M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, je le disais, les outre-mer seront touchés par de nombreux phénomènes liés aux dérèglements climatiques, notamment dans nos trois bassins océaniques. Nous aurons pour mission, puisque nous sommes présents dans les trois océans – Pacifique, Atlantique et Indien –, d’être de véritables vigies.

Pour ce faire, il nous faut effectivement dégager des moyens. C’est ce que ma collègue ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et moi-même nous nous attachons à faire, au travers d’un certain nombre de dispositifs, notamment de soutien à des observatoires.

Je parlais du Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (Criobe) en Polynésie, des observatoires mis en place à Mayotte après la découverte d’un volcan, mais nous travaillons aussi dans les deux pôles en partenariat avec d’autres pays, notamment le Canada et l’Australie, pour développer la recherche, afin de mieux percevoir et prévenir les effets climatiques de plus en plus importants que nous connaissons.

Je crois sincèrement que la France a un rôle important à jouer en la matière, ce qui contribuera d’ailleurs à améliorer la visibilité de nos territoires ultramarins.

Dans cette logique, le Président de la République se rendra dans le Pacifique au mois d’avril prochain, d’une part, pour montrer que nous souhaitons être davantage aux côtés de nos collectivités d’outre-mer, et, d’autre part, pour partager nos avancées scientifiques et techniques avec nos voisins, notamment les petits États insulaires en développement, qui, tout comme nous, voient régulièrement leur trait de côte reculer, leurs territoires être submergés, ou encore les cyclones les dévaster.

Avec le ministère de la transition énergétique et solidaire et celui de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, le ministère des outre-mer continue à financer un certain nombre de projets.

Pour la première fois, nous avons créé au sein de l’Agence française de développement, l’AFD, un fonds de recherche doté de 2,5 millions d’euros, en supplément des financements déjà accordés pour la recherche par les autres ministères. Cette initiative répond aussi à ce besoin de résilience et d’adaptation que connaissent les territoires d’outre-mer.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.

Mme Esther Benbassa. Madame la ministre, tous les climatologues et scientifiques le disent : à l’horizon 2050, la sinistralité liée au changement climatique ira crescendo. Nous n’avons plus le temps de fermer les yeux.

La situation de nos concitoyens ultramarins légitime pleinement un investissement digne de ce nom, afin de prévenir les risques naturels majeurs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.

M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans notre pays, en matière d’indemnisation des dommages liés aux catastrophes naturelles, deux acteurs majeurs interviennent conjointement : les assureurs privés et la Caisse centrale de réassurance (CCR), société publique créée par l’État en 1946, afin d’assurer la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.

Or la multiplication des catastrophes naturelles pourrait conduire les assureurs à se montrer de plus en plus sélectifs, en particulier dans les territoires d’outre-mer, deux fois plus exposés que ceux de la métropole aux événements extrêmes et aux dérèglements climatiques.

Déjà, il apparaît que les quelques assureurs présents outre-mer quittent progressivement et discrètement ces territoires appelés immanquablement à devenir des zones non assurables, ce qui aboutirait à déstabiliser le régime français d’indemnisation des catastrophes naturelles et, chose plus grave encore, entraînerait une rupture d’égalité républicaine, ce qui est purement et simplement inadmissible.

Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour trouver une solution raisonnable à cette situation dramatique et par trop injuste ?

Par ailleurs, il est important que tous nos concitoyens ultramarins touchés par un phénomène météorologique de grande ampleur puissent recevoir des informations officielles et fiables, qui leur seraient une grande aide, ce que les stations du service public audiovisuel savent très bien faire.

C’est pourquoi il serait nécessaire qu’elles soient mieux identifiées par les populations comme des repères en cas de crise majeure. Aussi, j’aimerais savoir, madame la ministre, alors que la réforme de l’audiovisuel sera prochainement examinée par le Parlement, si de tels enjeux ont bien été pris en compte.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, la priorité absolue après une crise ou une catastrophe, c’est le rétablissement des réseaux de télécommunications, même en mode dégradé, ainsi que des réseaux électriques, mais aussi le retour à un fonctionnement normal de tous les autres réseaux ; je pense notamment à l’eau et à l’assainissement.

Le projet de loi sur les risques majeurs prévoira des mesures pour faciliter le rétablissement de ces réseaux par les opérateurs. Il visera aussi l’obligation d’établir un diagnostic de vulnérabilité et un plan de gestion de crise et de remise en état, ainsi que l’obligation d’établir des partenariats ou des conventions entre les différents opérateurs. Ce sont des dispositions que le Sénat avait déjà proposées ou, du moins, que la délégation à l’outre-mer avait proposées dans son rapport.

Vous parlez de l’importance des informations en cas de catastrophe. C’est effectivement primordial. Pour être arrivé à Saint-Martin quelques heures seulement après le passage du cyclone, je sais combien la lutte contre la propagation des rumeurs – celles-ci circulaient alors de toutes parts – est essentielle : nous n’avions alors aucun moyen de communication, ce qui causait une peur permanente.

La situation était complexe, mais, heureusement, une radio locale a pu rapidement diffuser des informations. On a vu alors combien ce type de démarche pouvait apaiser une population. Je suis donc véritablement très sensible à ce que vous avez dit, monsieur le sénateur, à propos de la nécessaire communication à destination des Ultramarins.

Aussi, les chaînes de télévision locales comme les radios locales seront concernées par le travail que nous engageons, vous pouvez en être assuré. Si quelque chose nous a fait perdre du temps dans la gestion de la crise à Saint-Martin, c’est notre incapacité à nouer des liens avec la population. Je le redis, je suis très attachée à cette question, à laquelle nous apporterons toutes les réponses nécessaires.

(M. Thani Mohamed Soilihi remplace M. Vincent Delahaye au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart.

M. Michel Vaspart. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la délégation, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’excellent rapport de nos collègues Guillaume Arnell, Abdallah Hassani et Jean-François Rapin constitue le volet relatif à la reconstruction et à la résilience des territoires et des populations d’un travail engagé voilà maintenant deux ans sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer.

Avec sagesse, ce rapport vient compléter le premier volet intitulé « Urgence déclarée outre-mer » et a notamment traité de la question, tout à fait primordiale pour des territoires majoritairement insulaires, du recul du trait de côte.

Élu de Bretagne, région sensible également à la question du recul du trait de côte – je pense notamment à l’érosion du Sillon de Talbert –, j’ai forcément été très attentif au problème touchant les territoires ultramarins, notamment, en septembre dernier, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie.

Les situations sont d’ailleurs très variables d’un territoire à l’autre, comme on le rappelait : 25 % des côtes sont en situation d’érosion en Guadeloupe, 10 % en Martinique, et jusqu’à 37 % à Mayotte.

La recommandation de nos collègues est on ne peut plus claire pour élaborer une politique publique d’aménagement des zones littorales sur le long terme : il est impératif de poursuivre la démarche d’observation de l’évolution du trait de côte.

La connaissance progresse en la matière avec le concours du Bureau de recherches géologiques et minières et des services des directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement, mais le rapport rappelle que les efforts des départements et régions d’outre-mer pour lancer des projets de recomposition spatiale rencontrent certains freins juridiques et financiers, qui ont fait l’objet d’une récente mission d’inspection interministérielle.

Je souhaiterais donc savoir quand un travail spécifique consacré aux outre-mer commencera, puisque la mission d’inspection recommande « qu’un travail complémentaire soit effectué sur l’ensemble des outre-mer ».

Je souhaite aussi vous interroger sur deux propositions du rapport au sujet du recul du trait de côte, propositions qui constituent la recommandation n° 20.

Comment l’exécutif envisage-t-il de mettre en œuvre les ajustements réguliers nécessaires des plans de prévention des risques naturels (PPRN) suivant l’évolution du trait de côte ?

Enfin, comment compte-t-il intégrer les outre-mer à la réflexion nationale de financement des aménagements et réaménagements rendus nécessaires par le recul du trait de côte constaté ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, le phénomène du recul du trait de côte qui, nous le savons tous, est irréversible, touche aussi bien l’Hexagone que l’outre-mer, ce qui nous oblige à prendre en compte un certain nombre d’éléments.

On le voit en Guyane, par exemple, avec la combinaison de deux phénomènes d’érosion et de sédimentation liés à la migration de bancs de vase.

Certains territoires d’outre-mer connaissent des situations d’instabilité uniques au monde. Je le dis ici, parce que l’on méconnaît souvent ces petits exemples, qui ont pourtant des conséquences importantes. Il nous faut davantage les exposer ici, pour éclairer utilement les raisonnements.

Le risque lié au recul du trait de côte appelle le développement d’un nouveau modèle de réaménagement et doit être pris en compte dans les plans de prévention des risques naturels.

Vous avez d’ailleurs raison de le souligner, monsieur le sénateur, si les plans intègrent le principe d’une élévation de soixante centimètres du niveau de la mer – cette estimation n’est pas nouvelle, elle date de 2011 –, cela doit inciter les préfets, dans certains territoires, en fonction des informations dont ils disposent, à aller plus loin et à augmenter les seuils si besoin. Il est effectivement important de pouvoir s’adapter.

La question du trait de côte a été spécifiquement évoquée lors du conseil de défense écologique du 12 février dernier, c’est-à-dire il y a quelques jours.

Le Gouvernement envisage trois types d’actions.

Tout d’abord, dans les espaces menacés à court terme, d’ici à trente ans, il entend interdire les nouvelles constructions et en relocaliser certaines.

Ensuite, il prévoit de recréer des dunes, des forêts et des prairies pour limiter l’érosion.

Enfin, à plus long terme, pour adapter les règles de construction, il souhaite créer un nouveau permis de construire dans les espaces menacés. Il s’agit de n’autoriser dans ces zones que des constructions non pérennes et démontables, afin de prendre en compte la réalité des territoires et de s’adapter.

S’agissant des aménagements et des réaménagements rendus nécessaires par le recul du trait de côte constaté, le ministère des outre-mer participera évidemment aux financements.

Des réflexions sont actuellement menées avec le ministère de la transition énergétique et solidaire : mon ministère agira pour que les spécificités des territoires d’outre-mer soient prises en considération, ce qui rejoint les préoccupations du sénateur Artano sur les financements à attendre dans les mois à venir.

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, nos territoires sont, chaque année, durement touchés par des phénomènes naturels majeurs, notamment par les phénomènes cycloniques. Ceux-ci causent des dégâts considérables, qui ne sont malheureusement pas toujours reconnus comme relevant du régime de l’indemnisation des catastrophes naturelles.

Cette situation est due à une procédure particulière, qui exclut les vents cycloniques des outre-mer de la procédure classique en vigueur dans l’Hexagone.

Ainsi, les vents cycloniques doivent atteindre 215 kilomètres par heure pour les rafales, ou 140 kilomètres par heure en moyenne, pour être considérés comme une catastrophe naturelle. De tels vents ne sont relevés que très rarement dans nos territoires, même lors d’épisodes cycloniques majeurs, dont les dégâts ont été particulièrement importants pour les communes concernées.

Ainsi, lors de l’ouragan Dean en 2007, plusieurs communes ont déposé une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, compte tenu des dégâts importants causés, mais n’ont pu obtenir satisfaction, car les vents n’avaient pas atteint la vitesse que je viens de mentionner.

Parfois, les communes limitrophes, exposées aux mêmes dégâts, ont vu leur demande acceptée, car la limite des 215 kilomètres par heure avait été franchie, sans qu’une réelle différence en termes de destructions entre deux communes ait été constatée.

Aussi, madame la ministre, me viennent deux interrogations.

Qu’est-ce qui justifie que les vents ultramarins soient soumis à des critères différents de ceux du continent, sachant que les dégâts qu’ils causent sont les mêmes ?

Quelle est la méthode de fixation de ces critères ? Sont-ils revus régulièrement et ont-ils pour objectif d’accompagner au mieux la commune face aux dégâts liés à ces risques majeurs ou, au contraire, de limiter les situations dans lesquelles l’état de catastrophe naturelle s’applique ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Antiste, le régime de la garantie catastrophe naturelle, défini par les articles L. 125-1 et suivants du code des assurances, vise à couvrir les dommages matériels provoqués par les événements naturels non assurables. C’est notamment le cas des dégâts provoqués par les inondations et les coulées, mais aussi par les vents cycloniques.

Vous me demandez comment les critères de la garantie sont fixés : ils le sont par loi et peuvent évoluer. Nous pouvons les faire évoluer, monsieur le sénateur, parce que nous connaissons des conditions climatiques de plus en plus difficiles, comme nous l’avons vu avec le cyclone Irma.

Les dommages provoqués par les tempêtes ou les tornades, qui ne remplissent pas les critères fixés par la loi, sont assurables et d’ailleurs pris en compte dans le cadre de contrats d’assurance, qui garantissent les dommages en matière d’incendie ou tout autre dommage pour des biens normalement assurés, comme les immeubles ou les véhicules.

Il faut donc faire la part des choses : tous les dommages qui se trouvent sous le seuil du déclenchement de l’état de catastrophe naturelle sont pris en charge par les assurances, évidemment si une police a été souscrite par les assurés ; au-dessus du seuil, les dégâts sont indemnisés par le dispositif de catastrophe naturelle.

Le législateur a entériné cette garantie dénommée aujourd’hui « Tempête, neige, grêle ». En conséquence, tous les particuliers, entreprises ou collectivités qui sont assurés se voient pris en charge, dans un cas comme dans l’autre, qu’ils se trouvent au-dessous ou au-dessus du seuil de classement en catastrophe naturelle. Et l’on ne peut pas dire qu’un outil vaut mieux que l’autre dans la prise en charge financière des dégâts ; la prise en compte est différente selon l’ampleur des dégâts.

À ce stade, je ne puis vous en dire plus. Si les critères devaient évoluer, nous pourrons en débattre ici dans le cadre de l’examen des projets de loi que je défendrai ultérieurement.

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour la réplique.

M. Maurice Antiste. Je résume donc, madame la ministre : j’attends de votre part un engagement total pour que nous ayons – administrés, élus et communes – une plus grande transparence sur les critères et les méthodes d’analyse mis en œuvre pour déterminer le caractère « anormal » du phénomène.

N’oublions pas que les aléas « anormaux » deviennent de plus en plus fréquents en raison des changements climatiques et que les critères seront mécaniquement de moins en moins satisfaits dans les années à venir ! Par ailleurs, je le rappelle, pour que fonctionnent les assurances, il faut préalablement une déclaration de catastrophe naturelle.

Madame la ministre, je vous remercie par avance.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas.

Mme Catherine Dumas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la délégation, cher Michel Magras, mes chers collègues, les rapporteurs de l’étude sur les risques naturels majeurs outre-mer ont appelé à s’appuyer dans chaque territoire sur les acteurs de l’urbanisme et de la construction pour adapter au mieux les règles qui sont applicables aux territoires.

La délégation sénatoriale aux outre-mer insiste en effet, depuis plusieurs années, sur la nécessité de valoriser les expériences et le retour au plus près du terrain des acteurs de la construction dans les territoires.

Aussi, dans le cadre des échanges avec les préfectures ou avec les collectivités, la délégation a pu recueillir différents exemples de prise en compte des risques naturels dans la construction, et ce dans les différents bassins océaniques.

À La Réunion par exemple, face aux risques cycloniques et sismiques, l’adaptation des règles de l’art aux conditions climatiques et la révision des règles de construction inadaptées à ce climat tropical humide font l’objet de démarches.

On remarque aussi, en Martinique, la volonté d’une meilleure prise en compte des configurations insulaires. Un groupe travaille notamment sur la possibilité d’intégrer les autres effets que ceux du vent lors d’un cyclone, à savoir ceux des projectiles, de la houle et des glissements de terrain.

De plus, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie conduit actuellement une réflexion globale, qui vise à produire un nouveau « référentiel de la construction » ayant pour objectif d’améliorer la qualité du bâti, de mutualiser les expériences et d’aider à construire des modèles pertinents et financièrement accessibles, en phase avec les modes de vie et les attentes des secteurs économiques locaux. Ce travail s’appuie notamment sur des rencontres menées dans tout le Pacifique Sud.

Ces exemples figurent tous dans le rapport susmentionné et pourraient être utiles à d’autres territoires ultramarins.

Madame la ministre, dans quelle mesure le ministère soutient-il ces efforts, et comment compte-t-il accompagner le mouvement qui se généralise ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, de nombreux travaux ont effectivement été ouverts pour mener des expérimentations ou travailler sur une adaptation de notre réglementation dans les territoires d’outre-mer.

Outre une série d’ordonnances que je ne citerai pas aujourd’hui, compte tenu du délai de deux minutes qui m’est imparti, je voudrais vous exposer les actions du ministère des outre-mer, notamment à travers le plan Logement outre-mer qui a été élaboré avec l’ensemble des partenaires – collectivités territoriales ou entreprises sur le territoire –, mais qui s’adresse aux départements et régions d’outre-mer (DROM) – je le précise, car nous avons aussi des collectivités d’outre-mer (COM).

Nous avons décidé de soutenir financièrement les expérimentations qui sont proposées par les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), via des subventions financées par le ministère des outre-mer grâce à la Banque publique d’investissement (BPI) : ce sont des tickets de 100 000 euros en subventions qui peuvent atteindre, à titre exceptionnel, 200 000 euros.

Nous allons mobiliser le réseau des directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL), pour accompagner les entreprises dans la procédure d’évaluation et de reconnaissance des matériaux et de procédés nouveaux.

Nous allons soutenir, via la ligne budgétaire unique (LBU), des commissions locales de normalisation, pour adapter les documents techniques unifiés (DTU) aux spécificités climatiques outre-mer.

Par ailleurs, l’État soutient des communes innovantes qui adaptent l’urbanisme aux risques, et ce dans tous les territoires d’outre-mer.

Je pense au cas de cette commune située en Martinique, Le Prêcheur, qui a été confrontée au risque de submersion et au recul du trait de côte : dans le cadre de l’appel à projets du ministère de la transition écologique et solidaire qui pourrait intéresser d’autres territoires « Imaginer le littoral de demain », la commune a répondu par une opération ambitieuse de relocalisation progressive de l’habitat sur les hauteurs – cet habitat du futur sera ainsi moins exposé aux risques –, tout en limitant l’installation de nouvelles populations dans les quartiers menacés.

Vous le voyez, ces exemples illustrent la façon dont le ministère des outre-mer, notamment avec ses partenaires du MTES, accompagne les spécificités ultramarines.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la délégation, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je tiens à saluer le Gouvernement pour la qualité de la concertation qui préside à l’élaboration de ce texte.

J’ai reçu un fonds de dossiers comportant de bonnes idées qui, je l’espère, pourront entrer en application. Nul doute que ce projet sera enrichi par les apports de la délégation sénatoriale aux outre-mer, par le rapport Bonnefoy et par les suggestions des parlementaires.

Mon intervention sera directe, donc non exhaustive concernant les enjeux. Elle comprendra l’une de mes interrogations et trois recommandations.

Mon interrogation porte sur la création du dispositif d’état d’urgence en cas de calamité naturelle exceptionnelle. En principe, la sécurité – c’est de cela qu’il s’agit ici – relève du domaine régalien. Mais il ne faut pas donner l’impression que l’on veut écarter les élus. Dans ce cas, comment les associer à la totalité du processus ?

J’en viens à mes recommandations.

Concernant l’offre assurantielle, en premier lieu, il conviendra nécessairement d’éviter l’explosion des surcoûts ou surprimes en matière d’assurances. Madame la ministre, comment comptez-vous améliorer le paysage assurantiel ? La concurrence étant trop rare et les tarifs ayant fortement augmenté, le Gouvernement est-il prêt à aller jusqu’à l’encadrement de la tarification ?

En cas de survenue de catastrophe majeure, en deuxième lieu, je vous suggère de faciliter l’utilisation de l’article 1er de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite « loi de lutte contre la vie chère ».

L’article L. 410-3 du code de commerce créé par cet article permet au Gouvernement de prendre des mesures de régulation des marchés pour encadrer des prix. Chaque catastrophe est à l’origine, on le sait, d’une surenchère, d’une spéculation. En cas de difficultés d’approvisionnement ou de dysfonctionnement des marchés, le Gouvernement peut prendre un décret en Conseil d’État.

Toutefois, la procédure est un peu lourde, je l’avoue, et il faudrait faciliter ce type de mesures pendant une période de six à douze mois pour éviter de telles situations.

Concernant, enfin, les adaptations du droit du travail, en dernier lieu, j’espère une évolution de votre position, qui va à l’encontre de nos suggestions ; sinon nous allons nous opposer.

Je vous suggérerai de vous inspirer du modèle allemand du Kurzarbeit, que je résumerai ainsi : « Travailler moins pour licencier moins. » Pour s’adapter à la baisse d’activité, l’entreprise peut avoir recours au régime de chômage partiel, qui lui permet, au lieu de diminuer ses effectifs, de demander à ses employés un effort financier en ne leur payant qu’une partie de leur salaire. Ce système existe également au Canada et donne de bons résultats.

Madame la ministre, la normalité, pour les sargasses, c’est de rester au large ; l’anormalité, ce sont les échouements massifs. Or ce risque n’est pas assurable, car il s’agit encore d’une propriété de l’État.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Victorin Lurel. C’est à l’État de faire jouer la solidarité nationale.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, dans le cadre du projet de loi sur les risques naturels, nous envisageons de créer, vous l’avez dit, une nouvelle procédure, par l’instauration d’un « état de calamité naturelle exceptionnelle » à titre expérimental, pour une durée de cinq ans dans les collectivités d’outre-mer régies par les articles 73 et 74 de la Constitution – y compris, bien sûr, la Nouvelle-Calédonie.

Cet état serait déclaré par décret, pour une durée maximale d’un mois, renouvelable sous certaines conditions. La déclaration d’état de calamité naturelle exceptionnelle permettrait de présumer la condition de force majeure ou d’urgence à travers la commande publique, la gestion des déchets, le statut de renfort des équipes, la réquisition, la réglementation aérienne.

Plusieurs mesures du projet de loi seront directement associées à cette déclaration : exonération de l’octroi de mer, dérogation temporaire au droit du travail – vous en avez parlé.

C’est pourquoi nous débattrons ensemble des choix qui seront retenus. Vous avez raison, monsieur le sénateur, sur de tels sujets, il est impossible de ne pas coconstruire avec les collectivités ou de les associer seulement à la fin du processus d’élaboration du texte ; il faut leur donner la place qui doit leur revenir dans les choix qui seront opérés – il est important de le redire.

L’état de calamité naturelle exceptionnelle sera donc bien distinct de la déclaration de catastrophe naturelle : la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle intervient après une catastrophe et vise à régler les questions d’indemnisation des dégâts, alors qu’il s’agit ici, dans un premier temps, d’une gestion de l’après-crise de l’ensemble des questions posées en vue d’un retour à la normale.

Monsieur le sénateur, je m’engage à étudier la meilleure manière possible de faire référence dans le futur texte à la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, loi que vous aviez portée.

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez.

Mme Vivette Lopez. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la délégation, mes chers collègues, les investigations conduites en vue du rapport d’information sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer ont été très denses, et je souhaite en tout premier lieu remercier les rapporteurs de leur souci constant d’effectuer leurs missions au plus près des réalités des territoires.

À cet égard, je voudrais m’attacher plus particulièrement aux conséquences sanitaires et psychologiques de ce type d’événements et à la prise en charge humaine qui en est faite dans la durée.

L’aspect humain de la reconstruction post-catastrophe me semble en effet trop souvent oublié. Pourtant, avec Irma, Jose, puis Maria, ce sont trois ouragans majeurs qui se sont ainsi succédé en moins de trois semaines, marquant profondément nos territoires ultramarins et leurs populations.

Dans le cas d’Irma, une mission sanitaire a engagé une prise en charge psychologique et psychiatrique dès l’issue du cyclone et jusqu’en décembre 2017. Ce dispositif de suivi avait pour objet d’évaluer le recours aux soins des populations résidentes des deux îles touchées par l’événement, depuis le passage d’Irma jusqu’à la fin de la saison cyclonique de 2018.

Or de nombreux acteurs de la santé ont fait état d’une sollicitation relativement faible de ces appuis par la population, certainement contrainte par des obligations vitales plus urgentes.

Pourtant, les différentes missions d’investigations conduites sur le terrain ont permis de mesurer les grandes fragilités qui sont encore ressenties au sein de la population, soulignant des situations de choc important, mais aussi un sentiment d’incompréhension et parfois de détresse face à des parcours de vie brisés, particulièrement au sein des familles avec des enfants.

L’accompagnement dans la durée apparaît donc comme une nécessité pour les autorités publiques, qui doivent proposer le maintien d’un suivi psychologique et psychiatrique.

Comme fondement de cet accompagnement dans la durée, je souhaite vous demander, madame la ministre, si vous comptez assurer dans les années à venir, par le biais de Santé publique France et de l’observatoire régional de santé, un suivi de l’évolution des pathologies dans les îles touchées, au travers d’un rapport annuel rendu public ?