Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Françoise Gatel, M. Michel Raison.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

augmentation des dotations issues de la péréquation pour les communes d’outre-mer

M. Georges Patient ; M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.

prime de feu des sapeurs-pompiers

Mme Mireille Jouve ; Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

contestation de la réforme du baccalauréat par des enseignants et des lycéens

Mme Céline Brulin ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Céline Brulin.

réforme du bac (i)

M. Jacques-Bernard Magner ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Jacques-Bernard Magner.

retraites agricoles et inégalités de traitement entre la métropole et la réunion

M. Jean-Louis Lagourgue ; M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Jean-Louis Lagourgue.

politique générale du gouvernement

M. Philippe Mouiller ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Philippe Mouiller.

financement de l’accord entre le gouvernement et les sapeurs-pompiers sur le projet de loi « retraites »

Mme Nadia Sollogoub ; Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; Mme Nadia Sollogoub.

communication du président de la république

M. Philippe Pemezec ; Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; M. Philippe Pemezec.

apprentissage des langues régionales

M. Maurice Antiste ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Maurice Antiste.

études de médecine : numerus clausus

M. René Danesi ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

rapprochement entre alstom et bombardier

M. Jean-François Longeot ; M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique.

retraites des militaires

M. Pascal Allizard ; Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées ; M. Pascal Allizard.

avenir de la presse papier

M. Guillaume Arnell ; M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique.

conséquences des grèves des professeurs en guadeloupe

Mme Victoire Jasmin ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

réforme du bac (ii)

M. Cyril Pellevat ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

3. Mise au point au sujet d’un vote

4. Création d’une commission spéciale

5. Candidatures à une commission d’enquête

6. Enfants franco-japonais. – Adoption d’une proposition de résolution

Discussion générale :

M. Richard Yung, auteur de la proposition de résolution

M. Jean-Louis Lagourgue

Mme Jocelyne Guidez

Mme Jacky Deromedi

Mme Claudine Lepage

Mme Françoise Laborde

Mme Christine Prunaud

M. Christophe-André Frassa

M. François Bonhomme

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Clôture de la discussion générale.

Texte de la proposition de résolution

Vote sur l’ensemble

Adoption, par scrutin public n° 90, de la proposition de résolution.

7. Sécurité sanitaire. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Michel Amiel, auteur de la proposition de loi

M. Martin Lévrier, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Mme Sonia de la Provôté

Mme Patricia Morhet-Richaud

M. Bernard Jomier

M. Guillaume Arnell

M. Michel Amiel

Mme Michelle Gréaume

M. Jean-Pierre Decool

Mme Nicole Duranton

M. François Bonhomme

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Michelle Gréaume

Amendement n° 10 rectifié de M. Bernard Jomier. – Rejet.

Amendement n° 9 rectifié de Mme Victoire Jasmin. – Rejet.

Amendement n° 15 rectifié de M. Bernard Jomier. – Adoption°.

Amendements identiques nos 3 rectifié de M. Gérard Dériot, 5 de Mme Sonia de la Provôté et 12 rectifié de M. Bernard Jomier. – Adoption des trois amendements.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Amendement n° 11 rectifié de M. Bernard Jomier. – Rejet.

Amendements identiques nos 4 rectifié de M. Gérard Dériot, 6 de Mme Sonia de la Provôté et 13 rectifié de M. Bernard Jomier. – Adoption des trois amendements.

Amendement n° 7 de Mme Sonia de la Provôté. – Retrait.

Amendement n° 14 rectifié de M. Bernard Jomier. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 3 (supprimé)

Article 4

Mme Michelle Gréaume

Amendement n° 19 rectifié de M. Bernard Jomier. – Adoption.

Amendement n° 16 rectifié de M. Bernard Jomier. – Rejet.

Amendement n° 22 rectifié de M. Bernard Jomier. – Adoption.

Amendement n° 20 rectifié de M. Bernard Jomier. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 5

Amendement n° 25 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 27 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 6

Amendement n° 26 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 24 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 28 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 7

Amendement n° 23 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 8

Amendement n° 8 rectifié de Mme Martine Berthet. – Rejet.

Amendement n° 21 rectifié de M. Bernard Jomier. – Adoption.

Amendement n° 2 rectifié de Mme Véronique Guillotin. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 9 – Adoption.

Article 10

Amendement n° 29 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Vote sur l’ensemble

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

8. Ordre du jour

Nomination de membres d’une commission d’enquête

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Françoise Gatel,

M. Michel Raison.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J’appelle chacun à veiller au respect de son temps de parole et au respect des uns et des autres.

augmentation des dotations issues de la péréquation pour les communes d’outre-mer

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. Georges Patient. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les finances d’un grand nombre de communes des cinq départements et régions d’outre-mer (DROM) – Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte – sont dans le rouge.

Sur 129 communes, 46 ont des délais de paiement supérieurs à trente jours, 84 sont inscrites au réseau d’alerte des finances locales, 26 font l’objet d’un plan de redressement, 24 ont vu leur budget arrêté par le préfet en 2018 et 20 d’entre elles cumulent l’ensemble de ces critères d’alerte.

Cette situation de dégradation est l’inverse de l’embellie que connaissent les communes de l’Hexagone. Il était plus que temps de stopper cette détérioration de leurs finances, tant elle était connue depuis quelques années déjà. Mes alertes antérieures et les propositions que j’ai faites pour redresser la situation financière de ces communes, émises dans un rapport datant de 2014, avaient jusqu’alors été peu suivies d’effets.

Eu égard à la gravité de la situation, il fallait cette fois réagir de façon concrète, ce que votre gouvernement a su faire, monsieur le Premier ministre. En effet, celui-ci a diligenté rapidement, dès avril 2019, une mission confiée au député Jean-René Cazeneuve et à moi-même.

Nous vous avons remis un rapport comportant 46 recommandations. Les propositions concernant le rattrapage du niveau des dotations de péréquation ont été introduites sans tarder dans le projet de loi de finances pour 2020, les communes des DROM étant défavorisées par rapport à celles de l’Hexagone. La dynamique d’ajustement des recettes a été vite enclenchée. C’est une très bonne chose car, dès cet exercice budgétaire, les communes des 5 DROM verront s’accroître le niveau de leur dotation de péréquation.

Reste maintenant, pour parvenir à un véritable assainissement financier, à traduire dans les faits toutes les autres recommandations du rapport, notamment celles qui visent à améliorer la gestion des communes et à leur assurer un meilleur accompagnement. Je pense tout particulièrement à ces communes dont la situation rend parfois improbable, sinon impossible, un redressement financier sans soutien extérieur. Et il en existe quelques-unes !

Monsieur le Premier ministre, ma question sera simple et peut-être un peu brutale, mais elle est à la hauteur des enjeux : cette fois-ci, y aura-t-il un réel service après-vente pour les recommandations figurant dans ce rapport ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Georges Patient, vous avez raison, la situation des finances locales en outre-mer est particulièrement grave et tendue. Vous avez rappelé les chiffres, je n’y reviens pas. La situation s’est dégradée ces dernières années, et cette détérioration s’est encore accélérée ces tout derniers mois.

La mission confiée au député Cazeneuve et à vous-même a effectivement contribué à avancer sur le sujet. Vous avez posé un diagnostic très cru et très dur, mais assorti de mesures très opérationnelles.

Il faut tout d’abord accentuer la péréquation pour les territoires ultramarins et, singulièrement, le bloc communal. Il s’agit de la première réponse à apporter. Dès l’examen du dernier projet loi de finances, le Gouvernement a formulé une proposition en ce sens, que le Sénat a d’ailleurs adoptée à l’unanimité. Cette mesure représente un rattrapage pour l’outre-mer de 85 millions d’euros sur cinq ans, dont 18 millions d’euros seront engagés pour cette seule année, étant entendu que l’effort devra être poursuivi dans les années suivantes.

La deuxième série de réponses consiste à accompagner les collectivités en matière d’ingénierie financière. On le voit bien, certaines d’entre elles sont livrées à elles-mêmes aujourd’hui, notamment lorsqu’elles sont amenées à négocier les modalités de remboursement de leur dette. Nous comptons créer une véritable cellule regroupant la direction générale de l’outre-mer, la direction générale des collectivités locales et la direction générale des finances publiques, afin que les collectivités bénéficient d’un appui très performant en la matière.

Disons-nous les choses, les préfectures n’ont parfois plus les moyens d’assurer cet accompagnement dans les différents territoires. Il nous revient, depuis Paris, de prévoir les moyens suffisants pour accompagner nos collègues élus locaux sur le terrain.

La troisième série de réponses doit porter sur le volet des dépenses. En effet, si l’on travaille sur le volet des recettes sans porter de regard prospectif sur celui des dépenses, singulièrement des dépenses de fonctionnement, et davantage encore peut-être sur le chapitre 012 relatif aux différentes dépenses de personnel, on n’y arrivera pas.

Il faut nous inscrire dans une dimension de contractualisation avec les collectivités qui sont prêtes à le faire. Nous nous apprêtons à engager des négociations, notamment avec les associations d’élus locaux, les délégations aux collectivités territoriales, notamment celle qui est présidée ici par Jean-Marie Bockel, et les commissions des finances, afin de parvenir à des propositions en vue de l’examen de la loi de programmation des finances publiques, qui sera discutée au Parlement cette année et, bien sûr, de l’examen de la prochaine loi de finances.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous prenons ce dossier à bras-le-corps ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

prime de feu des sapeurs-pompiers

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Sophie Joissains et Marie-Thérèse Bruguière applaudissent également.)

Mme Mireille Jouve. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur.

Madame la ministre Jacqueline Gourault, puisque c’est vous qui me répondrez, le 28 janvier dernier, l’intersyndicale des sapeurs-pompiers professionnels annonçait mettre un terme à son mouvement social commencé il y a plus de sept mois.

Cette annonce faisait notamment suite à votre décision d’engager un processus permettant une revalorisation de l’indemnité de feu, en portant son taux maximal de 19 % à 25 % d’ici à l’été prochain.

La question du financement de la réévaluation de cette prime de feu se pose désormais pour les financeurs des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) à savoir nos départements, communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Les employeurs estiment cette charge nouvelle à 80 millions d’euros.

Le dynamisme de l’actuelle fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) allouée aux conseils départementaux dans le cadre du financement des SDIS ne saurait suffire. De nouvelles pistes de financement doivent donc être mises à l’étude.

Une augmentation de la fraction de la TSCA allouée à nos départements en est une.

Une modulation de la surcotisation, qui est versée par les employeurs et les pompiers, et qui est perçue par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales pour l’intégration de l’indemnité de feu dans le calcul des pensions, en est une autre.

Madame la ministre, la prime de feu des pompiers n’avait fait l’objet d’aucune revalorisation depuis 1990. Sa réévaluation apparaît donc comme légitime et l’État doit accompagner les employeurs pour concrétiser cette ambition.

Dans les Bouches-du-Rhône, où le directeur du SDIS est par ailleurs le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, nous savons, comme dans tous les départements français, combien la préservation de notre modèle de sécurité civile est essentielle.

Nouvelles ressources, suppression des charges existantes, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos pistes de travail pour dégager, à court terme, de nouvelles marges de manœuvre auprès des SDIS et des collectivités concernées ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub (Exclamations amusées.)

Plusieurs sénateurs sur diverses travées. Non, Mireille Jouve !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pardonnez-moi cette confusion, madame la sénatrice !

M. le président. Poursuivez, madame la ministre !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme vous l’avez rappelé, madame Jouve, le combat des sapeurs-pompiers pour la réévaluation de l’indemnité de feu nous a fait traverser une période un peu difficile, avec parfois des grèves dures dans les départements.

À l’issue d’une réunion qui s’est tenue le 28 janvier dernier, les sapeurs-pompiers professionnels ont annoncé mettre fin à leur mouvement social.

Bien sûr, tout au long des discussions qui se sont déroulées au ministère de l’intérieur, les collectivités territoriales, c’est-à-dire les départements, mais aussi les municipalités, ont été associées.

Dès le 14 novembre dernier, lors d’une réunion à Beauvau avec MM. Bussereau et Baroin, des négociations ont été engagées avec les sapeurs-pompiers professionnels. Au terme de ces négociations, il a effectivement été décidé de porter le taux de l’indemnité de feu à 25 %, tout en laissant toute latitude aux conseils d’administration des SDIS pour fixer les conditions de la revalorisation, conformément au principe d’organisation décentralisée de la République.

Comme vous l’avez fait, il faut préciser que, pour assurer le financement des SDIS, les départements bénéficient d’une ressource fiscale, à savoir une quote-part de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, dont la dynamique est assez forte. Pour vous donner une idée, cette taxe a progressé de 41 % en quinze ans.

Mme Catherine Troendlé. Cela ne suffit pas !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je rappelle par ailleurs que cette ressource a été réévaluée lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, ce qui représente 53 millions d’euros de recettes supplémentaires octroyés aux seuls départements pour 2020.

Mme Catherine Troendlé. Mais cela ne suffit pas !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ces mesures font suite à un accord passé avec M. Richefou,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … président de la conférence nationale des SDIS, et les départements de France. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

contestation de la réforme du baccalauréat par des enseignants et des lycéens

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, des élèves séquestrés et cadenassés, d’autres passés à tabac, d’autres encore sanctionnés d’un zéro ou interdits de passer des épreuves, voire poursuivis en justice, des épreuves surveillées par des policiers : le baccalauréat version « nouveau monde » donne lieu à des scènes surréalistes !

Face au malaise grandissant, les seules réponses que vous apportez résident dans le mutisme et la répression.

Pourtant, ce naufrage aurait pu être évité si vous aviez écouté les réserves émises, ici même, au Sénat, sur l’organisation des épreuves du contrôle continu et si vous aviez travaillé de concert avec les enseignants, les élèves et leurs familles. Depuis des mois, ils vous alertent tous sur les difficultés de mise en œuvre de la réforme du bac, voire sur le fond même de celle-ci.

Votre attitude a conduit à déplacer le conflit au cœur même des établissements. Qu’entendez-vous faire pour que revienne immédiatement la sérénité nécessaire aux épreuves ? Cela passe inévitablement, à nos yeux, par la prise en compte des craintes de nos concitoyens qui ont peur que les réformes du baccalauréat et du lycée n’accroissent les inégalités ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Brulin, dans votre question, il y a beaucoup d’éléments qui méritent une réponse.

Je souhaiterais tout d’abord revenir sur l’idée qu’il n’y a pas eu de discussion ou de concertation sur la réforme du baccalauréat. J’ai encore récemment passé plus de deux heures devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat à ce sujet. Vous y étiez, vous disposez donc déjà de la réponse à la plupart des questions que vous avez posées (Mme Céline Brulin arbore une moue dubitative. – M. Bruno Sido sesclaffe.) et vous connaissez parfaitement le sens à donner aux épreuves de contrôle continu.

La réforme du baccalauréat s’est étalée sur dix-huit mois. Les professeurs, les organisations syndicales et 40 000 lycéens ont été consultés. Le système de contrôle continu auquel nous avons abouti est le résultat d’un équilibre entre les positions des différentes organisations syndicales. Prêtez attention à ce qu’elles disent, vous verrez que beaucoup d’entre elles sont favorables au contrôle continu.

Vous faites également allusion à certains troubles. En réalité, au moment où je vous parle, un million de copies ont déjà été traitées. Dans 85 % des établissements, tout s’est passé normalement. Où observe-t-on des problèmes ? Là où certaines personnes causent des troubles ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.) Mais oui !

Vous semblez dire que les troubles sont liés à un manque de préparation : ce n’est pas le sujet. Le problème, c’est que des individus viennent bloquer les lycées au moment des épreuves ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Gérard Longuet applaudit.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. La vraie question, la voici : êtes-vous pour le blocage des lycées ? (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.) Il faut que vous répondiez vous aussi à cette question. Êtes-vous pour ou contre le contrôle continu ? Si vous y êtes opposée, il faut nous expliquer pourquoi. (Mêmes mouvements.)

En réalité, vous connaissez bien les tenants et les aboutissants de la réforme du baccalauréat, madame la sénatrice.

M. Pierre-Yves Collombat. Oui, justement !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. L’objectif est d’élever le niveau général des élèves. (Rires ironiques sur les travées du groupe CRCE.) Cette réforme est le meilleur moyen de promouvoir la justice sociale. (Vives protestations sur les mêmes travées.) Cette réforme correspond d’ailleurs aux politiques que mènent la plupart des pays européens, pays dont vous admirez parfois le système.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous avons gardé le meilleur de notre tradition et la complétons par des innovations qui permettent de travailler en continu.

S’il vous plaît, sur cette question, essayons de ne pas verser dans la politisation, car cela se fait au détriment des élèves ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, RDSE, UC et Les Républicains. – Vives protestations sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, qui voudrait apaiser la situation tiendrait un tout autre discours ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)

M. Martial Bourquin. Absolument !

Mme Céline Brulin. Heureusement, sur le terrain, la communauté éducative est bien plus constructive. Hier, à Lillebonne, dans un lycée de mon département, un accord a été trouvé pour reporter les épreuves du baccalauréat, afin qu’elles se tiennent dans la sérénité. Que l’on trouve davantage d’intelligence dans la communauté éducative que chez le ministre de l’éducation nationale m’inquiète quelque peu !

Par ailleurs, chacun sait ici que l’avenir de nos jeunes et de nos enfants est ce que nos concitoyens ont de plus précieux. Il faut entendre cette demande d’égalité et cette lutte contre les injustices sociales.

Monsieur le ministre, concernant cette réforme, il ne faut pas asséner, il faut convaincre. Or vous êtes loin du compte, car vous n’avez convaincu personne ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)

réforme du bac (i)

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, dans le prolongement de la question posée par ma collègue Céline Brulin, je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre des premières épreuves communes de contrôle continu, dites E3C, principale innovation de la réforme du baccalauréat.

Ces épreuves, qui compteront pour 30 % de la note finale du baccalauréat, se déroulent actuellement en classe de première. Cette version hybride entre contrôle continu et examen terminal est dénoncée tant par les enseignants que par les chefs d’établissement, les lycéens et leurs parents.

La réforme est vécue comme constitutive d’une rupture d’égalité entre les élèves, car elle les plonge dans l’insécurité et aboutit de fait à des bacs « locaux ». Ainsi, le baccalauréat n’aurait plus le statut d’examen national qu’il a toujours eu depuis deux siècles.

D’ailleurs, selon les membres du comité de suivi du nouveau bac, les E3C seraient « contraires à l’esprit de simplification de la réforme du bac » et des ajustements doivent être proposés.

À plusieurs reprises, monsieur le ministre, nous vous avons alerté ici sur les difficultés qu’engendrerait toute précipitation dans l’application de votre réforme.

Hélas, on constate depuis le 20 janvier que ces épreuves se déroulent dans l’improvisation. Dans de nombreux lycées, les problèmes d’organisation créent un climat de contestation particulièrement préoccupant, qui perturbe la réussite de nos élèves.

De jour en jour, les tensions s’accroissent et de nombreux établissements ont dû reporter les épreuves.

Monsieur le ministre, il ne s’agit plus de minimiser les difficultés. Qu’attendez-vous pour reconnaître la réalité et corriger les errements de cette réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Magner, au cours de l’audition de la commission de la culture que je viens d’évoquer, j’ai fourni toute une série d’explications. En réalité, vous avez d’ores et déjà les réponses à vos questions.

Vous connaissez par exemple les raisons pour lesquelles le contrôle continu a été mis en place. Encore une fois, celui-ci était prôné par les acteurs auxquels vous avez fait référence. Alors, ne brouillons pas le message : si le contrôle continu est mis en œuvre, c’est pour favoriser un meilleur approfondissement des savoirs, empêcher le bachotage des élèves et garantir une plus grande égalité. Aujourd’hui, en effet, nous héritons des inégalités du système antérieur et si, comme d’habitude, nous choisissions l’immobilisme, cela déboucherait sur un accroissement des inégalités.

Si la situation antérieure était satisfaisante, cela se saurait. En réalité, c’est le précédent système qui était inégal puisque, avant même de passer le baccalauréat, environ la moitié des futurs étudiants étaient déjà présélectionnés dans les filières sélectives, parfois en fonction des établissements dans lesquels ils étaient scolarisés ou de notes qui étaient beaucoup plus hétérogènes et beaucoup moins objectivées que celles du système que nous mettons en place.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Aujourd’hui, dans l’enseignement supérieur, les notes résultent pour l’essentiel d’épreuves de contrôle continu. Diriez-vous que, d’une université à l’autre, il y a inégalité ? Non, il s’agit de diplômes nationaux ! Au contraire, grâce au système que nous établissons, nous renforçons le baccalauréat ; et vous le savez, parce que vous avez étudié le sujet.

On nous reproche aussi d’avoir mené la réforme de façon verticale et autoritaire ; mais c’est faux ! Vous avez vous-même mentionné l’existence d’un comité de suivi de la réforme du baccalauréat. Moi-même, j’écoute les organisations syndicales. Nous avons d’ailleurs consenti quelques modifications sur certains aspects de la réforme. Comme prévu, nous en apporterons d’autres.

Nous faisons donc preuve d’écoute et rien ne peut justifier les violences qui ont lieu aujourd’hui dans une petite minorité d’établissements et qui défrayent la chronique, parce que certains ont intérêt à créer du désordre pour montrer que la réforme aurait été mal préparée.

Dans les établissements où l’on ne relève aucun désordre, tout se passe tout à fait normalement. Je le répète, plus d’un million de copies sont numérisées. Cette numérisation est d’ailleurs l’une des autres innovations de la nouvelle formule : elle permet à un professeur autre que celui de l’élève d’apporter des corrections et, donc, favorise une vision plus objectivée de la correction. Notre réforme comporte toute une série d’innovations de ce type.

Encore une fois, sur un tel sujet, ne cherchons pas à polémiquer, cherchons à l’améliorer. D’ores et déjà, les E3C sont une étape du contrôle continu, qui représente une innovation importante – ce n’est pas la seule – du baccalauréat.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Si les élèves de première sont parfois très satisfaits,…

Mme Sophie Taillé-Polian. Parfois seulement !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … c’est parce qu’ils ont disposé de beaucoup plus de liberté…

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … cette année pour choisir leurs enseignements de spécialité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour la réplique.

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le ministre, ne nous méprenons pas, je n’ai pas mis en cause le contrôle continu : nous sommes favorables à l’instillation d’une dose de contrôle continu dans les épreuves. Le problème, c’est qu’il est mis en œuvre dans un délai trop court par rapport à la décision qui l’a institué.

Je suis à peu près sûr que, dans les établissements, la communauté éducative n’était pas prête à mettre en œuvre cette réforme dans des conditions satisfaisantes, tant sur le plan matériel que pédagogique. Voilà tout ce que je vous reproche, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

retraites agricoles et inégalités de traitement entre la métropole et la réunion

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Mme Sylvie Vermeillet et M. Pierre Louault applaudissent également.)

M. Jean-Louis Lagourgue. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Monsieur le ministre, la problématique de la retraite agricole fait partie des injustices qui perdurent entre La Réunion et la métropole.

Aujourd’hui, la pension moyenne des agriculteurs réunionnais est de 375 euros. Un quart d’entre eux perçoit moins de 100 euros. À ce bilan dramatique s’ajoute une inégalité criante avec la France hexagonale : on estime à au moins 200 euros la différence entre le montant de la retraite d’un agriculteur réunionnais et celui de la retraite d’un agriculteur en métropole.

Pour compléter ce sombre panorama, il faut rappeler que très peu d’agriculteurs arrivant à l’âge de la retraite peuvent faire état d’une carrière complète et bénéficier ainsi du mécanisme de garantie actuellement prévu par le projet de loi.

En 2018, alors qu’une proposition loi visant à revaloriser les retraites agricoles avait été adoptée par l’Assemblée nationale, son examen au Sénat avait été subitement bloqué par le Gouvernement au motif que ce sujet serait pleinement intégré à la réforme des retraites.

Malheureusement, cet engagement de l’État semble aujourd’hui remis en cause et suscite naturellement de vives inquiétudes auprès des agriculteurs réunionnais et des représentations syndicales. La retraite universelle, oui ; mais pour les paysans d’outre-mer, non !

Monsieur le ministre, le Gouvernement compte-t-il respecter ses engagements en réparant cette inégalité entre La Réunion et la métropole ? La revalorisation des retraites agricoles fait-elle partie des priorités ? Le projet de loi que nous examinerons prochainement apporte-t-il des réponses sur ce point ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Mme Élisabeth Doineau et M. Pierre Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. (« Biarritz ! » sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Guillaume, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que la situation actuelle des retraités dans notre pays est difficile, particulièrement chez vous, dans les territoires d’outre-mer, et encore plus spécifiquement à La Réunion.

Cette situation est évidemment aggravée par la durée des carrières, qui, vous le savez aussi bien que moi, est différente, puisque les cotisations dont s’acquittent les agriculteurs ultramarins sont nettement inférieures. Aujourd’hui, cette disparité entre agriculteurs se manifeste donc dès le début de la carrière.

Le futur système s’appliquera de plein droit à l’ensemble de ceux qui cotisent en outre-mer, à La Réunion donc, comme en métropole. La mise en place d’un filet de sécurité constituera justement une bonne réponse pour les agriculteurs de La Réunion : ils percevront une retraite de 1 000 euros dès 2022 et 85 % du SMIC dès 2025.

Toutefois, des adaptations particulières seront nécessaires pour les agriculteurs ultramarins. Une ordonnance permettra de tenir compte des contraintes spécifiques à La Réunion.

Ma collègue ministre de l’outre-mer, Laurent Pietraszewski et moi-même travaillons sur les modalités actuelles de détermination de ces cotisations : pour les agriculteurs comme pour les territoires d’outre-mer, c’est le même principe de ce système universel de retraite qui s’appliquera, à savoir qu’un euro cotisé donnera les mêmes droits.

Nous savons par ailleurs que le cas des retraités actuels doit faire l’objet d’un traitement à part. C’est la raison pour laquelle, comme l’ont déjà dit le Président de la République et le Premier ministre, il faut absolument que les agriculteurs puissent bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Désormais, le monde agricole pourra profiter de cette aide sans conséquence négative.

J’ajoute que des dispositions spécifiques, qui ont été actées pour les outre-mer, portent déjà leurs fruits. Ainsi, le recours sur succession a été supprimé en outre-mer sous le seuil de 100 000 euros – ce seuil est fixé à 39 000 euros dans l’Hexagone – et le taux de recours à l’ASPA est trois fois plus élevé à La Réunion que dans l’Hexagone.

Ces mesures constituent une réponse positive pour les agriculteurs ultramarins. Elles vont dans votre sens, monsieur le sénateur, même s’il faudra certainement poursuivre les efforts dans cette direction. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour la réplique.

M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le ministre, permettez-moi de conclure par un proverbe créole : « Nou lé pas plus, nou lé pas moins, respect à nous ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Mme Nadia Sollogoub et M. Gérard Poadja applaudissent également.)

politique générale du gouvernement

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, la situation de notre pays est grave, les crises sont profondes et tranchent avec la légèreté dont le pouvoir fait preuve.

Venons-en aux faits.

Il y a tout d’abord eu le rejet par Mme Pénicaud et les députés LREM de la proposition de loi portant à douze jours le congé pour décès d’un enfant. Quel manque spontané d’humanité !

Il y a eu le très sévère et, pour tout dire, inédit avis du Conseil d’État sur les retraites, qui a pointé du doigt les risques juridiques, l’absence de visibilité d’ensemble de la réforme, ainsi que le flou qui entoure son financement. Que d’inquiétudes !

Il y a eu l’avis du même Conseil d’État sur la circulaire Castaner relative aux élections municipales, qui a pris le Gouvernement la main dans le pot de confiture.

À deux reprises, le Conseil d’État vous a donc rappelé avec force que nous étions dans un État de droit. Il a pointé la légèreté de vos copies.

Mais ce n’est pas tout.

Mme la garde des sceaux a confondu liberté de conscience et délit de blasphème, le parquet allant même jusqu’à ouvrir une enquête contre la victime !

On ne vous a pas entendu condamner avec fermeté les propos du délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM), pour lequel Mila « avait bien cherché » les menaces de mort dont elle est l’objet.

Le Président de la République a lui-même contribué à ce sentiment de flottement.

Il s’est laissé immortaliser tout sourire avec un tee-shirt dénonçant les policiers, (Huées sur des travées du groupe Les Républicains.) qui se sont sentis humiliés par celui qui devrait les protéger.

En outre, comment imaginer régler la difficile question de l’assimilation des jeunes générations issues de l’immigration, en rapprochant guerre d’Algérie et Shoah ?

Monsieur le Premier ministre, vous qui conduisez le Gouvernement, nous attendons vos explications ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains et M. Jean-Claude Luche applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous dressez un réquisitoire…

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est la triste réalité !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … contre l’action du Gouvernement en évoquant toute une série de décisions,…

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. De couacs !

M. Laurent Duplomb. De bêtises !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … de réactions et d’éléments, et en omettant, compte tenu du temps limité dont vous disposez, de mentionner un certain nombre d’autres indicateurs, dont je suis personnellement convaincu que vous vous satisfaites, comme la baisse continue du chômage (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.) ou les excellents chiffres de l’apprentissage. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

Autant d’éléments qui ne gomment en rien ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur, mais qui doivent être mentionnés, car ils ne me semblent pas moins importants.

M. François Patriat. Cela ne les intéresse pas !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Concernant les nombreux points que vous avez abordés, je voudrais rappeler un certain nombre de choses.

Vous avez cité le cas de notre compatriote qui, après des propos critiques sur une religion, l’islam en l’occurrence, a été confrontée à des menaces de mort et, de ce fait, a dû faire l’objet d’une protection particulière et subir une déscolarisation forcée.

Dans la mesure où le sort de cette compatriote vous intéresse sans doute autant que moi, je précise que nous suivons sa situation avec beaucoup d’attention. Le ministre de l’éducation nationale est en contact permanent avec sa famille, afin que cette jeune fille puisse être de nouveau scolarisée, et ce dans de bonnes conditions – il serait effectivement inenvisageable qu’il ne puisse en être ainsi.

Je me permets d’indiquer que le délit de blasphème n’existe pas en France. Vous le savez ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je me permets de vous inviter à écouter avec attention les propos qui sont tenus, y compris par des responsables politiques, y compris par des responsables politiques présidents de groupe, y compris par des responsables politiques présidant le groupe de votre famille politique à l’Assemblée nationale. Ils reconnaissent, eux aussi, qu’il y a tout de même un sujet !

Vous verrez que les réactions outrées ayant suivi les propos de Mme la garde des sceaux vont trouver un écho intéressant avec ceux qui ont été tenus par ailleurs.

En vérité, monsieur le sénateur, le délit de blasphème n’existe pas ; la liberté de croire ou de ne pas croire est garantie en France, ainsi que la liberté de caricature…

M. Gérard Longuet. Y compris par le Président de la République !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … ou de critique, dans le respect de la loi. Car, et vous le savez aussi, nous le savons tous, même la liberté d’expression est limitée par la loi.

Mais elle est garantie, et c’est très bien ainsi !

C’est ce qu’a dit le Gouvernement. C’est ce que je redis ici, fermement.

Sur tous les autres sujets, je comprends le jeu consistant à les pointer un à un, en disant : « ceci n’est pas acceptable », « cela ne devrait pas être fait ». C’est classique !

Ce qui m’intéresse, et ce qui devrait, au fond, tous nous intéresser, monsieur le sénateur, c’est de savoir comment nous construisons la France (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), comment nous réparons des choses dont nous savons parfaitement, vous et moi, qu’elles fonctionnent mal depuis longtemps, comment, avec M. le ministre de l’éducation nationale, nous améliorons l’éducation et l’enseignement supérieur, comment nous veillons à développer l’industrie française, à garantir l’attractivité de notre pays, comment, avec Mme la ministre de la santé, nous faisons face à la menace d’une épidémie importante. (Exclamations teintées dironie sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.)

À propos des mesures qui ont été prises, vous auriez pu, monsieur le sénateur, puisque vous avez dressé le tableau de cette France contemporaine, indiquer combien notre pays peut s’honorer – notre pays, pas le Gouvernement – d’avoir organisé l’opération de rapatriement de ses concitoyens et des concitoyens européens depuis la Chine dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)

J’entends que l’on crie sur les travées… Vous savez parfaitement, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’opération n’était pas simple à mener. Vous savez parfaitement que la France l’a conduite pour le compte de ses amis européens et que cette opération a été parfaitement réalisée.

Cela fait, aussi, partie du tableau que vous auriez pu dresser, monsieur le sénateur, et, à mon sens, cela n’est pas moins important. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Monsieur le Premier ministre, j’ai écouté attentivement votre réponse. J’ai entendu les bons points que vous vous attribuez – j’en partage un certain nombre. Le plus important, je crois, c’est l’ambiance générale, le sentiment qu’éprouvent les Français, la confiance – mot essentiel car, pour pouvoir réformer le pays, il est fondamental que les Français aient le sentiment qu’il n’y a pas de fossé entre eux et ceux qui les gouvernent. La confiance est essentielle ; sans elle, vous n’arriverez à rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

financement de l’accord entre le gouvernement et les sapeurs-pompiers sur le projet de loi « retraites »

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nadia Sollogoub. Vous l’avez un peu anticipé, madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, (Sourires.) mais, en effet, je vais évoquer le même sujet que ma collègue Mireille Jouve, à savoir la revalorisation de la prime de feu des sapeurs-pompiers professionnels.

Cette revalorisation a, certes, mis fin à un mouvement de grève, mais elle en a fait bondir plus d’un.

La demande est ancienne, et le ministre de l’intérieur s’était toujours engagé à ne pas décider à la place de ceux qui payent, ce qui était une sage attitude. En définitive, voici ce qu’il se passe, et je le dis avec tout le respect que je porte au ministre de l’intérieur et que je vous porte, madame la ministre : il a annoncé une mesure et envoie la facture aux collègues ! Les choses ne doivent pas fonctionner ainsi : c’est une fausse bonne idée !

Par ailleurs, je suis très étonnée des annonces et de la position de M. Richefou. J’ai en main le communiqué de presse qu’il a publié le lendemain même de l’annonce. Il confirme que la dépense supplémentaire atteint bien 80 millions d’euros, « entièrement à la charge des financeurs », et que, « dans le contexte budgétaire actuel, une telle augmentation de charge n’est pas supportable ».

Je vous remercie donc, madame la ministre, de bien vouloir m’expliquer comment cette mesure doit être financée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, chère Mireille Jouve (Rires.), permettez-moi tout d’abord de vous prier d’excuser l’absence du ministre de l’intérieur, qui est parti sur les lieux des incendies en Corse justement.

Avec tout le respect que je vous dois, madame Nadia Sollogoub, vous avez rappelé qu’un accord a été passé pour augmenter la prime de feu de 19 % à 25 %, au titre du plafond.

J’ajouterai que cette décision a été prise en parfaite coordination avec les associations d’élus que sont l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), tout cela coordonné par M. Richefou, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (SDIS). C’est même lui, d’ailleurs, qui m’a annoncé cet accord en le qualifiant devant moi de bonne nouvelle.

Je rappelle par ailleurs, comme je l’ai indiqué précédemment, que cette prime est financée par une ressource fiscale, à savoir une quote-part de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA), laquelle connaît une dynamique particulièrement forte. Dans le cadre du PLF pour 2020, ce sont 53 millions d’euros de recettes supplémentaires qui ont été octroyés aux départements, au titre de cette seule ressource.

J’ajoute enfin que c’est bien une possibilité que nous accordons, puisque c’est un plafond qui a été fixé, la décision revenant ensuite à chaque département, associé aux communes – on oublie souvent de rappeler que la participation des communes est encore importante ; elle monte parfois jusqu’à 40 % des cotisations en faveur des SDIS. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je ne doute pas que cette augmentation soit une bonne nouvelle pour M. Richefou. Mais la question est celle-ci : où trouve-t-on les 80 millions d’euros supplémentaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et SOCR.)

S’agissant de la TSCA, cette recette prise sur les conventions d’assurance rapporte chaque année entre 8 et 9 milliards d’euros. Sur cette somme, seuls 2,8 milliards d’euros sont fléchés vers les départements. Dans ces conditions, j’imagine qu’il doit être facile de trouver 80 millions d’euros au passage, sans avoir à aller les chercher dans la poche des collectivités ou des SDIS, au détriment du fonctionnement même de ces services.

Car oui, mes chers collègues, s’il faut trouver autrement les financements, ce seront des recrutements de sapeurs-pompiers prévus à certains endroits qui ne pourront pas se faire. C’est pourquoi, madame la ministre, je compte sur vous pour trouver ces 80 millions d’euros dans la TSCA. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et SOCR.)

M. Vincent Delahaye. Très bien !

communication du président de la république

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Pemezec. Ma question s’adresse au Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, vous ne répondez pas aux questions qui vous sont posées ! C’est pourquoi je voudrais revenir sur ce qui s’est passé jeudi dernier à Angoulême : une photo montre le Président de la République poser, de façon ostentatoire, en exhibant un tee-shirt où figurent les trois lettres désignant les lanceurs de balles de défense – LBD – et une illustration d’un chat à l’œil crevé.

Je ne reviens pas sur la liberté absolue de caricaturer. Mais il y a tout de même une différence entre la liberté de caricaturer et la caution que l’on donne à certaines caricatures. Lorsque l’on est Président de la République, investi des pouvoirs qui sont les siens, lorsque l’on est le garant des institutions et que, de ce fait, on dirige les forces de l’ordre et garantit l’ordre public, on ne se livre pas à des exercices de ce genre, me semble-t-il.

M. Philippe Pemezec. Ce qui est à mettre en cause, c’est non pas tant le tee-shirt que cette forme d’abandon des forces de l’ordre, qui sont les derniers gardiens de la République, à un moment où la France – cela a été dit – est fracturée, divisée et vit dans la peur.

De deux choses l’une : ou bien le Président de la République agit de façon légère, et c’est assez inquiétant ; ou bien il est parfaitement conscient de ce qu’il fait, parce qu’il est assez transgressif, et là, pour le coup, c’est gravissime, car méprisant à l’endroit des forces de police, qui assurent la sécurité des Français, celle du Président de la République, et la vôtre aussi, monsieur le Premier ministre.

Pourriez-vous donc, au nom du Président de la République, exprimer au moins des regrets et réaffirmer, avec conviction, la défense des forces de police, qui sont sur le pont depuis l’affaire de Charlie Hebdo, c’est-à-dire depuis cinq ans, et protègent notre démocratie de toutes les personnes, de plus en plus nombreuses dans le pays, qui menacent les valeurs de notre démocratie ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Luche applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous faites référence à la visite du Président de la République à Angoulême, voilà quelques jours.

Au cours d’un déjeuner avec des dessinateurs de bandes dessinées, le sujet dit « des violences policières » – je mets des guillemets puisque, comme l’ensemble du Gouvernement, je récuse ces termes – a été abordé.

Le Président de la République a alors défendu avec force la conviction qui nous anime. Nous devons avoir pleine confiance dans les forces de l’ordre, qui nous protègent de toutes les violences existant dans la société, en particulier de celles qui voient le jour dans les manifestations quand des personnes cagoulées, munies de pavés, s’en prennent à elles, mais aussi au mobilier urbain, et ont des agissements parfaitement répréhensibles.

Dans le même temps, le Président de la République n’a eu de cesse de le dire, nous devons avoir une grande exigence vis-à-vis des policiers, des gendarmes, qui, dans notre cadre démocratique, pour nous protéger, sont les seuls à pouvoir faire usage légitime de la force.

Cette exigence que nous avons à leur égard se traduit par le fait que les fautes, dès lors qu’elles sont avérées, doivent être sanctionnées.

M. François Bonhomme. Ritournelle !

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire dÉtat. C’est ce à quoi la justice de notre pays s’est attachée au cours de tous ces mois où nous avons connu un grand nombre de manifestations et, donc, beaucoup d’opérations de maintien de l’ordre. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Quel rapport avec le tee-shirt ?

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire dÉtat. Parallèlement, et je suis certaine, monsieur le sénateur, que vous partagerez ce point avec moi, le Président de la République est extrêmement attaché à la liberté de caricaturer et de donner son opinion. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Là, c’est autre chose !

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Ce n’est pas la question !

Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire dÉtat. Il me paraît parfaitement légitime que, dans ce cadre, tout en exprimant une position extrêmement claire vis-à-vis de ce que certains veulent nous faire prendre pour des violences policières et qui n’en sont pas – il n’y a pas de violence organisée par l’État au sein de l’État de droit français –, le Président de la République soutienne et défende cette liberté de caricaturer, y compris au moyen d’une photographie. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour la réplique. Vous avez huit secondes, mon cher collègue.

M. Philippe Pemezec. Cela me suffira, monsieur le président. J’ai bien entendu votre réponse, madame la secrétaire d’État. J’ai un beau tee-shirt, que je ne peux pas vous remettre dans cette enceinte, mais que je vous remettrai à l’extérieur. Vous voudrez bien l’offrir au Président de la République… C’est un tee-shirt de soutien aux forces de l’ordre.

M. Philippe Pemezec. S’il pouvait avoir la gentillesse de se promener avec à l’occasion d’une sortie publique, ce serait parfait ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Louis Lagourgue applaudit également.)

apprentissage des langues régionales

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Maurice Antiste. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Les langues régionales constituent, pour la France, une richesse indéniable à bien des égards. La Délégation générale à la langue française et aux langues de France encourage leur préservation et contribue à leur valorisation.

On comptait jusqu’à récemment plus de 92 000 élèves des premier et second degrés qui suivaient un enseignement en langues régionales, dont les trois quarts dans le service public d’éducation.

Avec la réforme du baccalauréat, des classes de langues dites régionales ont fermé, tandis que d’autres sont en instance de fermeture ; des enseignants, démunis, se retrouvent avec moitié moins d’élèves que l’an passé. Dorénavant, une langue régionale prise en option facultative possède un coefficient minime, trois fois inférieur à celui des langues anciennes, ce qui représente 1 % environ de la note finale du bac.

Il semble donc que la réforme du lycée soit un coup rude porté aux langues régionales.

Pourtant, le président Emmanuel Macron déclarait, le 21 juin 2018 : « Les langues régionales jouent leur rôle dans l’enracinement qui fait la force des régions. Nous allons pérenniser leur enseignement. » Force est de constater que nous sommes aujourd’hui très loin de cet objectif !

On peut donc légitimement s’interroger sur la place qu’entend donner la France à ses langues minoritaires et régionales, pourtant qualifiées de richesse culturelle. En outre, est-il prévu de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et l’article 30 de la Convention internationale des droits de l’enfant protégeant le droit humain à pouvoir vivre dans sa langue ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – MM. Joseph Castelli, André Gattolin et Loïc Hervé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Antiste, nous sommes évidemment d’accord sur les fondements de votre intervention. Autrement dit, les langues régionales sont encouragées dans le système scolaire français !

Autrefois, voilà quelques décennies, les langues régionales étaient parlées en famille, mais ne l’étaient pas à l’école. Parfois même, leur usage était sanctionné. Aujourd’hui, ces langues sont beaucoup plus rarement parlées en famille et, au contraire, encouragées à l’école. La donne actuelle est donc très différente, de par sa dimension volontariste.

J’ai eu l’occasion de m’exprimer, souvent et fortement, au Sénat sur cette question. C’est un sujet qui, normalement, devrait tous nous unir, du fait de cette politique volontariste en faveur des langues régionales au sein de l’école.

Vous m’interrogez sur les conséquences de la réforme du lycée : celle-ci se fait-elle au détriment des langues régionales ? La réponse est non, évidemment ! Cette réforme du lycée – mais pas seulement elle – nous permet au contraire de les encourager.

En particulier, un dispositif qui n’existait pas par le passé a été mis en place : les enseignements de spécialité en langue régionale. Après, il faut évidemment que nous ayons des demandes de la part des élèves… Mais, à partir du moment où ils le souhaitent, ils peuvent recevoir quatre heures de formation en première et six heures en terminale, soit beaucoup plus que tout ce qui a pu être instauré auparavant.

Vous faites référence à des options qui auraient fermé ; d’autres ouvrent aussi ! Nous parlons d’un système vivant, dépendant énormément de la demande des familles en la matière, demande que nous encourageons dès l’école primaire.

Outre-mer, où la situation vous intéresse tout particulièrement – je connais bien le sujet pour avoir été, autrefois, recteur outre-mer et avoir beaucoup encouragé les langues créoles ou d’autres langues locales comme les langues amérindiennes –, nous menons également une politique volontariste, avec des médiateurs de langues régionales ; nous entendons la poursuivre.

Par ailleurs, la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a consacré l’importance des langues régionales. Je sais que, parfois, ce ne sont pas les commentaires qui en ont été tirés, mais il me semble que, dans ce domaine, nous pouvons progresser si nous demeurons sur des consensus. C’est tout à fait possible.

La langue française est la langue de la République. Cette affirmation, non seulement n’entre pas en contradiction avec la vitalité des langues régionales, mais en est même complémentaire, et ce grâce à l’école ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour la réplique.

M. Maurice Antiste. Monsieur le ministre, je rappelle que, selon l’Unesco, 21 langues sont en danger ou sérieusement en danger en France, plus précisément aux Antilles, en Guyane et en Polynésie.

Une langue est une part intrinsèque de l’être culturel. Il n’y a pas d’être sans culture. Donc porter atteinte à une langue régionale, c’est porter atteinte à l’existence même de l’être culturel.

N’oublions pas que la bête acculée n’accepte jamais d’être une victime expiatoire, mais livre toujours une farouche bataille pour survivre. Le message est clair ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – MM. Joseph Castelli et André Gattolin applaudissent également.)

études de médecine : numerus clausus

M. le président. La parole est à M. René Danesi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. René Danesi. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Madame la ministre, la difficulté d’accès aux soins devient une source d’inquiétude pour une partie grandissante de la population, surtout rurale et périurbaine. Dans certaines spécialités, il est courant d’attendre six mois pour avoir un rendez-vous.

Certes, la médecine est quasiment gratuite, car prise en charge par la sécurité sociale et par les complémentaires santé. Mais la question de la santé dans les territoires se pose maintenant en termes d’équité. Il y a désormais une profonde injustice dans l’accès aux soins : cela est vrai pour la médecine de ville comme pour l’hôpital.

Les pouvoirs publics, et vous n’avez pas fait exception à la règle, ont accumulé les plans contre les déserts médicaux. Mais ces plans sont sans efficacité, car ils ne traitent pas les causes du mal. On y retrouve des incitations financières, d’ailleurs souvent à la charge des communes, mais on y trouve surtout la bureaucratisation et la fonctionnarisation rampante de la médecine.

À ceux qui s’alarmaient d’une situation devenue intenable, vous avez répondu par la suppression du numerus clausus, c’est-à-dire la suppression de la limitation du nombre des médecins formés.

Cette suppression était présentée comme la solution au problème. Mais, dans les faits, les facultés de médecine, soucieuses de la qualité des formations, ont d’ores et déjà annoncé qu’elles n’avaient pas les moyens d’augmenter le nombre d’étudiants en médecine.

Madame la ministre, l’avenir de la médecine nécessite une vision stratégique. Les déserts médicaux ne sont que le symptôme du déclin de notre médecine de santé.

Mes questions sont donc très simples. Êtes-vous prête à abandonner les fausses solutions qui n’ont cessé de dégrader la situation ? Êtes-vous prête à réformer vraiment, en repensant l’actuelle gouvernance asphyxiante de la santé en France, en démontrant votre confiance dans l’exercice libéral de la médecine par sa revalorisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Votre question, monsieur le sénateur Danesi, évoque des défis nombreux. Le mal, en effet, est ancien. Comme vous le savez, nous héritons d’une situation et subissons les conséquences de l’absence de réflexion, voilà vingt ans, sur la démographie médicale.

Les réformes que j’ai présentées et la loi qui a été votée dans cet hémicycle en juillet dernier visent à apporter des solutions. La fin du numerus clausus ne représente qu’une petite partie de ces solutions. Elle a pour objet principal, non pas tant d’accroître le nombre d’étudiants en médecine, même s’il est possible de le faire un peu, mais surtout de diversifier le profil des étudiants et des territoires dont ils sont issus.

Il s’agit notamment de permettre l’accès aux études de médecine de jeunes ayant obtenu une licence dans des sites qui ne disposent pas d’une faculté de médecine, mais offrent des cursus en droit, sciences humaines et sociales, philosophie, etc. Cela permettra à des étudiants issus de tous les territoires, notamment des territoires diversifiés, d’accéder aux études de médecine en deuxième, troisième ou quatrième année.

Par ailleurs, j’ai présenté un plan cherchant à valoriser l’exercice libéral, en permettant aux médecins libéraux, conformément à leurs demandes actuelles, de pratiquer dans le cadre d’un exercice coordonné avec d’autres professions de santé.

Ainsi, nous doublons le nombre de maisons de santé pluriprofessionnelles. Nous permettons également aux professionnels de santé de s’organiser, à l’échelon d’un territoire, en communauté professionnelle territoriale de santé, avec un accompagnement de l’assurance maladie et des agences régionales de santé.

Tout leur est offert pour répondre à leurs besoins d’un exercice pluriprofessionnel, car la solution viendra de la délégation d’un certain nombre de tâches à d’autres professionnels, qui peuvent être extrêmement compétents, notamment pour suivre les maladies chroniques.

C’est, aujourd’hui, la meilleure solution pour parer à la désertification médicale, en attendant – il faut tenir compte de la durée de la formation – que le nombre de médecins augmente sur notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

rapprochement entre alstom et bombardier

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)

M. Jean-François Longeot. Ma question s’adressait à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Je tiens à y associer pleinement ma collègue Valérie Létard, sénatrice du Nord.

Le 6 février dernier, la Commission européenne rejetait la fusion entre Alstom et son concurrent allemand, Siemens. Cette décision, que M. le ministre de l’économie et des finances avait alors qualifiée d’erreur économique et de faute politique, était justifiée par la commissaire européenne à la concurrence en raison de la réduction de la pression concurrentielle qu’une telle fusion aurait entraînée.

Un an après, le groupe français envisage désormais l’acquisition des activités ferroviaires du canadien Bombardier, actuellement en grande difficulté financière.

Une telle acquisition aurait de nombreux intérêts pour notre groupe tricolore, en ce qu’elle en ferait véritablement un champion du ferroviaire, pesant près de 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires, présent sur de nombreux marchés étrangers et pour des gammes de produits complètes.

Alors que M. le ministre défend un assouplissement des règles européennes afin d’introduire la prise en compte des intérêts stratégiques européens, et alors qu’en décembre dernier la nouvelle Commission européenne a annoncé sa volonté de réviser les règles de la concurrence européenne, le Gouvernement envisage-t-il qu’une telle opération stratégique puisse, elle aussi, subir un veto de la Commission européenne, au nom de la concurrence ? Comment compte-t-il défendre les intérêts industriels de notre pays et de cette entreprise à Bruxelles ? Enfin, quelles garanties en termes d’emploi peut-il apporter pour nos territoires, afin que les emplois industriels ne constituent pas une variable d’ajustement d’un tel rapprochement, par ailleurs bienvenu ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances et du ministre de laction et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Longeot, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, qui est en déplacement à l’étranger.

Vous comprendrez que le Gouvernement ne puisse pas commenter le cas particulier d’entreprises, en particulier si elles sont cotées, sur la base de rumeurs de presse.

Je tiens néanmoins à rappeler la position qui a toujours été celle du Gouvernement français. Cette position a été exprimée dans le cadre du projet de fusion entre les entreprises Alstom et Siemens, projet que vous avez cité et mettant en jeu un fleuron de l’industrie française.

Comme vous le savez, eu égard, notamment, à l’émergence de compétiteurs étrangers dont la taille et la capacité technologique vont sans cesse croissant – gardons en tête que le groupe chinois CRRC pèse, en termes de capitalisation, autant qu’Alstom, Siemens et Bombardier réunis –, le gouvernement français soutient l’idée d’une consolidation dans le secteur ferroviaire.

Cette consolidation doit prendre en compte des considérations en termes de protection de l’emploi, mais elle doit aussi être favorable aux investissements, afin de permettre aux entreprises européennes et occidentales de tenir tête à leurs compétiteurs internationaux.

Nous avons eu, et c’est de notoriété publique, une divergence avec la Commission européenne dans l’évaluation de la criticité et de la faisabilité de la fusion entre Alstom et Siemens. La situation semble avoir évolué. Je me trouvais, hier, à Bruxelles, notamment pour discuter de ces questions de concentration – plutôt sous l’angle des activités du numérique, mais aussi plus largement – avec Margrethe Vestager. Nous sentons une ouverture du côté de la Commission européenne, eu égard à la notion de marché pertinent ou à la prise en compte des conditions internationales de concurrence.

Il faudra poursuivre les discussions, mais c’est un dossier sur lequel nous serons extrêmement vigilants. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

retraites des militaires

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard. Madame la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées, nos armées sont engagées dans des opérations qui s’inscrivent dans la durée. Elles doivent disposer de la meilleure technologie. Le Gouvernement souhaite promouvoir prioritairement les technologies françaises et les coopérations européennes. C’est une bonne chose !

La France compte, dans le domaine de la défense, de grands groupes, mais aussi des PME, voire des start-up, souvent plus vulnérables.

La compétition fait rage entre les grandes puissances. Nous devons donc conserver nos compétences pour l’avenir de nos industries et celui de nos opérations. Pourtant, nous constatons avec inquiétude l’intérêt que suscitent à l’étranger, notamment aux États-Unis, quelques entreprises françaises de technologies sensibles. Ces précieuses pépites attirent souvent les convoitises. Certaines sont déjà passées sous pavillon étranger ; d’autres seraient en passe de l’être. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour notre souveraineté !

S’agissant de Photonis, l’un des leaders mondiaux dans les intensificateurs de lumière, en particulier utilisés par nos forces spéciales, la DGA (direction générale de l’armement), par la voix de son délégué, s’était montrée rassurante lorsque je l’avais interrogée en commission. Aujourd’hui, le temps s’est écoulé, et j’entends qu’aucune solution industrielle française ne semble se dégager, quand des acheteurs non européens semblent déjà prêts. Il y a donc urgence à agir.

Le Gouvernement considère-t-il Photonis comme une entreprise stratégique ? Est-il réellement capable de préserver nos pépites industrielles du secteur de la défense ? L’Union européenne doit-elle nous y aider ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent et M. Jean-Marie Bockel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des armées. Vous posez, monsieur le sénateur, le problème, essentiel, de notre autonomie en termes d’industrie de la défense. Cette autonomie est importante pour nos armées, nos militaires et notre capacité à conduire des opérations sur le terrain avec des matériels à la fois innovants et ne relevant que de nous-mêmes.

Des entreprises peuvent effectivement se trouver en difficulté. Mais elles sont aidées et épaulées par la DGA.

Vous avez évoqué la situation de Photonis. Pour tout vous dire, je n’ai pas de renseignements précis à vous fournir, aujourd’hui, sur cette entreprise… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Pardonnez-moi, mais le secteur de la défense compte de nombreuses entreprises. Dès que je les obtiendrai auprès de la DGA, je vous transmettrai ces informations.

En tout cas, sachez que nous sommes particulièrement vigilants sur ces sujets.

Il est important que nous puissions garder des capacités sur le plan de l’autonomie stratégique européenne. Le budget de la défense européen, le Fonds européen de la défense, sera là aussi un atout majeur. Entre 2021 et 2027, 13 milliards d’euros seront ainsi dévolus à la recherche, à l’innovation, à la création d’outils européens de défense qui pourront assurer une autonomie stratégique européenne.

Notre action, à l’heure actuelle, doit être à la fois française et européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.

M. Pascal Allizard. Madame la secrétaire d’État, je suis très déçu et très triste de votre réponse. Cinq sociétés américaines sont prêtes à racheter Photonis et le fonds d’investissement français de l’AID (Agence de l’innovation de défense) ne sera pas opérationnel – j’espère que ça, au moins, vous le savez – avant le second semestre de 2020.

Nous sommes donc totalement démunis, ce que je trouve assez scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

avenir de la presse papier

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Guillaume Arnell. Ma question s’adressait à M. le ministre de la culture et porte sur l’avenir de la presse écrite.

Samedi dernier, le quotidien France-Antilles a fait paraître sa dernière édition, après cinquante-six ans d’existence. Le tribunal de commerce de Fort-de-France a en effet prononcé la liquidation judiciaire du journal sans poursuite d’activité.

Je pense tout d’abord naturellement aux 235 salariés et aux familles impactées : 112 salariés en Martinique, 99 en Guadeloupe et 24 en Guyane, qui travaillaient dans les rédactions et s’inquiètent légitimement pour leur avenir. Toutes proportions gardées, à l’échelle nationale, c’est l’équivalent d’un millier de personnes licenciées dans la plus grande indifférence.

Fondé en 1964, France-Antilles était diffusé à environ 35 000 exemplaires en Martinique, 25 000 en Guadeloupe et possédait une déclinaison pour la Guyane sous le titre France-Guyane. Le journal servait également de lien avec leur territoire pour tous les Guadeloupéens et Martiniquais vivant à Saint-Martin.

La disparition du journal laisse donc ces trois territoires sans quotidien d’envergure, alors que le Président de la République, à l’occasion de ses vœux à la presse le 16 janvier dernier, s’était engagé à soutenir la presse d’outre-mer en difficulté.

Monsieur le secrétaire d’État, plusieurs questions me viennent à l’esprit. Premièrement, pouvez-vous expliquer à la représentation nationale pourquoi l’aide à la presse hexagonale ne s’applique pas à la presse ultramarine ? Deuxièmement, ne pensez-vous pas qu’au regard des situations de plus en plus dégradées dans nos territoires les tribunaux devraient s’attarder plus longuement sur les possibilités de reprise ? France-Antilles a été liquidé en dix minutes chrono !

Enfin, puisqu’il semblerait que ces difficultés iront en s’amplifiant au regard de l’essor du numérique, comment comptez-vous garantir un avenir pour la presse écrite ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Jocelyne Guidez et Victoire Jasmin ainsi que M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances et du ministre de laction et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Arnell, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Franck Riester. Vous évoquez la situation du groupe France-Antilles. Le Gouvernement a pris acte du jugement du tribunal de commerce de Fort-de-France, qui en a prononcé la liquidation.

Il faut mesurer, comme vous l’avez dit, l’ampleur de cette décision, d’abord pour les 235 salariés concernés. Cette annonce intervient alors que l’ensemble des ministères s’était mobilisé depuis plusieurs mois pour accompagner l’éditeur dans la recherche d’une solution permettant le maintien des trois publications. Le Gouvernement avait ainsi acté fin novembre une participation au financement du plan de reprise à hauteur de 3 millions d’euros pour soutenir la venue d’investisseurs privés. C’est un effort tout à fait exceptionnel qui avait été consenti.

L’État avait également autorisé, de façon extrêmement dérogatoire, la constitution de passifs publics afin de ménager le temps nécessaire pour consolider les plans de reprise. Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 avait acté un accroissement des baisses de cotisations pour les organes de la presse quotidienne régionale outre-mer.

Cela n’a malheureusement pas suffi et, comme vous l’avez évoqué, les projets de reprise ont échoué.

Les services de l’État sont mobilisés, avec les partenaires, pour accompagner les salariés dans leur recherche d’emploi et de formation, en vue de leur reconversion professionnelle, de la création de nouvelles activités liées à la filière média ou de diversification.

Plus globalement, le ministère de la culture mobilisera ses dispositifs en fonction du type de projet présenté pour permettre l’émergence de nouveaux médias dans les Antilles. Les différentes aides à la presse, qu’il s’agisse d’aides au fonctionnement ou à l’investissement, générées par le ministère de la culture, sont ouvertes à l’ensemble des titres de presse. Il apparaît que, compte tenu du modèle d’affaires un peu particulier des types de presses dans les outre-mer, ceux-ci bénéficient un peu moins des aides à la presse que sur le territoire national.

Je veux ici vous annoncer que le ministère de la culture va dans les prochains mois modifier les conditions d’attribution de plusieurs aides pour les titres ultramarins, afin de rétablir une forme d’équité de traitement. Les services du ministère de la culture accompagneront étroitement tous les projets de presse qui naîtront sur ces territoires, afin d’y restaurer un vrai pluralisme de l’information. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

conséquences des grèves des professeurs en guadeloupe

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Victoire Jasmin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, je souhaite relayer ici les craintes des parents d’élèves et des enseignants de la Guadeloupe sur l’avenir de l’enseignement public. L’ensemble du système scolaire et universitaire y est désormais en danger, et les dernières annonces de votre gouvernement concernant la suppression de postes dans de nombreuses académies ont suscité l’émoi des parents d’élèves et des enseignants.

Par ailleurs, les déclarations inquiétantes d’un ancien ministre concernant la mutation secrète d’enseignants supposés pédophiles en outre-mer suscitent également l’émoi, la consternation et des interrogations au sein de la population.

Au moment où je vous parle, et ce depuis plusieurs semaines, 90 % des écoles et des établissements scolaires de l’archipel sont bloqués par un mouvement de grève.

Au-delà de la consternation des enseignants opposés à votre réforme des retraites, les revendications en Guadeloupe portent sur les moyens accordés par l’État dans le cadre des politiques éducatives mises en place sur le territoire.

Les conditions d’enseignement se dégradent considérablement. La qualité de l’apprentissage, ainsi que l’accompagnement des enfants en situation de handicap sont au cœur du mécontentement, amplifié par l’annonce récente de la suppression de 72 postes d’enseignants à la rentrée prochaine, après 86 suppressions en 2019 et 44 en 2018.

Une rencontre entre le recteur et les grévistes a eu lieu vendredi dernier, date d’un début de dialogue et de la présentation d’un moratoire. Néanmoins, l’inquiétude demeure face à la dégradation des conditions d’exercice et à la réduction drastique incompréhensible des moyens, notamment pour la prise en charge d’enfants en difficulté.

Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour les enfants en situation de handicap, et plus particulièrement pour répondre au moratoire sur les cinq ans à venir afin de garantir la qualité de l’enseignement et rassurer les parents d’élèves, la population et avant tout les enseignants ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Jasmin, je vous remercie de votre question. J’aurai le plaisir de vous recevoir dans deux heures avec les autres parlementaires guadeloupéens pour faire un point complet sur la situation de l’éducation en Guadeloupe. Je m’en réjouis parce que nous avons évidemment beaucoup de choses à nous dire sur le plan quantitatif, mais aussi sur le plan qualitatif.

Vous me posez plusieurs questions, auxquelles je vais essayer de répondre en deux minutes.

Je commencerai par l’aspect le plus émotionnel, c’est-à-dire les déclarations de Mme Royal sur la supposée mutation de personnes qui seraient pédophiles outre-mer. Je ne dispose d’aucun élément pour corroborer de tels propos. Je partage donc votre émotion et je suis complètement ouvert pour étudier, en toute transparence, les problèmes qui auraient pu se produire dans le passé auxquels fait référence Mme Royal. Cependant, je doute fort de la réalité d’une telle assertion ; soyons très attentifs à ne pas accorder un crédit excessif à ces déclarations, même si je suis tout à fait d’accord pour regarder ce point. En tout cas, je comprends l’émotion suscitée, et je la partage. Je tiens évidemment à vous rassurer sur le fait que cela ne correspond à aucune réalité d’aujourd’hui ; ça, c’est certain.

S’agissant des autres points que vous abordez, comme vous le savez, du fait de la démographie, il y a moins d’élèves en Guadeloupe. Les suppressions de postes ne sont pas proportionnelles à la diminution du nombre d’élèves, ce qui signifie que le taux d’encadrement en Guadeloupe l’an prochain sera amélioré, comme c’était déjà le cas lors de la rentrée précédente. Aujourd’hui, le taux d’encadrement en éducation prioritaire en Guadeloupe est de 17,6, pour plus de 20 à l’échelle nationale ; rappelons aussi que 65 % des écoles en Guadeloupe ont moins de 22 élèves par classe. Le taux d’encadrement en Guadeloupe fait donc l’objet d’un regard très favorable de la part du ministère, mais nous aborderons aussi d’autres sujets qualitatifs, comme ceux qui ont été évoqués par le sénateur Antiste. C’est donc ensemble que nous pouvons arriver à ce que la situation redevienne normale en Guadeloupe, dans l’intérêt de tous les élèves. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Yvon Collin applaudit également.)

réforme du bac (ii)

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Cyril Pellevat. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, ma question porte elle aussi sur les épreuves communes de contrôle continu du baccalauréat, qui ont commencé le 20 janvier et se dérouleront jusqu’à fin février. Ces dernières, cela a été rappelé, suscitent des manifestations et des blocages organisés par des élèves, des professeurs et des syndicats. Dimanche 2 février, 166 annulations et reports d’épreuves avaient été signalés, 51 épreuves où tous les élèves n’ont pas pu composer et 148 lycées où les épreuves ont été sérieusement perturbées.

Mon département, la Haute-Savoie, n’est pas épargné : des épreuves ont été annulées, notamment aux lycées Berthollet et Fauré à Annecy, et au lycée Lachenal à Argonnais, tandis que d’autres lycées ont vu leurs épreuves perturbées par les manifestations, comme le lycée des Glières à Annemasse, le lycée Baudelaire à Annecy et le lycée Charles-Poncet à Cluses.

Nous sommes donc en présence d’épreuves annulées ou reportées, de lycéens qui souhaitaient ardemment passer leur épreuve et n’ont pu accéder à la salle d’examen avant que l’établissement soit bloqué, ou encore d’élèves ayant pu passer leur épreuve dans des conditions d’examens qui n’étaient pas optimales, les bloqueurs ayant parfois utilisé des fumigènes, des pétards et de la musique à un haut niveau sonore pour perturber les épreuves.

Les élèves et leurs parents ne savent pas quelles seront les modalités pour les examens annulés, ni si le barème sera adapté pour les épreuves ayant été perturbées, ou si ces dernières seront repassées ultérieurement. Des élèves n’ayant pas pu passer leurs épreuves risquent un zéro et les rattrapages, alors qu’ils ont simplement eu la malchance de ne pas réussir à entrer dans leur établissement avant le début des blocages. J’ai reçu de nombreuses vidéos en attestant.

Cette situation est anxiogène pour les élèves et leurs parents, qui ne connaissent pas les solutions qui seront mises en place pour pallier ces perturbations. De nombreux témoignages font état d’une dégradation de la santé mentale des élèves, qui sont dans l’incompréhension totale et extrêmement angoissés par rapport à ces épreuves.

Sachant que ces questions sont largement laissées à l’appréciation des chefs d’établissement, cela ne fait qu’ajouter à l’incertitude des élèves. Je vous demande donc, monsieur le ministre, si vous comptez donner des consignes spécifiques aux chefs d’établissement afin d’homogénéiser au mieux ces épreuves au niveau national. Je vous demande également si des mesures spéciales seront mises en place afin que les épreuves n’ayant pas encore eu lieu puissent se dérouler le plus sereinement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Pellevat, je vous remercie de cette question prolongeant les questions précédentes. Comme j’ai commencé à le dire, 1 million de copies ont déjà été composées, sur les 1,7 million attendues. Les numérisations ont lieu. Dans 85 % des établissements, les choses se passent normalement.

Donc, je le répète, comme cela est explicite dans votre propos, cela se passe mal lorsque des gens, souvent extérieurs, viennent troubler les examens, ce qui doit être clairement condamné.

Quelle que soit son opinion sur une réforme, on ne doit pas prendre ainsi en otage les élèves. Il est normal que j’exprime une certaine fermeté sur cette question, parce que des principes sacrés de l’éducation nationale sont violés : on ne doit pas troubler un examen.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Bien entendu, cela concerne surtout les adultes, notamment les adultes extérieurs, qui ne doivent pas commettre des actions illégales.

S’agissant des élèves, notre attitude est évidemment dictée par la plus grande bienveillance. Nous allons regarder, établissement par établissement, comment éviter le phénomène inenvisageable que vous évoquez d’un élève récoltant un zéro après avoir été empêché d’entrer dans son établissement. Cela n’arrivera pas, je le dis très solennellement.

Il y aura, dans les conditions que j’ai indiquées, des reports d’épreuves en cas de troubles. Un élève empêché de composer ne sera pas sanctionné pour cela. Notre but est évidemment que chaque élève dispose d’une note, ce qui est encore tout à fait possible, les épreuves s’échelonnant jusqu’à la fin du mois de février.

Je le dis une nouvelle fois, la majorité des épreuves ont été passées. J’appelle donc chacun à la sérénité sur ces sujets : si tout le monde reste calme, serein, chaque élève pourra composer, aucun problème technique ne s’y oppose. C’est le message qu’il faut faire passer avant tout ! J’observe d’ailleurs que des associations de parents d’élèves disent substantiellement la même chose. Il reviendra également au comité de suivi du baccalauréat de prendre ces points en considération.

Bien entendu, le premier de mes devoirs sera de m’assurer que les élèves ne sont pas pénalisés en raison d’exactions commises par des éléments extérieurs, qui ne sont pas du fait de l’éducation nationale elle-même ou de son organisation. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – MM. Jean-Marc Gabouty et Pierre Louault ainsi que Mme Michèle Vullien applaudissent également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que nos prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 19 février 2020, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté.

Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le président, lors du scrutin n° 69 qui a eu lieu au cours de la séance du 22 janvier dernier, Mme Nathalie Goulet souhaitait voter pour.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

Création d’une commission spéciale

M. le président. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 16 bis, alinéa 2, du règlement, la proposition de création d’une commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, sous réserve de son dépôt.

Je soumets donc cette proposition au Sénat.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Conformément à la décision de la conférence des présidents, la désignation des trente-sept membres de cette commission spéciale aura lieu en séance publique, demain, à neuf heures.

5

Candidatures à une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols.

En application de l’article 8 ter, alinéa 5, du règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par le règlement.

6

 
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d'un enlèvement parental
Discussion générale (suite)

Enfants franco-japonais

Adoption d’une proposition de résolution

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d'un enlèvement parental
Discussion générale (fin)

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe La République En Marche, l’examen de la proposition de résolution relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d’un enlèvement parental présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Richard Yung et plusieurs de ses collègues (proposition n° 29).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Richard Yung, auteur de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. Richard Yung, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a tout juste neuf ans, la Haute Assemblée adoptait à l’unanimité une proposition de résolution appelant les autorités japonaises à garantir le respect du droit des enfants franco-japonais séparés de l’un de leurs parents. Nous avions lancé cet appel après avoir constaté que des enfants binationaux étaient privés de tout contact avec leur parent français à la suite d’un enlèvement commis par leur parent japonais.

Le constat dressé en 2011 est malheureusement toujours d’actualité. Voilà quelques jours, deux enfants franco-japonais ont été enlevés par leur mère japonaise. Ils ont subi le même sort que les enfants d’un ressortissant australien qui a récemment passé quarante-cinq jours en garde à vue avant d’être condamné à six mois de prison avec sursis. Son tort ? Avoir tenté de voir ses enfants après le passage d’un violent typhon. La sévérité de la peine infligée à ce père a conduit les autorités australiennes à exprimer leur préoccupation quant à l’application, par les juges japonais, du principe non écrit dit « de continuité », qui consiste à attribuer systématiquement l’autorité parentale et la garde exclusive de l’enfant au parent ravisseur.

Au Japon, le partage de l’autorité parentale et la garde alternée n’existent pas. De plus, l’exercice du droit de visite dépend du bon vouloir du parent qui a la garde de l’enfant. Il suffit en effet à ce dernier de dire à son ex-conjoint que l’enfant est malade ou ne veut pas le voir pour annuler une visite. Il suffit effectivement de faire pression sur l’enfant. On m’a raconté le cas d’un enfant qui certes rencontrait son père, mais en lui tournant le dos. Des parents n’ont pas vu leurs enfants pendant plusieurs années.

Lors des kidnappings, c’est presque toujours le même scénario qui se répète. Le parent ravisseur profite de l’absence de l’autre parent pour vider le logement. Il se réfugie ensuite chez ses parents avant d’accuser son conjoint de violences conjugales. Au Japon, une simple déclaration suffit et aucune enquête n’est menée. Selon une artiste japonaise que j’ai rencontrée et dont les enfants ont été enlevés par son ex-époux, le Japon a un gros problème avec les fausses accusations de violence domestique. Il peut s’agir simplement de paroles ou d’un geste.

Lorsque le couple est établi à l’étranger, l’enlèvement a généralement lieu lors du séjour temporaire au Japon de l’un des parents. À cet égard, je condamne fermement les propos qui ont été tenus par un groupe d’avocats japonais à l’occasion d’un séminaire organisé à Paris le 15 mai 2018. Ces avocats avaient alors expliqué à des Japonais résidant en France comment « légaliser » l’enlèvement d’un enfant depuis notre territoire.

Nous ne savons pas précisément combien d’enfants japonais se trouvent actuellement privés de tout contact avec l’un de leurs parents. Au Japon, l’on estime à 150 000 le nombre d’enfants concernés chaque année. Parmi ces derniers figurent de nombreux enfants binationaux. Les plus nombreux sont des enfants américano-japonais. Pour ce qui est des enfants franco-japonais, onze dossiers sont actuellement suivis par le Quai d’Orsay. Ce nombre relativement faible ne reflète cependant pas la réalité. En effet, de nombreux cas n’ont pas été portés à la connaissance des autorités diplomatiques et consulaires, soit parce que le parent concerné ignore qu’il peut s’adresser au consulat, soit parce qu’il cherche à négocier un accord amiable avec le parent japonais et souhaite donc rester « en dessous des radars ».

Depuis 2011, quelques avancées ont été enregistrées. En 2014, le Japon a adhéré à la convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. L’entrée en vigueur de cette convention n’a malheureusement pas permis de résoudre certaines situations douloureuses, qui persistent par des pratiques installées dans les mœurs, mais aussi par l’application de la législation japonaise en matière de droit de la famille.

Des décisions judiciaires prises en vertu de la convention de La Haye ne sont pas exécutées ou le sont difficilement. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les décisions rendues par les juges civils japonais ne peuvent pas faire l’objet d’une exécution forcée, la police nippone n’étant pas compétente pour intervenir dans les affaires familiales. Autrement dit, le juge s’est prononcé et il ne se passe rien !

Les ambassadeurs des États membres de l’Union européenne représentés au Japon ont, dans une démarche commune, signalé à plusieurs reprises au gouvernement nippon « l’importance de l’exécution des décisions des tribunaux japonais ». Au regard de ce constat, il apparaît nécessaire d’encourager les autorités japonaises à prendre des mesures urgentes pour garantir le respect des droits fondamentaux des enfants, notamment franco-japonais, au centre d’un conflit parental.

Le Président de la République s’est engagé à agir en faveur des parents qui vivent ces situations de détresse et en a parlé au Premier ministre lors de sa visite officielle au Japon au mois de juin dernier. J’espère qu’il sera répondu favorablement à sa demande de rétablir en particulier le comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental, qui permettait une fois par an de recenser et de discuter des différents cas. Au moins un échange était-il maintenu.

D’autres chefs d’État ont interpellé les autorités japonaises. Des mesures préventives ont été prises récemment par l’Allemagne et l’Italie. Ces deux pays ont en effet dernièrement modifié la fiche consacrée au Japon qui figure sur le site internet de leur ministère des affaires étrangères. Il serait, à mon sens, opportun que le Quai d’Orsay en fasse de même dans ses conseils aux voyageurs.

Enfin, je me réjouis de constater que des eurodéputés commencent à s’emparer du sujet, cela d’autant plus que la Haute Assemblée a récemment adopté une résolution européenne et un avis politique visant à faire en sorte que l’Union européenne s’exprime avec force et d’une seule voix. Je forme le vœu que le Parlement européen adopte rapidement, peut-être ce mois-ci, une proposition de résolution allant dans le même sens que celle que nous allons, je l’espère, adopter à l’issue de ce débat.

Le texte que je soumets aujourd’hui à votre approbation, mes chers collègues, n’a nullement pour objet de remettre en cause la souveraineté du Japon. J’ajoute que je suis, à titre personnel, un admirateur de la culture, de l’histoire et de la société japonaise en général. Nous sommes donc mus par des sentiments d’amitié et souhaitons voir le Japon évoluer dans le sens que nous indiquons.

Ce texte vise surtout à soutenir les efforts diplomatiques déployés par la France et ses partenaires européens. À cet égard, je tiens à remercier notre ambassadeur à Tokyo et son équipe de leur implication dans ce dossier particulièrement complexe et douloureux.

Je tiens aussi à saluer le travail mené par les associations, notamment l’association Sauvons nos enfants Japon, qui apporte un indispensable soutien humain et juridique aux parents privés de tout contact avec leurs enfants.

Permettez-moi enfin de remercier mes soixante-dix-sept collègues cosignataires de cette proposition de résolution.

Pour conclure, je souhaite vous informer que notre vote est très attendu par les associations japonaises de défense des parents en situation de divorce ou de séparation. Leurs membres se sentent ostracisés et sont souvent accusés de ne pas être de « bons Japonais » ; ils rasent les murs. Ils sont donc relativement peu actifs.

Notre vote est également attendu par des parlementaires japonais, de la majorité comme de l’opposition, qui cherchent à faire évoluer la législation nippone. Plusieurs d’entre eux m’ont dit vouloir s’appuyer sur nos résolutions pour faire valoir leur point de vue auprès de leurs collègues et du gouvernement Abe, même si ce n’est pas si facile.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de la présente proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. « Je ne peux plus penser à mon fils, le regarder en photo, cela me fait trop mal, j’ai appris à l’oublier » : telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les paroles insoutenables de Stéphane Lambert, père français dont l’enfant a été enlevé par sa mère en 2015. Ce témoignage traduit l’importance du sujet qui nous réunit aujourd’hui. Il traduit aussi la situation de nombreuses Françaises et de nombreux Français faisant face à des situations d’enlèvement parental.

Je souhaite remercier le groupe La République En Marche de nous permettre de nous exprimer sur le sujet, en particulier Richard Yung. Chacun, dans cet hémicycle, sait l’engagement et le dévouement dont il fait preuve depuis des années aux côtés des parents confrontés à cette situation.

Je souhaite également saluer la commission des affaires européennes du Sénat ainsi que Véronique Guillotin pour leur travail conjoint. Un rapport et une proposition de résolution européenne traitant des enlèvements d’enfants euro-japonais par leur parent japonais ont dégagé des pistes de réflexion. Les institutions européennes ont d’ailleurs été saisies de ce sujet.

La proposition d’une nouvelle rencontre entre ambassadeurs des États membres de l’Union européenne et les autorités japonaises, formulée dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui, est à mes yeux essentielle. Nous devons développer un dialogue constructif sur ce point.

En effet, ce problème, qui n’est pas nouveau, ne constitue pas non plus une particularité française. De nombreux pays, à commencer par les États-Unis, y sont également confrontés. Des ressortissants italiens, australiens, ou encore britanniques font face à ce traumatisme. Ce fait concerne des dizaines de milliers d’enfants par an.

La bataille juridique qu’imposent ces situations est très souvent vécue comme un parcours du combattant pour le parent souhaitant retrouver son enfant. De nombreuses actions ont été menées dans le monde : récemment, un cabinet français a porté ce sujet devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

La proposition de résolution que nous étudions aujourd’hui retrace les particularités du droit de la famille japonaise. Nous l’avons déjà souligné, la non-reconnaissance de l’autorité parentale partagée, d’une part, l’impossibilité d’un droit de garde alternée, d’autre part, en sont les deux points clés. Le principe de continuité, aussi mis en exergue, s’ajoute aux difficultés.

À cela, la résolution oppose un champ lexical ne laissant aucun doute sur la nature du problème et les effets sur les enfants concernés, qui « se retrouvent privés d’une part essentielle de leur identité », souffrent d’un « déficit affectif susceptible de nuire à leur développement personnel », alors que doit primer l’« intérêt supérieur de l’enfant ».

Des évolutions récentes dans le droit japonais ont été saluées dans le cadre de cette proposition de résolution : elles vont dans le bon sens malgré l’identification de certaines limites. Il reste en effet encore beaucoup à faire, et nous observons que les trois points que je viens d’évoquer – l’autorité parentale, la garde alternée et le principe de continuité – ne sont pas concernés par l’évolution de la loi. Or ils représentent une partie de la solution.

Je tiens à saluer quelques suggestions précises de la proposition de résolution qui me semblent aller dans le sens de l’intérêt des enfants et de la défense de leurs droits fondamentaux.

La première, découlant du nécessaire dialogue entre la France et le Japon, vise la création d’un poste de magistrat de liaison à l’ambassade de France au Japon. Cette liaison me semble primordiale, d’autant plus qu’un tel magistrat existe déjà auprès de l’ambassade du Japon en France. Ce serait un moyen supplémentaire de faciliter la gestion de divers cas entre nos deux pays.

La deuxième suggestion est le rétablissement du comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental. Ce comité n’est plus actif depuis 2014, mais il pourrait permettre un dialogue plus constructif et plus efficace.

Enfin, le dernier point de cette proposition de résolution que je souhaite mettre en avant est la sensibilisation de nos magistrats. Les conflits de droit international privé sont très complexes, et nous devons prendre en compte tous leurs aspects.

D’autres points de ce texte auraient pu être soulevés. Il est important que cette question soit abordée de manière régulière aux échelons européen et international. Je suis convaincu que la création d’une liste européenne des pays qui ne respectent pas leurs obligations relatives à la convention de La Haye serait une bonne chose.

Les droits fondamentaux des enfants et des parents doivent être respectés et préservés. Le lien des enfants avec leurs parents est à bien des égards une nécessité et participe au bien-être de tous. La France et le Japon, dont les liens sont forts depuis de nombreuses années, doivent poursuivre leurs efforts de dialogue pour trouver des solutions aux problèmes des enlèvements parentaux.

Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi résolution et forme le vœu que, dans les différentes situations où se trouvent les parents et les enfants franco-japonais, l’on s’oriente vers le respect des droits de chacun. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en préambule, j’associe à cette intervention M. Olivier Cadic, sénateur des Français de l’étranger qui, durant plusieurs années, a porté ce combat avec détermination.

Une affaire récente a particulièrement marqué l’opinion française. Ce fait divers est aujourd’hui connu de tous : initialement, il s’agit d’une histoire familiale, donc personnelle et intime, mais elle s’est soldée par un déchirement humain et un écho médiatique retentissant.

Après son mariage en 2008 à Toulouse, un couple décide de s’installer au Japon. En 2015, son fils, Louis Kudo-Verhoeven, naît à Tokyo. Deux ans plus tard, alors qu’elle est en France avec son fils, la mère souhaite divorcer et ne plus rentrer au Japon.

Le 26 décembre dernier, le petit Louis, âgé de 4 ans, est reparti dans sa terre natale, après une demande de retour de son père. Le départ a eu lieu entouré de gendarmes et sous l’œil des caméras. La mère de Louis – française – a pourtant apporté les preuves qu’elle n’aurait vraisemblablement plus la possibilité de voir son fils jusqu’à la majorité de celui-ci, fixée au Japon à 20 ans.

En effet, elle ne possède pas de visa lui permettant de résider au Japon, la législation nippone étant extrêmement restrictive en termes d’obtention de ce type de document, notamment durant une procédure de divorce.

De plus, l’autorité parentale partagée n’existant pas en droit japonais et l’autorité exclusive ayant été octroyée par la justice au père japonais, la mère de Louis ne pourra très probablement pas bénéficier d’un titre de séjour en qualité de parent, puisque ce statut est directement lié à l’autorité parentale.

En un mot, la situation est inextricable.

Louis risque donc de se voir coupé de tout lien avec sa mère et sa famille française, alors même qu’il était scolarisé en France et menait une vie tranquille et sans histoire, que tous les enfants de 4 ans devraient avoir.

Louis n’est malheureusement pas le seul enfant dans ce cas, et les médias font régulièrement état de la situation de parents désespérés, en France, mais aussi chez nos voisins.

Une telle séparation « légale » d’un parent et de son enfant constitue un véritable traumatisme pour toutes les personnes impliquées, en premier lieu pour les enfants eux-mêmes.

Mes chers collègues, nous ne pouvons plus permettre que de tels drames continuent à avoir lieu.

Je remercie Richard Yung de son initiative afin que le Gouvernement agisse pour trouver des solutions avec le Japon. Je sais que son combat est ancien ; je veux l’assurer de tout le soutien du groupe socialiste dans sa démarche.

En visite au Japon le 27 juin 2019, le Président de la République, Emmanuel Macron, s’est engagé à agir en faveur de ces pères français et, plus largement, des parents non japonais. Il a évoqué les « situations inacceptables » vécues par des enfants binationaux et leur parent français avec le Premier ministre japonais, Shinzo Abe.

Nous saluons cette prise de position officielle, car le besoin concret de la France se fait sentir, afin que parents et enfants ne soient plus privés les uns des autres.

Le Japon est un pays ami, un allié, avec lequel ont été passés de très nombreux accords dans tous les domaines, des échanges commerciaux à la fiscalité en passant par la sécurité sociale. Dès lors, pourquoi est-il si difficile de s’entendre sur ce sujet si sensible pour les familles concernées ?

Le plus absurde est que ces drames perdurent malgré la ratification par le Japon, le 24 janvier 2014, de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, puis la création, à Tokyo, d’une autorité centrale chargée d’assister les parents d’enfants enlevés. En effet, c’est sur une adaptation en droit japonais de la convention de La Haye, favorable aux parents japonais, que se fondent les décisions des juridictions nippones.

À cela s’ajoute l’incapacité de la justice à faire appliquer les rares ordonnances de retour qui ont été prononcées à ce jour. Il est impératif que les jugements français soient respectés par les juridictions japonaises, et que les divorces prononcés par les tribunaux français soient intégralement retranscrits là-bas.

Le ministère des affaires étrangères a plusieurs fois indiqué qu’une réflexion spécifique aux conflits familiaux au Japon était menée en lien avec les autorités japonaises, afin d’explorer les possibilités de faciliter la résolution de ces situations douloureuses.

Il s’agit d’obtenir des autorités japonaises la mise en place d’une instance de dialogue ad hoc, fonctionnant sur le modèle de celle qui a été créée en 2009, puis supprimée après l’adhésion du Japon à la convention de La Haye en 2014.

Où en est-on de cette réflexion, madame la ministre ?

Bien sûr, la France n’est pas le seul pays concerné par de telles situations. Au mois de janvier 2018, dans le cadre du rapport du groupe de travail des Nations unies sur l’examen périodique universel sur le Japon, le Canada et l’Italie ont questionné le Japon sur la mise en place de ces mécanismes juridiques le contraignant à faire respecter le droit de visite et permettant d’entretenir des liens réguliers avec les deux parents. Au mois d’avril suivant, les États-Unis ont inscrit le Japon dans la liste des pays qui ne respectent pas la convention de La Haye de 1980.

Malgré ces actions symboliquement fortes, la situation ne s’améliore pas – ou si peu ! La mention d’une coopération européenne dans la proposition de résolution est donc la bienvenue. Il nous faut en effet peser de tout notre poids diplomatique pour qu’une solution soit trouvée le plus rapidement possible. Nous espérons vivement que le Gouvernement se saisira véritablement de la question, afin que cette initiative soit suivie d’effets. Nous soutiendrons évidemment cette proposition de résolution, mais nous resterons vigilants quant aux suites qui y seront données. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacky Deromedi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord M. Richard Yung d’avoir présenté une proposition de résolution relative aux difficultés rencontrées par les parents français d’enfants franco-japonais.

Que se passe-t-il en cas de divorce ou de séparation de couples franco-japonais ? La réponse est simple : lorsque les enfants sont emmenés au Japon par le parent japonais, le parent français court le risque de ne plus jamais les revoir. En effet, selon les principes du code civil japonais, l’autorité parentale partagée n’est pas reconnue. Traditionnellement, le foyer est constitué des deux parents et du ou des enfants. Si le couple divorce, l’enfant n’« appartient » plus qu’à un des deux parents.

Contrairement à la France, les tribunaux japonais refusent de reconnaître les jugements de divorce prononcés à l’étranger. Ils n’hésitent pas à réattribuer la garde et l’autorité parentale au parent japonais lorsqu’il a enlevé les enfants et les a ramenés au Japon, même si un tribunal français les avait précédemment placés sous la responsabilité de l’autre parent.

Lorsque ces faits d’enlèvement se produisent à l’intérieur même du Japon, les juges protègent les parents japonais et entérinent les enlèvements.

En outre, le droit de visite ne fait pas partie des mœurs du pays. Lorsqu’un parent français l’obtient, ce droit demeure très sévèrement encadré et soumis au bon vouloir du parent japonais.

Par ailleurs, les autorités japonaises ne mettent pas en œuvre les ordres de retour d’enfants binationaux dans un autre pays. Les agents chargés de la mise en exécution des ordonnances de retour refusent d’intervenir rapidement et par la force dans ces affaires civiles et familiales au motif qu’elles relèvent de la vie privée. Le 21 décembre, la Cour suprême du Japon a même annulé plusieurs ordonnances de retour préalablement rendues en faveur de James Cook, un Américain, père de quatre enfants enlevés par leur mère japonaise, ce qui donne un redoutable signal aux parents privés de leurs enfants.

La loi japonaise ne punit pas l’enlèvement parental.

Le Japon n’applique pas l’article 9-3 de la convention relative aux droits de l’enfant, dite convention de New York, qu’il a signée le 22 avril 1994 – voilà quinze ans ! Or cet article dispose : « Les États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. »

Les parents français qui tentent de faire reconnaître leurs droits sont parfois arrêtés pour harcèlement, éventuellement soupçonnés de tentative d’enlèvement de l’enfant et placés en garde à vue pendant de nombreux jours. Certains ont été tellement désespérés de ne pouvoir entrer en contact avec leurs enfants qu’ils en sont venus au suicide.

Le drame d’Arnaud Simon a ému la communauté franco-japonaise. L’ambassadeur Philippe Faure a publié le communiqué suivant : « M. Simon avait fait part récemment à la section consulaire de notre ambassade à Tokyo des difficultés qu’il éprouvait pour rencontrer son fils, et il est très probable que la séparation d’avec son enfant a été un des facteurs déterminants d’un geste aussi terrible. Ceci nous rappelle à tous, s’il en était besoin, la souffrance des 32 pères français et des 200 autres cas étrangers, recensés par les autorités consulaires comme étant privés de fait de leurs droits parentaux. »

Lors de sa visite officielle au Japon, le président Macron a rencontré les parents français dont les enfants franco-japonais ont été enlevés par leur parent japonais. Il a déclaré : « Il y a un droit japonais, qui est très différent du nôtre, mais il y a des situations de détresse qui sont absolument inacceptables. [Nous ferons] tout pour être aux côtés de [ces parents]. » Il a précisé avoir évoqué ce problème avec le Premier ministre japonais, Shinzo Abe.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser le résultat de ce soutien présidentiel ? Par-delà les formules diplomatiques, y a-t-il eu des résultats concrets ?

Il est essentiel que nos consulats dispensent le maximum d’informations aux nouveaux résidents au Japon sur les spécificités de la loi japonaise en matière de divorce et d’autorité parentale.

Je salue la mobilisation exceptionnelle de nos trois conseillers consulaires, Thierry Consigny, Evelyne lnuzuka et François Roussel, pour sensibiliser et accompagner nos compatriotes.

Plusieurs associations, telles que Sauvons nos enfants Japon et SOS Parents Japan, effectuent un intense travail de sensibilisation politique et médiatique. Allez-vous, madame la ministre, soutenir l’action méritoire de ces associations ? Elles défendent en effet une cause juste : la détresse de parents privés à vie de leurs enfants.

Ce texte transpartisan propose de bonnes solutions. Je l’ai donc cosigné, et bien évidemment, je le voterai. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et La REM.)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution vise à résoudre une question difficile à plus d’un titre : difficile, car elle touche aux droits des enfants, en l’occurrence des enfants issus de couples franco-japonais qui, à la suite d’un divorce ou d’une séparation, se retrouvent privés de tout contact avec leur parent français ; difficile également, car elle relève de la souveraineté d’un État aux traditions juridiques et culturelles bien différentes de celles que nous connaissons dans nos sociétés occidentales.

En effet, j’ai pu le mesurer lors de mes déplacements au Japon et au cours de mes échanges avec des parlementaires japonais, le gouffre culturel d’abord, judiciaire ensuite, qui nous sépare dans le traitement de ces affaires familiales est réel et profond. J’ai souvent été très surprise de constater que ces situations étaient tout à fait normales pour de nombreux Japonais, qui ne parvenaient pas à mesurer notre incompréhension devant ce qui représente pour nous une injustice flagrante.

C’est un point que j’estime important : ces séparations douloureuses ne concernent pas seulement les couples binationaux ; elles sont au contraire profondément inscrites dans la société japonaise et touchent en premier lieu les familles japonaises, dont les séparations, lorsqu’elles ont lieu, sont, de notre point de vue, aussi violentes.

Cette différence culturelle qui nous oblige à la prudence pour ne pas heurter la sensibilité de la partie japonaise, ne doit cependant pas nous empêcher de défendre avec force le droit de nos ressortissants. Je tiens à rendre hommage aux associations comme Sauvons nos enfants Japon, dont l’engagement continu auprès des parents français doit être salué.

Le Sénat a toujours été sensible à cette question ; en 2011 déjà, nous avions adopté à l’unanimité une proposition de résolution destinée à appeler l’attention des autorités nippones sur la nécessité de reconnaître aux enfants franco-japonais au centre d’un conflit parental le droit de conserver des liens avec chacun de leurs parents.

Notre diplomatie joue également un rôle important. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a multiplié les interventions, tout comme notre poste diplomatique au Japon, dont l’action auprès de nos ressortissants et de la partie japonaise est plus que précieuse.

Néanmoins, il serait important qu’à l’avenir les visites consulaires soient rendues réellement effectives. En effet, actuellement, lorsqu’un enfant français est retenu au Japon, l’ambassade française peut uniquement solliciter une visite auprès du parent japonais, qui est libre de la refuser, ce qui, malheureusement, se produit dans la majorité des cas.

D’autres États sont touchés et tentent, eux aussi, de sensibiliser le Japon à cette question. Je pense notamment aux États-Unis, dont la Chambre des représentants a adopté une résolution en 2010 et dont le département d’État a, en 2018, choisi de classer le Japon parmi les pays qui ne se conforment pas aux obligations qui leur incombent en vertu de la convention de La Haye.

L’Organisation des Nations unies, par l’intermédiaire de son comité des droits de l’enfant, s’est également penchée sur les manquements du Japon à ses obligations conventionnelles et a fait récemment, le 1er février 2019, des recommandations aux autorités japonaises.

Toutes ces démarches ne sont pas restées vaines, et le Japon a dernièrement pris des mesures qui, si elles ne sont pas spectaculaires, vont au moins dans le bon sens. Nous devons donc continuer ce combat, et je souscris pleinement à la demande exprimée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères de rétablir le comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental, qui avait été institué en 2009 et qui avait cessé ses travaux au mois de décembre 2014 à la suite de l’adhésion du Japon à la convention de La Haye.

L’instauration de ce comité, tout comme la création d’un poste de magistrat de liaison à l’ambassade de France au Japon, serait un pas important. En effet, pour prendre l’exemple d’un autre pays que je connais bien, je sais combien la mise en place d’un magistrat de liaison français en Allemagne, sur l’initiative d’Élisabeth Guigou, alors garde des sceaux, avait permis une meilleure compréhension du point de vue français en Allemagne. Cette mesure avait considérablement amélioré le traitement de la garde des enfants lors du divorce de couples franco-allemands.

Ce dialogue constant entre les deux parties et les mesures récentes prises par le Japon sont positifs et résultent peut-être aussi d’un changement de la société japonaise au sein de laquelle l’équilibre familial semble connaître une évolution, avec une plus grande implication des pères dans l’éducation de leurs enfants. Pour preuve, le ministre de l’environnement japonais, Shinjiro Koizumi, a annoncé mercredi 15 janvier son intention de prendre un congé de paternité, une décision symbolique qui va à l’encontre des conventions du monde du travail au Japon, mais dont il espère qu’elle donnera l’exemple à tous les pères de l’archipel.

Cette évolution lente des mentalités, tout comme notre action, permettra, je l’espère, à l’avenir de mettre un terme à ces drames humains qui brisent les familles. Récemment encore, nous avons pu mesurer, avec deux cas très médiatisés, l’ampleur de ces drames.

Les orateurs précédents l’ont évoqué, Louis, âgé de 4 ans, né d’un père japonais et d’une mère française, a quitté Salles-d’Aude le 26 décembre dernier sur décision de justice pour vivre au Japon avec son père. Sa mère a refusé jusqu’au bout de le laisser partir – mes collègues Roland Courteau et Gisèle Jourda connaissent bien ce drame, qui s’est produit dans leur département.

Scott McIntyre, un journaliste australien, vient, lui, de passer quarante-cinq jours en détention pour avoir seulement tenté d’apercevoir sa fille et son fils.

On peut mesurer les conséquences de ces séparations sur la santé d’un jeune enfant et le traumatisme qu’elles peuvent entraîner à court et à moyen terme. Bien souvent, elles s’accompagnent d’un bannissement total de l’autre culture, de l’autre langue, et coupent l’enfant de ses racines culturelles.

C’est pour tenter de mettre fin à ces drames que le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de résolution, dont je salue l’équilibre et la justesse. Enfin, je tiens à remercier mon collègue Richard Yung de son travail de longue date sur cette délicate question. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, neuf ans après l’adoption par le Sénat d’une proposition de résolution sur la situation des enfants franco-japonais privés de l’un de leurs parents à la suite d’un divorce ou d’une séparation, force est de constater que ce dossier demeure toujours très sensible.

L’actualité se fait régulièrement l’écho de la détresse de ressortissants français privés de leur enfant consécutive à un enlèvement ou à la non-exécution d’une décision de justice. Des cas de déchirement familial conduisent parfois au pire, certains parents ne trouvant pas d’autre issue que celle du suicide. D’autres risquent la prison en essayant de renouer le lien avec leur enfant, comme ce fut le cas d’un journaliste australien incarcéré après avoir tenté d’apercevoir ses enfants qu’il n’avait pas vus depuis plusieurs mois. Selon l’association Sauvons nos enfants Japon, près d’une centaine d’enfants seraient privés de contact avec leur parent français.

Aussi, certains collègues représentant les Français établis hors de France sont très actifs sur cette problématique – à cet égard, je remercie Richard Yung d’avoir déposé une nouvelle proposition de résolution. Je salue leurs initiatives pour faire avancer la coopération franco-japonaise sur les droits de ces enfants et de ces parents emportés dans un profond désarroi.

En 2011 déjà, lors du débat en séance publique sur la proposition de résolution précitée, j’avais souligné à quel point la combinaison de la culture japonaise et des standards judiciaires de l’archipel pouvait offrir un cadre favorable au parent japonais. Sur le plan culturel, si la France et le Japon ont en commun le respect des valeurs de liberté et de démocratie, ils n’ont cependant pas la même conception de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Au Japon, la maison est vue comme entité de la famille et considérée comme un pôle de stabilité sanctuarisé, un point d’ancrage important pour l’enfant, qui doit donc y demeurer coûte que coûte. La justice nipponne s’inscrit dans cette tradition de continuité, héritée de l’ère Meiji qui prévoit, en cas de séparation, que l’un des parents sorte de la famille, donc de la maison.

Nos concitoyens concernés par une séparation avec un ressortissant japonais en mesurent concrètement les conséquences. La proposition de résolution le rappelle : le droit nippon de la famille « ne reconnaît ni le partage de l’autorité parentale, ni la garde alternée ».

En France, l’équilibre d’un enfant passe par le lien continu avec ses deux parents, le maintien du contact affectif et relationnel étant considéré comme un facteur du bien-être psychique et moral de l’enfant. Nos juges tentent de le permettre du mieux possible.

Ces deux réalités pourraient paraître irréconciliables, d’autant plus que nous sommes tenus de respecter la souveraineté du Japon.

Cependant, le Japon a montré des signes d’ouverture. Dans la résolution du 25 janvier 2011, nous appelions Tokyo à adhérer à la convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. C’est chose faite depuis 2014. Cette adhésion est censée apporter des garanties en matière de droit de garde et de droit de visite.

Comme cela a été rappelé par certains collègues, un espoir se fonde sur la loi relative à l’exécution des décisions en matière civile, adoptée par le Parlement japonais le 10 mai 2019 et qui pourrait améliorer aussi les conditions de la remise de l’enfant au parent détenteur de l’autorité parentale.

Malgré ces avancées, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies l’a reconnu, le Japon ne répond pas encore à ses obligations conventionnelles, en particulier en ce qui concerne les déplacements et les non-retours illicites d’enfants, ou encore les cas de déplacement d’enfants à l’intérieur du territoire japonais sans dimension d’extranéité. À cet égard, la présente proposition de résolution évoque à juste titre le défaut d’exécution d’ordonnances de retour en application de la convention de la Haye.

Dans l’intérêt de ces enfants, il convient donc d’amplifier les démarches en direction du Japon. La mobilisation du Président de la République sur ce dossier lors de sa visite officielle au Japon, en juin dernier, mérite d’être soulignée. Elle pourrait bien encourager le rétablissement du comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental ; ainsi, tous les cas qui ne sont pas couverts par le droit international actuel pourraient être traités. Nous savons que le Gouvernement œuvre à la réactivation de cette instance qui a, hélas, cessé de fonctionner en 2014.

Enfin, je rappellerai la nécessité de mutualiser les actions diplomatiques avec les pays concernés par la question des enfants binationaux privés de tout lien avec leur parent non japonais. La France n’est pas seule. Le Sénat a adopté, le 18 décembre dernier, une proposition de résolution européenne, dont ma collègue Véronique Guillotin était rapporteure, qui va dans ce sens en appelant l’Union européenne à accentuer sa politique de protection des enfants qui se trouvent au centre d’un conflit parental. Mon groupe avait bien entendu soutenu ce texte.

Aujourd’hui, animés par le même souci de contribuer à la protection de l’intérêt des enfants binationaux, tous les membres du RDSE approuveront la proposition de résolution qui nous est soumise. Dans un monde de plus en plus cosmopolite où se multiplient les couples binationaux, le droit international et la coopération judiciaire doivent se mettre à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et LaREM. Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier Richard Yung de nous sensibiliser, au travers de cette proposition de résolution, au drame humain que constitue l’enlèvement d’enfants franco-japonais et de tenter de le résoudre.

Chaque année, des milliers d’enfants sont victimes soit d’un enlèvement international commis par leur parent japonais, soit d’un enlèvement parental à l’intérieur du Japon. Il y a donc urgence à agir, malgré des difficultés certaines.

Depuis l’adoption par notre chambre, en 2011, d’une proposition de résolution visant à permettre aux parents français d’enfants franco-japonais de maintenir le lien familial en cas de séparation ou de divorce, il faut reconnaître que le Japon a fait quelques petites avancées. Je pense notamment à l’autorisation de la remise de l’enfant en l’absence du parent ayant perdu l’autorité parentale. Cette loi entrerait en vigueur en avril prochain.

Restent toutefois de nombreux obstacles à franchir. Il paraît en effet difficile de concilier correctement les obligations énumérées dans la convention de La Haye sur la protection de l’enfant et certaines dispositions propres à la législation japonaise en la matière.

Les parents qui subissent cette situation de rupture familiale – cela a déjà été évoqué – se heurtent à la double impossibilité de la garde alternée et du partage de l’autorité parentale. Ils sont également confrontés au principe de continuité, qui n’est pas inscrit dans la loi, mais qui a pour conséquence que les juges attribuent la garde de l’enfant presque exclusivement au parent ravisseur. Voilà trois principes propres au Japon qui nous posent des difficultés, mais sur lesquels le Japon n’entend a priori pas revenir.

À mon sens, cette situation révèle que le Japon, comme beaucoup de pays encore, est un régime patriarcal où les traditions sont parfois plus fortes que la loi. Les lois sont d’ailleurs rarement en faveur des femmes et, dans le cas présent, des mères de famille : ce n’est que mon avis personnel.

La seule solution légale, mentionnée très justement dans la proposition de résolution, est la meilleure information des magistrats français. Cela est certes nécessaire et évident à nos yeux, mais paraît bien dérisoire.

De plus, il importe de réactiver des outils diplomatiques tels que le comité consultatif franco-japonais mis en veille depuis décembre 2014. Cet organe permettait de manière effective à des parents, pour des enlèvements perpétrés avant 2014, de retrouver leur enfant et de maintenir un dialogue constant avec les autorités japonaises. Cette mesure s’inscrirait dans la suite de l’installation d’un magistrat de liaison à l’ambassade du Japon en France.

Reste donc la voie diplomatique. C’est logiquement dans cette optique que se situe cette proposition de résolution. Il s’agit de tenter de résoudre ces situations extrêmement dramatiques au cas par cas.

Qu’il me soit permis, mes chers collègues, de faire un lien entre cette proposition de résolution et l’une des propositions de mon groupe : l’examen de ce texte démontre une nouvelle fois toute la nécessité d’une délégation parlementaire aux droits des enfants. On parle des traités internationaux et des lois nationales, mais une telle délégation, au Sénat ou à l’Assemblée nationale, me semble de plus en plus nécessaire. Je regrette que la Haute Assemblée ne se soit pas saisie de notre proposition de créer une telle instance.

Cela dit, nous voterons cette proposition de résolution équilibrée, très utile, et propre à améliorer la situation de ces parents et de leurs enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR et LaREM. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne déposée par notre collègue Richard Yung a été cosignée par de très nombreux sénateurs de tous bords, comme il l’a souligné lui-même. C’est parce qu’elle fait écho à des situations humaines aussi injustes que dramatiques face auxquelles, quelle que soit notre appartenance politique, nous ne pouvons rester insensibles.

Geoffroy Didier, député européen, vient de saisir Josep Borrell, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, sur l’affaire des enfants binationaux européano-japonais se retrouvant au centre d’un conflit familial au Japon.

Il n’est en effet plus possible de se taire lorsque les citoyens européens, qu’ils soient Français ou ressortissants d’un autre État membre de l’Union, subissent au Japon des atteintes graves à leurs droits, en particulier quand il est question des droits primordiaux des enfants.

Le cas des enfants de parents européen et japonais est un triste exemple : nombre d’entre eux sont maintenus de force au Japon et privés de leur lien avec leur parent européen à la suite d’un enlèvement par leur parent japonais.

Certains parents européens se retrouvent en garde à vue, alors qu’ils souhaitaient simplement revoir leur enfant. L’actualité récente a mis en lumière les conditions de détention dans ce pays !

Le Japon ne respecte pas l’accord de partenariat stratégique qu’il a pourtant signé avec l’Union européenne en 2018. Cet accord visait notamment à promouvoir la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

La loi japonaise prévoit, dans le meilleur des cas, un droit de visite de deux heures par mois. Comment peut-on maintenir un lien affectif réel avec son enfant dans ces conditions ?

Par ailleurs, la loi ne prévoit le partage ni de la garde ni de l’autorité parentale, interrompant de facto le lien juridique de l’enfant avec l’un de ses deux parents, et ce au mépris de la convention de La Haye et de la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, traités que ce pays a pourtant ratifiés.

Les ambassadeurs européens ont maintes et maintes fois interpellé les autorités japonaises, le Premier ministre Abe comme le ministre de la justice, sans résultat.

La situation est tellement scandaleuse que l’association Sauvons nos enfants Japon a lancé une pétition auprès du Parlement européen, laquelle sera d’ailleurs examinée par les députés européens le 19 février.

D’autres initiatives fleurissent de toutes parts pour dénoncer ces situations aussi douloureuses que scandaleuses. Précisons que certains Japonais eux-mêmes ont assigné leur propre gouvernement en justice.

En sept ou huit ans, plus de 300 parents français et plus de 2 000 parents européens, vivant pour la plupart au Japon, ont fait la douloureuse expérience d’un enlèvement parental dans ce pays.

Cela étant, la France a permis à un parent japonais d’exercer ses droits en rapatriant le jeune Louis au Japon contre l’avis de son parent français, alors que l’inverse ne s’est jamais produit lorsque le parent japonais s’y oppose.

Je soutiens donc évidemment la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui et dont je suis cosignataire.

Elle fait partie des nombreuses initiatives de députés et sénateurs relatives aux enfants franco-japonais victimes d’un enlèvement parental.

Notre conseiller consulaire au Japon, M. Thierry Consigny, qui est aussi président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée des Français de l’étranger, attire régulièrement notre attention sur ces drames familiaux.

Je m’associe à la détresse des parents et demande qu’un terme soit mis à l’injustice que subissent nos ressortissants français et européens, comme des centaines de milliers de Japonais.

Je voterai donc cette proposition de résolution, en espérant un vote unanime de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et LaREM.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le 25 janvier 2011, le Sénat a adopté deux propositions de résolution traitant des enfants franco-japonais.

Malheureusement, tragiquement pour nos compatriotes adultes et enfants, la situation n’a pas encore connu d’avancées véritablement significatives.

Le sujet est difficile, douloureux et diplomatiquement délicat, puisque nous sommes défavorables à toute proposition renfermant une quelconque injonction vis-à-vis d’un pays tiers.

Néanmoins, il nous paraît indispensable que la diplomatie française poursuive ses actions chaque fois que cela est possible, comme cela fut le cas en mai et en octobre dernier.

La France a une relation historique privilégiée avec le Japon : nous avons une tradition d’amitié ancienne, précieuse et forte. Cette relation est marquée par une compréhension et un respect mutuels qui doivent nous permettre de dépasser les différences de législation et, surtout, les divergences dans l’application des décisions en matière de droit de la famille.

Chacun connaît et mesure la souffrance, le désarroi et le parcours du combattant des pères français empêchés d’exercer leur droit de visite en cas de désaccord avec leur ex-conjointe. Ils sont confrontés à une double difficulté.

Tout d’abord, ni le code civil nippon ni les registres familiaux – les koseki – ne reconnaissent en tant que tel le droit des pères. Je tiens à rappeler que les séparations familiales restent une problématique entière au Japon.

Par ailleurs, il n’existe pas de mesure coercitive en cas de non-respect du droit de visite. De fait, la justice japonaise n’est pas compétente pour intervenir dans ces affaires. Ce n’est possible que si la décision d’exécution est prise par un juge aux affaires familiales japonais, ce qui est très rare, voire inédit, et souvent très onéreux.

Je veux redire tout notre soutien à ces pères privés d’enfants, dont il ne faut pas oublier que certains se sont donné la mort.

Je souhaite aussi, à cet instant, que nous ayons en tête les enfants qui se retrouvent privés de leur autre parent, privés de leurs autres racines. Nous ne pouvons pas les abandonner. Ils sont les premières victimes de ces drames familiaux.

Le Japon a adhéré en 2014 à la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, mais certains dossiers, parmi les onze que le Quai d’Orsay considère comme actifs, sont antérieurs et nécessitent d’autres leviers. C’est aussi le cas pour les déplacements d’enfants à l’intérieur du territoire japonais, sans dimension d’extranéité.

Au vu de la diversité juridique des cas autant que de la diversité culturelle en jeu, je pense qu’il est primordial de créer des structures d’échanges et de médiation et de les faire reconnaître de part et d’autre.

J’estime, de ce point de vue, que la réactivation du comité de consultation franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental est nécessaire, tout comme son élargissement à des personnalités qualifiées japonaises.

Il importe de créer les conditions d’un dialogue permanent, dans un cadre qui inclurait les spécificités juridiques des deux pays et qui garantirait le droit de l’enfant, conformément à la convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989.

Mes chers collègues, je voterai donc en faveur de cette proposition de résolution. Elle s’inscrit en soutien d’efforts que nos deux pays ont engagés, mais qui doivent être poursuivis et accélérés. Enfin, je souhaite surtout que nous puissions veiller au mieux au respect des droits des enfants. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et La REM.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord, au nom du Gouvernement, saluer l’initiative de M. Yung, qui porte devant la représentation nationale le sujet extrêmement sensible des enlèvements internationaux d’enfants et, plus précisément, celui des enfants binationaux enlevés par leur parent japonais.

C’est un monde qui vient séparer ces enfants de leur parent non japonais sans que la loi, hélas, parvienne à les protéger. Ces situations de très grande souffrance naissent et perdurent en raison d’une culture et d’un cadre juridique divergents par rapport à la France en matière familiale. Notons en particulier que le droit familial japonais ne reconnaît pas l’autorité parentale partagée en cas de divorce ou de concubinage.

Votre proposition de résolution, monsieur le sénateur, a deux objectifs auxquels le Gouvernement s’associe pleinement.

D’une part, il s’agit de s’assurer du respect des droits fondamentaux des enfants franco-japonais au centre d’un conflit parental, dans le respect de la souveraineté du Japon.

D’autre part, elle vise à réaffirmer le soutien des parlementaires aux parents français privés de tout contact avec leurs enfants.

Je tiens d’emblée à affirmer que cette situation est bien connue du Gouvernement et fait l’objet d’un suivi constant des services de la Chancellerie et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, que ce soit à Tokyo ou à Paris.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs – beaucoup parmi vous l’ont rappelé –, la France a sollicité officiellement, notamment dans une lettre adressée le 4 octobre dernier par le Président de la République au Premier ministre japonais, la réactivation d’un comité de dialogue ad hoc qui avait été mis en place bilatéralement avant l’entrée en vigueur au Japon de la convention de La Haye, ce pays l’ayant ratifiée en 2014.

Nous avons récemment relancé les autorités japonaises à ce sujet. Elles nous ont assuré qu’elles allaient rapidement examiner notre demande ; néanmoins, au moment où je vous parle, cela n’a pas encore été fait.

Par ailleurs, comme plusieurs orateurs l’ont également souligné, nous œuvrons pour que des actions soient menées à l’échelon européen. Je peux d’ores et déjà indiquer que la situation des parents européens privés de contact avec leurs enfants japonais a été abordée le mois dernier à l’occasion de la réunion du comité mixte chargé de la mise en œuvre de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et le Japon. Nous avons aussi demandé que cette question soit mise à l’ordre du jour du Conseil de l’Union européenne sur les questions consulaires, afin qu’une stratégie commune soit adoptée.

Eu égard à cette situation, et animés que nous sommes de la volonté d’agir, nous serons évidemment très attentifs à l’application dans les mois qui viennent de la nouvelle législation japonaise, qui devrait permettre l’exécution forcée des décisions de justice, en particulier des décisions concernant le retour en France de ces enfants, y compris lorsque le parent japonais s’y oppose. Nous attendrons de la part des autorités japonaises une exécution effective des décisions judiciaires de retour.

Nous sommes parfaitement conscients des difficultés que nous rencontrons actuellement pour faire appliquer la convention de La Haye au Japon. C’est pourquoi, de façon plus générale, il nous paraît indispensable de déployer tous les efforts nécessaires pour prévenir et combattre les déplacements et les non-retours illicites d’enfants, quels que soient les pays concernés.

Nous entretenons ainsi des relations et nous organisons des réunions régulières avec les pays avec lesquels nous disposons d’un instrument de coopération, qu’il s’agisse de la convention de La Haye ou de conventions bilatérales. Ces rencontres nous permettent de mener une coopération plus fluide et de régler les difficultés qui peuvent se présenter.

Nous avons donc, chaque année, des réunions avec l’ensemble des pays de l’Union européenne pour discuter de questions générales ou de dossiers individuels, ce qui nous permet dans un certain nombre de cas de lever des difficultés concrètes. Nous avons également des rencontres annuelles avec les principaux pays avec lesquels nous disposons d’une convention bilatérale, tels que l’Algérie, la Tunisie, ou encore le Maroc. Enfin, nous organisons des rencontres ou des visioconférences avec l’ensemble des autres pays, soit de façon régulière et institutionnalisée – tel est le cas pour la Russie –, soit en cas de nécessité, par exemple avec Israël, le Brésil, ou le Japon.

Face à ces difficultés, les tentatives de nouer des liens et de trouver des lieux de dialogue sont bienvenues. Je me félicite donc, tout comme vous, du rôle que jouent des associations comme Sauvons nos enfants Japon, dont les représentants ont été reçus il y a quelques semaines par mon cabinet.

Quant à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais à quel point vous êtes attachés à promouvoir l’efficacité de la diplomatie parlementaire avec le Japon. Le Gouvernement ne peut que s’en féliciter et encourager les échanges avec les parlementaires japonais sur les évolutions envisageables du droit de la famille japonais qui permettraient de consacrer l’égalité réelle des droits parentaux, ainsi que le maintien effectif des liens familiaux en cas de séparation.

Comme plusieurs d’entre vous l’ont indiqué, l’une des principales difficultés tient à l’application du principe de continuité, consacré par le droit et la coutume japonais, selon lequel, lors d’une séparation, un seul des parents est investi de l’autorité parentale. Ce principe conduit malheureusement à exclure l’autre parent de la vie de l’enfant, qu’il soit étranger ou japonais.

La société japonaise elle-même s’accommode de plus en plus mal de ce principe, et le gouvernement japonais a récemment lancé une réflexion sur l’introduction possible du partage de l’autorité parentale, voire de la garde alternée. Le ministère de la justice français, comme il a déjà eu l’occasion de l’indiquer lors de la mission conjointe qu’il a menée à Tokyo en mai dernier avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, est tout à fait disposé à partager son expérience avec le ministère de la justice japonais sur ces questions.

Je souhaite in fine préciser deux éléments. J’ai noté avec beaucoup d’attention l’invitation faite dans cette proposition de résolution à mieux sensibiliser les magistrats français aux particularismes de ces déplacements internationaux d’enfants vers le Japon. Ces éléments spécifiques pourraient effectivement être intégrés au sein de formations assurées à l’École nationale de la magistrature, sans pour autant vouloir orienter les décisions de nos autorités judiciaires.

J’ai par ailleurs demandé à mes services d’expertiser les possibilités d’extension de la zone de compétence du magistrat de liaison de Pékin, spécifiquement pour ce qui concerne l’entrée de civils au Japon.

En conclusion, je tiens à réitérer le soutien du Gouvernement à cette proposition de résolution qui vient rappeler ce qui peut paraître une évidence, mais parfois à tort dans les faits : ce qui doit toujours primer sur toute autre considération, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est ce que je rappellerai prochainement à mon collègue, le ministre japonais de la justice, puisque je dois me rendre au Japon au mois d’avril. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, UC, Les Républicains et SOCR.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d’un enlèvement parental

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu la Convention sur les relations consulaires, conclue à Vienne le 24 avril 1963,

Vu la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, conclue à La Haye le 25 octobre 1980,

Vu la Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989,

Vu la résolution du Sénat n° 52 (2010-2011) du 25 janvier 2011 tendant à permettre au parent français d’enfants franco-japonais de maintenir le lien familial en cas de séparation ou de divorce,

Considérant que la présente proposition n’a nullement pour objet de remettre en cause la souveraineté du Japon ;

Réaffirmant son profond respect des différences culturelles entre le Japon et la France, ainsi que son attachement aux liens d’amitié qui unissent nos deux pays ;

Rappelant que le Japon et la France ont célébré, en 2018, le cent soixantième anniversaire de leurs relations diplomatiques ;

Rappelant que le Japon et la France sont liés par un « partenariat d’exception », qui est fondé sur un attachement aux valeurs de liberté, de démocratie, de droits de l’homme et de respect de l’État de droit ;

Rappelant que le Japon est partie à la Convention relative aux droits de l’enfant, dont l’article 3, alinéa 1, stipule que dans « toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale », et dont l’article 9, alinéa 3, stipule que les « États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant » ;

Rappelant que depuis le 24 janvier 2014, le Japon est partie à la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (dite « Convention de La Haye »), qui vise, d’une part, à « assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans tout État contractant » et, d’autre part, à « faire respecter effectivement dans les autres États contractants les droits de garde et de visite existant dans un État contractant » ;

Constatant avec inquiétude que des enfants franco-japonais sont actuellement privés de tout lien avec leur parent français suite au divorce ou à la séparation de leurs parents ;

Rappelant que ces enfants ont fait l’objet soit d’un enlèvement international commis par leur parent japonais, soit d’un enlèvement parental à l’intérieur du Japon et que, dans les deux cas, ils ont subi un véritable traumatisme et se retrouvent privés d’une part essentielle de leur identité ;

Notant avec préoccupation que les parents français de ces enfants sont dans un désarroi absolu, que nombre d’entre eux n’ont pas vu leur(s) enfant(s) depuis plusieurs années, que certains d’entre eux se voient refuser la délivrance d’un visa ou d’un titre de séjour par les autorités japonaises, et que tous courent le risque d’être placés en garde à vue par la police japonaise à chaque fois qu’ils tentent d’entrer en contact avec leur(s) enfant(s) ;

Observant que de nombreux parents japonais rencontrent également des difficultés pour exercer au Japon leurs droits parentaux après un divorce ou une séparation ;

Rappelant que ces situations, qualifiées d’« inacceptables » par le Président de la République, découlent principalement de l’application de la législation japonaise en matière de droit de la famille, qui ne reconnaît ni le partage de l’autorité parentale ni la garde alternée et laisse le droit de visite au bon vouloir du parent avec lequel vit l’enfant ;

Constatant avec étonnement que les juges japonais appliquent le principe non écrit de « continuité », qui les conduit à attribuer systématiquement l’autorité parentale et la garde exclusive de l’enfant au parent ravisseur ;

Rappelant qu’il a été démontré que les enfants privés de tout contact avec l’un de leurs parents souffrent d’un déficit affectif susceptible de nuire à leur développement personnel ;

Rappelant que les autorités centrales chargées de satisfaire aux obligations imposées par la Convention de La Haye sont le ministère des affaires étrangères japonais et le ministère de la justice français ;

Rappelant que la protection consulaire s’applique dans le cas des enfants dont la situation ne relève pas de la Convention de La Haye ;

Regrettant que le comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental ait cessé ses travaux en décembre 2014 ;

Constatant avec satisfaction que le 6 mars 2018, les ambassadeurs des États membres de l’Union européenne représentés au Japon ont adressé une lettre au ministre de la justice japonais, avec lequel ils se sont également entretenus le 27 avril 2018, en vue de « signaler l’importance de l’exécution des décisions des tribunaux japonais » ;

Se réjouissant que le Président de la République, lors de sa visite officielle au Japon, en juin 2019, se soit entretenu avec quatre pères français et ait déclaré devant la communauté française de Tokyo que les actions menées par la France visent à faire en sorte qu’« au-delà des pratiques, des habitudes qui sont parfois installées dans les mœurs, […] les droits de chacun puissent être défendus » ;

Réitère sa volonté de voir émerger rapidement une solution acceptable pour tous et respectueuse de l’intérêt supérieur des enfants issus de couples franco-japonais ;

Insiste sur l’impérieuse nécessité de garantir le maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents ;

Souhaite qu’il soit procédé à un recensement le plus exhaustif possible des cas d’enfants binationaux au centre d’un conflit parental ;

Exprime sa vive préoccupation quant au défaut d’exécution d’ordonnances de retour et de décisions relatives au droit de visite prises en application de la Convention de La Haye ;

Observe que cette inquiétude est partagée par le département d’État des États-Unis qui, dans son rapport 2019 sur les enlèvements internationaux d’enfants, se dit « extrêmement préoccupé à la fois par l’absence de mécanismes efficaces d’application des ordonnances prises en vertu de la convention, et par le nombre considérable de cas relatifs à des enlèvements survenus avant l’entrée en vigueur de la convention. » ;

Salue les initiatives prises par les autorités japonaises pour inciter d’autres États à adhérer à la Convention de La Haye et raccourcir les délais dans lesquels les tribunaux statuent sur les demandes de retour ;

Encourage les autorités centrales chargées de l’application de la Convention de La Haye à approfondir le dialogue engagé en 2014 ;

Note avec intérêt que le parlement japonais a adopté, le 10 mai 2019, une loi modifiant la loi relative à l’exécution des décisions en matière civile, qui prévoit, d’une part, que l’enfant pourra être confié au parent détenteur de l’autorité parentale en l’absence de l’autre parent et, d’autre part, que les juridictions et les agents de la force publique devront veiller à ce que la remise de l’enfant ne nuise pas à son bien-être mental ou physique ;

Relève avec déception que cette loi n’entrera pas en vigueur avant le 1er avril 2020 ;

Se demande si cette loi permettra de garantir la remise de l’enfant au parent détenteur de l’autorité parentale dans l’hypothèse où l’autre parent s’opposerait à l’exécution forcée d’une décision du juge civil prévoyant le transfert de la garde de l’enfant ;

Constate avec regret que cette loi ne prévoit ni la suppression du principe de « continuité » ni l’instauration du partage de l’autorité parentale et de la garde alternée ;

Se félicite que les autorités japonaises souhaitent échanger des bonnes pratiques et des connaissances avec les États membres de l’Union européenne ;

Souhaite que cet échange puisse rapidement se concrétiser entre le Japon et la France ;

Se réjouit de la création d’un poste de magistrat de liaison à l’ambassade du Japon en France, dont il faut espérer qu’elle permettra d’améliorer le traitement des dossiers d’enlèvements d’enfants et de faciliter l’échange d’informations ;

Appelle de ses vœux la création d’un poste de magistrat de liaison à l’ambassade de France au Japon ;

Souhaite, à l’instar du Gouvernement, le rétablissement du comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental, en vue de faciliter le traitement des cas n’entrant pas dans le champ d’application de la Convention de La Haye ;

Émet le vœu que soit organisée une nouvelle rencontre entre les ambassadeurs des États membres de l’Union européenne représentés au Japon et le ministre de la justice japonais ;

Souligne la nécessité d’améliorer l’accès des ressortissants français et japonais à une information claire, transparente et objective en matière de droit de la famille ;

Se réjouit que l’organisme local d’entraide et de solidarité du Japon ait obtenu, dans le cadre du dispositif de soutien au tissu associatif des Français à l’étranger, une subvention en vue de publier un guide pratique juridique et socio-culturel du mariage franco-japonais ;

Recommande d’améliorer la sensibilisation des magistrats français aux problématiques liées à l’enlèvement international d’enfants ;

Juge indispensable de veiller à ce que les jugements de divorce rendus en France ne soient pas, dans certains cas, privés d’effet au Japon en application de la loi japonaise modifiant la loi relative aux litiges liés au statut personnel, entrée en vigueur le 1er avril 2019 ;

Encourage le Gouvernement à renforcer les mesures visant à prévenir l’enlèvement des enfants binationaux résidant sur le territoire français ;

Suggère que soit établie une liste nationale ou européenne des pays qui ne se conforment pas aux obligations qui leur incombent en vertu de la Convention de La Haye ;

Invite le Gouvernement à porter la question des enlèvements internationaux d’enfants au sein des organisations internationales dont la France est membre.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 90 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 340

Le Sénat a adopté la proposition de résolution. (Applaudissements.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d'un enlèvement parental
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité sanitaire
Discussion générale (suite)

Sécurité sanitaire

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité sanitaire
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe La République En Marche, de la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire, présentée par M. Michel Amiel et plusieurs de ses collègues (proposition n° 180, texte de la commission n° 279, rapport n° 280).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Amiel, auteur de la proposition de loi.

M. Michel Amiel, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en commençant à travailler sur ce texte, il y a quelques mois, je ne pensais pas qu’il serait sous le feu de l’actualité lors de son passage en séance. Pourtant, après le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003, l’épidémie du coronavirus qui se profile nous rappelle que les épidémies de maladies infectieuses sont toujours d’actualité ; elles réveillent de vieux fantasmes et conduisent parfois à des réactions totalement irrationnelles.

M. Michel Amiel. Sans minimiser l’épidémie en cours, je veux simplement rappeler que celle de grippe saisonnière a fait 7 000 morts en France pour l’année 2009, alors qu’on peut se prémunir facilement contre cette maladie trop banalisée.

Le changement climatique, en rendant autochtone à la France métropolitaine certaines pathologies jusque-là tropicales, et les grands mouvements de population ne font qu’accroître ces risques, et la seule chose que nous pouvons contrôler est notre capacité de réponse.

Encore ne parlerai-je pas des scénarios catastrophes selon lesquels la fonte du permafrost libérerait des virus jusqu’alors congelés, tels que l’anthrax !

Si, aujourd’hui, une réponse à l’échelon national peut nous permettre, comme nous le voyons, de faire face à des situations sanitaires exceptionnelles, il m’est apparu pertinent de préciser les dispositions existant en ce sens et de doter notre arsenal d’un niveau complémentaire local.

C’est pourquoi j’ai déposé la présente proposition de loi, destinée à encadrer juridiquement de nouvelles méthodes et à équiper au mieux notre pays contre les différentes menaces sanitaires. Dans cette perspective, le texte aborde la lutte contre les maladies vectorielles, la gestion des personnes dites contacts et les modalités de mise à l’isolement contraint – une mesure exceptionnelle.

Les trois premiers articles répartissent au mieux les responsabilités entre l’État et les collectivités territoriales pour la prévention des maladies transmises par un vecteur – par exemple, les moustiques, dont la multiplication de certaines espèces en France métropolitaine est favorisée par le changement climatique.

L’article 4 favorise la lutte contre l’ambroisie, une plante à l’origine d’allergies sévères, en articulant au mieux les différentes responsabilités – je pense en particulier à la faculté de pénétrer sur les propriétés privées.

L’article 5 rend plus efficace le système des maladies à déclaration obligatoire, tout en garantissant l’indispensable confidentialité.

L’article 6 présente une actualité particulière, puisqu’il prescrit des mesures d’éviction et de maintien à domicile pour les personnes asymptomatiques, mais ayant été en contact avec au moins un patient atteint d’une maladie contagieuse.

Enfin, l’article 7 prévoit l’isolement contraint des patients souffrant d’une maladie contagieuse et faisant courir un risque grave pour la santé de la population – le pendant, en quelque sorte, de l’hospitalisation d’office en psychiatrie.

Je ne serai pas plus long, car j’ai à cœur que l’examen et le vote de ce texte puissent être menés à bien dans le temps limité qu’il nous reste. Toutefois, je ne veux pas conclure sans saluer le travail de la commission ni sans remercier chaleureusement le rapporteur, qui a apporté à la réflexion plus de clarté et de précision. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Martin Lévrier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en complément de l’intervention de Michel Amiel, je soulignerai, d’abord, que la commission des affaires sociales s’est montrée soucieuse que les nouvelles mesures de sûreté sanitaire, dont certaines emportent des restrictions de la liberté d’aller et venir pour des motifs d’ordre public, soient assorties de toutes les garanties nécessaires à la protection des droits de nos concitoyens. Elle y a été particulièrement attentive en ce qui concerne la mesure d’isolement contraint, qui, sans terme explicite, présentait un risque élevé d’inconstitutionnalité.

Ensuite, je m’attarderai sur les apports de la commission aux articles 1er à 4, qui renforcent l’efficacité et la pertinence de l’intervention des acteurs publics face aux risques sanitaires émergents que sont les maladies vectorielles, c’est-à-dire transmises par la piqûre d’un moustique porteur d’un agent pathogène.

À notre sens, le maire, échelon local de proximité, doit conserver le premier rôle. C’est à lui que doivent incomber la surveillance des zones de sa commune où les gîtes larvaires sont susceptibles de se développer, mais aussi le signalement de ceux-ci. Si nous nous sommes montrés favorables à l’attribution à l’agence régionale de santé (ARS) de la compétence et de la responsabilité en matière de police des maladies vectorielles, le rôle de signalement reconnu au maire traduit notre souci d’intégrer pleinement celui-ci à la mission de police nouvellement créée, mais à la mesure de ses moyens, c’est-à-dire sans l’investir d’une charge que les réalités du terrain le rendent souvent incapable d’assumer.

En conséquence, la commission a supprimé l’article 3, qui présentait un risque de transfert implicite au maire de la compétence préventive de l’ARS. En effet, nous sommes attachés à ce que l’intervention du maire se limite à une obligation de moyens, que constitue le pouvoir de surveillance et de signalement, sans s’étendre à une obligation de résultat, qu’impliquait la fourniture d’états des lieux.

Par ailleurs, l’article 2 a fait débat en commission, dans la mesure où il menaçait l’équilibre atteint par la loi de 1964 relative à la lutte contre les moustiques, qui distingue nettement la compétence des conseils départementaux selon que la lutte contre le moustique vise la santé publique ou le confort. La démoustication de certaines zones, historiquement laissée à la discrétion des départements soucieux de développer leur potentiel économique ou touristique, a permis l’émergence d’acteurs spécialisés, d’ailleurs peu connus, dont la compétence doit être préservée. En érigeant la lutte de confort contre les moustiques en compétence obligatoire, l’article 2 entraînait une extension manifeste de compétence à la charge des conseils départementaux et menaçait la pérennité financière de leurs opérateurs. C’est pourquoi la commission a préféré en rester à l’état actuel du droit.

S’agissant, enfin, de la protection des droits des personnes contacts évincées, j’ai prévenu en commission que je maintiendrais ma vigilance sur cet enjeu important. Bien que très confiant dans le pragmatisme des professionnels de santé en la matière, je ne suis pas parfaitement convaincu que les dispositions en vigueur assurent une protection satisfaisante de la personne évincée en termes d’indemnisation des jours pendant lesquels elle est contrainte de ne pas travailler.

Vendredi dernier, madame la secrétaire d’État, quelque 200 Français revenus de Chine, dont la plupart ne sont a priori pas infectés par le coronavirus, ont signé un engagement à respecter une quarantaine de quatorze jours, dans un lieu où leur prise en charge administrative et juridique pourrait susciter des inquiétudes. Comment concevoir que cette éviction, à laquelle ces personnes se prêtent pour l’heure sans y être contraintes, ne soit pas assortie de garanties juridiques et financières spécifiques ? La commission présentera un amendement tendant à sécuriser explicitement les risques auxquels les personnes contacts s’exposent, ce qui me paraît le premier devoir d’un législateur averti. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, si la sécurité sanitaire est une notion récente, qui n’existait pas au début des années 1990, elle est aujourd’hui devenue l’un des aspects cardinaux de notre système de santé.

Tout a commencé par le drame du sang contaminé, à la suite duquel plusieurs lois ont concouru à construire un édifice robuste offrant un très haut niveau de protection à nos concitoyens. Au reste, votre assemblée a joué dans cette construction un rôle de tout premier plan : c’est au Sénat qu’ont été proposés, en 1990, l’élargissement de la sécurité sanitaire au-delà de la transfusion sanguine, puis, en 2007, la création de l’Agence du médicament, pour ne citer que ces exemples.

Aujourd’hui comme hier, nos objectifs doivent être à la hauteur des risques.

Notre premier objectif est de protéger les populations en nous inscrivant dans une démarche d’amélioration continue du système de santé. Soyons lucides : la sécurité sanitaire doit répondre à de nouveaux risques, qui se présentent comme autant de défis à relever. Je pense en particulier aux risques infectieux à transmission interhumaine, d’origine alimentaire ou environnementale, mais aussi aux crises d’origine sanitaire, comme les épidémies, ou à impacts sanitaires, comme les catastrophes naturelles, sans oublier les risques liés au terrorisme.

Pour atteindre ces objectifs, de nouveaux instruments sont nécessaires permettant davantage de prévention, de surveillance, de détection, d’évaluation, d’alerte et d’intervention, souvent en urgence. Tel est l’objet de la proposition de loi examinée cet après-midi. Si le Gouvernement a décidé de la soutenir, c’est qu’elle répond au besoin de renforcer le dispositif de sécurité sanitaire. Les événements que nous connaissons actuellement et ceux que nous avons rencontrés ces derniers mois en confirment toute la pertinence.

Oui, si notre édifice est solide, le renforcer toujours davantage permet d’anticiper et de nous préparer à faire face aux nouvelles menaces, à commencer par les virus Zika, de la dengue et du chikungunya, qui ont le moustique pour vecteur d’infection. Les territoires ultramarins sont régulièrement confrontés à de telles épidémies, mais des foyers ont également été identifiés en métropole ces dernières années.

La prévention des maladies transmises par les moustiques, indispensable, nous impose de détruire les gîtes larvaires, notamment en limitant les eaux stagnantes, mais aussi d’intervenir en urgence pour démoustiquer l’environnement d’une personne malade et, ainsi, limiter la propagation du virus. Cette prévention des maladies transmises par les insectes vecteurs à un coût important pour la sécurité sociale, puisqu’elle s’accompagne nécessairement d’arrêts de travail pris en charge par la solidarité nationale.

Rendre la sécurité sanitaire plus efficace, c’est aussi reconnaître qu’elle doit être le fruit d’une action concertée de l’État et des collectivités territoriales. Je pense en particulier au rôle des maires, qui, dans ce domaine comme dans bien d’autres, sont en première ligne face aux angoisses de nos concitoyens.

J’en viens aux menaces constituées par des événements naturels ou industriels, menaces nouvelles dont certaines prennent des proportions très importantes. Ainsi, l’ambroisie, une plante invasive originaire d’Amérique du Nord, s’est développée ces dernières années dans de nombreux milieux, au détriment de la santé de nos concitoyens. En Auvergne-Rhône-Alpes, l’observatoire régional de santé estimait en 2017 que quelque 650 000 personnes, soit environ 10 % de la population régionale, avaient consommé des soins remboursés en lien avec l’allergie à l’ambroisie, pour un coût global de 40 millions d’euros.

D’autres menaces sont connues, mais elles demandent de redoubler d’efforts pour protéger au mieux nos concitoyens. Songeons aux risques industriels et à la nécessité de compléter les dispositions protégeant les personnes vivant à proximité des centrales nucléaires. À cet égard, si la distribution de comprimés d’iode est réalisée grâce à une mobilisation très active des officines de pharmacie, malheureusement, seuls 51 % des habitants concernés vont chercher leurs comprimés. Ce dispositif doit être conservé en première intention, mais complété par une distribution par voie postale.

Je terminerai par les menaces liées aux infections contagieuses et graves. L’actualité nous rappelle, s’il en était besoin, la nécessité de nous doter de dispositifs adaptés pour éviter la propagation des infections transmissibles. À cet égard, la proposition de loi encadre deux dispositifs préventifs particulièrement nécessaires.

Il est question non pas simplement de répartition des compétences, de moyens d’action, mais aussi de libertés publiques. En la matière, des mesures ont déjà été prises dans la loi de 2004, à l’origine des dispositions figurant aujourd’hui à l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, mais il convient d’aller plus loin. Ainsi, les articles 6 et 7 de la proposition de loi prévoient que les personnes dites contacts, a priori non malades, mais présentant un risque de développer une maladie, limitent leurs contacts avec les personnes saines.

La commission a souhaité s’en tenir aux mesures d’éviction et écarté la possibilité de décréter le maintien à domicile de ces personnes. D’autres pays le font, et nous devons approfondir la réflexion sur le sujet, même si d’évidentes questions se posent en termes de périmètre et de garantie des libertés individuelles.

En ce qui concerne l’indemnisation des personnes touchées par ces dispositions, nous comprenons l’intention du rapporteur, qui permet de mettre en lumière ces cas particuliers, mais le Gouvernement ne pourra pas être favorable à sa position. Nous en discuterons – c’est tout l’intérêt du débat parlementaire.

Des mesures de cette proposition de loi sont attendues par les professionnels de santé, parfois confrontés à des malades qui, ne respectant pas les règles, favorisent la transmission des maladies. Dès lors que les autorités sanitaires et préfectorales sont informées de tels comportements, il convient de leur donner les moyens d’agir dans un cadre précis. À cet égard, le Gouvernement a déposé un petit nombre d’amendements tendant à poursuivre la réflexion entamée par la commission. Je ne doute pas que, sur un sujet aussi sensible, nous saurons avancer ensemble dans un esprit à la fois responsable et constructif. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nombreux sont les exemples, récents ou plus anciens, illustrant l’importance de l’enjeu soulevé par la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire.

Ainsi avons-nous appris en début de semaine qu’une infection par pneumocoque touchait des salariés d’un chantier naval de Marseille, entraînant la mise en place de mesures sanitaires, notamment vaccinales.

Citons aussi l’épidémie liée au coronavirus 2019-nCov, identifié en janvier dernier en Chine et, depuis, arrivé en France. Une question demeure : si une réelle épidémie se développait dans notre pays, serions-nous en mesure d’y faire face, et comment ?

D’autre part, lors de l’épisode épidémique de bronchiolite hivernale, plusieurs enfants ont dû être transférés à des centaines de kilomètres de leur lieu d’habitation, faute de lits – reflet du manque de moyens hospitaliers.

Je veux évoquer également l’épidémie de rougeole qui sévit dans notre pays depuis la fin de 2017, soulignant l’insuffisance de la disponibilité et de la couverture vaccinales. Il est nécessaire de suivre de près la disponibilité des stocks de vaccins, de détecter les éventuelles pénuries et de les signaler rapidement.

À l’évidence, la nette amélioration de la surveillance, de la prévention et de la vaccination a permis de diminuer les risques, voire d’éradiquer certaines maladies infectieuses. Reste que les défis sont multiples pour faire face aux nombreux dangers qui persistent et aux nouveaux qui se profilent. D’autant que la mondialisation des échanges, le changement climatique et l’urbanisation favorisent l’émergence et la propagation rapides de nouveaux risques pour les populations.

Parmi ceux-ci, citons les maladies infectieuses vectorielles comme la dengue, le chikungunya et le virus Zika, toutes pathologies que les territoires d’outre-mer ne connaissent malheureusement que trop bien et dont le moustique tigre est le principal vecteur. En raison du réchauffement climatique, l’aire de propagation de ce moustique s’étend d’année en année, au point qu’une grande partie de la France métropolitaine est désormais touchée : en 2004, le moustique tigre était présent dans un seul département métropolitain ; en 2018, on comptait cinquante et un départements concernés… Cette évolution est d’autant plus inquiétante que, d’après l’Organisation mondiale de la santé, la dengue pourrait devenir d’ici à 2050 le plus grand fléau de l’humanité. C’est dire si la veille et l’alerte sont essentielles.

Que dire des pathologies potentielles liées aux expositions sanitaires environnementales de notre monde moderne ? L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) nous alerte toutes les semaines sur de nouveaux risques pour notre santé : les conséquences des fréquences d’ondes électromagnétiques de la 5G, des nitrates dans la charcuterie, des produits chimiques contenus, par exemple, dans les protections féminines, entre autres exemples. Là aussi, la veille sanitaire est prioritaire, de même que le suivi de cohorte et l’évaluation des expositions.

Souvenons-nous de l’amiante et du temps si long écoulé entre les fortes suspicions épidémiologiques et la décision d’éviction de ce cancérogène puissant. Ce cas d’école doit nous rappeler à quel point temps sanitaire et temps des décisions, y compris administratives, doivent mieux converger.

Même si nous avons progressé, nous sommes encore loin du compte pour une veille sanitaire efficace débusquant les nouveaux risques. On voit bien que la communauté internationale prend la mesure de l’ampleur de l’alerte sanitaire vis-à-vis des populations.

En France, ces sujets nous invitent à revisiter notre organisation, de l’échelle nationale aux échelles régionale, départementale et locale. Cette organisation doit couvrir tous les champs, du signalement à l’alerte, de la prévention à la mise en œuvre de plans actifs ad hoc.

Tous les éléments de la chaîne de décision méritent d’être évalués, certains d’être améliorés, d’autres repensés, qu’il s’agisse de risques classiques, nouveaux ou émergents : plans blancs et rouges, processus de mobilisation de la chaîne administrative et sanitaire, campagnes de vaccination, traitements préventifs, prise en charge médicale, mesures d’isolement et d’éviction, identification et protection contre des facteurs de risques, vectoriels ou non, diffusion de conduites à tenir simples et compréhensibles pour les citoyens, signalement des cas, recensement dans des registres, réseaux de veille, entre autres. Tous ces sujets sont liés et doivent être traités ensemble, car ils concourent au même objectif.

La présente proposition de loi, si elle n’aborde pas tous les sujets qui mériteraient de l’être dans un texte législatif idoine, traite de plusieurs questions d’une manière qui contribuera à améliorer notre arsenal en matière de sécurité sanitaire et, partant, la protection des populations.

Elle favorise la prévention des maladies vectorielles par les moustiques et la lutte contre l’ambroisie, clarifie les compétences des acteurs, de l’État aux collectivités territoriales, de Santé publique France aux ARS, précise les modalités de distribution des comprimés d’iode et instaure pour l’éviction des personnes un cadre qui protège notamment les données personnelles recueillies lors des enquêtes contacts.

Le texte étoffe l’arsenal des mesures mobilisables en cas de risque ou de crise sanitaire. En particulier, il institue des zones de lutte contre les moustiques en vue d’une éradication, sur des propriétés publiques comme privées. Il renforce le rôle primordial du maire en matière de prévention et pour limiter le risque de propagation. En l’espèce, je considère que les conseils départementaux, à l’instar des anciennes directions départementales des affaires sanitaires et sociales, ont un rôle majeur de coordinateurs et facilitateurs, qu’il convient de conforter.

En outre, la proposition de loi favorise la transmission des informations en faisant remonter à l’agence régionale de santé et à Santé publique France les cas de maladies nécessitant une intervention urgente ou une surveillance particulière pour la santé de la population.

J’y insiste encore : la veille sanitaire est une des clés d’une bonne prévention !

En ce qui concerne la prise en charge des personnes contacts ou infectées, le texte établit un cadre qui méritait d’être clarifié. Le principe posé est le prononcé de mesures d’éviction : les personnes contacts devront limiter leur présence dans les lieux regroupant du public et relèveront d’un maintien à domicile. L’exception prévue vise à pallier le refus d’une personne contact de se conformer à la mesure d’éviction alors qu’elle présenterait un risque grave pour la santé de la population. Dans ce cas, l’isolement contraint pourra être prononcé par le préfet, pour une durée que la commission a précisée et limitée, ce dont je me félicite.

Enfin, la proposition de loi facilite la distribution de pastilles d’iode. De fait, une récente étude a souligné qu’une moitié seulement des personnes vivant autour d’une centrale nucléaire s’était rendue dans une pharmacie pour se procurer de telles pastilles. Le dispositif mis en place tend à en faciliter la distribution en permettant la livraison à domicile.

Par les compétences qu’elle donne et clarifie, par les mesures prophylactiques et réactives qu’elle prévoit, cette proposition de loi paraît bienvenue eu égard aux risques grandissants auxquels fait face notre population. Bien sûr, elle traite une partie seulement du vaste sujet de la sécurité sanitaire ; mais elle instaure des outils plus clairs et juridiquement mieux encadrés. Reste qu’elle ne nous exonère pas d’une relecture complète de notre système face à l’accélération des événements d’alerte et à l’accroissement de risques nouveaux, différents et aux contours souvent difficiles à définir.

Malgré ces remarques, et pour les raisons que j’ai exposées, le groupe Union Centriste votera la proposition de loi dans le texte adopté par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et LaREM. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre examen vise à développer un système efficient de prévention des maladies vectorielles et à lutter contre les espèces végétales et animales nuisibles.

Alors que l’actualité prouve à quel point ce texte d’initiative parlementaire est d’actualité, la Haute Assemblée démontre, une nouvelle fois, son utilité et sa parfaite adéquation avec les problématiques rencontrées dans les territoires, où la nécessité de rationaliser l’intervention des acteurs publics en matière de sécurité sanitaire, d’assurer la pertinence et la proportionnalité des mesures employées et de garantir le respect des droits et libertés fondamentales des personnes infectées n’a jamais été aussi prégnante.

Il faut dire que l’accroissement des mouvements de population et l’intensification des échanges liée à la mondialisation font de la prévention des épidémies et de la lutte contre celles-ci, notamment quand elles sont transmises par des insectes, un enjeu majeur de nos politiques publiques.

Je me réjouis que la commission des affaires sociales ait travaillé à une bonne articulation entre l’acteur qui fonde sa compétence sur la proximité de son action – le maire – et celui qui la fonde sur la spécialité de sa mission – l’ARS. Si les collectivités territoriales conservent leurs missions d’hygiène et de salubrité, les agences régionales de santé voient leurs missions se renforcer. Ce texte permet donc d’actionner tout un arsenal de mesures, notamment préventives, dont la réactivité et l’adaptabilité sont essentielles pour une lutte efficace contre les maladies à potentiel élevé. En particulier, les agents habilités auront la possibilité de pénétrer dans les propriétés privées pour mettre en place des actions de lutte en cas de manquement des propriétaires.

L’article 4 de la proposition de loi adapte le dispositif de lutte contre les espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine pour qu’il ne soit pas exclusivement prohibitif et répressif. En effet, la prolifération des végétaux et des insectes nuisibles doit être traitée dans sa globalité, dans le cadre d’une stratégie collective s’affranchissant des limites administratives et géographiques.

Je tiens à revenir sur la lutte contre le frelon asiatique. Vespa velutina nigrithorax, apparue accidentellement en Aquitaine en 2004, a colonisé à ce jour 60 à 70 % du territoire national. Actuellement, deux réglementations concourent à la lutte contre cette espèce : la réglementation sur les dangers sanitaires, mise en œuvre par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, et la réglementation sur les espèces exotiques envahissantes, mise en place par le ministère de la transition écologique et solidaire.

Si la possibilité est désormais donnée aux préfets, dans le cadre de cette lutte, d’ordonner la destruction d’espèces exotiques envahissantes sur des propriétés privées, rien n’est prévu en termes de prise en charge financière. Dans ce contexte, le financement des opérations de lutte contre le frelon, qui exigent moyens humains et techniques, s’appuie sur des crédits locaux, ponctuellement complétés par des crédits européens.

Je regrette que les conséquences financières de cette lutte ne soient pas mieux prises en considération, ce qui serait un gage d’efficacité. À ce stade, les coûts supplémentaires ne sont pas pris en compte – de même que l’article 2 du texte initial prévoyait un renforcement de la compétence des collectivités territoriales sans en compenser les conséquences financières, notamment pour les départements.

Alors que certaines espèces exotiques proliférantes ayant une incidence sanitaire au sens large – sur la santé de l’environnement, des cultures et des élevages ou sur la santé humaine – sont susceptibles d’être réglementées par les différents ministères chargés de ces questions, je tiens à vous alerter sur la lenteur avec laquelle cette espèce est traitée. Je suis inquiète de l’absence de réponses à la hauteur des enjeux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sonia de la Provôté applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi procède à plusieurs modifications importantes du code de la santé publique en matière de sécurité sanitaire.

Plus précisément, elle réforme notre politique de lutte antivectorielle, sans doute datée, rend possibles de nouvelles mesures d’isolement de personnes contagieuses dans un contexte d’épidémie ou de pandémie, modifie le cadre de la lutte contre les espèces végétales nuisibles, comme l’ambroisie, et tend à assurer une meilleure protection sanitaire des personnes vivant à proximité d’installations nucléaires.

Ces objectifs sont louables, compte tenu des risques croissants pour la santé des populations que font peser les grands défis de notre siècle. Le réchauffement climatique s’accompagne ainsi d’une présence accrue d’insectes vecteurs de maladies, même si les mêmes sont affectés par les atteintes à l’environnement et l’usage de pesticides. Les espèces nuisibles se diffusent et progressent vers le nord de la France, y compris des végétaux extrêmement allergènes comme l’ambroisie.

En outre, la mondialisation de l’économie et les flux intenses qui la caractérisent rendent de plus en plus complexe la circonscription d’une épidémie, comme la situation actuelle l’illustre.

Le législateur doit impérativement se saisir de ces problématiques, car notre arsenal juridique y est insuffisamment adapté.

La présente proposition de loi répond partiellement à cette nécessité. Reste qu’il est difficile de trouver la cohérence de ses articles, regroupés sous le large thème de la sécurité sanitaire, et, entre les lignes, des réponses concrètes aux enjeux sanitaires déjà bien prégnants sur l’ensemble de notre territoire.

En commission, le rapporteur a apporté à ce texte des clarifications et des précisions indispensables. Je pense, en particulier, au suivi médical adapté dont doivent bénéficier les personnes dites contacts, contraintes de respecter des mesures d’éviction ou de maintien à domicile.

Je ne m’attarderai pas sur les mesures d’isolement de personnes contacts ou infectées prévues aux articles 6 et 7 ; elles font maintenant consensus, dans leur rédaction issue des travaux de la commission.

Je serai bref également sur l’article 8, qui prévoit la livraison à domicile de produits de santé nécessaires pour protéger les populations en cas de risque majeur, notamment de comprimés d’iode en cas d’accident nucléaire. Il m’a semblé nécessaire de préciser que cet envoi postal devait être assumé financièrement par l’exploitant de l’installation ou de l’ouvrage ; au nom de mon groupe, je défendrai un amendement en ce sens.

Concernant la lutte antivectorielle, principalement dirigée contre les moustiques, je regrette qu’une telle réforme se fasse au détour d’une proposition de loi, autrement dit sans étude d’impact et sans le travail d’investigation préalable indispensable. Dans ce domaine complexe de l’action publique, un grand nombre d’acteurs interagissent. Modifier le périmètre de leurs compétences n’est pas anodin. Il ne me semble pas que le législateur soit en mesure de travailler dans de bonnes conditions sans un état des lieux des recherches, notamment entomologiques, médicales et épidémiologiques, sur les dynamiques de propagation des moustiques et des maladies vectorielles associées.

Cela est d’autant plus regrettable que l’Assemblée nationale a adopté, en décembre dernier, une proposition de résolution déposée par la députée de La Réunion Ericka Bareigts, tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles. Cette commission a entamé ses travaux d’investigation en janvier dernier et devrait, dans un délai raisonnable, formuler des recommandations concrètes pour réformer l’intervention publique en la matière. Dans ce contexte, nous craignons que les dispositions prévues aux articles 1er et 2 ne soient prématurées et potentiellement inadaptées.

Est-ce une bonne façon de légiférer que de le faire sans avoir tous les éléments en notre possession ? Cela va-t-il devenir une habitude ?

Enfin, je dirai quelques mots sur la lutte contre l’ambroisie. C’est un sujet majeur dans le sud et l’est de la France, en particulier dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. D’ailleurs, les associations dénoncent un important retard législatif et réglementaire, qui ne permet pas de se doter des moyens de gérer cette espèce nuisible.

M. François Bonhomme. Tout à fait !

M. Bernard Jomier. L’article 4 de la proposition de loi ne laisse pas transparaître une grande volonté en la matière. Alors que les associations demandent une territorialisation de la lutte contre l’ambroisie, en associant directement les maires, la logique retenue, qui consiste à calquer le régime juridique applicable à la lutte antivectorielle, me paraît en partie inadaptée et sans doute un peu trop bureaucratique. Au nom de mon groupe, je présenterai des amendements visant à améliorer la chaîne d’intervention des acteurs et, ainsi, l’efficacité concrète de la lutte contre l’ambroisie.

Pour conclure, j’estime que cette proposition de loi est l’illustration d’un mal français en termes de sécurité sanitaire. En effet, nous sommes toujours trop faibles en matière de prévention. Nos services administratifs et nos ingénieurs ont une grande pratique de la gestion de crise et de l’élaboration de plans techniques, mais trop peu est fait pour que l’échelon local, les acteurs publics comme les populations s’en emparent et se l’approprient. Or, face à un enjeu aussi complexe que la lutte antivectorielle – les gîtes larvaires peuvent se trouver dans n’importe quel recoin urbain où peut stagner de l’eau –, nous ne parviendrons pas à contrôler la situation si nous ne faisons pas confiance à l’échelon local et si nous ne misons pas sur l’implication et la formation des populations.

Comme je le disais en préambule, ces enjeux sont non pas les enjeux de demain, mais bien ceux d’aujourd’hui. À cet égard, nous accusons un important retard. Je souhaite que la discussion que nous aurons ce jour permette d’approfondir les différents points cités et que nos amendements puissent contribuer à améliorer encore ce texte, qui est nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je veux saluer, au nom du groupe RDSE, le travail de Michel Amiel, auteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Celle-ci vient compléter la loi relative à l’organisation et la transformation du système de santé, que nous avons adoptée l’année dernière.

Le texte met l’accent sur les carences dans la gestion de certaines pathologies par les pouvoirs publics et vise à les combler. Il s’agit, d’une part, des maladies vectorielles transmises par les moustiques porteurs d’agents pathogènes, comme la dengue ou la maladie à virus Zika, bien connus de nos territoires, et, d’autre part, des allergies entraînées par la prolifération de certaines espèces végétales nuisibles à la santé de l’homme, telles l’ambroisie.

Je vais aborder les principales dispositions du texte.

L’article 1er réaffirme la répartition des compétences au sein des pouvoirs publics.

Tout d’abord, le maire est défini comme étant le meilleur acteur pour repérer ou évaluer le danger d’un événement sanitaire et reste compétent en matière d’hygiène et de salubrité publique.

La commission a décidé que son rôle devait être avant tout de signaler, car toutes les communes ne disposent pas de moyens pour lutter efficacement contre un événement sanitaire. En cohérence, l’article 3, qui prévoyait l’obligation pour le maire de faire réaliser un état des lieux en cas de risque, a été supprimé.

L’État resterait donc compétent en matière de prévention et de lutte contre les maladies vectorielles, via les ARS, qui définissent les mesures de prévention nécessaires, pour le compte du préfet.

L’article 4 modifie le régime juridique de la police des espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine, afin d’y intégrer un volet préventif. Ainsi, il renforce les possibilités de constater la présence de l’ambroisie sur un terrain privé, pour que le préfet à qui l’information aura été transmise puisse établir une mise en demeure et décider éventuellement de travaux d’office.

L’article 5 assouplit le régime de la déclaration obligatoire et supprime la condition de préservation de l’anonymat des données de santé. Il prévoit que les médecins et les responsables des services et laboratoires de biologie médicale publics et privés puissent signaler à l’ARS les cas de maladies qui nécessitent une intervention urgente locale, nationale ou internationale.

L’article 6 aborde la question des personnes contacts, qui présentent un risque élevé de développer une maladie par contact ou exposition, dans des conditions de nature à transmettre cette pathologie et qui doivent limiter leur présence dans les lieux regroupant de nombreuses personnes – par exemple, des établissements scolaires, des lieux dédiés à l’accueil d’enfants, des lieux de travail ou des lieux de rassemblement. Cette mesure ne pourra excéder un délai de sept jours, renouvelable une fois.

Je souscris aux interrogations de M. le rapporteur en ce qui concerne l’indemnisation d’une personne contact évincée. Actuellement, pour pouvoir être indemnisé au titre d’un arrêt de travail, l’employé faisant l’objet d’une mesure d’éviction doit être effectivement atteint de la pathologie justifiant la mesure. Si une personne contact n’est pas contaminée, elle se trouverait, de fait, exclue du champ de l’indemnisation. Or une personne empêchée de se rendre sur son lieu de travail doit pouvoir être indemnisée !

L’article 7 instaure un dispositif spécifique d’isolement contraint pour le cas des personnes atteintes de maladies transmissibles hautement contagieuses qui refuseraient les prescriptions d’isolement, créant ainsi un risque grave pour la santé de la population. Cette mesure d’isolement contraint serait prise par arrêté préfectoral, sur proposition du directeur général de l’ARS, au vu d’un certificat médical circonstancié établi après que la personne aura été mise en mesure de faire valoir ses observations, bien entendu par tout moyen.

La commission, soucieuse de garantir l’équilibre entre le maintien de l’ordre public sanitaire et les libertés fondamentales, a notamment décidé de limiter la période d’isolement contraint dans le temps à un mois renouvelable.

Enfin, l’article 8 prévoit que, par dérogation au monopole détenu par les pharmaciens en matière de dispensation des médicaments au public, la distribution de certains d’entre eux, notamment des comprimés d’iode, pourrait être directement effectuée par livraison à domicile, sous supervision d’un pharmacien.

Cette possibilité me semble indispensable, notamment en cas d’accident nucléaire. D’ailleurs, le groupe RDSE présentera, à l’article 8, un amendement visant à étendre le périmètre du plan particulier d’intervention (PPI) à toutes les communes d’une intercommunalité, dès lors que l’une d’elles entre dans le périmètre du PPI.

L’actualité, avec l’épidémie de coronavirus, fait évidemment écho à cette proposition de loi, qui comporte des dispositions qui nous paraissent plus que nécessaires. Aussi, la très grande majorité du groupe RDSE est favorable à l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel.

M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais tâcher de ne pas répéter ce que je vous ai déjà dit.

Vous ayant présenté voilà quelques instants l’architecture et l’équilibre général du texte, à la suite de M. le rapporteur, je souhaite désormais m’arrêter sur les outils qu’il crée, au chapitre II, afin d’apporter de nouvelles réponses, plus adaptées, en matière de signalement et de prise en charge des personnes contacts ou infectées.

Pour ce faire, ce texte tend déjà à simplifier et à introduire une plus grande fluidité dans les mécanismes de transmission d’informations de santé aux autorités compétentes, avec notamment l’avènement prochain du déploiement intégral du portail signalement-sante.gouv.fr. Ce maillon du signalement de l’information est essentiel pour mettre en place des mesures de prévention de contamination au sein de la population et pour le suivi des personnes contacts ou infectées.

L’article 5 vise à faire face aux problèmes posés non par les maladies vectorielles – celles-ci font l’objet des premiers articles de la proposition de loi –, mais par les maladies à transmission interhumaine, comme celle qui défraie l’actualité.

Ainsi que la commission l’a rappelé, l’objectif n’est pas de remédier à un système lacunaire. Il s’agit plutôt de chercher à rendre plus opérationnelle l’action de l’État, alors que les dispositions existantes – je pense en particulier, madame la secrétaire d’État, à l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, que vous avez évoqué – semblent présenter l’inconvénient d’avoir défini des habilitations trop larges, donc peu mobilisables.

C’est dans le même sens que l’article 6 instaure un réel cadre de prise en charge des personnes contacts.

Dans un rapport d’avril 2019, le Haut Conseil de la santé publique rappelle que la personne contact est une personne « ne manifestant pas de signes ou de symptômes de la maladie mais qui a été en contact physique avec un cas (vivant ou mort) ou les liquides biologiques d’un cas pendant la période d’incubation connue de la maladie concernée. » Il rappelle également que, dans le cadre des transmissions interhumaines établies, « les nouveaux cas ont une plus grande probabilité d’apparaître parmi les contacts », d’où l’intérêt de l’article 6.

Les discussions en commission ont conduit à réécrire cet article – sans que soit perdue l’idée initiale – pour préciser la définition et les droits de la personne contact, avant d’envisager plus spécifiquement l’application d’une mesure d’éviction.

Actuellement, notre droit ne repose que sur la lutte contre la propagation internationale des maladies. Il convient de prendre en compte les cas autochtones, afin d’étendre le pouvoir de l’ARS agissant pour le compte du préfet.

Reste la question de la prise en charge de l’indemnisation des personnes concernées. Je ne doute pas que nous en discuterons dans quelques instants.

Enfin, je m’attarderai sur l’article 7, qui prévoit des mesures exceptionnelles pour les cas rares et extrêmes où les patients seraient réfractaires à l’isolement. Comme je le disais précédemment, le dispositif est presque calqué sur l’hospitalisation d’office.

L’amendement que j’ai défendu en commission et qui a été adopté est inspiré des diverses auditions menées par le rapporteur. Il a permis – là encore, sans s’écarter de l’idée originelle – de préciser plusieurs points : la définition de la maladie pouvant mettre en jeu l’isolement contraint, le rappel que cette mesure doit être motivée et limitée dans son contenu, etc.

Cette mesure peut inquiéter par son caractère liberticide, mais elle est équilibrée et permet une plus grande réactivité et une initiative au plus près du terrain pour faire face aux risques liés aux maladies transmissibles hautement contagieuses.

Mes chers collègues, l’ensemble de cette proposition de loi doit simplement être envisagé comme une pierre à l’édifice de notre système de santé, dans ses versants de prévention, de lutte antivectorielle et de lutte contre les épidémies. Sa discussion intervient dans le contexte que nous connaissons tous. J’espère que la commission ainsi que mon groupe pourront vous convaincre de son utilité et de sa justesse. (M. le rapporteur applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi relative à la sécurité sanitaire intervient alors que le nouveau coronavirus constitue une menace d’épidémie mondiale. Cette crise nous rappelle à quel point la prévention et la protection de la population face aux épidémies sont un enjeu de taille pour notre pays.

Dans l’exposé des motifs, l’auteur du texte fait le constat de l’insuffisance des moyens d’action nécessaires dont l’État dispose lorsqu’il s’agit de faire face à des maladies infectieuses émergentes de type Ebola sur notre territoire.

Dans un premier temps – dans le chapitre Ier de la proposition de loi –, la responsabilité de l’État pour élaborer et mettre en place une politique de prévention et de lutte contre les maladies vectorielles et contre les espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine est réaffirmée.

Ce rappel est essentiel. Nous y souscrivons, raison pour laquelle nous estimons qu’il n’est pas possible de débattre aujourd’hui de ce sujet hors contexte, c’est-à-dire en faisant abstraction des dernières lois relatives à la santé, qui ont réduit de façon drastique les moyens humains et financiers des hôpitaux, des services d’urgence et de santé en général.

Ainsi, la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé de 2019 poursuit la politique d’austérité budgétaire et la fermeture des établissements de santé. Pourtant, l’hôpital est un service public de premier plan en matière de santé publique. Si le coronavirus atteignait le stade épidémique en France, comment gérerait-on une crise de cette ampleur, alors que les services d’urgence sont à bout de souffle et que les lits sont déjà en nombre très insuffisant ?

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 s’inscrit dans le même schéma : elle est loin d’être à la hauteur des besoins financiers et humains du monde de la santé.

De même, la loi de finances pour 2020 marque la diminution des crédits alloués à la mission « Santé », sans compter le transfert du financement des opérateurs de santé publique vers l’assurance maladie. La réalité est que l’État se désengage du pilotage financier en matière de prévention et de protection de la santé de la population.

Comment analyser autrement le refus opposé par le Gouvernement et sa majorité parlementaire, à l’Assemblée nationale, à un amendement au PLF pour 2020 qui visait à accorder des crédits supplémentaires pour la recherche sur la maladie de Lyme ? Soit dit en passant, le même gouvernement et la même majorité accordent allègrement des milliards d’euros en crédit d’impôt recherche aux industries pharmaceutiques – Sanofi a touché plus de 1 milliard d’euros en dix ans…

Ces rappels ne sont ni inutiles ni hors sujet. Ils pointent du doigt l’une des interrogations principales soulevées par ce texte : l’insuffisance des moyens humains et financiers mis en œuvre par l’État pour assurer la prévention, la protection et la prise en charge de la population face à une crise sanitaire. Nous savons tous, d’expérience, que, dans ces conditions, la tentation est grande de se défausser de ses responsabilités pour les faire assumer par d’autres : les collectivités territoriales.

La proposition de loi, dans sa version première, n’échappait pas à ce travers. Elle porte comme ambition de rationaliser, pour en améliorer l’efficacité, l’intervention des différents acteurs publics. Nous approuvons l’objectif, mais rationaliser ne veut pas dire transférer.

Certaines modifications apportées par la commission sont, par conséquent, bienvenues.

Ainsi en est-il de la suppression de l’article 3, qui transférait une partie des compétences des ARS vers les communes et les maires en matière d’intervention sur les lieux de présence potentielle d’espèces végétales ou animales nuisibles à la santé humaine, sans transfert de crédits ni de moyens correspondants.

Nous approuvons également la modification apportée à l’article 2, qui faisait de la lutte contre les moustiques, en tant que nuisance, une nouvelle compétence obligatoire des départements – là encore, sans moyens correspondants.

C’est dans le même état d’esprit que nous nous opposons à ce que le coût des interventions des agents sanitaires pour éradiquer des espèces végétales ou animales nuisibles à la santé humaine soit à la charge des occupants des lieux quand leur responsabilité n’est pas en cause. Il s’agit d’une question essentielle et évidente de santé publique.

En conclusion, vous comprendrez, mes chers collègues, que, bien que préoccupés par la nécessité d’une meilleure prévention et d’une plus grande protection de la santé de la population, nous ne pouvons que nous interroger sur l’effectivité d’une proposition de loi ne répondant pas à la question cruciale du financement de cette mission par l’État, d’autant qu’une proposition de résolution créant une commission d’enquête chargée d’évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles a été déposée le 25 septembre et adoptée le 12 décembre 2019 à l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons a pour objet de renforcer les capacités de lutte des autorités publiques contre la propagation des espèces nuisibles.

Le texte tend à améliorer la résolution de deux problèmes spécifiques de sécurité sanitaire : la propagation des maladies vectorielles, telles que la dengue et le chikungunya, d’une part, et la prolifération d’espèces végétales nocives pour la santé humaine, telles que les ambroisies, d’autre part.

L’épidémie de coronavirus qui sévit actuellement met en lumière l’importance des enjeux en cause dans le cadre de cette proposition de loi.

Bien d’autres maladies sont directement concernées par la lutte contre les espèces vectorielles. S’il s’agit d’un problème d’actualité, c’est surtout un enjeu majeur de santé publique.

En modifiant les aires de répartition des espèces, le dérèglement climatique nous pousse à nous adapter aux nouvelles menaces. Des espèces exotiques migrent ou sont introduites dans des milieux naturels qui n’y sont pas préparés. En parallèle, l’intensification des échanges intercontinentaux accroît la diffusion des maladies.

Aussi nous faut-il trouver des réponses opérationnelles aux risques épidémiques et à la prolifération d’espèces exotiques envahissantes. En effet, certaines variétés extérieures déséquilibrent nos écosystèmes au détriment de la biodiversité indigène et nuisent à la santé des populations.

Je souhaite saluer l’initiative de Michel Amiel, auteur du texte. Je tiens également à féliciter M. le rapporteur, Martin Lévrier, pour la qualité du travail qu’il a réalisé.

La compétence santé se trouve bien souvent répartie entre plusieurs acteurs. Cette division en fonction des domaines d’expertise de chacun a du sens, mais elle constitue parfois un frein qui ralentit l’action des pouvoirs publics.

Nous savons que la salubrité publique relève de la compétence du maire, en concertation avec l’agence régionale de santé. La commission des affaires sociales a souhaité clarifier les champs d’action de ces deux acteurs. Elle a ainsi limité les obligations du maire à un devoir de signalement, et laissé le soin à l’acteur spécialisé qu’est l’agence régionale de santé d’agir à la fois pour prévenir les épidémies et contrôler la bonne exécution des obligations des particuliers.

Ces dispositions étaient nécessaires. Elles permettent de délimiter avec précision les domaines de compétence de ces acteurs, dont les interventions gagneront en célérité et en efficacité.

La proposition de loi rénove en profondeur l’organisation de la lutte contre les moustiques pour faire face à la recrudescence des cas d’arbovirose propagée par les moustiques et les tiques. Elle clarifie et explicite la compétence du préfet en matière de lutte antivectorielle et consacre l’objectif de lutte contre les moustiques comme compétence obligatoire des conseils départementaux.

La commission a souhaité préserver la liberté de décision de ces derniers, en s’opposant au caractère obligatoire de la démoustication initialement prévu par le texte. Dans un contexte budgétaire contraint, nous devons veiller à éviter toute extension de compétence à la charge des collectivités locales qui ne s’accompagnerait pas de compensations financières.

Le texte propose également trois nouveaux leviers d’action pour limiter la propagation des maladies vectorielles.

Tout d’abord, les procédures de déclaration obligatoire de certaines maladies seront simplifiées, ce qui permettra une meilleure utilisation de ces dispositifs et en renforcera l’efficacité. Les travaux de la commission ont permis de déterminer que le droit actuel comporte de nombreuses dispositions efficaces dans la lutte contre la propagation de ces maladies. Malheureusement, ces dispositions ne sont actuellement ni assez connues ni utilisées par les professionnels concernés.

Ensuite, de nouveaux moyens d’identification des personnes contacts et de prévention de la propagation des maladies seront déployés. Ils sont très utiles pour le suivi des épidémies et nous permettront sans nul doute de renforcer l’efficacité des mesures de prophylaxie.

Enfin, en cas d’absence de coopération des personnes contagieuses, une mesure d’isolement thérapeutique contraint sera proposée par l’autorité sanitaire. Cette disposition a fait l’objet d’un intense travail en commission et son encadrement semble aller vers davantage de respect des droits de chacun, sans toutefois mettre en péril la santé publique.

Nous devons rester vigilants quant à la proportionnalité de ces mesures. La liberté d’aller et venir est, en effet, l’une de nos libertés fondamentales les plus précieuses. Sa restriction ne doit intervenir que lorsqu’elle est spécifiquement nécessaire. Nous faisons pleinement confiance au juge judiciaire pour contrôler la légalité d’une telle limitation de la liberté individuelle.

Il était important de rendre le droit actuel plus applicable. Ces nouvelles dispositions présentent l’avantage d’être plus opérationnelles et sans doute plus faciles à mobiliser.

Les travaux de la commission ont permis de répondre à un certain nombre de difficultés. Le groupe Les Indépendants soutient la finalité recherchée par les auteurs de cette proposition de loi. (M. le rapporteur applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la répétition des épidémies telles que la dengue ou le chikungunya dans les départements d’outre-mer et l’apparition de nouvelles épidémies, comme celle qui est liée au virus Zika en Polynésie française, font de la sécurité sanitaire un enjeu dont la réalité peut parfois conduire à un véritable traumatisme national.

Compte tenu de la présence de vecteurs d’épidémies en métropole, il est essentiel que nous disposions d’un système de lutte antivectorielle efficient.

Aujourd’hui, l’actualité législative de notre chambre rejoint l’actualité mondiale. Ce dimanche 2 février 2020, le coronavirus a fait un premier mort hors des frontières chinoises, aux Philippines. Au total, on enregistre 491 morts sur 24 300 contaminés dans 27 pays. Pour rappel, on dénombrait 348 morts dues au SRAS en Chine. La semaine dernière, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé l’épidémie comme une « urgence de santé publique de portée internationale » et de nombreux pays, dont la France, ont annoncé des mesures exceptionnelles.

Les personnes à risque, qu’elles soient françaises ou non, ont été isolées sous surveillance militaire à Istres, puis dans un centre de vacances, à Carry-le-Rouet.

Or, puisque l’on ne peut pas laisser l’exception devenir la règle, ces mesures exceptionnelles doivent intégrer un cadre législatif qui corresponde aux nouveaux défis qu’impliquent la mondialisation des transports, le réchauffement climatique et la vulnérabilité accrue de nos systèmes immunitaires. Compte tenu de cette dimension internationale des épidémies, les virus ne connaissant pas de frontières, la France doit travailler en concertation avec les autres États membres de l’Union européenne, ainsi qu’avec les services de l’OMS.

En mars 2017, le périmètre du texte n° 471 déposé par Mme Marisol Touraine, alors ministre des affaires sociales et de la santé, n’allait pas assez loin.

Réunie le mercredi 29 janvier 2020, sous la présidence de M. Alain Milon, la commission des affaires sociales a examiné, sur le rapport de M. Martin Lévrier, la proposition de loi qui nous intéresse aujourd’hui. Celle-ci fait déjà un très large pas dans la bonne direction.

D’emblée, le texte réaffirme la répartition des responsabilités entre l’État et les collectivités territoriales. Il revient à l’État d’élaborer et de mettre en place une politique de prévention et de lutte contre les maladies vectorielles, sans préjudice des missions d’hygiène et de salubrité dévolues aux collectivités.

C’est, je le crois, sur ce sujet de l’articulation des compétences que doit se porter notre attention la plus vive, en tant qu’élus représentant les territoires, en particulier la ruralité. En effet, l’enjeu est l’articulation de la responsabilité de l’acteur qui fonde sa compétence historique sur la proximité de son action – le maire – avec celle de l’acteur qui la fonde sur la spécialité de sa mission – l’ARS. Le rôle du maire en matière de lutte antivectorielle doit être limité à un rôle de signalement auprès du directeur de l’ARS, afin de ne pas alourdir excessivement ses missions.

La commission a supprimé l’instauration d’une compétence obligatoire de lutte contre les moustiques pour les départements, en raison du coût supplémentaire, important et non compensé, qu’elle impliquait.

Elle a également supprimé l’article 3, au motif qu’il présentait un risque de surcharge dans les compétences du maire.

Le médecin et l’ARS sont tous deux de bonne volonté. La difficulté réside dans le diagnostic différentiel et le lien numérique entre les deux : quand un médecin détecte des symptômes chez un patient, il doit pouvoir rapidement évacuer les doutes et, en un clic, faire remonter le signal faible à l’ARS – ces signaux faibles constituent en effet le seul outil crédible face aux super-épidémies de demain et à la propagation accrue par la mutabilité des sources et par l’intensification des déplacements. À cet effet, l’article 5 met à la disposition des professionnels de santé des outils informatiques accessibles.

Cela dit, parfois, le respect du protocole ne suffit pas. Il faut alors mettre en place des mesures d’éviction, voire de maintien à domicile.

En ce qui concerne l’éviction, il faut généraliser la règle de droit à tous les lieux accueillant des enfants ou de très nombreuses personnes.

Pour ce qui est de l’isolement contraint, nous avons décidé de renvoyer à un décret en Conseil d’État ce qui ne relève pas du domaine de la loi. Nous avons garanti la protection des libertés fondamentales par le juge des référés. Nous avons limité dans le temps la période d’isolement contraint à un mois renouvelable. Il faut suivre avec précision le volume d’évolution des cas d’isolement contraint.

Sous réserve de cette prudence, je voterai en faveur de ce texte tel qu’amendé par la commission. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, de prime abord, l’épidémie de coronavirus à laquelle le monde est confronté confirme l’opportunité d’une proposition de loi dont l’objet majeur est de développer un système efficient de prévention des maladies vectorielles – dengue, chikungunya, maladie à virus Zika, fièvre jaune…

Ce texte vise également à lutter contre les espèces végétales et animales nuisibles. Cet objectif, me semble-t-il, est tout autant d’actualité que le premier.

À cet égard, permettez-moi d’évoquer la problématique de l’ambroisie, espèce envahissante apparue en France voilà bien longtemps et dont la propagation n’a cessé de progresser dans nos différentes régions. L’ambroisie constitue une menace directe pour l’homme puisqu’elle est notamment responsable du rhume des foins, de crises d’asthme allergique et de trachéites. Elle constitue également un danger pour les cultures printanières faiblement couvrantes telles que le tournesol.

Très présente dans la vallée du Rhône, l’ambroisie s’est révélée de plus en plus envahissante en Occitanie, par exemple. Dans mon département, le Tarn-et-Garonne, le préfet a installé un comité départemental de coordination pour lutter contre sa propagation au mois de mars 2019 et pris un arrêté prescrivant les mesures de lutte contre les espèces d’ambroisie, afin de prévenir leur apparition et lutter contre leur dissémination.

Cette proposition de loi répond donc à une actualité immédiate. Je veux saluer son dépôt. Elle vise notamment à rationaliser l’intervention des acteurs publics face à ces nouveaux enjeux de santé publique.

Compte tenu de leur nature initiale, limitées à des enjeux circonscrits d’hygiène publique et de moralité, les missions de police en matière de salubrité publique ont historiquement fait l’objet d’une attribution générale au maire. Ce dernier, en raison de sa proximité avec le terrain, demeure l’acteur local le plus pertinent pour détecter ou évaluer le danger potentiel d’un événement sanitaire.

En matière sanitaire, le pouvoir de police générale du maire, tel qu’il résulte de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, s’entend, à l’égard de l’objet qu’il vise, d’une part, de toute activité de prévention, largement désignée, et, d’autre part, d’une activité de répression plus circonscrite, limitée à la seule « distribution des secours nécessaires ».

La compétence du maire a toutefois été concurrencée, au fur et à mesure de l’expansion et de la diffusion des enjeux de santé publique, par celle d’acteurs spécialisés et déconcentrés de l’État sur les territoires, aujourd’hui les agences régionales de santé.

Aussi, l’un des enjeux majeurs de cette proposition de loi consiste à définir la bonne articulation entre l’acteur qui fonde sa compétence sur la proximité de son action, à savoir le maire, et celui qui la fonde sur la spécialité de sa mission, en l’occurrence l’ARS, en matière de lutte antivectorielle.

Les évolutions du rôle du maire ici proposées me semblent pertinentes. Je suis notamment en accord avec la proposition d’introduction d’un nouvel article dans le code de la santé publique visant à imposer au maire l’obligation de signaler au directeur général de l’ARS tout événement susceptible d’engager la compétence de l’agence en matière de lutte antivectorielle.

S’il paraît tout à fait normal que le maire se doive de signaler les problèmes, il revient aux ARS et aux préfets d’agir. Je salue ainsi la meilleure coordination entre les compétences attribuées à l’ARS et les pouvoirs des collectivités locales.

En outre, je me félicite que la commission se soit opposée à l’augmentation de charges pour les collectivités départementales induite par le texte initial, lequel revêtait d’un caractère obligatoire la lutte contre les moustiques, perçus comme nuisance.

Pour ces raisons, je suis favorable à l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative à la sécurité sanitaire

Chapitre Ier

Prévention des maladies vectorielles transmises par les moustiques et lutte contre les ambroisies

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité sanitaire
Article 2

Article 1er

I. – Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Mesures de désinfection », comprenant les articles L. 3114-1 et L. 3114-2 ;

2° Après l’article L. 3114-2, est insérée une section 2 intitulée : « Prévention des maladies vectorielles transmises par les insectes », comprenant les articles L. 3114-3 à L. 3114-6 ;

3° L’article L. 3114-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3114-3. – La politique de prévention des maladies vectorielles relève de la compétence de l’État, sans préjudice des missions d’hygiène et de salubrité dévolues aux collectivités territoriales. » ;

3° bis (nouveau) L’article L. 3114-3-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3114-3-1. – Par dérogation à l’article L. 2213-31 du code général des collectivités territoriales, le maire informe sans délai le directeur général de l’agence régionale de santé de toute détection d’insectes vecteurs et susceptibles de constituer une menace pour la santé de la population sur le territoire de sa commune. » ;

4° L’article L. 3114-4 est ainsi rétabli :

« Art. L. 3114-4. – Pour prévenir le développement de maladies humaines transmises par l’intermédiaire d’insectes vecteurs et constituant une menace pour la santé de la population, l’agence régionale de santé définit les mesures de prévention ainsi que, pour le compte du représentant de l’État territorialement compétent, dans les conditions prévues à l’article L. 1435-1, les mesures de lutte nécessaires.

« Pour mettre en œuvre les mesures de prévention et de lutte qui lui incombent, l’agence régionale de santé recourt, le cas échéant, à des opérateurs publics ou privés agréés dans des conditions précisées par décret.

« Seuls les agents habilités des agences régionales de santé ou agents des communes ou mandatés par elles ou les agents des opérateurs mentionnés au deuxième alinéa du présent article sont autorisés à pénétrer avec leurs matériels sur les propriétés publiques et privées, même habitées, pour procéder aux prospections, traitements, travaux et contrôles nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures :

« 1° Dans les zones définies par l’autorité compétente ;

« 2° Et après que les propriétaires, locataires, exploitants ou occupants en ont été avisés à temps, par écrit et dans un délai raisonnable pour leur permettre de prendre toutes les dispositions utiles pour la sauvegarde de leurs intérêts.

« Cet accès a lieu entre 8 heures et 20 heures, sauf si la situation d’urgence justifie l’intervention en dehors de ces heures.

« Les propriétaires, locataires, concessionnaires, exploitants ou occupants des zones déterminées dans la zone de lutte mettent tout en œuvre pour permettre aux agents mentionnés au troisième alinéa d’effectuer les prospections, traitements, travaux et contrôles nécessaires et se conformer à leurs prescriptions, notamment en procédant aux déplacements d’animaux et de matériels nécessités par ces opérations.

« Les agents mentionnés au même troisième alinéa sont autorisés à procéder d’office aux prospections, traitements, travaux et contrôles nécessaires à la mise en œuvre des mesures définies par l’autorité compétente.

« Ils disposent à cet effet des prérogatives mentionnées à l’article L. 1421-2. » ;

5° Les articles L. 3114-5 et L. 3114-6 sont ainsi rédigés :

« Art. L. 3114-5. – Des expérimentations innovantes pour lutter contre les insectes vecteurs peuvent être autorisées par le représentant de l’État dans le département, après avis du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et du Haut Conseil des biotechnologies, dans les conditions et pour une durée qu’il définit et qui ne peut dépasser trois ans.

« Art. L. 3114-6. – Sont déterminées par décret en Conseil d’État pris après avis du Haut Conseil de la santé publique :

« 1° La nature des mesures susceptibles d’être prises en application de l’article L. 3114-4 ;

« 2° Les dérogations nécessaires à la mise en œuvre des expérimentations mentionnées à l’article L. 3114-5. » ;

6° L’article L. 3114-7 est abrogé.

II. – Au début de l’article L. 1338-1 du code de la santé publique, les mots : « Sous réserve des articles L. 3114-5 et L. 3114-7, » sont supprimés.

III. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’organisation et de fonctionnement des services de désinfection.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.

Mme Michelle Gréaume. Le premier article de cette proposition de loi réaffirme le rôle de l’État dans la politique de prévention des maladies vectorielles.

Il est effectivement du ressort de l’État de veiller à la bonne santé de la population. À ce titre, je regrette que le Gouvernement ait décidé de se désengager du pilotage financier de l’Agence nationale de santé publique en faisant adopter dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 une disposition transférant son financement vers l’assurance maladie.

Mon groupe avait alors déposé un amendement de suppression de cette disposition qui n’a pas été adopté. Nous n’avons d’ailleurs toujours pas reçu d’explication satisfaisante sur ce point. Toutefois, nous avons une petite idée de la raison ayant présidé à cette décision : l’obsession de la diminution des dépenses publiques.

La mission « Santé » de la loi de finances pour 2020 a donc vu son budget divisé par deux en prenant également en compte le transfert du financement de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Désormais, plus aucun opérateur public assurant la prévention et la protection de la santé de la population n’est soumis au pilotage financier de l’État. De la même manière, l’article 1er renforce les prérogatives des agences régionales de santé, alors même qu’elles subissent également les mesures d’austérité budgétaire ayant conduit à une réduction des effectifs de l’ordre de 338 postes entre 2017 et 2018.

Tout cela nous amène à reposer la question de la démocratie sanitaire. Si l’on souhaite que les élus locaux soient pleinement associés et entendus en matière de prévention et de protection de la santé des citoyens sur leur territoire, encore faut-il savoir qu’un grand nombre d’entre eux n’est pas du tout satisfait du modèle soutenu par les ARS pour traiter des questions de santé sur ce même territoire.

M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Il apparaît nécessaire que le législateur se penche sur l’efficacité de l’organisation actuelle de l’action publique en matière de lutte antivectorielle.

Toutefois, cette réflexion doit être précédée d’un certain nombre de travaux. En procédant au moyen d’une proposition de loi qui ne comporte pas d’étude d’impact, nous ne disposons que très partiellement des informations essentielles pour mener sereinement ce travail.

Par ailleurs, comme cela a déjà été souligné, l’Assemblée nationale a créé une commission d’enquête chargée d’évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques et des maladies vectorielles. Cette commission d’enquête a entamé ses travaux d’investigation qui portent sur l’évaluation des recherches, notamment entomologiques, médicales et épidémiologiques, sur les dynamiques de propagation des moustiques et des maladies vectorielles associées, sur l’évaluation des politiques de prévention sous leur double aspect – prévention de la propagation des moustiques et prévention des épidémies de maladies vectorielles – et, enfin, sur l’évaluation des politiques publiques, comprenant notamment les dispositifs de surveillance et d’alerte et les dispositifs de lutte contre les arboviroses.

Il nous semble nécessaire d’attendre que cette commission d’enquête ait achevé ses travaux, afin de disposer des recommandations et des propositions de nos collègues députés. Il n’y a aucune urgence à légiférer. Les dispositions des deux premiers articles de cette proposition de loi nous paraissent prématurées, raison pour laquelle nous en demandons la suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. L’article 1er réorganise entièrement l’attribution de la police administrative en matière de lutte antivectorielle, afin de rendre celle-ci plus opérationnelle et plus réactive.

La commission ne peut donc être que défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Même avis, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Le rapporteur a présenté une argumentation particulièrement synthétique. (Sourires.)

Je sais que le Gouvernement a pris l’habitude de déposer des projets de loi sans mettre entre les mains des parlementaires toutes les données nécessaires pour leur évaluation – je pense notamment au texte sur les retraites –, mais ce n’est pas une façon raisonnable de procéder.

Une commission d’enquête est en cours sur ces questions. Elle va rendre ses conclusions dans quelques mois. Il est tout à fait incompréhensible et assez peu respectueux de ne pas en tenir compte. Je maintiens mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Jasmin, MM. Jomier, Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après les mots :

pour leur permettre

insérer les mots :

de manifester leur refus ou

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Cet amendement, dont le premier signataire est Victoire Jasmin, sénatrice de Guadeloupe, vise à sécuriser les interventions des agents au regard du droit des propriétaires à autoriser ou non l’accès à leurs propriétés privées.

Les réserves vis-à-vis de la rédaction initiale de l’alinéa 13 de l’article 1er s’inscrivent dans une logique de prévention.

Il s’agit tout d’abord d’éviter de mettre en danger des agents qui se retrouveraient, de par leur intrusion sur des propriétés privées, dans des situations de conflits avec des occupants qui ne disposent d’aucun moyen de manifester leur refus avant l’inspection.

Il s’agit ensuite de renforcer l’implication des habitants, indispensable pour enseigner de façon pédagogique les bons gestes contre la prolifération des moustiques. Il serait même contre-productif que la population n’adhère pas aux campagnes d’inspection et de sensibilisation.

Cet amendement ne tend pas, in fine, à empêcher les pouvoirs publics de procéder aux opérations nécessaires d’élimination d’espèces nuisibles. Nous connaissons tous l’importance d’une pleine adhésion de la population, surtout au regard de la diversité des gîtes larvaires – une soucoupe pleine d’eau sous une plante est un gîte pour les moustiques, particulièrement dans les départements d’outre-mer. Cet amendement vise simplement à renforcer la logique de prévention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. La Constitution, en ce qu’elle protège le droit de propriété, garantit déjà au propriétaire de pouvoir exprimer son refus.

Par ailleurs, la référence explicite à l’article L. 1421-2 du code de la santé publique qui prévoit précisément l’intervention de l’autorité judiciaire en cas de refus du propriétaire montre que ce dernier dispose bien du droit de refuser en première intention l’accès à sa propriété.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. J’étais à Mayotte voilà encore quelques heures. En accompagnant la directrice de l’ARS sur une action antivectorielle, j’ai pu discuter avec les agents et les habitants de la meilleure façon d’intervenir auprès des propriétaires ou des locataires.

Il s’agit ici d’instaurer un dialogue de prévention, d’expliquer les raisons pour lesquelles les agents doivent lutter contre toute stagnation. Pour ces raisons, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Après le mot :

vecteurs

insérer les mots :

en tenant compte de la préservation de la biodiversité

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Cet amendement concerne la prise en compte de la préservation de la biodiversité dans les expérimentations.

La lutte antivectorielle utilise des produits biocides nocifs pour les écosystèmes et les enjeux de la biodiversité et donc pour l’homme.

Parfois même, des produits qui ne sont plus autorisés en France ou en Europe sont réintroduits. C’est notamment le cas du malathion, interdit en France depuis 2008 et en Europe depuis 2012, auquel le Gouvernement a accordé un recours dérogatoire en Guyane.

Il est nécessaire d’orienter les expérimentations vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement comme celles de la stérilisation de l’insecte, de l’introduction de moustiques au patrimoine génétique modifié, ou encore de l’immunisation des populations de moustiques en les infectant artificiellement par une bactérie les rendant réfractaires au virus de la dengue, par exemple.

Face à l’effondrement de la biodiversité, en particulier des insectes et des arthropodes, n’opposons pas les enjeux et développons des politiques publiques qui prennent en compte tous ces aspects.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Cette précision a paru judicieuse à la commission, qui émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Cet amendement semble déjà satisfait par l’article 1er. Le Gouvernement en demande le retrait, à défaut il s’en remettra à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 3 rectifié est présenté par M. Dériot et Mme Lopez.

L’amendement n° 5 est présenté par Mme de la Provôté.

L’amendement n° 12 rectifié est présenté par M. Jomier, Mme Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 19

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les conseils départementaux et les communes concernés sont tenus informés par le représentant de l’État dans le département de la tenue de ces expérimentations.

La parole est à M. Gérard Dériot, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.

M. Gérard Dériot. S’agissant d’un enjeu social majeur, il est utile que les pratiques innovantes puissent être partagées avec les collectivités territoriales, acteurs concernés par la lutte contre les moustiques.

M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour présenter l’amendement n° 5.

Mme Sonia de la Provôté. Les conseils départementaux et les communes doivent être tenus informés d’un certain nombre d’innovations peu ou mal diffusées dans les territoires. Un tel échange participerait d’une lutte plus efficace à l’échelle nationale.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.

M. Bernard Jomier. L’Assemblée des départements de France souligne, à juste titre, la nécessité d’associer plus étroitement les collectivités territoriales à ces questions. À défaut, le succès ne sera pas au rendez-vous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. L’article 1er dispose que les interventions de police antivectorielles de droit commun, en prévoyant que l’exécution des mesures préventives et répressives puisse faire intervenir les communes, les collectivités territoriales mandatées par elles, ainsi que les opérateurs départementaux, fournissent nécessairement l’information préalable à ces acteurs.

Aucune précision de cette nature n’étant apportée dans le cadre des expérimentations, la commission émet un avis favorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Je comprends votre préoccupation d’assurer la bonne information des communes et des départements sur les expérimentations que le préfet pourrait avoir autorisées.

Nous sommes d’accord sur le fond, mais la précision souhaitée nous semble davantage relever du domaine réglementaire. Le Gouvernement demande donc le retrait de ces trois amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié, 5 et 12 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

La loi n° 64-1246 du 16 décembre 1964 relative à la lutte contre les moustiques est ainsi modifiée :

1° Les quatre premiers alinéas de l’article 1er sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Des zones de lutte contre les moustiques sont délimitées par arrêté préfectoral pris après avis de la commission mentionnée à l’article L. 1416-1 du code de la santé publique dans les départements dont les conseils départementaux le demanderaient. » ;

2° L’article 7-1 est abrogé.

M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Par cohérence avec notre demande de suppression de l’article 1er, cet amendement vise à supprimer l’article 2, pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Cette demande de suppression est liée à l’absence de prise en compte des travaux de la commission d’enquête créée par l’Assemblée nationale.

Pour autant, ne préjugeons pas l’issue de nos débats ni les modifications que j’ai proposées à la commission, qui les a acceptées, sur cet article.

Enfin, la navette pourra enrichir le texte en fonction des conclusions de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 4 rectifié est présenté par M. Dériot et Mme Lopez.

L’amendement n° 6 est présenté par Mme de la Provôté.

L’amendement n° 13 rectifié est présenté par M. Jomier, Mme Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Après les mots :

contre les

insérer les mots :

nuisances de

La parole est à M. Gérard Dériot, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié.

M. Gérard Dériot. Afin d’éviter toute confusion dans les problématiques de nuisances et de lutte antivectorielle, cet amendement vise à préciser le rôle des départements dans les politiques de démoustication – lutte non obligatoire contre les nuisances de moustiques – tel que défini par la loi du 16 décembre 1964.

M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour présenter l’amendement n° 6.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié.

M. Bernard Jomier. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Ces trois amendements identiques visent à préciser que les zones de lutte contre les moustiques sont strictement limitées aux nuisances.

Ils confirment l’intention initiale de ne pas inclure au rang des compétences obligatoires des conseils départementaux les missions de lutte antivectorielle, par ailleurs explicitement confiées aux ARS à l’article 1er.

Il s’agit d’une précision utile. La commission est donc favorable à ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 rectifié, 6 et 13 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7, présenté par Mme de la Provôté, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Le dernier alinéa du même article 1er est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des zones de lutte contre les moustiques vecteurs sont délimitées dans les mêmes conditions, dans les départements où est constatée l’existence de conditions entraînant le développement ou un risque de développement de maladies humaines transmises par l’intermédiaire de moustiques et constituant une menace pour la santé de la population.

« À l’intérieur de ces zones, les agents habilités des agences régionales de santé ou les agents des opérateurs auxquelles elles recourent, ainsi que les services du département sont autorisés à procéder d’office aux prospections, traitements, travaux et contrôles nécessaires à cette action. Lorsque le département confie la réalisation de ces opérations à un organisme de droit public, les agents de cet organisme disposent, pour l’exercice de ces missions, des mêmes compétences que les agents du département. » ;

La parole est à Mme Sonia de la Provôté.

Mme Sonia de la Provôté. Afin d’éviter toute confusion dans les problématiques de nuisances et de lutte antivectorielle, cet amendement vise à préciser explicitement qu’il s’agit de lutter contre les moustiques vecteurs constituant une menace pour la santé de la population.

Il s’agit ensuite de préciser les prérogatives des agents concernés par les deux problématiques.

M. le président. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Le dernier alinéa du même article 1er est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des zones de lutte contre les moustiques vecteurs sont délimitées dans les mêmes conditions, dans les départements où est constatée l’existence de conditions entraînant le développement ou un risque de développement de maladies humaines transmises par l’intermédiaire de moustiques et constituant une menace pour la santé de la population.

« À l’intérieur de ces zones, les agents habilités des agences régionales de santé ou les agents des communes ou mandatés par elles ou les agents des opérateurs mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 3114-4 du code de la santé publique sont autorisés à procéder d’office aux prospections, traitements, travaux et contrôles nécessaires à cette action. » ;

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. L’amendement n° 7 a déjà été présenté en commission. Il avait alors été considéré comme satisfait par un amendement que j’avais moi-même déposé.

La commission y est donc défavorable, tout comme à l’amendement n° 14 rectifié, quasiment identique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements dont l’adoption pourrait entraîner une confusion en réintroduisant dans la loi de 1964 la lutte antivectorielle.

Mme Sonia de la Provôté. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 7 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

(Supprimé)

Article 3
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Article 5

Article 4

Après l’article L. 1338-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1338-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1338-3-1. – I. – L’autorité administrative peut déléguer le constat de la présence d’espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine mentionnées à l’article L. 1338-1 à des organismes présentant des garanties de compétence, d’indépendance et d’impartialité dont la liste est fixée par décret, conformément aux articles 28, 29 et 31 du règlement (UE) 2017/625 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017.

« Ce constat de l’organisme est adressé au directeur général de l’agence régionale de santé ainsi qu’au représentant de l’État dans le département dans des conditions fixées par décret.

« II. – Les agents des organismes mentionnés au I sont autorisés à pénétrer avec leurs matériels sur les propriétés publiques et privées, même habitées, après que les propriétaires, locataires, exploitants ou occupants en ont été avisés à temps, par écrit et dans un délai raisonnable pour leur permettre de prendre toutes les dispositions utiles pour la sauvegarde de leurs intérêts.

« Ces agents disposent des prérogatives mentionnées à l’article L. 1421-2. Leur accès aux propriétés mentionnées au premier alinéa du présent II a lieu entre 8 heures et 20 heures, sauf si la situation d’urgence justifie l’intervention en dehors de ces heures.

« Les propriétaires, locataires, exploitants ou occupants mettent tout en œuvre pour permettre aux agents mentionnés au premier alinéa du présent II d’effectuer les prospections, traitements, travaux et contrôles nécessaires et se conformer à leurs prescriptions.

« III. – Sur la base du constat établi par les organismes mentionnés au I, le directeur général de l’agence régionale de santé peut, pour le compte du représentant de l’État dans le département, prescrire au propriétaire de mettre en œuvre, dans un délai raisonnable, tous les moyens nécessaires à la destruction des espèces mentionnées au même I.

« En cas de refus ou de négligence, il prescrit que les travaux reconnus nécessaires soient exécutés d’office aux frais du propriétaire, après mise en demeure préalable. »

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.

Mme Michelle Gréaume. Cet article, relatif à la destruction des espèces animales ou végétales mentionnées à l’article L. 1338–1 du code de la santé publique, et plus particulièrement de l’ambroisie, plante allergène dont le rythme de dissémination est élevé, entend améliorer la lutte contre les ambroisies en ajoutant simplement un volet répressif pour les particuliers.

Or la lutte contre la prolifération de ces plantes fait déjà l’objet d’un suivi attentif : arrêté préfectoral sur les mesures à prendre et leur modalité d’application après avis de l’ARS et du conseil départemental de l’environnement ; mise en place de mesures de prévention et de gestion des territoires concernés ; inclusion d’une « clause ambroisie » dans les cahiers des clauses techniques particulières des marchés publics ; nomination d’un référent ambroisie dans les communes touchées.

Par ailleurs, le propriétaire d’un terrain privé sur lequel se trouve une plante est invité à l’arracher sous peine d’une amende de 450 euros. En outre, l’arrêté du 26 avril 2017 interdit l’introduction volontaire, le transport volontaire, l’utilisation, la mise en vente, la vente ou l’achat, sous quelque forme que ce soit, des trois espèces d’ambroisie. Passer outre cette interdiction expose l’intéressé à une contravention de quatrième classe.

Cette surenchère punitive nous amène à nous interroger. Une fois de plus, vous souhaitez vous désengager financièrement de la lutte contre des plantes qui font, comme vous le rappelez si bien, 660 000 victimes et qui entraînent environ 40,6 millions d’euros de frais de santé.

La prolifération de l’ambroisie est une question de santé publique. Il revient donc à la puissance publique de s’engager pleinement sur tous les volets, notamment sur celui de la prévention et du coût de la destruction. Nous serions ravis d’en débattre lors du prochain projet de loi de finances.

Par ailleurs, cet article prévoit que le coût de l’intervention des agents soit à la charge des occupants des lieux. Nous y sommes opposés. S’il s’agit bien d’une question de santé publique, revient-il vraiment aux occupants de payer, quand bien même leur responsabilité n’est pas engagée ni leur négligence avérée ? Ce n’est pas anodin.

En outre, tous n’ont pas les moyens financiers de s’acquitter de cette charge. Cette question des moyens est absolument déterminante, comme nous le constatons aujourd’hui pour la destruction des nids de guêpes ou de frelons : sauf dans les cas d’extrême urgence ou de danger, les sapeurs-pompiers n’interviennent plus et la destruction des nids est désormais payante. Aussi, nombre de personnes y renoncent, faute de moyens, ce qui peut entraîner de nombreux problèmes à court et à long terme en matière de santé publique.

M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

adressé

insérer les mots :

au maire de la commune,

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. L’article 4 autorise des organismes délégataires à entrer sur les propriétés privées.

Il faut prendre en compte le fait que le maire, premier échelon de proximité, est susceptible d’avoir à répondre directement auprès de nos concitoyens de l’action de l’État contre les espèces nuisibles. Il est un maillon important de la chaîne d’intervention et doit pour cela être pleinement associé. Il devrait être au cœur d’un système de lutte contre l’ambroisie à la fois souple et territorialisé.

Or si la commission a bien fait le choix de renforcer le rôle du maire dans la lutte antivectorielle, ce dernier est absent de la lutte contre l’ambroisie. Je crains même que le dispositif choisi ne retarde l’élimination concrète de la plante en concentrant la décision dans les services de l’État – ARS et préfet de département –, relativement éloignés de la réalité du terrain.

Cet amendement vise donc à réinsérer le maire dans la chaîne d’intervention en le tenant informé de la présence d’espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine sur le territoire de sa commune.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Le maire doit en effet absolument figurer dans la chaîne d’intervention. Cet amendement vise à rendre le maire de la commune concernée destinataire du constat de présence d’ambroisie, au même titre que le directeur général de l’ARS et que le préfet.

Avis favorable donc de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Les dispositions réglementaires existantes prévoient d’ores et déjà que les collectivités locales peuvent participer à la prévention des maladies provoquées par les ambroisies et à la lutte contre ces dernières aux côtés du préfet. Informer les maires de la présence d’ambroisie sur leur territoire, comme vous le proposez, monsieur le sénateur, contribue bel et bien à les associer pleinement à la mise en œuvre de cette politique. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer les mots :

, sauf si la situation d’urgence justifie l’intervention en dehors de ces heures

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. L’article 4 autorise, en cas d’urgence, les agents habilités à entrer sur des propriétés privées en dehors du créneau fixé entre 8 heures et 20 heures. Contrairement à ce qui se passe dans le cas de la lutte antivectorielle, dont le caractère d’urgence peut effectivement nécessiter d’entrer la nuit sur une propriété privée, il est difficile d’imaginer une telle urgence en matière de lutte contre les espèces végétales et même contre les espèces animales nuisibles.

Cet amendement vise donc à supprimer la dérogation en cas d’urgence, afin de mieux protéger et prendre en compte le droit des particuliers et la propriété privée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour deux raisons.

Contrairement à ce qui est indiqué dans l’exposé des motifs de l’amendement, l’article 4 vise non pas uniquement l’ambroisie, mais toute espèce végétale ou animale dangereuse pour la santé humaine. Le cas d’urgence semble donc devoir être maintenu.

Par ailleurs, la présence d’ambroisie n’est pas cantonnée aux propriétés situées en zone rurale ; on en détecte aussi dans certaines zones de vente qui ne sont ouvertes qu’aux horaires de fréquentation commerciale. La possibilité d’intervenir au-delà de 20 heures se justifie donc pleinement dans ce cas aussi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

en tenant compte de la préservation de la biodiversité

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. De la même manière qu’à l’article 1er, il est essentiel, selon nous, de croiser les approches et de ne pas risquer de mener des actions qui endommageraient les écosystèmes.

La lutte contre l’ambroisie est principalement mécanique, en tout cas sur les terrains dégagés ou en bordure de route. Mais il arrive que l’on ait recours à des herbicides, parfois par facilité.

Il est donc important que la loi précise que les moyens de lutte contre l’ambroisie doivent tenir compte des exigences inhérentes à la préservation de la biodiversité en minimisant autant que faire se peut le recours aux biocides. Les alternatives doivent par ailleurs être recherchées, promues et soutenues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. En cohérence avec l’amendement présenté à l’article 1er, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. La préservation de la biodiversité est un enjeu soutenu par le Gouvernement et fait l’objet d’un plan Biodiversité publié en 2018. Les actions de lutte contre les espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine, dont l’ambroisie, tiennent compte de cet enjeu.

Cet amendement nous semble donc satisfait. J’en demande le retrait ; à défaut, le Gouvernement émettrait un avis de sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La prescription prévoit qu’au-delà du délai fixé, les travaux reconnus nécessaires sont exécutés d’office aux frais du propriétaire.

II. – Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. L’article 4 prévoit que l’ARS, pour le compte du préfet, prescrit au propriétaire du terrain sur lequel est constatée la présence d’ambroisie de tout mettre en œuvre pour éliminer la plante. En cas de refus ou de négligence, elle met en demeure le propriétaire ; puis, dans un troisième temps, l’ARS prescrit que soient exécutés d’office les travaux nécessaires.

On peut raisonnablement penser que le délai visé est trop long. C’est en tout cas l’avis des professionnels concernés, car la phase de pollinisation et d’égrainage de l’ambroisie est extrêmement courte. L’élimination de l’ambroisie devrait avoir lieu sous un délai maximal de sept jours, qui est difficilement compatible avec la procédure prévue.

Il faudrait donc simplifier cette procédure pour la rendre réellement efficace ; cet amendement vise précisément à raccourcir les délais en prévoyant que le propriétaire d’un terrain où a été constatée la présence d’une espèce nuisible soit informé dès la première notification et que, s’il ne réalise pas les travaux nécessaires, il soit procédé d’office, et à ses frais, auxdits travaux.

Il nous semble que la menace de sanction ainsi définie reste raisonnable et proportionnée ; nous l’appelons de nos vœux afin de rendre le dispositif efficient.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la phase de mise en demeure en cas de constat de la présence d’une espèce végétale ou animale nuisible pour la santé humaine sur un terrain privé.

Bien que je comprenne l’intention de ses auteurs, la phase de mise en demeure répond à l’objectif de constitutionnalité d’une atteinte au droit de propriété ; elle doit, à ce titre, être maintenue.

La commission émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Chapitre II

Signalement et prise en charge des personnes contacts ou infectées

Article 4
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Article 6

Article 5

I. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Haut Conseil de la santé publique et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les conditions dans lesquelles les médecins et les responsables des services et laboratoires de biologie médicale publics et privés informent sans délai l’agence régionale de santé et l’Agence nationale de santé publique :

1° Des cas de maladies qui nécessitent une intervention urgente locale, nationale ou internationale ;

2° Des cas de maladies devant faire l’objet d’une surveillance particulière pour la santé de la population.

Le décret mentionné au premier alinéa du présent I détermine les situations dans lesquelles, en application des mesures mentionnées à la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre IV de la première partie ou au chapitre Ier du titre III du livre Ier de la troisième partie, la transmission de données personnelles peut déroger au respect de l’anonymat des personnes concernées.

Tout traitement de données établi en application du présent I se conforme aux dispositions de l’article 67 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

II. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Haut Conseil de la santé publique, détermine les critères des maladies devant faire l’objet de l’information mentionnée au premier alinéa du I, tenant notamment à leur gravité et à leur contagiosité.

M. le président. L’amendement n° 25, présenté par M. Lévrier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Avant l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

L’article L. 3113-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

II. – Alinéa 1

Remplacer les mots :

I. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Haut Conseil de la santé publique et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les conditions dans lesquelles les

par les mots :

« Art. L. 3113-1. – I. – Les

III. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

Le décret mentionné au premier alinéa du présent I

par les mots :

Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Haut Conseil de la santé publique et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés

La parole est à M. le rapporteur.

M. Martin Lévrier, rapporteur. Outre des modifications rédactionnelles, nous proposons de rehausser au niveau législatif l’obligation d’information qui s’attache aux cas de maladies nécessitant une intervention urgente ou susceptibles de faire l’objet d’une veille sanitaire.

L’impératif d’un décret en Conseil d’État avec avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) est toutefois maintenu lorsqu’est en jeu une dérogation au principe de l’anonymat des données de santé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 27, présenté par M. Lévrier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

troisième partie

insérer les mots :

du présent code

La parole est à M. le rapporteur.

M. Martin Lévrier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

Après le chapitre V du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE V BIS

« Mesure déviction des personnes contacts

« Art. L. 3115-13-1. – I. – Une personne contact est une personne qui, en raison de son exposition à l’une des maladies mentionnées au 1° ou 2° du I de l’article L. 3113-1 du fait d’un contact étroit avec une personne atteinte ou d’un séjour dans une zone concernée par un foyer épidémique, présente un risque élevé de développer ou de transmettre cette maladie.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles, sans préjudice de l’article L. 1413-13, les agences régionales de santé procèdent à la recherche et à l’information des personnes contacts ainsi que des professionnels de santé concernés sur les mesures de prévention nécessaires pour éviter le développement et la transmission de la maladie. Elles sollicitent à cet égard le ou les traitements de données mentionnés au I de l’article L. 3113-1 et à l’article L. 3115-7.

« II. – Sans préjudice de l’article L. 3115-10 et dans les situations mentionnées aux articles L. 1413-15, L. 3115-1 ou L. 3131-1, le directeur général de l’agence régionale de santé peut, sur avis médical motivé, prendre, pour le compte du représentant de l’État dans le département, une mesure d’éviction à l’égard d’une personne contact. La personne contact qui fait l’objet d’une telle mesure est tenue de limiter sa présence dans les lieux regroupant du public. Les conditions d’exécution de la mesure d’éviction sont déterminées par un décret en Conseil d’État.

« La personne contact bénéficie d’un suivi médical adapté durant toute la période d’éviction. La transmission de ses données se fait dans les conditions prévues au I de l’article L. 3113-1.

« Une mesure d’éviction ne peut excéder une durée de sept jours, renouvelable une fois. Le directeur général de l’agence régionale de santé en informe sans délai le procureur de la République.

« Toute personne qui fait l’objet d’une mesure d’éviction peut se prévaloir de l’application de cette mesure pour faire valoir ses droits. »

M. le président. L’amendement n° 26, présenté par M. Lévrier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la référence :

III

par la référence :

Ier

La parole est à M. le rapporteur.

M. Martin Lévrier, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur de référence, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 24, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3, 6, première et dernière phrases, 7, première phrase, 8, première phrase, et 9

Après les mots :

d’éviction

insérer les mots :

ou de maintien à domicile

II. – Alinéa 6, deuxième phrase

1° Supprimer le mot :

telle

2° Après le mot :

mesure

insérer les mots :

d’éviction

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Je souhaite rappeler toute l’importance de cet article au regard des événements actuels liés à l’épidémie de coronavirus. Vous savez que la France a mis en place une stratégie visant à limiter la propagation du virus sur son territoire en assurant la recherche active et la prise en charge précoce des personnes atteintes et de leurs contacts.

Une prise en charge est organisée pour les malades, les cas contacts et les personnes ayant séjourné dans une zone où sévit l’épidémie. Ses modalités ont fait l’objet d’une analyse précise du Haut Conseil de la santé publique dans son rapport sur les interventions non pharmaceutiques à mettre en œuvre pour limiter la propagation des maladies transmissibles lorsqu’il n’existe ni médicament ni vaccin efficace.

Le Haut Conseil a retenu trois modalités de prise en charge : l’éviction, le maintien à domicile et l’isolement.

Au nom de considérations pratiques qui tiennent à leur nombre, nous avons choisi de placer à l’isolement dans un même centre d’hébergement nos compatriotes rapatriés. Mais l’objectif prioritaire, rappelé par le Haut Conseil, reste de placer les personnes contacts à l’isolement chez elles ; c’est ce que nous appelons « maintien à domicile ». Ce recours au maintien à domicile est une pratique utilisée par d’autres pays, par exemple le Japon.

Dans le schéma proposé par le Gouvernement, ce maintien à domicile s’accompagne d’un suivi médical : prise de température, tests biologiques. Les personnes concernées doivent respecter des mesures prophylactiques, comme le port d’un masque, afin de ne pas contaminer leur entourage.

L’objet de cet amendement est donc de rétablir, aux côtés de l’éviction qui reste une mesure d’éloignement de premier niveau, la mesure de maintien à domicile qui figurait dans le texte initial de la proposition de loi et dont on voit aujourd’hui toute l’importance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Compte tenu du contexte d’urgence qui entoure la crise actuelle à laquelle le nouveau coronavirus nous expose, et en raison des corrections que la commission des affaires sociales a apportées à l’article 6 afin de garantir les droits des personnes évincées, je ne vois pas d’obstacle à ce que la mesure inclue la possibilité de maintien à domicile d’une personne.

Avis favorable de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 28, présenté par M. Lévrier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après le 3° de l’article L. 1226-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions s’appliquent en cas d’éviction telle que définie à l’article L. 3115-13-1 du code de la santé publique. » ;

2° Après l’article L. 1226-9, il est inséré un nouvel article L. 1226-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1226-9-1. – Les dispositions de la présente sous-section s’appliquent en cas d’éviction telle que définie à l’article L. 3115-13-1 du code de la santé publique. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Martin Lévrier, rapporteur. Cet amendement est le fruit d’une préoccupation personnelle – vous m’avez entendu l’exprimer lors de la discussion générale – dont l’ensemble de la commission des affaires sociales a tenu à se faire l’écho.

Il n’est pas tant question de sa teneur, largement dictée par les contraintes auxquelles l’article 40 de la Constitution nous soumet, que de l’intention qui préside à son dépôt.

Il s’agit d’attirer votre attention, mes chers collègues, sur la nécessité de rendre toute personne contact évincée, dont je rappelle que la mesure d’éviction la place vis-à-vis de son employeur dans une situation de forte vulnérabilité, éligible au versement d’indemnités journalières de sécurité sociale.

Un décret du 31 janvier dernier a certes prévu des conditions dérogatoires d’octroi des prestations en espèces délivrées par les régimes d’assurance maladie pour les personnes faisant l’objet d’une mesure d’isolement pour avoir été en contact avec une personne atteinte par le coronavirus.

Cette mesure n’est toutefois pas satisfaisante ; elle n’est le résultat que d’une habilitation offerte par le législateur, et non d’un droit qui la garantirait directement.

Par ailleurs, l’ouverture de ce droit est limitée aux seuls cas de crise ou d’urgence sanitaires, qui ne sauraient, à l’avenir, résumer l’ensemble des hypothèses d’éviction.

L’intention de la commission, en déposant cet amendement, est par conséquent d’inciter à ce que l’indemnisation des personnes évincées, quelles qu’elles soient, n’ait plus à faire l’objet d’un décret d’application spécifique, mais soit directement garantie par la loi.

Notre amendement n’a d’autre objet que d’intégrer toutes les personnes contacts évincées, quel que soit le contexte général de leur éviction, dans le droit commun de l’indemnisation des arrêts maladie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Monsieur le rapporteur, vous soulevez la question de la protection du salarié qui ferait l’objet d’une mesure d’éviction. C’est une question importante puisque, pour des raisons de santé publique, les autorités sanitaires peuvent décider qu’une personne ne se rendra pas sur son lieu de travail pendant plusieurs jours, voire semaines, selon la nature de l’affection.

Comme vous avez pu le constater, nous avons récemment organisé, par décret, l’indemnisation des personnes contacts concernées par l’épidémie de coronavirus. Le code de la sécurité sociale permet une telle prise en charge exceptionnelle. C’est un premier point important, signe que nous partageons la même volonté : protéger la santé publique tout en protégeant les salariés.

Avec cet amendement, monsieur le rapporteur, vous soulevez un autre point, celui des conséquences d’une absence pour un motif qui n’est pas prévu par le code du travail : un salarié frappé d’une mesure d’éviction pour motif sanitaire court le risque de se voir reprocher une absence injustifiée par son employeur.

La question posée est légitime, et une solution doit être trouvée. Cependant, l’adoption de votre amendement ne permettrait pas d’y répondre complètement.

Un exemple : en l’état, la disposition que vous proposez ne permet pas de couvrir les salariés saisonniers, les salariés intermittents et les salariés temporaires.

Pour ces raisons, je pense qu’il faut mettre à profit la navette parlementaire pour approfondir la réflexion sur ce point et trouver les moyens de garantir une mise en œuvre efficace de ce dispositif. Je vous invite donc, monsieur le rapporteur, à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis de sagesse.

M. le président. Monsieur le rapporteur, l’amendement n° 28 est-il maintenu ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Je remercie Mme la secrétaire d’État d’avoir considéré l’ensemble des questions soulevées par cet amendement. Il me paraît important de l’introduire dans la navette, afin que l’Assemblée nationale puisse s’en saisir. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Nous allons voter en faveur de cet amendement.

Un point, néanmoins, me laisse perplexe : il faut, nous dit-on, attendre d’en savoir plus avant d’adopter un tel amendement, alors même que, par ailleurs, on légifère sans prendre en compte le fait qu’un travail est en cours, à l’Assemblée nationale, sur ces questions – je l’ai déjà dit.

Selon les thématiques, c’est quand même « deux poids, deux mesures » !

Songez à la loi sur les retraites : on nous dit qu’il faut légiférer même si les résultats de la conférence de financement font défaut, même si, donc, on ne sait pas tout.

Il faut un petit peu de cohérence ! Cela simplifierait notre travail d’élaboration de la loi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.

(Larticle 6 est adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

Après l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3131-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3131-1-1. – I. – Sans préjudice des articles L. 1311-4, L. 3115-10 et L. 3131-1, lorsqu’une personne atteinte d’une des maladies mentionnées au 1° du I de l’article L. 3113-1 crée, par son refus de respecter les prescriptions médicales d’isolement prophylactique, un risque grave pour la santé de la population, il peut être décidé de sa mise à l’isolement contraint dans un établissement de santé disposant des capacités de prise en charge des patients hautement contagieux et figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé de la santé.

« II. – La décision mentionnée au I est prise par arrêté préfectoral motivé, pris sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé après avis médical motivé et circonstancié. Le représentant de l’État dans le département en informe sans délai le procureur de la République, ainsi que le ministre chargé de la santé. La période d’isolement contraint mentionnée à l’arrêté préfectoral ne peut excéder un délai d’un mois, renouvelable une fois.

« Les conditions d’exécution de la mise à l’isolement contraint sont déterminées par un décret en Conseil d’État.

« III. – Le second alinéa du I de l’article L. 3115-13-1 est applicable. »

M. le président. L’amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Après le mot :

exécution

insérer les mots :

du présent article, et notamment

2° Après le mot :

contraint

insérer les mots :

et de la levée de la mesure

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Cet amendement vise à renforcer les garanties offertes aux personnes touchées par une mesure d’isolement contraint en prévoyant que le décret en Conseil d’État qui sera nécessaire pour en préciser l’application devra bien s’attacher à définir les conditions de levée de la mesure.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.

(Larticle 7 est adopté.)

Chapitre III

Mesures de prévention contre d’autres problèmes épidémiques

Article 7
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Article 9

Article 8

Le chapitre V du titre III de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 3135-5 ainsi rétabli :

« Art. L. 3135-5. – Par dérogation au 4° de l’article L. 4211-1 et sans préjudice de l’article L. 5125-25 du présent code, afin de mettre en œuvre le plan particulier d’intervention mentionné à l’article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure, la distribution de produits de santé figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé de la santé peut être directement effectuée par livraison au domicile des personnes concernées par le plan par l’exploitant de l’installation ou de l’ouvrage, sous la supervision d’un ou plusieurs pharmaciens. »

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Berthet, Deroche, Imbert, Gruny, Morhet-Richaud, Lherbier, Bories et Sittler, MM. Bouchet, Bonne et Canevet, Mme Lassarade et M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Après les mots :

produits de santé

insérer les mots :

strictement nécessaires à la prise en charge urgente des personnes visées par l’application dudit plan, non retirés dans une pharmacie d’officine et

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il conclut pour ce faire une convention avec un ou plusieurs pharmaciens d’officine.

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Si l’objectif de sécurité des personnes logeant à proximité des centrales justifie que l’on fasse tout ce qui est possible pour garantir qu’elles aient à disposition des comprimés d’iode, il convient de circonscrire la dérogation faite au monopole pharmaceutique, en précisant tout d’abord que la liste des produits de santé distribuables par l’exploitant est limitée aux produits de santé « strictement nécessaires à la prise en charge urgente des personnes visées par l’application dudit plan ».

Par ailleurs, l’exposé des motifs indique qu’il s’agit de prévoir un mode de distribution complémentaire au retrait en officine, ce que le dispositif ne précise nullement. Il est donc proposé d’effectuer une telle précision.

Enfin, la mention d’une supervision pharmaceutique est imprécise. Il est proposé de prévoir qu’une convention soit signée entre l’exploitant et un ou plusieurs pharmaciens d’officine, afin de préciser cette articulation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Il semble que l’adoption de cet amendement aurait pour effet d’ajouter une contrainte à la distribution dérogatoire directe au bénéficiaire de certains produits de santé en cas de plan Orsec. La supervision de la distribution par un ou plusieurs pharmaciens paraît une garantie suffisante, sans qu’il soit besoin d’y ajouter une convention. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Jomier, Mme Jasmin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mmes Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

ouvrage

insérer les mots :

, et à sa charge

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. L’article 8 prévoit, sur les territoires concernés par des plans Orsec, une dérogation au monopole détenu par les pharmaciens en matière de dispensation publique des médicaments et de certains produits de santé.

Il prévoit également la distribution de certains produits par livraison directe au domicile des personnes.

Or la rédaction actuelle ne précise pas l’acteur qui assume la charge financière de cette livraison à domicile.

Cet amendement vise à y remédier en prévoyant que cette charge revienne à l’exploitant de l’installation ou de l’ouvrage concerné.

Pour ce qui est des installations nucléaires, d’ailleurs, c’est bien aujourd’hui l’exploitant des centrales qui finance les comprimés d’iode que les personnes vivant autour de la centrale doivent aller récupérer dans les pharmacies.

Il est donc logique qu’il en soit de même pour la livraison visée à l’article 8.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Cette précision, qui vise à mettre à la charge de l’exploitant la distribution des comprimés d’iode en cas de plan Orsec, semble en effet utile. L’avis de la commission est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. J’entends bien la demande de précision : il s’agit de mettre à la charge des exploitants de centrales nucléaires entre autres les frais liés à l’envoi postal de produits de santé.

L’article 8 ne vise qu’à inscrire dans le code de la santé publique la possibilité de déroger au monopole des pharmaciens. La précision que vous souhaitez introduire dans le texte ne semble pas relever des dispositions du code de la santé publique.

Sans remettre en cause ce principe d’une possible dérogation, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - L’article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le périmètre d’un plan particulier d’intervention intègre l’ensemble des communes membres d’un établissement mentionné à l’article L. 5210-1-1 A du code général des collectivités territoriales. »

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Cet amendement a été déposé par ma collègue Véronique Guillotin et plusieurs autres collègues du RDSE.

Le rayon des plans particuliers d’intervention en cas d’accident nucléaire a été étendu à 20 kilomètres autour des installations. Ces PPI déterminent notamment le périmètre dans lequel des pastilles d’iode sont distribuées gratuitement aux habitants. Si le rayon est récemment passé de 10 à 20 kilomètres, il reste bien en deçà du niveau fixé par nombre de nos voisins, comme la Belgique, où il est de 100 kilomètres, ou le Luxembourg, qui distribue gratuitement des pastilles d’iode sur l’ensemble de son territoire en prévention d’un accident à Cattenom, en Moselle.

Nos centrales nucléaires sont vieillissantes, et les phénomènes climatiques s’intensifient. Il paraît donc nécessaire d’engager des actions plus poussées en matière de protection sanitaire des populations exposées à ces risques. Si la prise de pastilles d’iode ne permet pas d’éviter l’accident, elle est une solution d’urgence permettant d’empêcher en partie le développement de cancers et de troubles de la thyroïde après une exposition radioactive.

Puisqu’il n’est pas question de faire des économies sur la santé de nos concitoyens, et pour répondre à leur inquiétude légitime, cet amendement vise à étendre le périmètre des PPI à l’échelle de l’intercommunalité. L’échelle nationale aurait été préférable, mais nous proposons une solution de compromis : dès lors qu’une commune entre dans le rayon des 20 kilomètres, l’ensemble des communes membres de son intercommunalité intègre également le périmètre du PPI.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Le dépôt de cet amendement fait suite à une préoccupation exprimée par notre collègue sur la pertinence des périmètres des plans particuliers d’intervention.

Il semble opportun d’élargir le champ de ces périmètres à l’ensemble de l’intercommunalité. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Les PPI relèvent de la constatation d’un danger potentiel sur un territoire, et non d’un ressort administratif. L’élargissement de leur périmètre à l’ensemble des communes d’une intercommunalité marquerait un changement radical d’approche en matière de réponse aux risques. Compte tenu de la taille de ces intercommunalités issues des diverses réformes territoriales, de très vastes zones du territoire seraient concernées par ces périmètres. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Je n’avais pas pensé à la possibilité d’élargir le périmètre jusqu’à l’ensemble de l’intercommunalité. Mais je voudrais faire part d’une expérience très concrète. Avec l’extension des rayons des PPI de 10 à 20 kilomètres, la commune de Fécamp, en Seine-Maritime, entre dans le PPI de la centrale nucléaire de Paluel. Or l’application stricte de cette règle donne à la moitié des habitants de la ville accès à des pastilles d’iode, l’autre moitié en étant privée.

Vous imaginez bien que la population comprend assez mal pourquoi certains riverains, parce qu’ils habitent d’un côté d’une rue, bénéficient de ces pastilles, quand les autres, qui vivent de l’autre côté de la même rue, n’y ont pas droit !

Il me semble assez pertinent de ne pas raisonner en s’armant seulement d’un compas, et de prendre en compte la réalité du terrain : si nous ne faisons pas en sorte qu’au moins une commune entière, voire une intercommunalité, puisse bénéficier du même dispositif, nous irons au-devant d’incompréhensions totales, pour ne pas dire de doutes, de la part des populations, qui auront le sentiment – je le dis de manière triviale – qu’on « mégote » sur leur santé et leur sécurité, ce qu’aucun d’entre nous ne souhaite faire.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. L’argumentaire qui vient d’être développé est pertinent.

Je voudrais ajouter, à l’intention de Mme la secrétaire d’État, un argument supplémentaire. Nos voisins, pour parer à des problèmes analogues, ont élargi leurs propres périmètres d’intervention : au Luxembourg, le rayon est de 40 kilomètres ; en Belgique, il est de 100 kilomètres.

Il faudrait peut-être, en la matière, qu’on parvienne à une harmonisation européenne.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’entends vos inquiétudes, et les exemples qui sont donnés sont tout à fait éloquents.

Je prends un autre cas : celui d’une centrale située à la frontière d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ; le PPI tel que vous le proposez couvrira tout l’EPCI sans couvrir le territoire adjacent.

Au-delà de la question de savoir s’il faut étendre le périmètre aux dimensions d’une commune ou d’une intercommunalité, réfléchissons à l’opportunité et aux modalités d’un élargissement.

Je maintiens donc mon avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Martin Lévrier, rapporteur. L’objet de cet amendement est d’intégrer au PPI toutes les villes d’un EPCI dès lors que l’une d’elles entre dans le rayon de 20 kilomètres ; le nouveau rayon sera donc supérieur à 20 kilomètres : nous allons au-delà. C’est un peu mieux !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.

(Larticle 8 est adopté.)

Chapitre IV

Dispositions diverses

Article 8
Dossier législatif : proposition de loi relative à la sécurité sanitaire
Article 10 (début)

Article 9

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Les articles L. 3811-2 et L. 3811-3 sont abrogés ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 3821-1, les mots : « n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 » sont remplacés par les mots : « n° … du … relative à la sécurité sanitaire » ;

3° (Supprimé)

4° Après l’article L. 3841-1, il est inséré un article L. 3841-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3841-1-1. – Les dispositions de l’article L. 3114-4 sont applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la sécurité sanitaire. Toutefois, pour l’application du même article L. 3114-4, les références à l’agence régionale de santé sont remplacées par les références au haut-commissaire de la République. »

II et III. – (Supprimés) – (Adopté.)

Article 9
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Article 10 (fin)

Article 10

I. – Les conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

II. – Les conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. L’amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Il s’agit simplement de supprimer le gage, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Martin Lévrier, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 10 est supprimé.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Nous avons travaillé rapidement, mes chers collègues : il nous restait presque une heure de niche devant nous, et nous avons examiné vingt-six amendements en quarante minutes.

Article 10 (début)
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8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 6 février 2020 :

À neuf heures :

Désignation des trente-sept membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.

De neuf heures à treize heures :

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)

Proposition de loi visant à instaurer un droit effectif à l’accès à l’énergie et à lutter contre la précarité énergétique, présentée par M. Fabien Gay et plusieurs de ses collègues (texte n° 260, 2018-2019) ;

Débat sur le thème : « L’organisation d’un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris est-elle une exigence démocratique ? »

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)

Proposition de loi relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale, présentée par M. Emmanuel Capus et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 267, 2019-2020) ;

Débat sur le thème : « le foncier agricole : les outils de régulations sont-ils toujours pertinents ? »

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

 

nomination de membres dune commission denquête

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.

Commission denquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols (vingt et un membres)

MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Mme Maryse Carrère, MM. René Danesi, Alain Duran, Daniel Gremillet, Jean-François Husson, Xavier Iacovelli, Mme Gisèle Jourda, M. Laurent Lafon, Mmes Florence Lassarade, Brigitte Lherbier, MM. Didier Mandelli, Jean-Pierre Moga, Philippe Nachbar, Georges Patient, Cyril Pellevat, Mme Sonia de La Provôté, M. Pascal Savoldelli, Mme Sabine Van Heghe et M. Jean-Pierre Vial.

 

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

ÉTIENNE BOULENGER

Chef de publication