Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, merci à nos collègues de gauche de faire la démonstration, une fois de plus, de leur obsession. Alors qu’ils préparent une proposition de loi tout ce qu’il y a d’intelligent, que tout le monde devrait pouvoir signer des deux mains, concernant la protection de l’enfance, voilà qu’ils se débrouillent encore pour essayer de nous faire passer la pilule de l’immigration massive.

Mme Françoise Laborde. Quelle horreur !

M. Stéphane Ravier. Vous ne pouvez pas vous en empêcher – c’est plus fort que vous ! Si vous faites une loi pour les petits Français, vous vous sentez obligés de la faire aussi pour les immigrés. En période de crise sanitaire, alors qu’une crise économique sans précédent va nous tomber dessus et que des millions de Français vont peut-être se retrouver au chômage et, qui sait, à la rue avec leurs enfants, vous n’avez qu’une seule priorité : les autres, encore les autres, toujours les autres. Voilà pour la logique délirante de votre proposition.

Mais venons-en au fond, qui est tout aussi dingue. On dirait que vous envoyez un message à l’Afrique, continent économiquement sinistré où la démographie explose, dont environ 40 % des habitants ont moins de 15 ans. (Mme Françoise Laborde se bouche les oreilles en signe de protestation.) Vous êtes en train d’expliquer à 500 millions de jeunes Africains que, s’ils viennent illégalement chez nous, ils seront accueillis à bras ouverts, et que la France pourvoira à tous leurs besoins. On le sait – cela a été dit ici même, dans cet hémicycle : les fameux « mineurs isolés » seraient en réalité majeurs à plus de 70 %. Mais comme la gauche et la droite ont refusé de rendre obligatoires les tests osseux, on reste dans le flou – cachez ces clandestins que vous ne sauriez expulser !

Ces mineurs isolés pourront, selon les termes de votre article 6, être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance jusqu’à leurs 21 ans. Autrement dit, un étranger, entre 18 et 21 ans, pourra faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, mais en même temps être pris en charge par l’ASE, c’est-à-dire par les départements. D’ailleurs, pourquoi 21 ans ? Pourquoi pas 22, 30, ou 40 ans ?

Vous allez en outre dévoyer, avec l’article 11, le principe même de la nationalité française, puisqu’en cas d’adoption simple, c’est-à-dire lorsque l’enfant conserve ses liens avec sa famille biologique, il sera quand même naturalisé français.

L’article 15 est un exemple du laxisme le plus total : alors que, pour obtenir une carte de séjour à titre exceptionnel, les mineurs non accompagnés doivent aujourd’hui être en formation professionnelle depuis au moins six mois, vous voulez supprimer le caractère exceptionnel de la délivrance du titre et souhaitez que la carte soit délivrable dès le jour de l’entrée en formation.

En résumé, vous attirez d’abord sur les routes de la mort, en Méditerranée, des centaines de milliers de personnes qui viendront bénéficier de notre système social ; vous mettez ensuite tout en œuvre pour qu’elles puissent rester ici toute leur vie ; vous vous apprêtez enfin à créer de toutes pièces des Français avec ceux qui seront arrivés ici et qui parviendront à se faire adopter. Non seulement vous porterez une lourde responsabilité dans les morts qu’il y aura en Méditerranée, mais, en plus, vous allez encore déstabiliser notre sentiment national : comment être une nation si n’importe qui peut devenir Français en un claquement de doigts ?

Votre proposition est non seulement délirante, mais aussi sournoise et malsaine. Vous n’assumez pas vos convictions ; vous vous cachez derrière la protection de l’enfance, à laquelle nous sommes tous attachés. Assumez votre volonté profonde : submerger notre pays d’un tsunami migratoire que vous transformerez en Français de papier. (Marques dindignation sur de nombreuses travées.) Votre obsession est là : la disparition de l’identité de la France !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel.

M. Michel Amiel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par Josiane Costes vise à apporter des améliorations au dispositif en faveur des mineurs vulnérables sur le territoire national ; il faut en remercier notre collègue.

Ce texte est une pierre supplémentaire à l’édifice constitué, il faut le dire, d’un amoncellement de rapports en la matière, issus de l’IGAS, du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), du Parlement, sans oublier les deux grandes lois de 2007 et de 2016, tous ces textes visant à la mise en place d’une stratégie pour la protection de l’enfance.

Si cette proposition de loi est d’essence généreuse, nous restons dans l’attente d’une réforme globale et de grande ampleur, d’ailleurs esquissée par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, au nom du Gouvernement.

Rendre plus facile l’adoption simple des enfants délaissés est une idée certes intéressante ; on peut même se demander si elle va assez loin et s’il ne faudrait pas favoriser purement et simplement l’adoption plénière. Il est vrai que notre culture juridique de la famille donne priorité à la famille biologique, parfois, d’ailleurs, au détriment de l’intérêt de l’enfant. L’occasion m’est offerte de rappeler que l’adoption doit se situer avant tout du côté de l’enfant, et que le droit à l’enfant ne saurait se substituer aux droits de l’enfant. Quelle que soit sa forme, l’adoption doit rester une modalité de la protection de l’enfance : si tout enfant a droit à une famille, tout adulte n’a pas forcément droit à un enfant. Il y a aujourd’hui, en France, beaucoup d’enfants adoptables qui demeurent trop longtemps sans famille ; et, comme vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, nous ne pourrons échapper à une réforme globale de l’adoption, qu’elle soit simple ou plénière, qu’elle se fasse à l’international ou qu’elle concerne des pupilles de l’État.

Si la prise en charge des jeunes majeurs au-delà de 18 ans afin d’éviter une sortie sèche de l’ASE est une nécessité absolue, elle doit, selon moi, faire l’objet d’un dispositif original, sous forme de bourse, par exemple. Pour beaucoup de jeunes en effet, s’émanciper de l’ASE constitue une volonté absolue, que l’on peut comprendre si l’on considère certains parcours particulièrement chaotiques.

Il existe en outre une grande inégalité territoriale entre les départements, pour des raisons idéologiques, mais aussi et surtout, bien souvent, de moyens. C’est pourquoi je plaide pour un pilotage national du dispositif, et pas seulement d’un point de vue observationnel.

À propos des mineurs non accompagnés, rappelons que si, juridiquement, ils relèvent aussi du droit des étrangers, ils sont avant tout éligibles au dispositif de protection de l’enfance, qui n’exige pas de condition de nationalité, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant que la France a signée et ratifiée.

À ce titre, ces mineurs dépendent des départements, et force est de constater, là encore, une grande hétérogénéité. Il y a là une raison supplémentaire, selon moi, d’être en faveur d’un dispositif national, même si, depuis 2013, un protocole a été élaboré entre l’État et l’Assemblée des départements de France pour instaurer une double solidarité, d’une part, de l’État envers les départements, par un appui logistique et financier lors de l’évaluation du mineur et, d’autre part, entre les départements, par un mécanisme de péréquation géographique destiné à équilibrer le nombre de mineurs non accompagnés accueillis, la situation actuelle n’étant guère satisfaisante.

Pour conclure, je veux insister sur ce qui me paraît de loin le plus important, en citant le préambule de l’ordonnance du 2 février 1945 : « Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance […] La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. »

Je défends avec force l’idée que la jeunesse est une priorité et, au-delà des mots, qu’elle doit relever d’une compétence régalienne de l’État, alors qu’à ce jour elle se répartit entre la jeunesse en danger de l’ASE, rattachée au ministère des affaires sociales, la jeunesse réputée dangereuse, confiée à la PJJ et donc au ministère de la justice – le recentrage de la PJJ sur le pénal depuis 2007 me paraît d’ailleurs être une funeste erreur –, et la jeunesse supposée sans problème, relevant, elle, de l’éducation nationale.

Souvenons-nous de la fragilité de l’enfance, et pas seulement dans ses premières années. Un enfant considéré comme normal peut basculer à tout moment, et si un enfant en danger peut devenir dangereux, un enfant dangereux, lui, est toujours en danger.

Insistons encore et toujours sur l’importance de la prévention dans le domaine sanitaire – Mme Doineau l’a rappelé : si l’on dépiste précocement un trouble psychiatrique de l’enfant, il peut guérir –, mais aussi dans les domaines familial et social. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces dernières années, le législateur s’est régulièrement emparé de la cause des enfants, sous la triple influence d’une prise de conscience à l’échelon national de l’incidence des violences intrafamiliales dont certains enfants sont victimes ; d’un contexte international dramatique fait de guerres et de crises économiques jetant sur les routes et sur les mers des familles avec enfants, mais également des jeunes isolés venant frapper aux portes de l’Europe ; d’un mouvement juridique intervenu au plan international.

Bien sûr, des glissements sociétaux ont préparé ce changement de paradigme, en France et dans le monde. Ainsi, la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, contraignante, a consacré le changement de regard des adultes sur les enfants et produit des jurisprudences dont nous ne mesurons pas encore toute la portée. Relevons encore des initiatives non contraignantes, comme la Déclaration de Genève de 1924 ou la création de l’Unicef en 1947.

Ces dernières années, les occasions législatives de rendre les droits des enfants plus effectifs se sont multipliées de façon transpartisane. Je pense, bien sûr, à la loi de 2016 sous le précédent quinquennat, comme cela a été rappelé, et plus récemment à l’adoption de la loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires ou de la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille. Ces initiatives ont permis de rendre visible la vulnérabilité de certains mineurs du fait de relations familiales toxiques, trop fragiles ou inexistantes. Vous connaissez aussi mon engagement pour la lutte contre les violences sexuelles sur les mineurs et contre l’inceste.

Dans un premier temps, la médiatisation de ces violences a permis de sensibiliser la population et de lever les tabous dans toutes les institutions : familiales, scolaires et même ecclésiastiques.

Dorénavant, la problématique se déplace vers la question de la prise en charge des mineurs vulnérables. Ces derniers mois, plusieurs reportages ont mis en lumière les limites de notre système de protection de l’enfance et l’insécurité qui peut à la fois découler du manque d’encadrement et de l’instabilité des parcours pour ces jeunes.

C’est dans ce contexte que notre collègue Josiane Costes, forte de son expérience de conseillère départementale et d’enseignante, a décidé de s’engager pleinement devant le Sénat pour défendre sa proposition de loi, soutenue par le groupe du RDSE. Très soucieuse d’améliorer la protection des mineurs, elle a voulu mettre toutes ses convictions au service de ceux-ci, afin de leur donner un cadre de vie décent, en particulier aux plus vulnérables d’entre eux.

C’est un sujet qu’elle soutient depuis de nombreuses années ; je tiens à lui rendre hommage pour cette initiative parlementaire qui ne se contente pas de dénoncer les limites du système de protection de l’enfance actuel. Elle vise également à apporter des solutions destinées à tous les mineurs vulnérables, français et étrangers – je ne ferai aucun commentaire sur ce que j’ai entendu précédemment, d’autant que je n’ai pas tout écouté puisque je me suis bouché les oreilles ! –, placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance.

Ses propositions reposent sur le constat de l’affaiblissement budgétaire des départements, qui est malheureusement une tendance structurelle. Cet affaiblissement est lié, en partie, à la performance croissante de la détection des cas problématiques, notamment depuis la loi de 2016 : mieux on détecte les cas de maltraitance, plus nombreux sont les enfants à être pris en charge, c’est mathématique !

Mais surtout, la difficulté financière des départements est liée à l’aggravation de la situation sociale sur notre sol, au renforcement des inégalités et à l’émergence de nouveaux « publics » des services sociaux : les personnes admises à l’asile et les mineurs non accompagnés.

Sans un effort financier supplémentaire substantiel de l’État, il est à craindre que la qualité de la prise en charge des mineurs ne pâtisse de la dégradation de la situation financière des conseils départementaux.

Dans sa tâche, ma collègue s’est attachée à adopter une philosophie positive et à poursuivre les travaux dans la direction de la loi de 2016, qui avait en particulier réformé l’adoption simple en la rendant irrévocable durant la minorité.

Toutes les propositions contenues dans ce texte tendent, en réalité, à ce que l’enfant puisse bénéficier d’une plus grande stabilité, d’un accueil dans la dignité et le respect de ses droits, rendant possible un accès à l’éducation, sans être balloté entre sa famille biologique, les foyers et les familles d’accueil, mais tout en préservant son droit à connaître ses origines.

Il s’agit de s’élever au-dessus des oppositions classiques de la protection de l’enfance entre, d’une part, la préservation absolue des liens biologiques et, d’autre part, l’idéalisation d’une protection étatique, et ainsi de sortir de tout dogmatisme, ce qui, comme vous le savez, mes chers collègues, est un souci constant des membres du groupe du RDSE. On confond trop souvent encore l’intérêt supérieur de l’enfant et celui de ses parents.

De façon indirecte, ces nombreuses propositions pourraient permettre de repenser l’action des départements au moment où la prise en charge des jeunes majeurs et des mineurs isolés étrangers bute essentiellement sur la question financière, comme l’a montré très récemment l’examen de la proposition de loi Bourguignon à l’Assemblée nationale.

Rappelons que, selon les chiffres de l’Assemblée des départements de France (ADF), en 2019, la seule prise en charge des mineurs isolés étrangers s’est élevée à 2 milliards d’euros. C’est pourquoi il est apparu nécessaire que ces propositions soient présentées dans le texte qui comporte également d’importantes propositions de simplifications administratives en direction des mineurs non accompagnés, lesquels continuent de se trouver dans un angle mort de nos politiques publiques.

Ainsi, avec Josiane Costes, mon groupe espère ouvrir des travaux sur l’adaptation de la protection de l’enfance à ces nouveaux paradigmes juridiques et sociétaux, afin de renforcer l’égalité des chances de tous les mineurs présents sur le sol de la République.

Nous sommes tout à fait favorables, d’une part, à ce que le débat puisse se poursuivre dans les deux chambres, dans un esprit de coconstruction respectueux du travail parlementaire et, d’autre part, à ce que tous les acteurs concernés puissent être associés à cette démarche, comme le permet la navette parlementaire. Sa lenteur a parfois des vertus ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Xavier Iacovelli et Mme Viviane Artigalas applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons donc ce matin cette proposition de loi issue d’une initiative de Josiane Costes.

Les débats relatifs à la protection de l’enfance font souvent suite à des faits divers qui marquent profondément l’opinion publique ; ils se déroulent fréquemment sous le coup de l’émotion et sans véritable recul. C’est pourquoi je veux saluer le travail apaisé et délicat réalisé par l’auteure de cette proposition de loi, nous donnant l’occasion ce matin de parler sereinement de cette question sensible, mais passionnante. Ce texte aborde trois grands sujets.

Premièrement, il vise à consolider la prise en compte de l’intérêt des mineurs délaissés et des pupilles de l’État. Cela se traduit par deux idées fortes, à savoir renforcer la déclaration judiciaire de délaissement et favoriser le recours à l’adoption simple.

En octobre dernier, à la suite de la mission qui nous a été confiée par le Premier ministre, ma collègue députée Monique Limon et moi-même vous avons remis, monsieur le secrétaire d’État, un rapport sur l’adoption, partant du constat que le nombre d’enfants confiés au titre de la protection de l’enfance était en augmentation et que, dans le même temps, le nombre d’adoptions des pupilles de l’État était en diminution. L’occasion m’est donnée aujourd’hui de vous remercier de nouveau de la confiance que vous nous avez alors accordée. Le renforcement de la procédure de déclaration judiciaire de délaissement était une des préconisations que nous formulions.

Pendant longtemps, il a été considéré que le maintien des liens biologiques devait être la priorité. Toutefois, depuis plusieurs années, on estime que c’est l’intérêt de l’enfant qui doit prévaloir.

L’épanouissement d’un enfant ne passe pas nécessairement par le maintien d’un lien continu avec ses parents biologiques. Les différents services de la protection de l’enfance en font quotidiennement le terrible constat. L’occasion m’est donnée de les remercier de tout le travail qu’ils ont accompli, et de saluer le travail réalisé dans les établissements par les assistants familiaux au cours de la pandémie actuelle.

Partant du constat évoqué précédemment, la loi du 14 mars 2016 a instauré la mise en place de commissions d’examen de la situation et du statut des enfants confiés, les fameuses Cessec. Quatre ans plus tard, un peu moins de la moitié des départements n’a pas encore procédé à la mise en place d’une commission de ce type, non pas par mauvaise volonté, mais parce que les services de la protection de l’enfance sont en tension, confrontés à une augmentation du nombre d’enfants placés et à la diminution du nombre d’assistants familiaux, recherchant sans cesse des places pour accueillir dans les meilleures conditions possible les enfants qui leur sont confiés et pour éviter des prises en charge dans les hôtels. Se pose en arrière-plan, bien évidemment, la question primordiale des moyens financiers dont peuvent disposer les départements pour assurer leur mission.

Un changement de statut pour un enfant devenant pupille et adoptable – adoption simple – paraît évidemment une possibilité sécurisante à la fois pour l’enfant et pour les parents.

Historiquement, l’adoption simple a vu le jour plus d’un siècle et demi avant l’adoption plénière, mais nous savons que la très grande majorité des candidats à l’adoption souhaitent une adoption plénière, alors que le profil des enfants placés et des enfants à adopter a profondément évolué ces dernières années.

Ainsi, la proportion d’enfants dits « à besoins spécifiques » en raison de leur âge, de leur profil psychologique ou de leur handicap a fortement augmenté, rendant, il faut bien le dire, leur adoption plus délicate. Ce n’est bien sûr pas sans conséquence pour les services des conseils départementaux, qui sont les acteurs incontournables de la protection de l’enfance. La pédagogie et l’accompagnement des candidats à l’adoption sont de vrais enjeux, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État.

Dans le même esprit, il serait pertinent de favoriser et de formaliser le parrainage, afin de répondre à la diversité des profils d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.

Deuxièmement, cette proposition de loi aborde la prise en charge des mineurs au-delà de leur majorité. Les conseils départementaux ne sont évidemment pas insensibles à cette question. Ils accompagnent régulièrement des jeunes majeurs, notamment quand ils sont en cours d’études ou en apprentissage.

À l’inverse, il faut le souligner, et la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales l’a rappelé, il existe des jeunes qui souhaitent voler de leurs propres ailes dès leur majorité et ne veulent surtout plus être accompagnés par les services de la protection de l’enfance. Il nous faut peut-être accepter la diversité des situations.

Enfin, troisièmement, cette proposition de loi concerne les mineurs isolés étrangers. La plupart des départements ont été confrontés à une arrivée massive de mineurs non accompagnés. Il est à noter que depuis la mise en place du fichier biométrique que nous attendions et que le Sénat appelait de ses vœux, le nombre d’arrivées a stagné, à défaut d’avoir diminué.

En Charente-Maritime, afin de faciliter les démarches administratives au moment de la majorité de ces mineurs non accompagnés et de l’arrêt de la prise en charge par le conseil départemental, nous avons fait le choix de travailler étroitement avec les services de l’État, afin d’anticiper la sortie de ces jeunes du dispositif dans les meilleures conditions et d’éviter toute sortie sèche.

Nous l’avons vu, ce texte balaie plusieurs champs de la protection de l’enfance. Si je partage les propositions visant à favoriser l’adoption simple et le parrainage, je préfère attendre et revoir ces sujets à l’occasion de l’examen d’un grand texte relatif à l’adoption, rappelant, comme vous l’avez fait, monsieur le secrétaire d’État, que l’adoption, c’est d’abord donner une famille à un enfant. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe LaREM.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Je remercie Mme Josiane Costes de l’occasion qu’elle nous offre d’échanger sur plusieurs aspects d’un sujet majeur, en particulier sur les mineurs étrangers isolés, question que j’ai suivie lors de l’examen des textes législatifs relatifs à l’asile et à l’immigration.

Nous étudions cette proposition de loi à un moment très particulier puisque la période de confinement s’est malheureusement accompagnée d’une hausse très importante des violences intrafamiliales, en particulier des violences sur les enfants, selon les statistiques qui ont été communiquées ces derniers jours.

À la suite de cette période, il est probable qu’énormément de familles seront déstabilisées par la situation sociale et salariale. Elles seront peut-être affectées par une perte de revenus. À cela s’ajoute la question de la capacité à envoyer les enfants à l’école et à faire face à différents défis. Il est donc à craindre des situations de violence.

La proposition de loi que nous examinons appelle quelques remarques importantes. Si éloigner un enfant de ses parents biologiques peut être une nécessité, en particulier en cas de violence avérée, nous devons veiller à faire en sorte qu’un tel éloignement soit très exceptionnel et autant que possible réversible. Il ne faut jamais accélérer les processus de destruction de famille.

Nous estimons que le maintien du lien est dans l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi l’actuel délai de délaissement de douze mois nous semble un équilibre qu’il ne faudrait pas remettre en cause. Au vu de ce qui se passe dans d’autres pays, six mois seraient probablement pour les enfants de moins de 3 ans un facteur de graves dérives. Il faut de toute façon aider les parents qui sont déstabilisés dans un moment passager à reconstruire le lien avec leurs enfants.

L’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France en 1990 précise d’ailleurs que sauf maltraitances avérées les États doivent veiller à ce que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents contre leur gré. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics d’aider les parents à garder autant que possible un lien avec leurs enfants, même lorsqu’ils font face à une dépression, à une maladie, à un moment d’égarement particulièrement grave. Même dans ce cas, il ne faut pas que les conséquences soient systématiquement irréversibles.

C’est la raison pour laquelle nous nous opposerons à l’idée de la présomption de désintérêt pour les parents des mineurs étrangers isolés. Laisser partir son enfant ne constitue pas nécessairement une démarche d’abandon ; c’est parfois, dans le déchirement, l’expression de la volonté de le voir échapper à une vie infernale, à la misère, à l’exploitation. Une appréciation de cet acte devrait-elle de surcroît entraîner des conséquences sur la relation entre les parents et leur enfant ?

Je ferai maintenant quelques remarques sur la question de la nationalité. Eu égard à la manière dont on peut transmettre la nationalité française par une adoption plénière par rapport à l’adoption simple, il y a un petit décalage qui mérite d’être étudié. Enfin, il existe aussi une difficulté par rapport à la situation des pays qui n’acceptent pas une double nationalité.

L’aide sociale à l’enfance est une mission essentielle et l’engagement de ses acteurs doit être salué. Les statistiques qui ont été citées témoignent non pas de l’échec de l’ASE, mais de la difficulté de sa mission.

En particulier pour les jeunes étrangers, se pose la question de la rupture après 18 ans. Quelle différence entre un jour de plus et un jour de moins ? Nous avons tous été parents et nous savons que les jeunes, quel que soit leur âge, ont tous besoin d’accompagnement. C’est encore plus vrai pour ceux qui ont eu une enfance particulièrement compliquée. L’une des difficultés actuelles est donc de prévoir un accompagnement après 18 ans.

Les mesures proposées nous semblent aller dans le bon sens. Il est essentiel de simplifier les parcours administratifs et d’examiner la question des titres de séjour. Il faut aussi rejeter les tests osseux. Je regrette la position du Sénat lors de l’examen de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, une coupure ayant été instaurée pour les mineurs isolés dès qu’ils atteignent l’âge de 18 ans. De ce fait, un maximum de chances ne peut pas être donné à ces jeunes, qui ont pourtant été aidés avant leurs 18 ans.

Enfin, l’ASE doit rester une priorité nationale. Elle a besoin de moyens, en particulier pour accompagner les familles d’accueil. Je vous remercie, ma chère collègue, de la démarche que vous avez engagée en ce sens.

Monsieur le secrétaire d’État, dans les dix secondes de temps de parole qu’il me reste, je souhaite vous interroger sur un sujet qui n’a rien à voir avec la proposition de loi, mais qui me semble important. Sans aborder directement le débat de la gestation pour autrui, la GPA, les restrictions de circulation en Europe ont des conséquences dramatiques pour les enfants nés par GPA, en particulier en Ukraine.