalisation est très encadrée et très accompagnée en France.

À cet égard, il faut rappeler que le Conseil d’État a estimé, dans son étude « bioéthique » de 2018, que l’interdit visant des assurances « serait plus difficile à préserver dès lors que l’accès à l’information serait libéralisé et le séquençage banalisé ».

Nous devons nous positionner de façon rationnelle et raisonnable pour la responsabilisation des professionnels intervenant dans ce secteur, comme des consommateurs parfois attirés par ces nouveaux produits, en prenant en compte notre modèle bioéthique à la française, qui protège avant tout les droits et la liberté des individus.

La voix d’équilibre à privilégier nous paraît celle du maintien de notre cadre actuel, très protecteur en matière de génétique, a fortiori alors que nous permettons aux personnes nées d’AMP (assistance médicale à la procréation) avec tiers donneur d’accéder légalement à l’identité de ce donneur. C’est en garantissant ces limites aujourd’hui que nous pourrons ouvrir demain des développements, notamment issus d’une recherche bien encadrée, qui seront véritablement source de progrès médical et scientifique pour nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour toutes ces raisons, je vous invite à voter en faveur de cet amendement de suppression proposé par le Gouvernement.