M. Vincent Segouin. Et voilà !

M. François Patriat. C’est l’objectif même de l’ambition européenne industrielle et climatique prônée par le Président de la République. Que compte faire le Gouvernement pour accélérer les négociations avec nos partenaires en la matière ?

Monsieur le ministre, en accord avec notre désir d’unité nationale dans la lutte contre cette épidémie, nous vous renouvelons toute notre confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – MM. Jean-Marc Gabouty et Pierre Louault applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orateurs précédents ont présenté nombre d’observations justes dans ce débat important. Alors que l’épidémie évolue de jour en jour, nous avons besoin de savoir comment les autorités sanitaires prennent en charge la situation.

Après les premières déclarations de Mme Buzyn autour du 20 janvier jugeant peu probable une propagation du virus en France, des déclarations plutôt rassurantes qui correspondaient à la photographie du moment, la France, comme d’autres pays européens, a envoyé en Chine des masques, des gels et d’autres matériels.

Mais voici que le nombre de cas détectés dans notre pays a doublé en quelques jours, pour un virus que l’on sait très contagieux, même à travers des personnes asymptomatiques, associé à un taux de mortalité supérieur à celui de la grippe saisonnière et contre lequel aucun traitement spécifique ni vaccin n’existe à ce jour.

Vous-même, monsieur le ministre, ainsi que M. le directeur général de la santé communiquez régulièrement, ce qui est important ; nos concitoyens attendent vos points de presse quotidiens.

Nous avons besoin de pédagogie, de préconisations et de dispositions fondées sur les connaissances scientifiques du moment – étant entendu que ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas forcément demain. C’est la condition sine qua non pour que chacun ait confiance et prenne ses propres responsabilités, sans céder aux fake news ou à une panique totale, même si l’on comprend les inquiétudes dans les secteurs les plus touchés – nos collègues des départements concernés en ont fait part.

L’annonce quasi quotidienne du nombre de morts est nécessaire, mais quelque peu anxiogène. Cette donnée devrait être rapportée au nombre total de décès par maladie en France.

Si les consignes d’hygiène que chacun doit appliquer sont de bon sens – elles devraient, d’ailleurs, être suivies en permanence –, des incompréhensions persistent, notamment sur le port des masques. Quel type de masque doit être porté, et par qui ? Vous aurez l’occasion de répondre, monsieur le ministre, dans le débat interactif.

L’appel direct au 15, s’il est justifié et permet de ne pas engorger les hôpitaux, pose la question de la saturation du SAMU et des besoins en effectifs médicaux et d’assistants de régulation. Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous répondre aussi sur ce point.

Les mesures de confinement, d’interdiction de manifestation, de fermeture d’établissement, notamment scolaire, ou relatives aux transports sont prises au jour le jour, selon l’évolution de la situation. C’est normal, mais la cohérence peu lisible de certaines décisions peut troubler, ce qui fragilise la portée des mesures prises et l’adhésion de nos concitoyens.

En ce qui concerne le test, il semblerait, selon les ARS, que les consignes soient différentes, indépendamment des foyers. Monsieur le ministre, les informations, données dans la presse, sur des reprises du virus après la sortie de la quarantaine ou les possibles mutations du virus vont-elles modifier votre politique en matière de test ?

Le lien ville-hôpital est majeur. Les professionnels de santé, libéraux ou travaillant en centre de santé, sont partie prenante du dispositif, mais ils attendent les moyens afférents

La situation particulière des établissements accueillant des personnes âgées suscite nombre d’interrogations ; j’espère, monsieur le ministre, que vous y répondrez au cours du débat.

Par ailleurs, si les cas graves nécessitant une réanimation se multiplient, nos services pourront-ils faire face en termes de moyens humains et matériels – je pense singulièrement aux respirateurs ?

De nombreuses polémiques se font jour sur les masques, les quantités disponibles, la péremption des masques reçus, par exemple par les médecins libéraux, et ceux qui doivent les utiliser. Monsieur le ministre, il faut nous éclairer sur ces points, ainsi que sur les stocks de médicaments.

Si l’essentiel est évidemment d’enrayer la propagation du virus et d’accélérer la sortie de crise sanitaire, j’évoquerai, pour finir, les conséquences économiques de la situation. Nos commerces et entreprises souffrent localement. L’impact économique global est majeur, avec un risque de choc récessif. La réduction des déplacements internationaux – désormais, les Français ne sont plus acceptés en Israël, et sans doute d’autres pays vont-ils suivre, alors que c’était l’inverse voilà quelques semaines – participe à cette dégradation.

À l’issue de cette crise, que j’espère prochaine – mais, comme l’a dit Claude Malhuret, Dieu seul le sait… –, il faudra accompagner la reprise de l’économie, ce qui, certes, aurait été plus facile si les marges de manœuvre dont disposent nos pouvoirs publics étaient plus élevées. Il faudra à l’avenir en tirer les leçons.

Ce qui importe aujourd’hui, c’est de faire front commun, sur des bases de transparence, d’information régulière et de protection maximale des citoyens, notamment les plus à risque : tel est l’état d’esprit du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Marc Gabouty et François Patriat applaudissent également.)

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé. Cette possibilité, monsieur le ministre, n’est pas offerte au Gouvernement…

(M. Jean-Marc Gabouty remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty

vice-président

M. le président. Dans le débat interactif, la parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. L’arrêt de la production de médicaments en Asie, particulièrement en Chine, n’entraîne pas encore de ruptures de stocks, mais, selon les spécialistes du secteur, si les autorités maintiennent les interdictions d’aller travailler pendant six mois, des difficultés d’approvisionnement en médicaments pourraient se faire jour. En cas de pic, le risque de pénurie concerne également les appareils respiratoires, nécessaires aux patients les plus fragiles.

La direction générale de la santé a confié à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé le soin de piloter la gestion de la situation. Si, pour l’heure, l’ANSM n’a pas constaté de tensions particulières, n’est-il pas temps, avant qu’il ne soit trop tard, d’activer la production des médicaments jugés indispensables par les professionnels de santé par la pharmacie centrale des armées ou l’agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, afin de garantir la continuité des médicaments pour les patientes et patients ?

Alors que la question de la production des médicaments se pose au-delà du coronavirus, que pensez-vous, monsieur le ministre, de la solution que nous proposons ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Laurence Cohen, je vous remercie de votre question, qui porte sur l’accessibilité des médicaments et la crainte de pénuries.

J’ai déjà répondu au Sénat en ce qui concerne l’accès au médicament. Je vous confirme que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui vérifie au jour le jour que l’accès aux médicaments est garanti sur tout le territoire national, ne nous a pas alertés à ce stade. Je surveille de très près la situation en matière d’antibiotiques injectables, des médicaments particulièrement précieux en cas de pénurie.

J’ai reçu des représentants du secteur pharmaceutique pour savoir s’ils avaient connaissance de signaux faibles ou forts établissant un risque de pénurie. À ce stade, madame la sénatrice, la réponse est négative.

Faut-il recréer une chaîne de production en France ? Clairement, oui.

Mme Sonia de la Provôté. C’est certain !

M. Loïc Hervé. Évidemment !

M. Olivier Véran, ministre. Nous ne pouvons pas rester totalement dépendants en matière d’accès aux médicaments : nous avons besoin d’autonomie, a minima européenne. Au demeurant, il serait illusoire de vouloir avoir toutes les chaînes de fabrication en France, sans compter que cela supposerait d’implanter sur le territoire national un grand nombre de sites Seveso – nous parlons d’une industrie chimique lourde.

Une stratégie européenne est nécessaire pour réindustrialiser le pays, notamment à travers la filière de la fabrication des médicaments, mais cela prendra du temps : il faut deux ou trois ans, au moins, pour ouvrir une chaîne de fabrication de médicaments. Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher et moi-même, avec l’ensemble de nos collègues concernés, sommes déterminés à agir, étant entendu que notre dépendance à l’égard des pays d’Asie est totale aussi en ce qui concerne les matières premières. Nous avons démarré cette réflexion tambour battant, et, vous avez raison, la crise du coronavirus nous oblige à aller encore plus vite.

Bref, madame Cohen, il n’y a pas de pénurie à ce stade, et nous surveillons la situation de très près.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Quid des appareils respiratoires ?

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Lorsque nous avancions cette proposition devant les ministres Touraine et Buzyn, nous recevions en général une fin de non-recevoir… J’apprécie donc votre réponse, monsieur le ministre, qui marque une petite ouverture. Au-delà de la pénurie de médicaments, c’est l’indépendance de la France qui est en jeu. Agir via l’Ageps serait un premier pas vers la création, que nous appelons de nos vœux, d’un pôle public du médicament et de la recherche aux échelons français et européen. Votre réponse, monsieur le ministre, ouvre une porte : discutons-en ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Les liaisons aériennes et maritimes sont les premiers vecteurs de propagation du virus à l’échelle mondiale. À l’intérieur de nos terres, les lignes ferroviaires, les métros et les RER sont également des zones à haut risque.

Nous savons que la propagation du virus se fait à 80 % par contact manuel ou par l’intermédiaire d’un objet contaminé. Aussi les salariés des entreprises de transport et les usagers des transports sont-ils exposés à un risque de contamination particulièrement important.

Or, actuellement, les entreprises de transport ne disposent pas de protocoles communs par mode de transport pour limiter le risque. Dans ces conditions, nous savons que de nombreux salariés feront le choix d’exercer leur droit de retrait, si l’approvisionnement en masques de protection FFP2 et en gels hydroalcooliques n’est pas assuré dans la durée. Au-delà de l’aspect sanitaire, les conséquences économiques pour certaines compagnies terrestres, maritimes ou aériennes se mesurent déjà en centaines de millions d’euros.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons faire l’impasse sur la prévention du risque d’infection dans les transports, car cela conduirait à la paralysie de notre pays. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour garantir une protection efficace aux salariés des entreprises de transport en commun ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Les mêmes, monsieur le sénateur Joël Guerriau, que pour l’ensemble des Français : les gestes barrières, déjà évoqués, consistant à se protéger soi-même et à protéger les autres en évitant les contacts physiques, comme les poignées de mains, en utilisant des mouchoirs à usage unique et en éternuant dans son coude, entre autres.

Autant ces mesures sont utiles, autant le port du masque, dans la population générale, ne l’est pas. D’après l’Organisation mondiale de la santé, pour avoir un début de réduction du risque de contamination, il faudrait que 60 % de la population totale porte un masque en permanence : alors seulement on observerait une petite inflexion de la courbe… On en est évidemment très loin, et ce n’est pas un objectif souhaitable.

De fait, aucune recommandation, nationale ou internationale, ne concerne le port du masque. Encore moins le masque FFP2, qui doit servir à des soins invasifs comme des aspirations trachéo-bronchiques chez des malades infectés ou des patients atteints d’une maladie transmissible par voie aérienne, comme la tuberculose. Ces masques à haute spécialité sont destinés à des soins profonds chez des patients atteints d’une maladie grave et transmissible en milieu hospitalier.

Même les masques chirurgicaux ne sont pas indiqués pour les conducteurs de transport dont vous avez parlé. À cet égard, nous avons fait le choix, comme nos voisins, de ne pas paralyser la vie économique et sociale de notre pays, mais de mettre en place les mesures individuelles et collectives adaptées pour faire face à la menace épidémique.

Quant au droit de retrait, utile en cas de menace grave et imminente pour soi-même, il n’est pas une notion subjective : on ne doit pas déterminer qu’on se sent en danger par rapport à une probabilité d’infection. À mon sens, donc, ce droit ne s’applique pas dans la situation présente ; il y a, du reste, une jurisprudence qui le confirme.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. En cas de rupture d’approvisionnement, les personnes les plus exposées eu égard à leur activité, comme les hôtesses de l’air, devront être prioritairement protégées. Il me paraît important de répondre aux inquiétudes qui existent à cet égard, puisque, aujourd’hui déjà, les personnels interrogent leur compagnie sur les mesures prévues pour les garantir.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Élu de Haute-Savoie, un département frappé par cette maladie avant tous les autres, je sais combien nous pouvons être fiers de notre système de santé et des professionnels de terrain qui l’incarnent.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les mesures que vous entendez prendre dans les jours et les semaines qui viennent.

Ce soir, avec 3 000 personnes infectées et plus de 100 morts, nos voisins italiens viennent de décider la fermeture des écoles et des universités jusqu’au 15 mars dans tout le pays. Sans parler des mesures prises par Israël. En France, nous considérons manifestement ces mesures comme excessives. Alors, expliquons pourquoi. Tel est, je crois, l’intérêt d’un tel débat.

Dans mon département, dix nouveaux cas ont été diagnostiqués aujourd’hui. J’ai le sentiment que, désormais, l’épidémie ne pourra plus être contenue dans les seuls clusters et qu’elle risque de se généraliser. Si tel était le cas, nous passerions au stade 3, dans lequel des mesures nationales ou locales d’une tout autre ampleur sont prévues.

Les 15 et 22 mars prochain, l’ensemble de nos concitoyens adultes pourront désigner leurs élus dans les conseils municipaux. Parlons clair : je ne souhaite pas le report des élections municipales. Toutefois, monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour qu’elles se déroulent dans le climat de quiétude qui sied à l’exercice d’une telle liberté publique ? Les 35 000 maires, qui organisent ces élections, attendent d’être rassurés !

Par ailleurs, je vous en supplie : par tous les moyens, gardez l’entière maîtrise de la communication. (Mme Catherine Morin-Desailly opine.) Car, dans une période où l’inquiétude est légitime, chacun se prend pour un médecin et y va de sa proposition, de sorte qu’on aboutit à un véritable concours Lépine… Seule une communication régulière du Gouvernement à votre niveau et de votre part me paraît pouvoir répondre aux inquiétudes de nos compatriotes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, je vous confirme que, derrière chaque décision de politique publique que je prends comme ministre, il y a des blouses blanches : toutes les décisions sont concertées.

Personne ne peut se dire lui-même expert. Précédemment, l’une de vos collègues – je ne sais si elle appartient au Front national ou à Debout la France – a parlé d’abondance, se plaçant quasiment dans la position d’une experte. Mais l’expertise médicale, c’est quelque chose de très sérieux !

Toutes les décisions de politique publique que nous prenons sont justifiées par des faits avérés, démontrés et publiés. Nous travaillons en concertation avec l’ensemble de nos collègues dans le monde entier pour prendre des décisions raisonnables. Ce qui ne veut pas dire qu’elles sont simples à comprendre, ni uniformes.

L’uniformité n’est d’ailleurs pas indispensable, dans la mesure où nous faisons face à des situations très particulières, territoire par territoire. Vous-même, sénateur de Haute-Savoie, avez une partie de votre département où le virus circule activement, ce qui justifie des mesures très spécifiques ; d’autres mesures sont prises pour la périphérie de ce secteur, d’autres encore sont déterminées au plan national.

On peut toujours discuter des critères, comme le seuil de 5 000 personnes pour l’interdiction des regroupements. Ce seuil est celui à partir duquel un événement doit être déclaré en préfecture, ce qui permet de décider d’une interdiction. En tout cas, la rationalité des décisions est avant tout scientifique et médicale, sans mauvaise politique. Je remercie d’ailleurs les orateurs d’avoir montré que l’union nationale est possible sur un sujet comme celui-ci, ce qui est important pour les soignants.

Nous avons parlé de la vie économique et de la vie sociale de notre pays ; la vie démocratique aussi est importante. À cet égard, les experts de santé publique ne nous opposent aujourd’hui aucun argument pouvant conduire à suspendre ou repousser les élections municipales.

Je souhaite que nous utilisions l’occasion des élections municipales pour faire de la prévention. À ce titre, j’ai proposé que, dans chaque commune, un panneau électoral soit consacré à l’affichage des « gestes barrières », et que du gel hydroalcoolique soit disponible à l’entrée de tous les bureaux de vote. Ces locaux ne se trouvent pas dans la situation de rassemblements en milieu confiné de plus de 5 000 personnes. En effet, même si la mobilisation était très forte, une telle affluence apparaît absolument impossible. Donc, les élections municipales se tiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Je remercie M. le ministre de ses réponses. S’agissant des élections municipales, il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de nos concitoyens vont vouloir accomplir leur devoir d’électeur dans des lieux qui seront confinés.

Se pose également la question des personnes malades qui ne pourront pas sortir de l’hôpital pour aller voter, ce qui soulève une vraie difficulté s’agissant d’une liberté publique.

Enfin, si nous vivons une situation « à l’italienne » le 15 ou le 22 mars, l’inquiétude en France sera d’une tout autre nature qu’aujourd’hui, et sans parler du report des élections, je vous demande avec insistance que les élus soient accompagnés et rassurés, afin que les élections se déroulent dans des conditions acceptables.

M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. Monsieur le président, monsieur le ministre, en dehors de la Chine, 79 pays ont signalé des cas. Les cinq continents sont concernés. Nos compatriotes établis en Chine, à Singapour, en Corée du Sud, en Iran, en Italie et dans bien d’autres pays, subissent les restrictions qui y sont imposées.

Certains ont fait le choix d’être rapatriés. D’autres sont restés, par solidarité avec les habitants du pays qui les accueille… Certains lycées français ferment leurs portes par mesure de précaution. L’activité économique est ralentie et certains de nos compatriotes sont soit licenciés, soit priés de prendre leurs congés sans savoir jusqu’à quand.

C’est dans ces périodes que l’on se rend compte de l’importance du rôle de nos conseillers des Français de l’étranger, qui agissent conjointement avec les ambassadeurs et les consuls pour prendre en mains la sécurité sanitaire de nos compatriotes.

Par ailleurs, le classement des pays à risques est surprenant. Certains pays, tels que Singapour, font l’objet d’une stigmatisation, alors qu’ils sont transparents, à l’inverse d’autres qui ne publient pas leurs chiffres et ne font donc pas l’objet de restrictions.

Le 28 février, nos compatriotes inscrits sur le dispositif Ariane ont reçu un message relatif au coronavirus indiquant : « À ce stade, plusieurs centaines de décès sont recensés à Singapour, le bilan étant en constante augmentation. » En réalité, après que 112 cas avérés ont été enregistrés, 79 sont rentrés chez eux ; à ce jour, seules 33 personnes sont hospitalisées, et aucun décès n’est à déplorer. Nous sommes loin des chiffres annoncés, mais la panique provoquée par ce message, avec ses centaines de décès annoncés, a été bien réelle !

Certes, un démenti a été effectué, mais le mal était fait. Le climat de psychose ainsi créé aura sans nul doute laissé des conséquences sur nos relations diplomatiques et commerciales.

Dans ce contexte, il est indispensable de réactualiser régulièrement la liste des pays à risques et le stade de développement de l’épidémie en tenant compte de l’évolution du nombre de cas toujours actifs. Par exemple, Singapour, qui a été classé « orange » avec 112 cas et qui n’en a plus que 33 aujourd’hui, est toujours classé « orange ».

Alors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles mesures sont envisagées pour soutenir nos compatriotes établis hors de France et obtenir que la liste des pays à risques soit réajustée régulièrement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Claudine Kauffmann applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question qui a trait principalement à la situation des Français de l’étranger.

Je le rappelle, deux avions ont pu rapatrier les Français qui se trouvaient dans les régions qu’on appelait à l’époque les « zones rouges » – les zones rouges et orange ont disparu et sont devenues « les zones de circulation active du virus à l’étranger ». Ces Français sont revenus dans de bonnes conditions de rapatriement – la France peut s’enorgueillir du rôle qu’elle a joué à cet égard –, en étant placés en quarantaine, plus exactement « en quatorzaine », dans des villages vacances, car de nombreux enfants étaient présents. Ces ressortissants ayant été soumis à un stress élevé, il était essentiel de leur garantir le confort à leur retour.

Il est un certain nombre de pays dans lesquels les Français expatriés n’ont pas sollicité de rapatriement. C’est par exemple le cas de la Corée du Sud : nous n’avons pas reçu de demandes massives de rapatriement, alors que le virus circule activement. Des messages de prévention sont adressés à ces Français, comme à tous nos compatriotes présents à l’étranger.

À l’inverse, les Français sont invités, durant la période d’incertitude, à limiter leurs déplacements et à éviter de se rendre hors de l’Union européenne, et ce pour la raison que vous avez évoquée, madame la sénatrice : un certain nombre de pays n’ont pas pris pleinement la mesure de la situation sanitaire – j’ai ce soir une pensée pour nos ressortissants français qui se sont rendus en Égypte dans le cadre d’un voyage organisé ; sur 22 voyageurs, 8 ou 9 sont positifs au coronavirus, alors qu’un seul cas avait été déclaré par les autorités égyptiennes.

J’invite donc chacun à faire preuve de prudence dans ses déplacements. Pour cela, les recommandations sont actualisées par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, jour après jour, parfois même heure après heure.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, au 4 mars, 12 cas de personnes testées positivement au coronavirus Covid-19 ont été recensés dans le département de l’Aisne, dont, dans ma propre commune, un homme âgé de 56 ans, transporté par les pompiers au centre hospitalier de Laon alors qu’il se trouvait en insuffisance respiratoire.

Mon interrogation porte sur les conditions de prise en charge des malades identifiés dans les départements ruraux comparables à l’Aisne, éloignés d’un centre hospitalier universitaire. La situation de notre pays exige unité, coordination, totale transparence et confiance dans notre système de santé. Toutefois, nous savons tous que notre système hospitalier est en difficulté, parfois déstabilisé.

Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que dans tous les départements, y compris ceux qui ont les structures hospitalières les moins développées, les moyens humains et matériels sont bien en place pour accueillir les premiers malades et faire face, peut-être prochainement, au stade 3 de l’épidémie ?

Ma seconde question porte, en miroir, sur la médecine de ville, appelée, pour ne pas engorger les hôpitaux, à prendre en charge les malades atteints par des formes bénignes. Les médecins généralistes sont prêts à assumer cette responsabilité.

Néanmoins, ceux avec lesquels j’étais en contact ce matin, au-delà des nombreux mails d’information qu’ils ont reçus, n’étaient toujours pas destinataires de masques de protection. Je me fais ici l’écho de leur sentiment d’abandon et de leur impression que, par rapport à la communication, les actes ne suivent pas !

La question se pose également, et vous avez répondu en partie, monsieur le ministre, du type de masque à utiliser : chirurgical ou FFP2. À ce propos, j’insiste sur les demandes de certains syndicats de médecins. Quelle est la stratégie développée pour la médecine de ville, en particulier dans les territoires ruraux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, votre question est double.

En premier lieu, les hôpitaux sont-ils prêts aux quatre coins du territoire ? Je l’ai dit, désormais plus de 150 hôpitaux sont capables de prendre en charge les patients de A à Z, avec au moins un établissement de santé dans chaque département français, parce que la continuité territoriale de l’accès aux soins en période épidémique est essentielle.

À côté des hôpitaux, il faut considérer la prise en charge pré-hospitalière, notamment avec les transports sanitaires qui remplissent une mission importante.

En second lieu, la médecine de ville est mise à contribution, qu’il s’agisse des médecins, des infirmières et de l’ensemble des professionnels paramédicaux exerçant en secteur libéral, pour nous aider, aujourd’hui et encore plus demain, si l’épidémie se confirme. En effet, nombre de patients sont hospitalisés aujourd’hui non pas en raison de leur état de santé, mais parce que, testés positifs au virus, leur isolement est ainsi garanti. Demain, ils seront traités par la médecine de ville et pourront ensuite retourner chez eux.

Il apparaît donc fondamental que la médecine de ville soit préparée. À cette fin, j’étais hier au téléphone avec Patrick Bouet, président du Conseil national de l’ordre des médecins. Je lui ai demandé que des protocoles extrêmement précis permettent aux médecins libéraux de savoir à quel moment, et sur quels indicateurs cliniques, il convient d’adresser des patients à l’hôpital lorsque l’épidémie passera au stade 3.

Le coronavirus n’est pas le virus de la grippe, même si l’on constate certaines similitudes. Un certain nombre de facteurs doivent alerter sur la nécessité d’hospitaliser des patients, alors même qu’ils ne présentent pas forcément de symptômes graves.

Sur l’équipement des médecins, je complète ma réponse en indiquant que les masques chirurgicaux et anti-projections continuent à être livrés dans les officines. Nous avons progressivement privilégié des territoires, tels que l’Oise, là où la circulation du virus se révèle la plus active.

Monsieur le sénateur, je déplore que de nombreuses personnes non éligibles au port du masque, car non soignantes et sans aucune fragilité physique avancée, aient stocké des masques, au cas où. Quand on veut créer les conditions de la pénurie, on se précipite tous au même moment pour acheter un produit…

Il n’y a pas de pénurie. En revanche, des voies d’acheminement apparaissent progressivement, de façon adaptée, car il nous faut maintenant gérer nos stocks de masques « en bons pères de famille », si j’ose dire, afin de traverser une épidémie dont la durée est incertaine, tout en garantissant la protection systématique des soignants et des personnes les plus fragiles.